Mourir ? Le corps de Freyja se tendit. « L-la tuer ? Atoz, on va pa- » - « On n’a pas le choix. » Elle voulut s’arc-bouter, mais le pied de la femme l’écrasa d’autant plus contre le sol. « Dépêche-toi avant qu’elle n- » L’Ange déploya ses ailes. Atoz bondit et la frappa violemment sur la tempe. Elle retomba, inerte. « Imbécile ! Elle a failli s’échapper ! » - « Et tu ne l’as pas tuée ! » Derrière la femme, un autre homme ricana. « Pourquoi le ferait-il ? C’est tellement plus simple de demander aux autres de se salir les mains pour soi. » - « C’est pour notre cause ! » se justifia maladroitement l’accusé. « Elle nous a vus, elle sait, on ne peut pas la laisser en vie. » - « Vas-y, alors. » La deuxième Chevalière lui tendit une épée. « Abats-la. » Résolu, il articula : « Très bien. » Il attrapa l’arme par sa garde et la brandit au-dessus de sa tête. Alors qu’il allait frapper, une épaisse fumée noire fondit sur lui. Dans un tourbillon de hurlements, elle l’enveloppa. Sous la danse acharnée de la volute, on put discerner le crépitement de sa peau. Des pustules y gonflèrent, avant d’éclater aussi brusquement qu’elles étaient apparues. On aurait dit qu’il brûlait de l’intérieur. Ses cris ressemblaient au chant du métal en flamme plongé dans l’eau. La femme qui maintenait l’Ange au sol s’écarta d’un bond, effrayée. Celle qui avait tendu l’épée lui attrapa vivement le bras. Ses ongles se plantèrent dans sa chair, mais ni l’une ni l’autre n’était capable de crier. Seul l’homme ne bougeait pas. Il s’avança vers le corps de l’Immaculée et s’accroupit pour prendre son pouls. « Juste assez tôt pour te sauver la vie, et juste assez tard pour que tu ne refasses plus quelque chose d’aussi stupide. » dit-il simplement, avant de se relever. « D-Dagobert ? » Ses yeux s’ancrèrent sur les deux Chevalières. Il s’approcha, elles reculèrent. « Tu es un Sorcier ! » - « Non, Dagobert était bien un Magicien. » Entre ses doigts, il faisait rouler un anneau argenté. « Où est-il ? Qu’est-ce que tu as fait de lui ? » La blonde suffoqua et pressa ses mains sur sa poitrine. Une large tache rouge imbibait sa tunique au niveau de son cœur. Son corps s’écroula. Sa partenaire poussa un cri. Moins d’une seconde plus tard, son cadavre rejoignit celui de sa camarade, une mousse blanche aux bords des lèvres. Le Sorcier regarda autour de lui. Tous les Chevaliers étaient occupés par le tournoi avec les Dragonniers. Il pivota vers l’Aile d’Acier, et retourna s’accroupir près d’elle. Ce faisant, les dépouilles, la tente, la table, les chaises, et tous les effets personnels des macchabées disparurent, rongés par des nuées invisibles.

Les doigts du Mage Noir coururent sur la joue de l’Immaculée. La teinte vive du sang tachait sa peau rendue blême par l’inconscience. Il l’avait vue sous bien des lumières. Parfois tannée par le soleil, rougie par la colère, bleuie par le froid, assombrie par la nuit, ou même rosie par le désir. Superficiellement et intimement, il la connaissait. Il avait été le témoin silencieux de ses états d’âme. Il avait noté ses malheurs et ses bonheurs et dressé un rapport de chacun. Durant des heures, il avait résisté à tout ce qu’elle tentait inconsciemment d’insinuer en lui, toutes ces vertus que sa magie voulait annihiler. Autour de son index, il enroula l’une de ses mèches. Ce n’était pas la première fois qu’il la touchait. Il passait tant de temps à la suivre que cette surveillance s’était muée en étude, et cette étude était devenue savoir. Pourtant, par moment, elle le surprenait encore, et c’était dans ces moments-là qu’il l’aimait le plus, parce qu’elle lui donnait envie de la tuer. Elle se croyait tout permis. Comme si elle pouvait, d’un souffle, bouleverser l’ordre établi. Comme si elle pouvait échapper à tout contrôle. Il la haïssait, quand elle le surprenait. Mais c’était aussi pour cela qu’il prenait tant son travail à cœur. Elle n’était pas une cible ennuyante. Si, au début, il s’était questionné, désormais, il comprenait pourquoi elle intéressait le Grand Chaos. Cette femme avait quelque chose d’intriguant. Il posa sa main sur sa nuque et diffusa une intense douleur dans son crâne, de sorte à ce qu’elle se réveilla. Avant qu’elle n’ouvrît les yeux, il avait disparu. C’était toujours ainsi : il vivait dans son ombre.