Le Deal du moment :
ETB Pokémon Fable Nébuleuse : où ...
Voir le deal

Partagez
 

 [Q] - Sdan Houd | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3876
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Ven 19 Fév 2021, 08:28




Sdan Houd

Solo | Priam & Laëth


RP précédents : Pour la Terre Blanche et Elève et maître (?).

Intrigue : Priam et Laëth réagissent aux derniers événements qui ébranlent le monde réprouvé.


Allongée sur le canapé, Laëth inspira l’odeur tendre des roses blanches. Le matin, elle s’était rendue au marché, et en avait acheté. Le bouquet reposait contre son cœur. Elle ne les avait pas choisies par hasard. Ceux qui parlaient le langage des fleurs s’accordaient à dire qu’elles exprimaient les sentiments sincères et les loyautés indéfectibles. C’était ce qu’elle voulait communiquer. Au-delà de cette signification, elle avait toujours eu une affection particulière pour les épineuses immaculées. Elle ne se l’expliquait pas – et ne cherchait pas à le faire –, pourtant, il existait une raison. L’une d’elles, une seule, immatérielle et chimérique, la liait à quelqu’un qu’elle aimait. Sans son intervention onirique, la rose au poing, peut-être ne l’aurait-elle jamais aimé. Peut-être lui aurait-il épargné bien des souffrances et bien des joies s’il avait décidé de ne pas marcher dans son rêve. S’il n’avait pas comblé le manque qui creusait sa poitrine. S’il ne lui avait pas promis d’être toujours là pour elle, quand il lui semblait que tous l’abandonnaient. Son cœur aurait-il faibli sous l’assaut de son regard, lors de ce bal ? Son corps aurait-il rougi de la proximité du sien, dans ce labyrinthe ? Son esprit aurait-il voulu comprendre cet homme et ses sentiments si inattendus ? Son âme aurait-elle ainsi ouvert ses portes, laissant s’engouffrer le Bien et le Mal sans distinction aucune ? Aurait-elle appris à aimer ce qui aurait toujours dû être honni ?

L’Aile d’Acier se leva. Elle se pencha sur la table basse, attrapa la plume et nota sur un carré de papier cartonné :

Je serai toujours là pour toi. Prends soin de toi.

Je t’aime,

Laëth

Quelques minutes plus tard, elle faisait expédier son colis à l’adresse du Baron Paiberym – grâce à l’intervention de son magnifique pigeon voyageur, Priam. Lorsque le Magicien était venu manger chez elle, elle avait renoncé à son désir de devenir Gardienne. Elle avait ployé sous le poids de la peine qu’elle lui infligeait. Elle avait préféré préserver ce qu’elle avait. Le protéger, le choyer. Quant à la dernière fois qu’ils s’étaient vus, elle avait appris qu’il avait perdu un frère. Devaraj. Kaahl était parti aussi vite qu’il était apparu, si bien qu’elle n’avait pas eu le temps de lui demander s’il voulait en parler, s’il avait envie de se changer les idées, s’il souhaitait rester seul ou s’il désirait le réconfort de ses bras. Depuis, ils n’avaient pas eu l’occasion de se revoir, ou pas suffisamment longtemps, pas assez intimement. L’Ange ressentait le besoin de le rassurer – ou de se rassurer ? – sur la force de son amour et de lui promettre son soutien.

« Laëth ? Tu es prête ? » Priam – l’Ange, pas le pigeon – entra dans le salon. Elle releva la tête. « Oui. » Elle lui sourit. « Dis donc, j’ai vu ça en passant, tout à l’heure… elles font drôlement bien habillées, les fringues, dans ton sac. » Une grimace étira les traits de son aîné, qui leva les yeux au ciel. Il aurait l’air très élégant dans son costume bleu roi. « Ouais. Espérons que cette fois-là, on ne croise pas les parents. » - « Off, ce serait bien, ils changeraient un peu de bouc émissaire. » se moqua-t-elle, avec une pointe d’amertume au fond de la langue. Un sourire en coin collé aux lèvres, il s’approcha et lui ébouriffa les cheveux. « Sois pas ronchon comme ça, on dirait un petit cochon. » Elle lui tira la langue, une lueur malicieuse au fond des yeux. « Fais gaffe, ça mord. »

La présence de Priam était requise pour entamer les discussions sur de potentiels accords entre les Anges et les Réprouvés de Keizaal. La scission était actée. La capitale se détacherait du reste de ses territoires. La nouvelle avait particulièrement ébranlée les deux Anges. Bien que leur famille considérât les gens de Stenfek comme des incapables ayant besoin de recourir à la magie, des pédants qui pétaient tellement plus haut que leurs fesses qu’ils ne sentaient plus l’odeur de leurs pets et des intellectuels qui ne savaient pas se servir de leurs deux mains sans se trancher un bras ou une jambe, elle avait pour cette terre l’attachement des chauvins et des conquérants. La savoir arrachée par la volonté du peuple créait dans le cœur des Belegad un sentiment de trahison, plus prégnant chez les parents que chez les deux enfants Immaculés. Mais tout de même. C’était la fin d’une ère, la fin d’un monde ; et le début de deux autres, dont ils pouvaient être les acteurs plus que les spectateurs.

Leur importance grandissait, et avec elle, le poids de leurs responsabilités. Ils s’intriquaient dans des intrigues qui les dépassaient ; ou on les y jetait. Des rumeurs couraient. « Tu crois que les Réprouvés que vous allez rencontrer… » Laëth s’arrêta. Elle cherchait la meilleure façon de formuler son propos. « Tu crois qu’ils vont être d’autant plus « revendicateurs » qu’ils pensent que les Réprouvés ont précédé les Anges ? Enfin, tu crois qu’ils sont si nombreux à penser ça ? Que ça peut aussi concerner beaucoup de gens dans les hautes sphères ? » Soudain plus sérieux, Priam la sonda. « Je ne sais pas. » Il inspira. « Mais ce qui est certain, c’est que ces hypothèses ont ravivé les souvenirs douloureux qu’ont laissés les guerriers angéliques et démoniaques, et des siècles de silence. Ça ne concerne pas que Keizaal, mais peut-être qu’ils demanderont des explications et des compensations. Eux, ou les autres territoires, maintenant ou plus tard. » - « Ça te paraît inévitable ? » - « Oui. » - « À moi aussi. » Ils avaient la nature des Immaculés mais le vécu des Manichéens. « Et nous ? » Leurs iris se scrutèrent. Cet échange sans paroles portait de nombreuses réponses. Puis, le brun résuma les choses avec humour : « Ils ne pourraient plus dire que nous sommes de faux Anges. » Puisque ce seraient eux, qui ne venaient pas de la souche et qui avaient travesti leur culture et leur éducation au fil des millénaires. L’Aile d’Acier sourit.

En réalité, les rumeurs les tourmentaient. Elles remettaient en cause ce qu’ils étaient, ce qu’ils aspiraient à être, le regard des autres et le leur – et puis, des années et des années d’Histoire. La construction des récits des peuples concernés, comme un château de cartes, tanguait sous l’assaut de vents contraires. La vérité échappait. Si rien ne venait confirmer les suspicions des Bipolaires, rien ne les infirmait non plus. Rien n’indiquait, sinon des textes écrits par des Anges et des Démons, qu’elles étaient fausses. L’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs : c’est un fait qu’on ne doit jamais oublier. Ils peuvent arranger la vérité pour la tourner à leur avantage. S’ils avaient tort, alors tout ce que le monde croyait vrai n’était qu’une vaste toile de mensonges. S’ils avaient torts, les Anges, comme les Démons, se seraient exclusivement construits dos aux Réprouvés. Nés de leurs entrailles et éduqués par eux, ils auraient éprouvé le besoin de s’en détacher – sans doute poussés par leur nature différente. Et ils auraient mis l’accent sur leurs divergences, jusqu’à se sentir parfaitement à part, individuels, exceptionnels, uniques. Comme Laëth, comme cette fille qui ne s’était jamais sentie à sa place parmi eux, comme cette fille qui avait préféré trahir sa famille que de continuer à s’oublier.

Lorsqu’ils furent prêts, les deux Belegad enfourchèrent leurs chevaux. Ils se rendraient ainsi jusqu’à Keizaal. Le trajet fut ponctué de quelques courses – des galopades endiablées à travers les plaines –, de taquineries, de rires et de discussions plus joviales que sérieuses.

Parvenus dans leur résidence, ils prirent le temps de se laver et de préparer un bon repas. Une fois à table, ils se hâtèrent de manger – la chevauchée avait creusé leurs estomacs. La conversation s’animait et se calmait en suivant les remous de leurs esprits. Le futur mariage de Laëth occupait une grande partie de ses pensées, et c’est pourquoi elle s’exclama soudain, la bouche presque trop pleine pour prendre la parole : « Il faudra trop qu’on mange ça, au mariage ! » Priam releva les yeux. Un demi-sourire couvrait ses lèvres. Il vacilla, puis s’effaça. Sa sœur le perçut et cligna des yeux. « Quoi ? » - « Tu vas vraiment l’épouser ? » Elle fronça les sourcils. « Oui. Tu ne vas pas recommencer, hein ? » - « Non non, mais je… » Il l’observa. « En contractant un mariage magicien, tu sais ce que tu risques… Tu seras sans doute mise au ban. » Le visage de sa cadette se referma aussitôt. « Je n’imagine pas ma vie sans lui. » Survivrait-elle seulement, s’il venait à disparaître ? Ou s’il l’abandonnait ? S’il la rejetait ? Elle savait que l’amour pouvait s’épuiser. Peut-être que cela lui arriverait aussi un jour, peut-être que ce serait elle qui partirait. Mais rien n’était écrit. Au demeurant, elle était persuadée qu’on aimait toujours ceux qu’on avait aimés un jour. Rien ne tue l’amour. « C’est plus important que ta place parmi les Anges ? » Percutée par la question, l’Aile d’Acier sentit les larmes lui monter aux yeux. Sa lèvre trembla. Elle souffla, puis lâcha : « Je l’aime tellement, Priam. » Il serra les dents. Il avait bien compris que rien ne pourrait défaire sa sœur de l’affection qu’elle éprouvait pour le Baron. Il avait fini par accepter ses sentiments féroces et entiers. Néanmoins, il refusait de la voir se perdre pour les beaux yeux d’un homme. Il refusait le malheur qu’elle semblait tant vouloir s’imposer. Il comprenait l’injustice qu’elle devait ressentir et lui aussi éprouvait l’envie de réformer les mœurs angéliques ; mais qu’y pouvaient-ils, maintenant et en l’état ? De ce point de vue, ils n’étaient personne. « Et puis c’est idiot, de ne reconnaître qu’un seul type de mariage. Surtout un mariage comme celui-ci… Et si ça se passe mal ? Si on veut se séparer et refaire nos vies ? Et si, finalement, j’ai un Protégé ? Je sais, j’ai tiré un trait là-dessus, mais peut-être que dans quelques années, quelques décennies ou quelques siècles… » Oui. C’était idiot. Elle avait raison ou, en tout cas, il était d’accord. « Et si tu tombes enceinte ? » Un orage gronda dans les prunelles de Laëth. « Parce que tu crois vraiment que les Anges qui tombent enceintes hors mariage angélique donnent naissance à des monstres ? Ou qu’on est stériles ? Tu crois vraiment qu’un mariage peut accorder la bénédiction nécessaire à l’enfantement ? Et comment elles font, les Anges restées chez les Réprouvés ? Elles tombent jamais enceintes, elles accouchent pas ? » Tout ce dont on pouvait être certains, c’était que les Anges n’étaient pas capables de donner naissance à des Anges. Le reste ne reposait que sur des on-dit. « Non. Je n’ai pas dit ça. Mais il paraît que celles qui tombent enceintes hors mariage disparaissent. » Les doigts de la jeune femme se serrèrent autour de la nappe. « Qu’est-ce que tu sous-entends ? » Le silence s’installa. Puis, Priam soupira. Il s’appuya contre le dossier de sa chaise et renversa la tête en arrière. Il sentait sur lui le regard de sa cadette. Lorsqu’il se redressa, ses prunelles plongèrent dedans. « Il y a quelque chose que je dois te dire. » Un secret qu’il gardait depuis trop longtemps.



Message I – 1905 mots




[Q] - Sdan Houd | Solo 1628 :


[Q] - Sdan Houd | Solo 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3876
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Jeu 18 Mar 2021, 22:48




Sdan Houd

Solo | Priam & Laëth



« Au Bal des Douze Cycles Lunaires… J’ai dansé avec Erza. » Son regard confronta celui de sa sœur. L’incrédulité y régnait. « Quel est le rapport ? » - « J’y viens. » Il se racla la gorge. « Ce que j’ai à te dire est troublant, d’accord ? Et je sais que venant d’Erza, ça peut paraître biaisé. J’ai moi-même eu du mal à y croire, a posteriori. » Sur le moment, il avait bu les paroles de la Dovahkiin. Il les avait acceptées comme si elles coulaient de source. C’était il y a bien longtemps. Avec l’expérience, sa crédulité avait diminué. « Mais plus j’y réfléchis, plus je suis convaincu de la véracité de ses propos. » Laëth se tortilla sur sa chaise, impatiente. « Tu dois me promettre de ne rien dire à personne, d’accord ? C’est trop délicat, ça pourrait bouleverser beaucoup trop de choses et… » Il s’interrompit. « C’est pour ça que je ne te l’ai pas dit tout de suite. Pour ça et parce que j’étais encore moins sûr de moi qu’aujourd’hui. » Après un silence, elle jeta : « Tu seras génial en politique. » - « Hein ? » - « Tu as un don pour faire des introductions à rallonge. » Il fronça les sourcils, piqué. « Mais c’est promis. Je ne dirai rien. » Avec lenteur, il acquiesça.

En vérité, il cherchait à gagner du temps. Il ne savait pas par quel pan commencer. Les faits étaient crus, mais les allégations de la souveraine l’étaient tout autant. Il se mordit la lèvre, puis débuta : « Tu te rappelles de la disparition d’Erza ? » Elle hocha la tête. « À cette période, elle a vu Asriel Heylik. » Laëth fronça les sourcils. À l’époque, les tensions entre les Réprouvés et les Anges imprégnaient déjà la géopolitique internationale. Il n’y avait jamais eu mention d’une rencontre officielle entre les deux souveraines. Si leur entrevue avait débouché sur quelque chose, les conséquences ne s’étaient pas fait sentir. Peut-être parce que l’Apakan avait trouvé la mort quelques temps plus tard. « C’est elle qui l’a tuée. » L’Aile d’Acier hoqueta. Ses yeux s’étaient brutalement arrondis et sa bouche entrouverte formait un écrin dévolu à retenir un cri de surprise. « Tu ne dois le révéler à personne, d’accord ? Personne. Tu dois garder le secret comme moi je l’ai fait. » Détisser le mystère qui entourait la mort de la Reine aurait pu conduire à un conflit ouvert. Il savait que Laëth ne s’y risquerait pas. Il supposait aussi qu’elle avait encore une haute estime pour la Dovahkiin, dont elle admirait profondément les qualités guerrières, et un amour encore puissant pour la nation qui l’avait éduquée. Elle opina, le regard dans le vague. Derrière le vert de ses iris, des scènes imaginaires se jouaient, et le passé se réveillait.

Elle se redressa. « Mais pourquoi l’avoir tuée ? À cause de leurs différends politiques ? » - « C’est ce que j’ai compris, oui. D’après elle, Asriel était folle. Si le système de la déchéance s’appliquait encore, elle aurait été Déchue. » - « Qu’est-ce que tu racontes ? » s’insurgea sa cadette, les traits renfrognés et les doigts serrés autour de sa fourchette. Chaque attaque – proche ou lointaine – envers le peuple angélique provoquait souvent ce type de réactions chez la brune. On aurait pu croire que c’était à elle que l’on s’en prenait directement. « C’est ce qu’Erza m’a rapporté. Je n’ai pas connu Asriel, je n’ai aucune idée de sa façon d’être. Mais peu importe. Ce qui compte, c’est ce qu’elle a révélé à Erza au moment de sa mort. » La brune plissa les yeux. « Et qu’est-ce qu’elle a dit ? » - « Que la société dans laquelle on vit n’est pas celle que l’on croit. Ceux qui pèchent ne sont pas « aidés » au sens strict du terme par les autorités compétentes. Ils sont torturés pour être ramenés sur le droit chemin. Enfin, je ne sais pas exactement. Ce qu’Erza a dit, c’était plus quelque chose comme… « ils les torturent pour en faire des pantins dociles ». » - « Des pantins pour qui ? Pour quoi ? » - « Je ne sais pas. Répandre les Vertus ? Combattre ? Espionner ? Travailler dans le domaine de l’avancée magique ? Du génie militaire ? De la médecine ? Je n’en sais rien. » Bien qu’il fréquentât désormais les milieux politiques et bien qu’il eût tendu l’oreille, il n’avait jamais capté de renseignements à ce sujet.

« Elle m’a aussi dit qu’Ahena était une invention de la royauté angélique. » Un silence choqué suivi sa révélation. Dans les prunelles de sa sœur, il vit défiler l’indignation, la colère et l’incompréhension. Elles tourbillonnèrent, jusqu’à se confondre dans une explosion de déception. « Tu racontes n’importe quoi ! Je savais que tu n’aimais pas vivre là-bas, mais à ce point ? » - « Non, ça n’a rien à voir avec ça. Je ne mens pas. » Elle frappa du poing sur la table. « Tu n’as aucune preuve de ce que tu avances ! Ce sont juste des paroles que tu as récoltées auprès de la Dovahkiin, dont le peuple nourrit des idées belliqueuses à l’encontre des Anges. C’est une Réprouvée, Priam, pas la main de la Justice ! Des siècles d’histoire justifient qu’ils n’apprécient pas les Anges. » Il serra les dents. Avant même d’entamer cette discussion, il avait eu conscience qu’elle soulèverait les passions. « C’est vrai. Je n’ai aucune preuve. Mais pourquoi est-ce que je mentirais ? J’ai appris à vivre chez les Anges. Tout n’est pas parfait, mais ma vie là-bas me convient. Je n’ai pas de raison de vouloir décrédibiliser le gouvernement, la société ou quoi que ce soit. » Il s’était intégré. D’abord, malgré lui, et ensuite, parce qu’il l’avait désiré. « Erza n’avait pas de raison de me mentir non plus. Je n’étais rien. Avec les informations qu’elle m’a données, je ne pouvais rien faire d’autre que déclencher une guerre, et je n’étais pas assez stupide pour ça. Alors oui, peut-être qu’elle a pensé à long terme, peut-être qu’elle s’est dit qu’on en viendrait à vouloir renverser le gouvernement… Mais sincèrement, je ne pense pas. Quelles auraient été les chances pour que cela arrive ? Les Réprouvés auraient eu mieux fait d’envoyer des espions ou même une armée pour saper un gouvernement déstabilisé par le décès de sa Reine. Non, vraiment, ils ont bien des défauts, mais ce ne sont pas des manipulateurs. En fait, en me disant ça, elle s’est plus mise en danger qu’autre chose. » De ce point de vue-là, ceux qui connaissaient les Manichéens pouvaient clairement identifier leur tendance à prendre des risques, souvent qualifiée de bêtise. « Elle, et une autre tête couronnée. Quelqu’un qui savait qu’elle allait tuer Asriel et qui n’a rien fait pour l’en empêcher. Elle ne m’a pas dit qui c’était. Mais elle m’a ensuite parlé d’Edwina Nilsson et de ce qu’elle serait prête à faire pour sauvegarder la paix et garantir l’avenir des Magiciens, alors peut-être que c’était elle. » Devant l’air outré de sa sœur, il secoua la tête. « Je ne sais pas. J’ai moi aussi du mal à y croire. Mais peu importe. » Il chassa la question d’un revers de main. En réalité, cela avait de l’importance. Les Anges avaient placé leur vie entre les mains des Mages Blancs. Si certains avaient appris la potentielle duplicité de l’Impératrice Blanche, ils se seraient sans doute – et à raison – sentis trahis. Cette information recelait peut-être même encore plus de pouvoir maintenant que les Immaculés regagnaient leur indépendance. Si ce secret était révélé, il annulerait sans doute toute la reconnaissance qu’ils avaient envers les maîtres de la magie bleue. Ils ne leur étaient plus enchaînés. Ils pouvaient leur tourner le dos. Ce ne serait absolument pas stratégique. Cependant, la politique elle-même ne parvient pas toujours à demeurer rationnelle.

« Les propos d’Erza ne sont pas dénués de sens. Tu as toi-même vu des incohérences. Toi aussi tu te questionnes, sur le mariage, sur l’enfantement, sur les rumeurs. Réfléchis, Laëth. Pense à ce qui est arrivé aux Anges, et essaye d’imaginer comment ils auraient pu réagir pour se relever. Rappelle-toi à quel point ils n’avaient plus rien, à quel point ils étaient à genoux, et demande-toi ce qu’ils désiraient le plus au monde. Demande-toi jusqu’où on peut être prêt à aller pour « le Bien », et surtout, pour le bien de son propre peuple, génocidé, ruiné et dépendant du bon vouloir des autres puissants. Qu’est-ce que tu aurais fait, à leur place ? » La jeune femme le scruta, durant des secondes qui ressemblèrent à l’éternité. Puis, elle dit calmement : « J’aurais voulu reconstruire mon peuple. » - « Comment ? » - « Je ne sais pas… sur des bases solides, pour que tout le monde reste soudé, et en essayant de faire preuve de patience, parce qu’on ne se remet pas si vite d’un génocide… » Elle y croyait à peine. La théorie de Priam faisait son chemin dans son esprit. « Mais la vérité, c’est qu’ils n’avaient pas le temps. Sans l’appui des Magiciens, ils auraient pu être terrassés par n’importe qui. Les Démons auraient pu décider de finir le travail. Asriel aurait peut-être dû être Déchue, mais elle avait au moins compris ça : les Anges n’avaient pas le temps de se reconstruire lentement et correctement. Il fallait bâtir un château de cartes, pour survivre, au moins un temps. Il fallait être prêt à tout pour relancer la démographie et relever le moral de toute une nation. Je ne dis pas que ce à quoi elle a participé est bien. Je dis que le contexte l’explique. Et tout ça justifie que je croie à ce qu’a dit Erza. » Durant quelques secondes, le silence noua leurs gorges. Le cerveau de l’Aile d’Acier tournait à vive allure. « Si c’est vrai, c’est affreux. » Elle s’arrêta. « Ce n’est pas troublant, Priam. C’est révoltant. Tu te rends compte ? » Elle-même essayait de mettre de l’ordre dans son esprit. Les informations étaient trop nombreuses, trop éparses, trop improbables et trop plausibles à la fois. Son amour pour l’honneur et la franchise, sa naïveté et sa bienveillance, et ses propres valeurs lui interdisaient d’y croire. Toutefois, une petite voix lui soufflait des questions et des doutes, et poussait vers elle des réponses déplaisantes. Ce n’était pas impossible. C’était terrible, terriblement possible.

Ce grand revirement renversait sa perception du monde. Elle avait du mal à l’accueillir. Elle se sentait tanguer entre le déni et l’acceptation. L’argumentaire de Priam tenait la route. Mais il était si déstabilisant ! Les révélations sonnaient comme le glas de la fin d’une ère. Leurs implications lui glaçaient le sang. Elle se sentait trahie, même. Elle se souvenait de son enthousiasme, en arrivant aux Jardins. Elle se souvenait des longues heures passées à étudier et prier Ahena. Elle se souvenait de ce qu’elle avait si facilement cru, sur l’Agbara. Elle se souvenait de sa détresse lorsqu’elle avait compris qu’elle ne pourrait pas épouser Kaahl selon la mode angélique, et de tout ce que cela pourrait lui coûter. Surtout, elle se souvenait de son bonheur à l’idée d’être incorporée à un peuple intègre, droit et juste. Elle avait cru en des chimères. Cette réalité la frappa comme un coup de couteau en plein cœur. Des larmes glissèrent sur ses joues. Elle ferma les yeux et prit son visage entre ses mains.



Message II – 1930 mots




[Q] - Sdan Houd | Solo 1628 :


[Q] - Sdan Houd | Solo 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3876
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Sam 10 Avr 2021, 17:22




Sdan Houd

Solo | Priam & Laëth



Priam fit le tour de la table pour venir derrière Laëth. Il passa ses bras autour de ses épaules. « Je suis désolé. » - « Tu n’y es pour rien. » Elle laissa glisser une main sur son bras et serra son poignet. « Je t’ai raconté tout ça pour que tu fasses attention à toi et que tu puisses prendre des décisions en toute connaissance de cause, à propos du mariage comme des enfants. » Elle acquiesça doucement, les yeux rivés sur son assiette. Sa tête lui semblait à moitié sonnée. Il embrassa sa tempe. « J’ai l’impression de… » Elle s’interrompit, le cœur prêt à éclater. « D’avoir fait tout ça pour rien. D’être partie de la maison pour quelque chose qui n’existe pas, d’avoir… d’avoir été dure avec les Réprouvés alors qu-que… » Elle sanglotait. Son frère la serra un peu plus contre lui. « Tu n’as pas fait « tout ça » pour rien, Laëth. Tu n’étais pas bien à Lumnaar’Yuvon. C’est mieux pour toi que tu sois partie. Et il faut bien te dire que la plupart des Anges est droite et juste. La plupart serait dans le même état que toi en apprenant ce que je viens de te dire. » - « Mais le gouvernement… » - « Les gouvernements ont toujours caché des choses à leurs peuples. » - « Ils n’ont pas caché des choses, Priam, ils ont menti. Ils mentent et ils manipulent. Ils font souffrir des centaines d’individus ! » Il se redressa un peu et la regarda. Elle avait tourné son visage vers lui. Ses yeux verts baignaient dans une mare de larmes rougie de colère. « Combien de nuits est-ce que j’ai passé à me torturer au sujet du mariage et des enfants ? Combien de temps est-ce qu’il m’a fallu pour me dire que ça ne devait pas être si vrai que ça ? Et même si je me doutais que c’était faux, je ne pensais pas que… Enfin j’avais l’espoir qu’il y ait un fond de vérité. Et pas celui que tu m’as dit… » Elle serra les dents. « Combien d’amours sont tuées par ces mensonges ? Combien de vies sont détournées de ce qu’elles auraient pu être à cause de croyances complètement factices ? » - « Je ne sais pas. Beaucoup, sans doute. » Elle le dévisagea. « Ça ne te fait rien ? » - « Si, bien sûr que si. » Il la lâcha et se redressa. « Mais ça fait longtemps que je le sais, maintenant. Parfois, ça me met encore en colère, mais beaucoup moins qu’avant. » - « Et tu n’as rien fait contre ? » Il lui adressa un sourire mi-triste mi-narquois. Il savait qu’elle lui poserait cette question. Par moment, il s’en voulait, d’être si inactif. « Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? » - « Il y a des Anges qui sont torturés à l’Agbara ! » - « Ce sont des Déchus. Tu n’aimes pas les Déchus. » rétorqua-t-il, sur un semblant de défensive. « Peu importe ! Et quand bien même, qui te dit que ce ne sont que des Déchus ? Qu’est-ce qu’ils font, des voix discordantes, des gens comme toi ? » - « Je n’ai rien dit à personne. » Avec une pointe d’agressivité, elle demanda : « Est-ce que ça veut dire qu’il n’y en a pas eu d’autres ? » Il fronça les sourcils, et un éclair agacé jaillit dans ses iris dorés. « Bien sûr que non ! Tu crois que je n’ai pas déjà pensé à tout ça ? Tu crois que ça ne m’a pas travaillé, ce que m’a dit Erza ? Que je ne me suis pas demandé si elle ou les Zaahin attendaient quelque chose de moi ? Si en tant qu’Élu de la Conciliation, je n’avais pas un rôle à jouer là-dedans ? Peut-être dans le rétablissement de la Déchéance ? Mais à qui veux-tu que j’en parle, Laëth ? Vers qui est-ce que je dois me tourner ? Qui m’écoutera ? Je ne suis personne. » Durant quelques secondes, elle le détailla. Puis, plus calmement, elle proposa : « Nalim ? » - « Comment savoir que je peux lui faire entièrement confiance là-dessus ? Et toi, tu me crois, parce que je suis ton frère, et parce que tu respectes Erza. Mais tu l’as dit toi-même : je n’ai aucune preuve. Seulement des propos rapportés et un raisonnement plausible. »

Le silence s’étira. « On devrait aller à l’Agbara. » - « Pardon ? » - « L’un de nous devrait y aller, pour ramener des preuves. » - « Tu délires. » - « Non. C’est dangereux mais ce n’est pas délirant. C’est la seule chose sur laquelle on peut obtenir des preuves. Le gouvernement nous est inaccessible et je doute qu’on puisse retrouver les Anges tombées enceintes. » - « On peut enquêter sur celles qui sont restées chez les Réprouvés. » - « Ils pourront toujours objecter que comme elles ne vivent pas parmi nous, elles n’obéissent pas aux mêmes règles divines, ou que sais-je. » Le brun fixa sa cadette. « Il n’y a que l’Agbara, Priam. » Il baissa la tête. Elle ne dit rien. Il finit par parler : « Erza m’a dit qu’ils y envoyaient surtout des enfants de Réprouvés. Ce sont les plus déviants. » Un pincement déchira le palpitant de Laëth. « Évidemment. » Elle inspira. « Ce serait facile, d’y aller, pour moi. » Priam fronça les sourcils. « J’ai déjà commis une faute à cause de toute cette histoire de grossesse. » Surtout, Ramiel Vaughan s’était heurté au sceau de Kaahl. « Il suffirait d’en accumuler quelques autres. Le seul problème, c’est la possibilité que quelqu’un lise dans mes pensées. Il faudrait que j’oublie pourquoi je vais là-bas… » - « Dans ce cas, ça ne servirait à rien. » Ils échangèrent un regard. Leurs cerveaux fonctionnaient à plein régime. Finalement, elle reprit la parole : « Je ne sais pas comment on peut faire, Priam. Mais on ne peut pas savoir tout ça et ne rien faire. Il faut trouver une solution. » Dans ses prunelles, la ferveur et la détermination régnaient.

Il ferma les paupières. « En fait, j’avais pensé à un truc. » Elle le dévisageait, avide. « Je n’ai rien fait parce que je ne savais pas trop comment m’y prendre, et parce que j’avais peur d’être découvert et de devoir te laisser… » Il déglutit. « On pourrait se rapprocher des Réprouvés et des Déchus. » Les yeux de l’Aile d’Acier s’écarquillèrent. « Les Réprouvés ignorent que leurs enfants, s’ils échouent à s’intégrer, sont torturés. Erza le savait mais elle n’a a priori pas agi pour changer les choses, pour l’instant en tout cas. Mais je suis certain que si on leur en parle, on sera crus, et ils n’accepteront jamais cette situation. Quant aux Déchus, ils ont besoin du rétablissement de la Déchéance, pour soutenir leur démographie et remettre en marche le cycle Déchéance-Pardon. Ils pourraient accepter de nous aider à enquêter sur l’Agbara et, à terme, ils pourraient constituer une aide pour… » - « Pour une éventuelle rébellion ? » chuchota-t-elle, stupéfaite par ce qu’ils étaient en train d’élaborer. La fratrie Belegad avait l’impression d’avoir été catapultée dans une autre dimension. Ils discutaient de choses qui les dépassaient. « Tu veux demander de l’aide aux deux races avec lesquelles les Anges rencontrent le plus de tensions ? » Une grimace déforma son visage. « Je ne pense pas qu’on trouverait des alliés parmi les alliés du gouvernement… Peut-être chez les Magiciens, si on pouvait être certain qu’Erza parlait bien d’Edwina Nilsson, mais ça les placerait dans une position vraiment délicate. Avec les Réprouvés et les Déchus, les hostilités sont déjà déclarées. Ils n’ont rien à perdre à nous écouter et nous suivre. » - « Mais ils risquent éventuellement une guerre, si l’affaire est découverte. » - « J’espère qu’on en arriverait pas là. » Laëth se détourna. « Tu connais des gens en diplomatie, chez les Réprouvés et les Déchus, avec qui tu pourrais t’entretenir ? » Il fit la moue. « Chez les Réprouvés, non. Les relations diplomatiques sont assez coupées, et c’est Nalim qui est l’interlocuteur principal. Chez les Déchus… il paraît qu’Adam Pendragon s’est lancé en diplomatie. Tu le connais, non ? » Elle le regarda, un sourcil arqué par le mépris et l’œil baigné par l’embarras. « Même si j’acceptais de lui demander un service, il ne m’accorderait aucune faveur. » Priam soupira. Il devinait qu’elle n’avait surtout pas envie de le supplier de l’aider – en fait, il l’avait déjà fait une fois, et ça lui semblait amplement suffisant. Peut-être que finalement, l’Orgueil de sa cadette les conduirait plus facilement jusqu’à leur but que leurs tentatives diplomatiques.

Toutefois, une autre idée lui vint. Durant une fraction de seconde, il s’imagina la formuler. Après réflexion, il s’abstint. « De toute façon, je ne sais pas si c’est vraiment une bonne idée. » - « Priam… » - « J’ai besoin d’y réfléchir. C’est trop énorme et trop délicat pour être décidé comme ça, sur un coup de tête. On est pris dans notre conversation mais on a aucun recul dessus. On a tous les deux besoin d’y réfléchir. » dit-il fermement. Elle le scruta. Il avait raison. « D’accord. Mais dans tous les cas, en sachant ça, on doit faire quelque chose. » Comment avait-il fait pour vivre avec ce secret, durant tout ce temps ? L’Ange était persuadée qu’à sa place, elle serait morte de culpabilité. Par moment, l’inertie de son aîné l’impressionnait tant elle semblait synonyme d’indifférence. Elle aurait parfois voulu être capable d’autant de détachement et de froideur. Néanmoins, tout n’était qu’une question de gestion différente. Là où Laëth explosait, Priam cadenassait.

« Bref, je dois y aller. Il n’est jamais bon de faire attendre des Réprouvés. Et Nalim non plus. Je n’ai pas envie de me faire taper sur les doigts. » Laëth esquissa un sourire. « D’accord, on en reparlera plus tard. » Ses pensées étaient toujours dévouées à leur conversation précédente. Elle ne la quitterait plus durant un long moment. Elle la retournerait dans tous les sens, en chercherait chacune des failles, en explorerait tous les recoins et formulerait toutes les solutions possibles. Elle s’avança pour enlacer son frère. « Qu’est-ce que tu vas faire ? » - « Je vais me promener un peu. Ça va me permettre d’assimiler tout ça. » - « Et de te changer les idées ? » - « Peut-être. » Elle sourit et le serra contre elle, avant de le lâcher. « À tout à l’heure. » - « À tout à l’heure. » Il attrapa une veste et s’éloigna. Alors qu’il s’apprêtait à sortir, elle s’exclama : « Et n’oublie pas ! » Il s’arrêta, la porte dans la main, et la regarda. « On est peut-être personne, mais on ne devient pas quelqu’un en ne faisant rien. » Elle lui adressa un clin d’œil. Il sourit vaguement, en secouant la tête, puis sortit.



Message III – 1864 mots




[Q] - Sdan Houd | Solo 1628 :


[Q] - Sdan Houd | Solo 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3876
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Mer 21 Avr 2021, 17:32




Sdan Houd

Solo | Priam & Laëth



Keizaal revivait. En arpentant les rues de la cité, ceux qui l’avaient déjà parcourue ne pouvaient en tirer une autre conclusion. Ils ne pouvaient que constater que celle qu’ils avaient connue ployait autrefois sous un malheur latent. Depuis la scission, le bonheur hurlait sa joie entre chaque bâtiment, chaque arbre et chaque ruelle. Il était si puissant qu’il en effaçait toutes les ondes négatives propagées par quelques mécontents. Du moins, c’était ainsi que Laëth le ressentait. Elle avait le cœur lourd, mais chaque éclat d’allégresse l’allégeait. Elle se laissait baigner par la gaieté d’autrui comme s’il s’agissait de la sienne. Peu à peu, un sourire s’était dessiné sur ses traits. Elle en oubliait presque toutes les fois où on lui avait répété avec acharnement que sans Lumnaar’Yuvon, Keizaal n’était rien. En ce jour, elle voyait une cité vivante et puissante. Une nouvelle nation, pourvue d’un roi et d’un territoire propres, qui célébrait sa prise d’indépendance. Keizaal sortait d’une adolescence difficile ; enfin, ses parents l’autorisaient à quitter leur giron et à s’épanouir pleinement. Même si elle ignorait de quoi l’avenir serait bâti, l’Aile d’Acier imaginait quelque chose de resplendissant.

Distraite, elle appliquait cette rêverie à sa propre vie. Elle allait renvoyer une lettre à Kaahl, le prier pour qu’ils se vissent urgemment, ou encore le contacter par télépathie – ce ne serait pas trop intrusif ? –, et puis lui dire qu’ils pouvaient se marier comme ils le voulaient, qu’elle désirait avoir et éduquer un enfant avec lui et qu’elle emmerdait le gouvernement angélique. Elle lui demanderait s’il voulait bien les aider, Priam et elle, à lutter contre les oppresseurs de leur peuple, ne serait-ce qu’en leur enseignant quelques ficelles du métier d’espion. Il dirait oui, elle le savait. Peut-être même qu’il accepterait qu’ils travaillassent main dans la main ? Peut-être pourrait-il leur obtenir un soutien du côté des Magiciens ? Ou des Sorciers, mais il faudrait être très discrets. En son for intérieur, elle espérait ne pas avoir à en venir là ; toutefois, elle était aussi consciente qu’une telle entreprise requerrait des sacrifices. Elle se sentait prête à tous les faire. Rien ne leur résisterait, sur aucun plan. Ils avaient la puissance de l’amour. Frémissante d’euphorie, elle marchait d’un pas vif et gai.

Tandis que son imagination faisait fi de toutes limites et de toute raison, son corps la rappela brutalement à la réalité. « Oh, pardon ! » s’exclama-t-elle en reculant. « Non, c’est mo- oh ! C’est vous ! » L’Aile d’Acier détailla son interlocuteur, un sourire gêné crispé sur les lèvres. Il s’agissait d’un jeune garçon d’une quinzaine d’années. Une veste usée était jetée sur ses épaules et, en dépit des beaux jours, il portait une écharpe. Son teint pâle ajoutait à l’idée qu’il paraissait malade. Contre lui, il tenait un livre. « C’est moi ? » répéta-t-elle, troublée. « Oui ! Vous ! Laëth Belegad ! » - « Oui ? » Un admirateur ? Le malaise lui noua aussitôt les tripes. Elle aurait voulu pouvoir resplendir sans jamais se trouver sur le devant de la scène. Être une Lumière de l’Ombre. « Oh la la ! Il faut absolument que vous lisiez ça ! » Il lui tendit l’ouvrage. « Le Conte des Trois Royaumes ? » - « Oui ! Je suis désolé, je dois y aller, je suis pressé, mais gardez-le, je viens de le finir. Je vous l’offre ! » - « Mais, je… » Déjà, il s’éloignait et lui adressait de grands gestes. « Au revoir ! Bonne lecture ! » Comme elle clignait des paupières, elle le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il ne tournât à l’angle d’une rue. Quel drôle d’individu… L’Ange baissa le regard sur la couverture en cuir. Le titre lui disait quelque chose. Quelqu’un avait dû lui en parler, mais elle ne parvenait pas à resituer le visage et l’instant. Peut-être était-ce l’un des livres à grand succès du moment ?

« Eh, l’Aile d’Acier ! » Elle releva vivement la tête, une étincelle intriguée accrochée aux rétines. « Ouais, toi ! Viens par là ! » Dans une arène aménagée – les mêmes qui avaient vu le jour lors de Thogii –, un homme la toisait, du haut de son mètre quatre-vingt-dix et avec tout le poids de sa bonne centaine de kilos. Il venait de la héler. Elle plissa les yeux. Une intuition, comme un rat acculé par le feu, lui gratta férocement les entrailles. Il avait un truc… « Il paraît que tu casses du Démon pendant ton temps libre. Ramène ton cul ! » Un truc démoniaque. La jeune femme fronça le nez. Malgré son dégoût prononcé pour les gens de son espèce, elle s’approcha. Elle refusait rarement un combat et, même si cela pouvait signifier faire preuve d’Orgueil – de toute façon, comment défendre encore véritablement les Vertus quand leurs fondements eux-mêmes étaient bancals ? –, elle ne reculerait jamais devant la provocation d’un Vil – à moins qu’elle ne fût d’une stupidité ahurissante. Elle y voyait aussi l’occasion de vider toute la peine que lui avaient assénée les secrets de Priam. Parvenue devant la barrière, elle prit appui sur celle-ci pour sauter par-dessus, après avoir posé le livre sur une table. En partant, elle le reprendrait machinalement avec elle, puis elle le laisserait de côté, jusqu’à presque l’oublier. Il y avait un temps pour chaque apprentissage et chaque révélation.

Un sourire goguenard étira les lèvres tuméfiées du gaillard. « T’es bien plus docile que ce qu’on raconte en fai- » La fin de sa phrase se perdit dans le son étouffé de son souffle arraché par le coup de poing que la guerrière venait d’envoyer contre sa mâchoire. Sous les cris enjoués du public, il lui lança un regard noir. Effrontée, elle lui sourit avec une innocence feinte. « Pardon, je croyais qu’on était ici pour se battre ? » Il cracha par terre. « T’inquiète pas, va. Moi, les Anges, j’en fais des rôtis. » Sans se faire prier, il se rua sur elle. Seulement, elle n’était pas qu’une Aile Blanche. Il le comprendrait vite. Un enfant de Réprouvés ne peut jamais s’oublier. Elle avait longtemps essayé, pourtant.



Sur le chemin qui menait au bâtiment des négociations, Priam réfléchit à l’idée qu’il avait cachée à sa cadette. Il avait pensé à la bague réprouvée. Lorsqu’il la portait, il revêtait une autre identité, sous laquelle personne ne le connaissait – sinon Pétasse. Il avait fait l’erreur de donner le prénom de son père, ce qui pouvait le trahir aux yeux de quelqu’un de suffisamment informé. Il ne recommencerait pas. Quant à la Déchue, il doutait qu’elle ressurgît tout à coup pour s’exclamer : « Il ment, il ne s’appelle pas Bidule et ce n’est pas un Réprouvé, mais un Ange ! Et c’est Priam Belegad ! » Le plus sûr eût été de choisir une autre apparence, toutefois, il n’était pas certain d’y parvenir tant qu’il ne maîtriserait pas l’artefact. Au demeurant, il était sans doute préférable qu’il sût s’en servir correctement avant de mettre son idée à exécution – s’il décidait finalement de le faire.

Grâce à la bague, il aurait pu infiltrer les Réprouvés, gravir les échelons, et parvenir à une alliance avec les Anges dissidents – lui-même, donc. Mener un double jeu pour obtenir la fin désirée. Le problème était que ce plan paraissait à la fois long et complexe. Combien d’années lui faudrait-il pour s’intégrer, faire émerger son idée, la faire accepter, engager les négociations, et enfin mettre les choses en route ? Quelle garantie avait-il que cela fonctionnerait ? Comment inclure Laëth qui a priori ne disposait pas d’un tel artefact ? Avait-il vraiment envie de lui dire qu’il en disposait, s’il le lui cachait depuis si longtemps ? Il lui fallait peser les avantages et les inconvénients de chaque solution. Il aurait peut-être aussi vite fait d’essayer de se racheter en tant qu’Immaculé déserteur et de tenter de rallier des Manichéens à sa cause. Sa participation à l’Odon do Dur et son discours à Thogii avaient en partie changé la perception que les Bipolaires avaient de lui. Par leur choix, les Zaahin l’avaient reconnu presque comme l’un des leurs.

Le regard d’Arz’Sehif lui revint, et il se souvint de la bestialité du loup. Il ne s’était plus jamais manifesté. Parfois, l’impression qu’il sommeillait ou grondait en lui perçait mais, dès qu’elle se diluait, il avait le sentiment que son imagination lui jouait des tours. Peut-être que sa présence n’avait été qu’un don temporaire. Cette pensée lui picorait le cœur comme un charognard se repait d’un cadavre. Lorsqu’il avait fusionné avec le loup, il avait connu une osmose qui lui manquait déjà. Et si la bête était la solution à leurs problèmes ? Peut-être qu’en un coup de crocs, elle saurait défaire les têtes pensantes de toute cette mascarade. Un sourire amusé ourla les lèvres du jeune homme.

Priam ne manquait pas d’idées. C’était justement son problème. Il les accumulait et, comme un collectionneur obsédé, n’osait presque jamais y toucher. Il les écoutait, les étudiait, les admirait ; il était rare qu’il sortît de cet état contemplatif pour les mettre à exécution. Son esprit se préférait laboratoire plutôt que décisionnaire ou acteur. La pluralité entraînait l’hésitation, l’hésitation amenait les doutes, et les doutes se transformaient en immobilisme. Seul, il aurait sans doute continué à suivre la voie de l’inaction. L’intervention de sa cadette changeait indubitablement la donne. Parce qu’il l’aimait, elle avait toujours été un moteur. Lorsqu’ils étaient enfants, les habitants de Lumnaar’Yuvon s’amusaient souvent de les voir courir. Généralement, Laëth s’élançait devant, et Priam la suivait. Certains se moquaient gentiment, en disant qu’ils étaient comme un attelage. La petite, le bicorne, entraînait avec force et fougue la charrette stable et pleine de ressources que figurait son aîné.



Pourtant, lorsqu’ils arrivèrent à Lumnaar’Yuvon, montés sur Nyellë et Yuvon, Priam chevauchait devant. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le regard de sa sœur embrassait le paysage. Les steppes dorées semblaient brûler sous les feux du soleil couchant. L’odeur de la terre, des bêtes et du fumier imprégnait l’air chaud de cette fin de journée. Les oiseaux entonnaient leurs dernières mélodies et les insectes diurnes se retiraient peu à peu. Sur les rétines de Laëth, le brun distinguait les taches de l’appréhension et de la culpabilité, mais aussi celle de l’excitation. Après leur séjour à Keizaal, ils avaient décidé de retourner dans les champs d’or, afin de faire le tour de la propriété qu’ils avaient obtenue suite à l’Odon do Dur. Pour elle, c’était une première. Depuis son arrivée aux Jardins, elle n’y avait jamais remis les pieds. Pour lui, c’était une deuxième tentative. La précédente s’était soldée par des menaces et un retour rapide parmi les Anges. Les deux Belegad échangèrent un regard. Une émotion touchante se lisait dans leurs prunelles. Dans le silence, ils se comprenaient. Ils étaient rentrés chez eux.

Fin nastae



Message IV – 1813 mots




[Q] - Sdan Houd | Solo 1628 :


[Q] - Sdan Houd | Solo 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Q] - Sdan Houd | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Event Top Sites] - Sdan Dovahkiin
» [EVENT solo Partie IV - solo] Rétablir un semblant de vie
» [Q] La fin | Solo
» [Q] - Ẹṣọ Kọọ | Solo
» La Propagation [solo]
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres de Lumnaar’Yuvon-