Le Deal du moment : -17%
Casque de réalité virtuelle Meta Quest 2 ...
Voir le deal
249.99 €

Partagez
 

 La Propagation [solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Mer 13 Mai 2015, 16:58


« J'en peux plus moi de cette baraque ! Tu peux pas me garder enfermée jusqu'à la fin de mes jours, Belle, tu peux pas ! Laisse moi sortir ! Je vais devenir folle dans cette maison de barge ! Toi, le psychopathe allergique au soleil, l'autre trainée qui peut pas s'empêcher de sauter sur tout ce qui bouge et la blondasse qui me dévisage avec des grands yeux sans rien dire … Vous allez me faire devenir complétement tarée ! » Petite furie, véritable carnage, Arabella gesticulait dans tous les sens. Dans sa colère, elle avait brisé un vase et la petite table sur laquelle il reposait. Des roses gisaient lamentablement sur le tapis, gorgé d'eau. La jeune fille dévisageait d'un regard aussi noir que mauvais la Déchue, qui restait sans bouger dans un coin de la chambre, le dos contre le mur. Belle ne disait rien, l'air embarrassé. Dans un grognement de rage et de plainte, la Sirène s'agrippa les cheveux, masse de boucles noires, mimant de les arracher. « C'est ça ton objectif, hein ? Captive avec les fous ! » - « Je t'ai sauvé la vie, Arabella. Je ne pense pas devoir m'en excuser. » La jeune ondine eut un sourire acide. « Peut-être que tu aimerai que je te remercie, que je sois reconnaissante. C'est pas le cas. Je suis ton otage. » Belle baissa doucement la tête. « Tu n'étais pas aussi vive et rebelle devant le Dædalus. Aurais-tu oublié les termes de mon arrangement ? Je suis prête à m'occuper de toi mais si tu t'obstines à jouer les insurgés … Je me verrai contrainte de tenir mes promesses. Je me suis battue pour toi, j'ai défié mon Roi parce que j'ai jugé que défendre ta cause était juste. Je n'irai pas jusqu'à trahir mon peuple pour ta jolie frimousse. » Arabella laissa tomber ses bras, interdite. Un brin hésitante, elle avait les lèvres tremblantes. « Tu … » souffla-t-elle avant de s'interrompre, incertaine. « Même si on t'en donnait l'ordre, tu ne pourrais pas t'y résoudre. Je t'ai vu au Temple. Tu n'arrives pas à donner la mort. » La Déchue haussa les épaules. « A quoi bon ? Après tout, il y a un psychopathe à mes côtes qui serait ravi de le faire à ma place. Tu es insupportable, je suis certaine qu'il ne rechignerait pas à la tâche. » Arabella blêmit sensiblement. En quelques pas lourds, elle alla sur son lit pour s'asseoir. Dans un soupir, elle fit tomber sa tête dans ses mains. « Qu'est-ce que je vais devenir ? » murmura-t-elle tout bas. Attendrie par la scène, Belle se glissa près d'elle. Elle voulut la prendre dans ses bras mais se ravisa au dernier instant. « Ne t'inquiète pas. Je t'ai pris à ma charge et je compte faire tout mon possible pour toi. » - « Je ne veux pas passer le reste de ma vie  entre les quatre murs de ma chambre, dans cet hôtel à Avalon. Pourquoi je reste là ? La moitié des Déchus voudrait me voir morte. » - « Mon existence est ici, Arabella. Je suis navrée mais tu passeras le plus clair de ton temps dans la Capitale. Ce n'est pas une fatalité pour autant. Cet hôtel n'est qu'un abri temporaire, je ne compte pas louer un appartement pour toujours. Bientôt, nous vivrons tous dans une belle et grande maison, avec un grand jardin. Je te le promets. Tu seras plus libre mais pour l'instant tu dois te faire oublier. Je t'emmènerai dans tout mes déplacements … Je t'aiderai à te camoufler aux yeux d'Avalon. Nous trouverons une solution. » - « Ouais … C'est ce que tu dis. » - « Je ne suis pas aussi terrible que tu sembles le croire. J'aimerai que tu me considères comme une amie et plus encore. Essaie de faire semblant d'être heureuse. A force, tu pourrais l'être réellement. Cela ne peut pas être pire que d'être la ... fille du patron du Cartel. » - « Sa bâtarde. Je suis sa bâtarde. Qu'est-ce que tu crois ? Que j'avais la grande vie, que je croulais sous la richesse, l'admiration et les roucoulements ? Mon père a eu bien des épouses, encore plus de maîtresses et d'amantes passagères. Je n'étais qu'une parmi d'autres, qu'une gamine qu'il a voulu par caprice et dont il … » Elle s'arrêta, consciente qu'elle était en train de se livrer. Elle n'aimait pas ça. Belle sourit.

« Alors ? Tu as enfin calmé la tempête. Personne n'y croyait, à force de l'entendre. J'étais résignée à son sujet. » Victoire était allongée sur le divan du salon, presque nue. Belle soupira, agacée. « Vicky … Je te l'ai déjà dis, tâche de t'habiller un peu plus. Réserve tes charmes à tes amants. » La Déchue sourit, peu atteinte par les reproches. Elle succombait volontiers à son pêché à la moindre occasion, et rentrait tout juste des bordels d'Avalon où elle se plaisait à passer une majeure partie de son temps. « Il y a une lettre pour toi. » - « Que dit-elle ? » - « Je ne sais pas. » Belle scruta la jeune femme avec surprise. Victoire avait la fâcheuse manie de lire son courrier sans lui demander son avis, simplement parce qu'elle était d'une curiosité malsaine qu'elle satisfaisait par tout moyen. La brune s'amusa de l'air étonné de Belle. « J'ai … reconnu le sceau. » Belle baissa ses grands yeux mauves sur la missive qui patientait sagement sur la table basse. Son teint se fit soudainement pâle. La lettre venait du Dædalus. « Tu ne l'ouvres pas ? » - « Je … » Belle se laissa presque tombée sur les coussins, le teint livide. Pourquoi est-ce que le Roi cherchait à la contacter ? Avait-il changé d'avis ? Trouvait-il finalement la menace trop grande ? Regrettait-il son choix ? Peut-être donnait-il déjà l'ordre à la Déchue d'éliminer l'enfant. Anxieuse, Belle emmêlait ses cheveux blonds autour de ses doigts, tout en se mordant les lèvres. Victoire leva les yeux au ciel, dans un soupir amusé. « Franchement … Qu'est-ce que tu peux être prévisible. J'étais certaine que tu allais planifier tout un scénario mental sur le contenu de cette lettre. Ouvre là ! Il ne va pas te demander de tuer ton Ondine, ça va bien se passer ! Ça se trouve, il t'invite à cocktail ou à boire l'apéro. En tout cas, rester figée devant cette sanguinaire enveloppe ne changera pas grand chose à la lettre qui s'y trouve. » - « Tu as raison. » consentit Belle après une seconde d'hésitation, consciente qu'elle avait tendance à imaginer le pire. « Au pire … un locataire de moi. » Belle gratifia son amie d'un regard noir avant de déchirer le papier et briser le sceau. « Alors ? » s'enquit Vicky qui scrutait Belle dont les yeux clairs glissaient sur les mots à vive allure. Presque interdite, Belle se laissa davantage s'enfoncer dans le divan, rêveuse. « Je … Il m'envoie en mission. » - « En mission ? » répéta la brune en écarquillant les yeux. « Ça alors. Tu lui as fais de l'effet à notre Dædalus. Sérieusement Belle, tu devrais essayer de coucher avec lui : c'est une occasion en or. » - « Vicky … » - « Bon bon d'accord, j'arrête. Si tu préfères les Vampires à demi cinglé, libre à toi. » - « D'ailleurs, où est Angelus ? » - « Il doit certainement traîner dans votre chambre, l'air boudeur et de mauvaise humeur. Je parie que la nouvelle de cette mission ne va pas franchement le ravir. » Belle écarta une mèche blonde de son visage, les doigts tremblants. « Il m'en veut. » Victoire n'était pas le genre de femmes réconfortantes et bienveillantes. Elle ne mâchait pas ses mots ; à moins bien sûr qu'un mensonge ou d'une douceur dans ses paroles aient une chance de la faire basculer plus vite dans l'ivresse de la luxure. « Oui. Tu devrais aller le voir et discuter un peu. » - « Je ne saurai pas quoi lui dire. » souffla Belle qui craignait qu'il l'entende. « Vous avez vraiment besoin de discuter, tous les deux. »

Avait-elle réellement le choix ? Belle ne comptait pas s'éterniser à Avalon, pressée de prouver à son Roi qu'elle était un bon élément. Elle désirait partir pour la Forêt aux mille clochettes en toute hâte mais encore fallait-il qu'elle prépare ses affaires, qui l'attendait patiemment dans sa chambre. Après avoir pris une grande inspiration, Belle poussa la porte de la petite pièce, plongée dans la pénombre. Un mince filet de lumière perçait timidement à travers les épais rideaux tirés ; et éclairait subtilement le lit sur lequel était allongé le Vampire, un bras sur les yeux. « Que se passe-t-il ? » marmonna le jeune homme dont on imaginait aisément la mauvaise humeur. « Je suis envoyée par le Dædalus. Je vais partir quelques jours. » Il se redressa d'un bond. « Pardon ? » - « Il m'a chargé d'une tâche. Je m'en vais de ce pas. Je reviendrai vite. » - « Et après ? Rentrerons-nous au Château ? » La question était aussi délicate qu'embarrassante. « Angel … Je ne sais pas. » - « Notre vie est là-bas. » - « La tienne, seulement. » Un silence gêné, glacial, accueilli la phrase. « Je pensais que tu voulais être à mes côtés. » - « Oui mais pas auprès d'Ezio ou de Galatea, de tous les membres du Clan. Je n'en peux plus de cette existence. » Le Vampire regrettait d'avoir cédé aux caprices de Belle, de l'avoir emmené à Avalon. Depuis qu'elle avait goûté à la chaleur de la ville, elle n'était que peu prompt à retourner dans les Montagnes. Il l'avait poussé à participer à la Coupe des Nations, sans s'attendre à ce que la jeune femme arrive sur le podium. Cette petite victoire lui avait conféré une popularité surprenante, un renom. On la reconnaissait dans les allées d'Avalon. « Je ne pourrai pas supporter bien longtemps de rester ici. » - « Rien ne t'empêche de partir, Angelus. » Belle aurait mieux fait de se taire. La remarque était celle de trop, aux yeux d'Angelus. Il rit, sec et acide. « Je crois que tu as oublié nos codes, Belle. Tu n'es pas … » Il s'interrompit à temps, manquant de dire « libre ». Après tout, Belle n'était qu'un cadeau, un présent de Galatea pour fêter son deuxième centenaire. « Cela ne peut durer éternellement, Angelus. » - « Tu crois ? » Il saisit les poignets de la Déchue et la plaqua contre un mur. « Tu devrais te rappeler des règles, Belle. » - « Lâche-moi. Tu me fais mal. » - « Tu es à moi, Belle, et tu feras ce que je te dis. » Il plongea à sa gorge pour la mordre. Elle cria, essaya de se débattre, sans succès. Un grand coup frappa. Du bois brisé s'écroula dans un fracas par terre. Angelus s'écarta dans un râle, en glissant une main dans ses cheveux. Victoire se tenait là, le regard mauvais, et les vestiges d'une chaise dans les bras.  « Dégage. »

1890 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Ven 05 Juin 2015, 18:43


Un brin rêveuse, Belle volait sans réellement regarder par où elle battait des ailes. Aux premiers instants, elle s'était fait une joie du voyage dont l'occasion était parfaite pour tester les Plumes d'Airain et l'épaulière en Aethril. Malheureusement, elle ne se sentait guère d'humeur bohème, le cœur encore serré par le départ précipité d'Angelus, le gorge encore marqué par la morsure la plus violente qu'il lui ait jamais fais. Suite à l'intervention de Victoire, Belle avait bouclé ses bagages – un unique sac en réalité – en moins de cinq minutes avant de partir pour la Forêt aux mille clochettes où elle avait cru à tord qu'elle aurait les pensées ailleurs. Belle n'avait pas traîné, peu désireuse de s'attarder en route. Doucement, elle se posa à la lisière des bois merveilleux qui appartenaient aux Déchus, cette forêt à l'épais feuillage sombre sous lequel il se tramait des choses étranges, d'après les informations qu'on avait bien voulu lui communiquer. Elle peinait à s'illustrer ce qui pouvait bien se dérouler au sein de la région, d'apparence si calme et sereine. La lettre n'évoquait que les mots des colons dont Avalon n'avait plus de nouvelles depuis trop longtemps : des arbres vivants, un parasite mortel, un ennemi invisible … D'un geste, la jeune femme réunit la masse blonde et bouclée de sa chevelure pour la dompter grâce à un ruban. Nerveuse, elle sortit pour la énième fois la lettre du Dædalus pour la relire, bien qu'elle connaisse chaque mot depuis sa troisième lecture. Puis elle suivit les indications, puisqu'il fallait bien retrouver le campement. A force de visiter la Forêt, Belle se mit à réfléchir, inquiète. Elle ne voyait pas la moindre trace d'un passage humaine alors qu'elle s'était attendue à croiser des Déchus depuis quelques temps. Définitivement sauvage, la Forêt était tranquille, comme si les Hommes n'avaient jamais vécu dans les parages. De ses mains, Belle écartait les lianes et les fougères pour se frayer un chemin à travers la végétation abondante – presque étouffante – des bois. Quelque chose craqua sous ses pas. Tendue, la Déchue baissa ses grands yeux mauves et souleva doucement son pied. C'était une pair de lunettes aux verres brisés, à moitié enseveli sous la terre et les herbes grasses. Elle prit délicatement la monture entre ses doigts, avant de scruter tout autour d'elle. Peut-être que le campement n'était plus si loin ; ou au moins trouverait-elle quelqu'un qui pourrait mieux lui indiquer la route à suivre. Un léger sourire soulagé étira les lèvres de la jeune femme quand elle crut reconnaître, au loin, des constructions qui n'avaient rien de naturel. Elle se précipita dans leur direction.

Belle avait trouvé le camp des colons Déchus. Seulement, il ne ressemblait pas tout à fait à la base qu'elle s'était imaginé. À moitié saccagé, délabré, une mousse épaisse recouvrait la grande majorité des structures, les piliers entourés de lianes et de ronces, comme si la nature avait repris ses droits depuis des dizaines et des dizaines d'années. « Hey ! Gamine ! Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ta tête ? Viens ! Dépêche-toi ! » L'homme hurlait, gesticulant des bras dans de grands gestes. Il sortait à peine d'une grande tente, le regard méfiant. « Allez ! » insista-t-il, quelques trémolos dans la voix.  Belle déglutit péniblement, crispée par avance tant elle se doutait que la situation n'était pas parfaite.  Elle était partie en mission à cause d'un problème ; peut-être était-il plus grave que prévu.  L'homme referma la tente dès que la jeune femme fut entrée. « Qu'est-ce que tu fiches ici ? » Belle , ahurie, dévisageait les visages épuisés des Déchus. Ils étaient une vingtaine à s'entasser sous la tente, à bout de force et de patience. « Où sont les autres ? » murmura-t-elle tout bas. « Les autres ? » - « J'ai été envoyée par Avalon. Je croyais que vous étiez plus de deux centaines. » - « Fabuleux. Notre gouvernement nous envoie une Poupée au lieu de secours et de soldats. » - « On est foutu … C'est trop tard. Le temps qu'ils soient soucieux de sa survie, on sera tous mort. » - « Les autres … » - « Oui ma jolie. Il ne reste plus que nous. » Elle prit une grande inspiration, anxieuse, les doigts tremblants. « Il … Il faut que je retourne faire mon rapport. » - « Tu ne peux pas. Crois-tu qu'on resterait dans les parages si on avait la possibilité de s'en aller tranquillement ? » - « Je suis venue à vous facilement. » - « L'ennemi t'a laissé entrer et il ne te relâchera pas. » - « L'ennemi ? » - « La Propagation. » Le nom resta en suspend, menace frissonnante qui fit baisser les yeux aux colons.

A la fois terrifiée et curieuse, Belle voulut voir de plus près la Forêt, l'observer avec un regard nouveau. Les Déchus l'empêchèrent de quitter la tente, l'autorisant seulement à jeter un coup d'œil dehors. Du bout des doigts, elle avait écarté les larges tentures colorées et put contempler la fourberie de la Forêt. Des ronces, des lianes et des plantes douteuses formaient une large muraille qui encerclaient le camp. Des arbres semblaient se déplacer lentement plus loin, menaçants. « Comment est-ce possible ? » souffla-t-elle, la gorge serrée. Naheel, le premier Déchu qu'elle avait rencontré dans la Forêt, haussa les épaules, mal à l'aise. « Je … ne saurai pas expliquer ce qui s'est passé. Les premiers jours, il n'arriva rien d'anormal. Puis la Propagation est arrivée. Je dirai que c'est un virus, une foutue maladie que je ne sais même pas comment on attrape, et qui transforme petit à petit les gens en … monstres, des sortes de créatures mi-hommes mi-arbres. » Il désigna du menton les troncs aux feuillages épais qui longeaient la frontière naturelle. « Tu crois que ce sont des vrais arbres, ça ? » - « Ce sont … » - « Oui. Ils n'ont plus rien de Déchu et se retournent contre nous. Ils te feront du mal s'ils en ont l'occasion, et feront leur possible pour tu rejoignes leur rang. C'est ce qu'ils veulent : qu'ils n'y aient plus personne. » - « Pourquoi ne pas avoir tenté de vous envoler ? Bloquent-ils aussi … les airs ?» - « Ils ont formé un dôme de ronces, à une cinquantaine de mètres de hauteur. Ils nous ont enfermés. Ils nous tiennent. » Il eut un sourire mauvais. « Elle regrette d'être venue, la Poupée, hein ? » Belle s'empourpra, non pas de gêne mais de colère. « J'ai un nom et j'aimerai que vous l'utilisez. Que vous ne me portiez pas en estime est une chose, que vous me pensiez incapable de quoique ce soit alors que le Dædalus m'a envoyé en est une autre mais si vous continuez à me manquer de respect, je vous éclate la tête sur un rocher. » Surpris, les yeux écarquillés, Naheel n'osa pas répliquer. « Qu'est-ce que vous proposer ? » intervint un dénommé Edaiah. Belle réfléchit brièvement, nerveuse. « J'aimerai que nous discutions tous ensemble. » - « Bien. Ce n'est pas vraiment compliqué, nous sommes déjà tous là. »

Les Déchus avaient peurs. Ils étaient même terrorisés. Ils avaient vu bien trop des leurs se changer en monstre pour garder espoir en quoique ce soit. Néanmoins, ils étaient maintenant résignés à l'idée que les secours n'arriveraient jamais, mais pas à mourir ou finir en cerisier. Il fallait se battre. « Il faut les cramer moi je vous dis ! On fout le feu à tout ça et on s'en va ! » - « Je crois que Kalaad a le don de créer le feu non ? Ça pourrait fonctionner. » L'idée charmait la petite vingtaine de Déchus. Belle, les yeux ébahis, contemplaient le désespoir des hommes qui avaient sombré dans la crainte et l'appréhension. « Vous ne pouvez pas faire ça. » bafouilla-t-elle. On lui accorda un regard noir. « C'est bien toi qui voulait mettre en commun nos idées. Voilà celle qui nous plaît : on va mettre le feu et partir. » - « Vous iriez donc jusqu'à brûler les nôtres ? » La remarque fut suivie d'un silence gêné. « Ils n'ont plus rien de semblables à nous. Je ne tiens pas à ce que le moindre d'entre nous subisse encore ce sort. » - « Il faut se faire une raison, faire notre deuil. Nos amis, nos frères, nos sœurs sont partis. Il n'y a plus rien à faire pour eux. » - « Et si c'était faux ? Nous ne savons rien au sujet de cette Propagation. Sans compter que le feu deviendrait rapidement incontrôlable et dévorerait la région entière. Nous ne pouvons faire ça à un territoire déchu. » - « As-tu une autre idée ? Non ? Alors tais-toi. Kalaad, est-ce que tu penses que … Hey ! Belle ! » La jeune femme était partie dans un bond et quittait la tente. Naheel tenta de la rattraper mais elle se dégagea brutalement de toute prise, pour foncer vers la muraille de ronces. « Belle ! » Il ne quitterait pas la tente et elle le savait. D'un pas décidé, elle s'approchait de la frontière. « Oh … » Une branche la percuta de plein fouet dans le ventre, l'envoya valser à plusieurs mètres du sol pour retomber dans les ronces comme une poupée de chiffon. Elle étouffa plusieurs cris. Ses bras, ses jambes et son visage étaient en sang, piqués et éraflés par les épines. « Par Suris … » s'écria Edaiah. Il s'élança au secours de la jeune femme qui, peu à peu, sombrait dans l'inconscience. « Laisse-là ! Tant pis pour elle ! On l'a prévenu. » - « La ferme Naheel ! Plus personne ! Plus personne. » - « Et si c'était comme ça que le virus se propageait, hein ? » - « On ne va certainement pas l'abandonner. »

Belle ne se sentait pas très bien et elle aurait eu du mal à l'avouer si elle avait pu dire quoique ce soit. Elle aurait voulu dire à Edaiah de la laisser où elle était, qu'il valait mieux jouer la prudence plutôt que de risquer les restes du campement pour elle. Seulement, elle s'évanouit. La dernière chose qu'elle vit fut le Déchu qui se penchait près d'elle, évitant plus ou moins maladroitement les assauts des arbres, pour la prendre dans ses bras. Si Naheel avait raison ? Dans son entêtement, elle aurait causé sa propre perte, celle d'Edaiah et d'autres à n'en pas douter. Quelle idiote.

1849 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Sam 06 Juin 2015, 21:10


Belle rouvrit péniblement les yeux et, d'un regard d'abord trouble et fatigué, contempla avec une pointe de surprise les larges teintures colorées de la grande tente. Lentement, elle leva les bras – qu'elle n'avait jamais senti aussi lourds - jetant un coup d'œil à ses mains qu'elle s'était attendue à voir déformées, monstrueuses. La peau blême était couverte de terre, les ongles sales, mais elles n'étaient difformes comme elle l'aurait cru. Dans un maigre soupir, soulagée, la Déchue se releva avec précaution, la tête encore vacillante, les idées chancelantes. Doucement, elle se frotta les tempes. Plongée dans l'inconscience, elle avait vu des choses, entendu des mots ; sans parvenir à déterminer s'il ne s'agissait que d'une fabulation de son esprit éprouvé ou si la conversation avait été réelle. Elle n’eut guère le temps de réfléchir à la question. « Aah … » Elle plaqua ses doigts contre son cœur, prise de l'horrible sensation qu'on tentait de lui arracher. « Belle ! » s'exclama Edaiah qui somnolait sur une chaise grinçante un peu plus loin ; réveillé par la plainte de la jeune femme. Il sauta de son siège pour la rejoindre. « Je n'en crois pas mes yeux. Tu es encore … parmi nous, humaine. Pendant un instant, je t'ai pensé perdue. Tu étais si pâle, tellement malade. » Sa paume sur le front de la demoiselle, il avisa rapidement son état. « Tu n'as pas l'air d'aller … trop mal. Repose-toi encore. » - « J'ai mal … » souffla-t-elle en serrant davantage sa poitrine. « Allonge-toi. Je vais t'apporter de l'eau. » Elle préféra rester assise, prenant de grandes inspirations pour calmer les maux de son palpitant. Rien ne s'arrangeait pour autant. « Qu'est-ce que je sens ? » articula-t-elle avec mal. Une odeur aussi forte que désagréable venait lui chatouiller le nez. Elle n'eut pas besoin de réponse pour comprendre. « Ils ont peur. » marmonna Edaiah qui cherchait des excuses à ses frères de tourments. « Tu n'étais plus là. Ils se sont confortés dans leur projet. Ce n’est peut-être pas un mauvais plan. Il faut bien faire quelque chose. » - « C'est de la folie ! » Elle se releva d'un bond. « Fais attention à toi, Belle. » - « Tu ne comprends pas. Ils sont malades. Ils sont encore en vie. » A présent, elle était certaine de ne pas avoir rêvé. « De quoi parles-tu ? » - « Des Déchus ! Ceux touchés par la Propagation. Ils vivent. Ils sont conscients. » - « Doucement. Qu'est-ce que tu me chantes ? » - « Ils m'ont parlé. » - « Pardon ? » - « Je suis infectée, Edaiah, sous l'emprise de la Propagation. » Il recula lentement, méfiant. « Crains-tu que je te fasse du mal ? Tu vois bien que je suis telle que tu me connais depuis le début. » - « Ton discours est irrationnel. » - « Ah oui ? Tu n'as encore rien entendu. Tout cela est de votre faute. »

Edaiah était silencieux. Prudent, il dévisageait la Déchue qui ne se préoccupait déjà plus de lui, comme une enfant turbulente ayant quelques difficultés à se concentrer. Elle esquissa un bond, décidée à éteindre le début d’incendie. Coupée dans son élan par le jeune homme qui l’agrippait d’une main ferme, elle grogna presque. « Tu ne dois pas y aller. » - « Essaie de m’en empêcher, pour voir. » - « Tu pourrais être surprise. » - « Je n’aurai pas dit mieux. » Il souffla. « Belle, je ne te reconnais pas. » Elle rit. « Tu ne me connais pas, en réalité, alors ne te permets pas de juger un comportement dont le seul crime est de te déplaire. Je suis égale à moi-même ; je me bats pour les causes qui me paraissent justes. » - « Explique-moi. » Son regard dérapa vers la lueur qui perçait les trous de la tente abimée ; désir à peine voilé de s’échapper, d’aller voir la Forêt et de canaliser les flammes qui seraient bientôt ardentes, incontrôlables. « Les deux camps n’ont simplement pas réussi à se comprendre. » - « Les camps ? » - « Les Déchus et la Forêt. Elle … Elle a cru bien faire. Elle ne pensait pas à mal et, à sa manière, voulait aider tout en criant pour qu’on vienne à son secours. Des menaces pèsent sur elle. Voyant arriver les Déchus qui respectaient son essence, elle a envisagé un partenariat et a créé la Propagation. Piqué par une simple épine, la première transformation s’opéra. » Edaiah cligna des yeux. « Je ne te suis pas. » avoua-t-il, sourcils froncés. « La Forêt aspirait simplement à ce qu’on la défende et pensait nous faire un cadeau par la même. Je consens que ses desseins étaient difficiles à imaginer néanmoins … » - « Belle, es-tu en train de me dire que la forêt est en vie ? Plutôt … qu’elle a une conscience et une volonté ? » - « Serait-ce tellement surprenant ? Nos terres sont remplis de fabuleux et de merveilleux. » Il secoua la tête, les lèvres pincées. « Ton histoire ne tient pas, Belle. Pourquoi nos anciens frères essaieraient de causer notre perte s’ils n’étaient pas devenus des monstres ? » - « Ils ont refusé d’écouter et la Forêt a été contrainte de les changer intégralement. Une fois entièrement transformé, liés à la Forêt, ils ont compris. Ce n’est pas une tâche aisée que de convaincre des personnes qui ont peur mais face aux répliques agressives des Déchus, c’était la seule option envisageable. » Edaiah commençait à avoir mal à la tête. « Belle, tout cela est assez … » - « C’est pour cela que je suis restée humaine. » le coupa-t-elle. « J’ai bien voulu entendre la Forêt et plaider sa cause. » C’était peut-être même la raison qui avait poussé les bois à laisser la Déchue entrer au camp : ils savaient quel genre de femmes elle était. Edaiah ferma les yeux. « Sont-ils réellement encore là ? » murmura-t-il tout bas. « Les Déchus ? Oui. Dans mes songes, je les ai vus. Ils luttent pour un bel idéal. » - « C’est donc ce que tu diras à leur famille ? Certes, ils sont des monstres méconnaissables mais puisqu’une Forêt l’a décidé … » - « La Propagation est un virus. S’il n’a rien de néfaste, il répond aux règles habituelles : lui aussi a son remède. » Elle sourit. « Lâche-moi. Laisse-moi y aller. Tout va bien se passer. »

Les arbres hurlaient et agonisaient. Leurs cris retentissaient à travers la région entière mais nul ne les entendait, personne sauf Belle. C’était insupportable. Pourtant, elle restait digne – du moins autant que possible tant ses traits trahissaient son mal-être – et avançait d’un pas léger vers les Déchus, qui alimentaient un bûcher gigantesque. « Arrêtez. » Ce n’était qu’une supplique, un tendre murmure, comme une prière. Les Déchus, surpris d’entendre cette petite voix fragile, se retournèrent d’un bond. « Belle. » s’étonna Naheel. « Tu … » Il s’interrompit. Le visage crispé, horrifié, il recula, suivi de près par les autres qui s’armaient de bûches enflammées. Ils sommèrent Belle de les rejoindre. Un léger sourire sur sa bouille de poupée brisée et lasse, elle hocha lentement la tête. Elle savait que les créatures mi-arbres mi-déchus se glissaient derrière elle ; elle savait aussi qu’elles ne lui feraient aucun mal, se bornant à s’entasser près d’elle. « S’il vous plaît. C’est fini. Il y a eu assez de morts sur un malentendu. » Au loin crépitaient les restes de quelques Déchus contaminés par la Propagation, étendus aux côtés d’arbres de naissance, comme des frères. Elle était arrivée trop tard : ils ne pourraient pas tous être sauvés. « Karolyn, pourrais-tu utiliser tes dons ? Je te sais douée avec l’eau et la terre. Fais en sorte que ce massacre cesse. » L’intéressée hésita. Indécise, elle dévisageait ses comparses dans l’espoir qu’ils la guident vers un choix. « S’il vous plaît, laissez-moi vous expliquer. » - « Comment se fait-il que les monstres t’épargnent ! » s’insurgea Naheel. « La Propagation l’a dévoré, c’est une évidence. Son apparence est le meilleur des leurres ! » - « Peut-être … pourrait-on simplement obéir et prêter oreille à ce qu’elle a à nous dire. » proposa quelqu’un. «  Mais … » - « C’est une fillette. Elle ne me fait pas peur. »

L’entente finit par être trouvée, bien qu’elle ne soit pas facile à accepter par tous les Déchus qui souffraient parfois de la vérité. Le Pacte était simple et il reposait sur une protection mutuelle. Les Ailes-Noirs devaient s’engager à ne pas brutaliser la Forêt et à la protéger des agressions dont elle était trop souvent la cible. En retour, elle octroyait de grands pouvoirs aux soldats qui seraient choisis pour la défendre, leur accordant le don de muter en chêne, de comprendre la flore et d’user de ses forces. Belle espérait que l’alliance séduirait le Daedalus, qui n’était encore au courant de rien. Tout s’était passé très vite et elle n’eut pas même le temps d’écrire la moindre lettre, considérant finalement qu’elle irait voir le Roi pour lui faire son rapport en personne. Elle avait ardemment travaillé au compromis ; les projets lui tenaient à cœur. Convaincre les Déchus fut le plus délicat ; mais beaucoup cédèrent lorsqu’ils virent leurs amis, les frères ou leurs épouses passer d’écorce à chair. « Cette union ne sera pas accommodante au quotidien. » souligna Edaiah qui se glissait aux côtés de Belle. Perchée dans une petite cabane en hauteur, elle balançait ses pieds dans le vide, croquant à pleine dent dans une pomme rouge. « Non. Il faudra être prudent. L’harmonie est encore fragile mais elle est belle. » La jeune femme souriait. « Regarde comme le camp retrouve forme agréable. » - « Est-ce que je peux te poser une question ? Elle concerne ce que tu as vu, lorsque tu étais malade. » Elle acquiesça. « De quoi la Forêt a-t-elle si peur ? » Belle blêmit. «  Je n’en suis pas certaine. » - « C’est mauvais. » Chuchotis à peine audible, elle susurra : « Même pire que ça. » - « D’ailleurs, est-ce que tu entends toujours la Forêt ? » - « Non, elle n’a plus besoin de moi à présent. » Pourtant, elle souriait davantage. Elle baissa ses mires mauves vers l’une de ses mains, scrutant brièvement le poignée où se traçait une petite arabesque en couleur clair. « Je crois qu’elle me remercie de tout ce que j’ai fait pour elle, à sa manière. » La Propagation n’avait jamais eu vocation à être mauvaise. Encore fallait-il être ouvert d’esprit pour le saisir.

1822 mots
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

La Propagation [solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [EVENT solo Partie IV - solo] Rétablir un semblant de vie
» [Q] - Ẹṣọ Kọọ | Solo
» [Q] La fin | Solo
» Là où il y a de la vie, il y a de l'espoir [Solo]
» Ça sent bizarre, non? | Solo
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Est :: Forêt aux mille clochettes-