J'irai dormir chez vous.

Thème.
Intrigue : Dans le cadre d'un échange culturel, Daé et Isahya sont envoyés à Drosera pour un séjour chez l'habitant. Ce sera pour eux l'occasion d'apprendre à se connaître, et, surtout, de découvrir le mode de vie si particulier des Alfars.
À l’ombre de la fenêtre, la jeune femme se tenait très droite. Sa posture crispée, qu’elle espérait convenable, lui donnait l’air d’un morceau de verre sur le point de rompre. La comparaison n’était pas si éloignée de la réalité ; sitôt qu’elle se trouvait en présence de l’un de ses semblables, l’anxiété lui rongeait les entrailles. « J’espère, Mademoiselle Leone, que vous avez bien compris les enjeux de cette affaire. » Silencieusement, elle acquiesça. L’angoisse ankylosait ses cordes vocales. Suite à la promesse de mariage entre l’Empereur Noir et une Alfar, un des membres du gouvernement avait eu la brillante idée de proposer un échange culturel. Bien que l’initiative put faire rire, elle avait été approuvée, et, par un malheureux concours de circonstances, son organisation avait échoué à Camélia. « Excusez-moi, mais… Pourquoi m’avoir choisie ? » La joie qu’aurait dû instillé la perspective d’être utile aux siens tardait à envahir les fibres de la Sorcière. L’effroi, en revanche, se diffusait dans chacune de ses cellules. « Vous faites partie des quelques individus ayant eu la chance de visiter Drosera. Par conséquent, nous avons pensé qu’ils seraient plus enclins à vous ouvrir les portes de la cité. » Plus appuyé que les autres, un battement de cœur lui laissa entrevoir la possibilité d’une réussite. Que ses congénères lui confiassent une mission l’honorait, et s’ils imaginaient qu’elle avait les compétences nécessaires, elle ne les décevrait pas. Comme si elle avait senti le regain de courage qui s’emparait d’elle, son interlocutrice s'empressa de l'anéantir. « Ne fondez pas de faux espoirs. La Coupe des Nations vous a peut-être donné des admirateurs dans l’univers des casseroles ou des dépravés, mais à nos yeux, vous n’êtes rien. »

Le lendemain, selon les instructions données par la Mage Noire, la brune avait arpenté les pavés de Malorsa jusqu’à un bâtiment d’allure quelconque. Ses phalanges s’accrochaient à une petite valise ; le contact de la poignée la rassurait. Ravi que sa fille ait enfin l’opportunité d’exprimer ses talents, César avait tenu à renouveler en partie sa garde-robe. Sitôt Camélia partie, ils avaient filé en direction du couturier. Fidèle à ses principes, la jeune femme avait ensuite éprouvé le besoin de se rendre au temple, et son père était rentré, se chargeant des préparatifs de dernière minute. Malgré l’heure tardive, elle avait trouvé Nathanaël. Perché sur les Mystères d’Ethelba, ses iris se déplaçaient par saccades, avides de parcourir les lignes sacrées que, pourtant, il connaissait déjà. Calmement, il avait interrompu sa divine lecture, et, dans le secret de l’isoloir, elle lui avait confié ses tourments. Comme à son habitude, il lui avait prodigué de judicieux conseils. « Si vous n’êtes pas en capacité de semer le chaos, comme Elle l’exigerait, efforcez-vous de faire bonne figure. C’est tout ce que l’on attend de vous. » Pendant de longues minutes, elle était restée sur le banc, à débattre avec lui des nécessités de la société, et des conflits intérieurs qui, parfois, prenaient racine, ébranlant les convenances et les préceptes. Ses réflexions, bien qu’enfantines, ne suscitaient jamais les moqueries du Prêtre, et, patiemment, il la guidait sur la voie. Ayant trouvé l’apaisement, elle avait fini par rentrer. À présent, elle se tenait dans une salle glacée, en compagnie de Camélia et d’un.e parfait.e inconnu.e. Il lui fallait se montrer forte, et digne.

Attendre les bras croisés réveillant ses inquiétudes, la Sorcière décida de prendre les devants. Briser le silence ne pouvait faire de mal à personne ; elle avait cru comprendre qu’il lui faudrait passer les prochains jours en compagnie de son congénère. « Bonjour. Je m’appelle Isahya, et je suis ravie de pouvoir découvrir Drosera avec vous. C’est une opportunité vraiment unique. Est-ce que vous y êtes déjà allé ? » Naïvement, elle supposait qu’iel avait été recruté.e sur des critères similaires aux siens. Pas un instant elle ne pensa qu’il pût s’agir d’une célébrité, ou d’un.e Mage talentueux.se. La blancheur de ses cheveux la surprenait ; à sa place, elle n’aurait pas hésité à noircir les mèches. Au grand jour ou dans le secret d’un cœur, la pureté s’imposait aux vils comme un parasite, et l’éliminer n’était pas toujours simple. Devant le regard glacial de Camélia, elle réalisa qu’elle n’avait même pas demandé son identité. « Pardonnez mon impolitesse. J'aime apprendre, et tout ceci me monte un peu à la tête. Puis-je connaître votre nom ? » La jeune femme aurait aimé lui poser davantage de questions. Toutefois, la pression revenait endolorir ses muscles, et, en conséquence, des aiguilles piquetaient sa gorge. La dentelle lui démangeait le cou. Prenant une longue inspiration, elle tâcha d’adopter une posture plus droite, et de se remémorer les recommandations de Nathanaël. Avant que de s’être calmée, une sensation de vertige la prit. Autour d’elle, les murs tanguèrent dangereusement. Tâchant de trouver un point d’appui, elle rencontra le bras du Sorcier, et s’y agrippa sans réfléchir. Vaguement nauséeuse, elle aperçut les contours d'une nouvelle pièce. Soudain, un doute la prit. N'aurait-elle pas dû refuser, et s'enfermer une fois de plus dans la solitude de sa chambre ?

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Le masque du parfait mage noir était devenu une forme d’habitude, il avait maintenant pour quotidien de le mettre pour se déplacer à l’intérieur de La Vorace, le problème était un petit peu différent cette fois. Le Rehla savait très bien qu’il allait devoir réfréner sa compassion d’une part, et surtout maîtriser son Umbra Ora avec doigté. Avec ses compétences et ses missions au sein du peuple des étoiles son infiltration devenait de plus en plus compliquée s’il ne prenait pas du grade à l’intérieur du peuple noir. En effet, plusieurs fois, au début de ses cours à l’intérieur de Nementa Corum, il avait vu le regard des gens glisser sur son aura qui était trop puissante pour un simple étudiant. Il avait donc entrepris, en lien avec Lyn, son adelphe infiltré depuis longtemps chez les Mages d’Ethelba, de très vite accéder aux portes de l’Université. C’était le but aujourd’hui. Il avait rendez-vous dans les quartiers riches de la ville. Il n’avait aucunement envie de cette mission, elle était difficile à gérer pour lui, émotionnellement. Depuis quelques temps, il avait envie de douceur et de calme. Il se réveilla donc aux aurores, afin de se ménager du temps avant d’aller rejoindre sa future camarade d’expédition et prit le temps de manger quelques céréales qu’il avait ramené de ses terres natales quelques jours auparavant. Le soleil n’était pas encore levé, Ethleba arrivait à la fin de son règne nocturne et le monde était à ce moment de basculement entre les lunes et le soleil. Un moment où Daé pouvait se sentir ni Rehla, ni Sorcier, mais simplement un être de magie en train de manger et d’attendre. Synaën, sa fourrure lavée à grands soins pendant plusieurs minutes, mangeait aussi, des plantes qu’elle était allée récolter elles-mêmes. Autour d’elle, quelques tulipes percèrent le sol en bois de l’appartement qui était au-dessus de l’atelier de l’enfant de Phoebe. Sur le côté des rideaux épais et bleu nuit de la fenêtre qui faisait face à la table à manger où était assis Daé, le soleil commençait à pointer le bout de son nez. Son repas terminé, il fit se laver son bol et ses services en les entourant de magie et en y projetant de l’eau qui traînait dans un baquet, puis prit un instant pour pincer quelques cordes de la harpe qui était dans le salon. L’appartement était assez pauvrement meublé. Le son apaisa toute la maisonnée. La tigresse qui ronronnait, l’origami qui voletait. Les accords étaient apaisants et Daé essaya de s’accrocher à ce son qu’il n’allait plus entendre pour les semaines à venir. Au bout de quelques minutes, son sac vérifié et ses habits enfilés, il se mit en route.

Les quartiers étaient plutôt animés au matin, la magie des étoiles entourant Daé fit en sorte que personne ne le remarqua et dans tous les cas, il était habillé pour ne pas être remarqué. Une combinaison extrêmement simple, entièrement noire. Des chaussures avec un talon infime au bruit extrêmement doux, une ceinture entourant sa taille pour la marquer, noire elle aussi avec un petit symbole d’Ethelba brodé à intervalle régulier le long de sa ceinture, il avait prévu de l’enlever une fois arrivé à Drosera, mais devait montrer aux gens qu’il croisait que son appartenance au peuple noir ne faisait aucun doute. Par-dessus ça, il avait mis une cape d’un bleu nuit tirant sur le noir avec une capuche qu’il avait rabattu sur ses cheveux blancs qui dépassaient légèrement. Ses piercings et boucles d’oreilles étaient toujours les mêmes, des anneaux et des barres de métal parsemant le pavillon et les lobes, et sa peau toujours la même également, pâle, comme s’il avait vu le soleil une fois, bien avant l’ère de la conciliation. Malorsa était magnifique, d’une beauté cassante et méprisante comme à son habitude et Daé ne put s’empêcher de s’arrêter contempler un instant les palais et bâtiments royaux et administratifs qui avaient ostensiblement été construits comme des démonstrations de pouvoir. Lyn l’attendait devant le bâtiment dans lequel ils avaient rendez-vous. Il ne dit rien, Daé non plus. Les deux Rehlas ne s’appréciaient pas et tous deux savaient très bien ce qui était en jeu.

La décoration de la salle était accordée à l’ambiance : froide. Les deux sorcier.ère.x.s les plus expérimenté.e.x.s regardaient leur poulain. Daé avait mis son masque. Il enleva sa capuche, ne souriait pas et affichait un air presque agacé. Un sourcil légèrement haussé en permanence. Il salua rapidement les deux personnes qui les attendaient d’un hochement de tête et détailla sa future partenaire qui avait l’air absolument terrorisée. Il aurait voulu l’aider, mais sa couverture était en jeu, il était déjà un peu désolé pour elle, mais ce voyage n’allait sûrement pas être de tout repos si elle était déjà effrayée à l’intérieur même de la Vorace. Elle se présenta. Isahya. Petite, élancée, un air jovial qu’elle essayait de cacher sous des vêtements sombres qui semblaient de bonne facture à Daé. Elle aussi avait réfléchi à comment elle allait s’habiller pour rencontrer un collègue. A peine eût-elle demander au Rehla de se présenter et tenté de faire bonne figure qu’elle manqua de s’évanouir en se récupérant sur le bras de Daé qui ne cilla pas. Lyn commenta, acerbe, à l’attention de celle qui semblait être affligée du comportement de sa pupille : “Heureusement que mon élève sait tenir debout. Quelle équipe auraient-iels fait sinon ?” Son visage n’avait pas bougé d’un millimètre lorsque sa voix grave avait émis ces sons. Le Martyr de la Lune aida Isahya à se remettre droite puis adressa la salle : “On continue à se regarder en chien de faïence ou on parle de l’expédition ?”

Quelle ambiance.

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