Maximilien profitait de sa journée de libre pour rester tranquillement chez lui. Les évènements du Pardon du Sympan avaient eu quelques impacts peu anodins et bouleversés le quotidien de la population un temps. Les lueurs du crépuscules dans la demeure avaient quelque chose de reposant. Antonija sortie, les enfants endormis et Nir à ses occupations, il était apaisant se retrouver parfois seul avec soi-même. Il n'en avait jamais trop eu l'occasion depuis qu'il s'était installé à Utopia. Son regard se posa sur le Simurgh allongé et endormi à l'ombre d'une plante en pot. Un sourire s'affichait sur son visage. Cette maison s'était remplie en si peu de temps. Il replongea le nez sur son papier. Il n'avait jamais prit le temps d'y jeter un œil. Il ne s'était jamais donné le temps. Cela faisait pourtant un moment que cette liste avait été écrite. Pas par lui toutefois. Des bruits de pas précipités retentirent sur le carrelage, attirant l'attention du Kaaiji et de l'animal divin. Ce fut la silhouette de Nir qui se dessina dans l'encadrement de la porte et qui courra vers lui. « Papaaaa ! Y a quelqu'un qui te cheeeerche ! » s'exclama le petit Réprouvé en lui sautant dessus avec toute la douceur d'un bicorne. « Doucement, les petits dorment. ». Maximilien avait arrêté de lutter face à l'enfant. Pour lui, il était indéniablement son père quoi qu'il puisse rétorquer et peu importe les arguments qu'il pouvait offrir. Cette histoire était aussi invraisemblable que sa paternité. Rien que l'âge du petit bipolaire suffisait à la contester. Il devait avoir quoi, huit ans, à peine plus ? Il y a huit ans il était encore dans le coma au fin fond du Désert sous prétexte de défaite d'une putain de guerre que les divins se furent livrés par putain d'Orgueil. Sans parler de la mère qu'il n'avait jamais ne serait-ce que croisé. « Qui c'est qui me cherche ? » - « Je sais pas. C'est elle. » fit-il en tendant son index vers l'entrée. « Tu l'as fait entrer ? » rétorqua le rouquin, incrédule. « Bah oui. Elle te cherchait. » répondit Nir comme si sa question n'avait aucun sens. Tandis qu'il se passait une main sur le visage, le Kaaiji repoussait l'enfant pour se lever, ce dernier trouvant une autre source d'amusement en allant embêter Haurvatât.

Maximilien redressa le menton et croisait les bras en voyant l'intruse. « Kyra. Je ne t'attendais pas. » - « Je me doute. ». Un lourd silence s'installa avant d'être coupé par la Déchue. « Bonsoir Max. Ça fait longtemps. » - « Tu trouves ? ». Une moue se dessina sur le visage de la Gourmande. « Je tombe au mauvais moment je crois. » - « Je cherche surtout à comprendre ce que tu fous ici. » - « Ça peut être bizarre, c'est vrai. ». Elle marqua une pause, son regard déviant sur le garçon. « Papa ? » demanda-t-elle avec un air rieur en reportant son attention sur l'Humain. « C'est compliqué. Et toi ? À part pour montrer que t'en as fini avec ton expérience masculine, j'imagine que t'as une bonne raison de te pointer ici. » répond-il pour revenir au sujet premier. Un sourire amusé se glissa sur la commissure des lèvres de la Déchue à cette remarque. « C'est dommage que tu aies coupés tes cheveux. Ça t'allait bien. » fit-elle plutôt comme pour retarder l'échéance en avançant une main vers la tignasse rousse du Kaaiji qui se fît rapidement repousser avant qu'elle ne puisse atteindre son objectif. « Pardon. » se reprit-elle avant d'enchaîner « Je vais monter un commerce ici, à Utopia. ». Clair et bref. Trop peut-être pour le coup. Un long flottement suivi la déclaration. « Tu vas faire quoi ? » - « Je... ». Des pleurs résonnèrent dans l'habitation, coupant net le développement de la Petite Sœur. Et, avec une dernière oeillade et sans un mot, Maximilien tourna le dos à celle-ci pour trouver la source des gémissements malheureux sous le regard de la Déchue.

Avec douceur il récupéra Aurel dans ses bras dont les larmes et l'expression trahissaient quelques mauvais rêves venus parasiter ses songes. Enlaçant son petit corps en détresse, il commença à lui souffler quelques mots rassurant. « La, la. Shhh, tout va bien. Papa est là. Papa veille. ». Il resta ainsi à réconforter le garçonnet, le serrant tendrement dans ses bras tout en lui murmurant quelques paroles douces afin d'apaiser son esprit tourmenté, rabattant sur l'enfant ses ailes, doux cocon protecteur infranchissable contre le monde extérieur. « Maximilien. » - « Hum ? ». Il se tourna vers Antonija qui l'eût rejoint. « Tu sais qu'il y a quelqu'un dans le Salon ? » - « Elle est encore là ? » - « Qu'est-ce qu'elle fait là ? » répliqua plutôt la Wun en se dirigeant vers Sharihzad qui commençait à manifester son agacement de ne pas être au centre de l'attention. Le rouquin marqua un temps. Son air contrit lui fit rapidement comprendre qu'elles avaient fait connaissance. « Me dire qu'elle était ici avant que je ne l'apprenne par d'autres biais il semblerait. » - « En quoi aurait-ce été grave que tu ne l'apprennes pas de sa bouche ? » - « Ça n'aurait pas été grave, non. Mais quand la personne décide de s'installer, c'est toujours plus agaçant de l'apprendre de quelqu'un d'autre. » - « S'installer ? ». Il put lire l'affolement et l'irritation sur le visage et dans la voix de sa Gardienne. Alors il soupira, agacé par ses réactions. Sa soirée avait si bien commencé. Qu'avait-il fait pour ne pas avoir ce droit à la tranquillité ? « Anto... Laisse tomber. Quand t'auras décidé de ne plus agir comme ça on reparlera, d'accord ? » fit-il sèchement en récupérant Sharihzad avant de quitter la chambre des enfants. « Comme ça comment ? Comme si tu retrouvais une ex compagne ? Excuses-moi, mais c'est un peu le cas. » répliqua-t-elle vivement sur ses talons. « Parce que t'es sérieuses ? » - « Mais... ». Elle aussi a été ta Gardienne et plus longtemps que je ne l'ai été. Ce sont les mots qu'elle allait prononcer et qu'elle décida de taire. « Mais quoi ? » - « Rien. » répondit-elle, à l'arrêt au milieu du couloir. En claquant la langue sur le palais, agacé, Maximilien quitta son Ange pour rejoindre le salon et Kyra qu'il trouvât à jouer avec le Réprouvé. Celle-ci se tourna vers le Kaaiji en constatant sa présence. Son regard se posa sur les enfants dans ses bras avant qu'elle ne prenne la parole. « Je t'ai vu sur Boraür, le Jour d'Ësse'Aellun. Il y avait une femme avec toi, elle n'est pas ici ? Tu sais, j'ai un appar... » - « Non. Elle n'est pas là. » la coupa-t-il durement. « Tu n'as rien d'autre à me dire ? Alors tu peux partir. ». fit-il sans même qu'elle n'ait le temps d'affirmer avoir terminé la discussion. « Bonne soirée Max. » répondit-elle toutefois après un soupir en se relevant avant de débarrasser les lieux, comprenant que débattre serait inutile.

Maximilien installa des coussins à même le sol dans le riad pour en faire un immense lit à ciel ouvert. Alors il y installa les deux enfants avant de s'allonger à leurs côtés. Son regard sur les petits, il poussa un soupir. Il avait été dur avec sa Gardienne et celle qui l'eût été. Il en avait conscience. Il aurait pu faire preuve de plus de tact, oui. Toutefois, de leur côté,  la première aurait pu réagir bien moins virulemment à la présence de la Gourmande quand la seconde aurait pu attendre le lendemain pour faire son annonce, et la faire ailleurs qu'entre ces murs. Nouveau soupir. Il se foutait bien en réalité de tout ça. Qu'elle l'ouvre son affaire si ça lui chante. Qu'elles se haïssent ou non, c'était leur problème. Son visage se tourna vers les nues. Parfois il aimerait se foutre de bien plus que ces ridicules futilités. Les affaires de politiques. Les querelles de voisinage. Les coups bas et ceux en traîtres. Les messes basses, les commérages et les regards indiscrets. Les attentes, les requêtes. Parfois il s'imaginait loin de tout ça. Loin de la notoriété et des Titres auxquels il avait été raccroché. Il s'imaginait ce qui aurait pu se passer s'il n'avait pas été "l'Obstiné". Il n'aurait pas cette demeure. Il ne serait pas allongé ici à se poser ces questions. Mehreen ne serait pas morte. Antonija ne serait donc pas présente aujourd'hui. Il n'aurait possiblement pas été choisi pour participer à l'épreuve Déchue. Il n'aurait donc pas revu Kyra. Pas avant aujourd'hui. Elle ne serait d'ailleurs sûrement pas venue ce soir pour cette raison. Peut-être un autre jour. Mais ils se seraient vu ailleurs. Dans un débit de boisson probablement, comme à Avalon. Il n'aurait possiblement pas participé à la Guerre du Pardon. Tout du moins, n'en aurait-il pas gardé les attributs. Élu d'Hel'dra, ça il l'aurait toujours été cependant, c'est fort probable. Toutefois n'aurait-il pas acquis la gratitude de la Reine Blanche et les privilèges allant avec. Il serait resté le manant qu'il avait toujours été, vivant avec une fortune qu'il avait toujours connu, c'est à dire ridicule mais suffisante. Est-ce que tout était bon à jeter pourtant ? Ce n'était pas certain. Il n'arrivait pas cependant à être heureux des réussites qui en avaient découlés. Trop de problèmes qui s'enchaînaient. Trop de situations compliquées qui allaient de pair. Son attention se reporta sur les bébés, Aurel s'agrippant à son haut tandis que Sharihzad s'essayait à une acrobatie pour escalader les jambes de son parrain. Sa main vint caresser les mèches rousses du petit alors qu'il surveillait avec une vive attention l'Enfant des Cieux. Deux grains d'innocences dans un désert de préjugés, d'iniquité et d'improbité. Il ne les laisserai pas s'y perdre, c'était la dernière chose qu'il laisserai faire. Rapprochant Sharihzad, il enserra les deux enfants contre son torse. Il ferait ce qu'il faudrait pour que leur chemin soit le moins sinueux possible. « Je vous le promets. » souffla-t-il, le front sur leur petite tête candide.