« Agir en primitif et prévoir en stratège. »

Objectif : Deccio poursuit son ambition en demandant de l'aide à un prestigieux stratège afin de lui enseigner tout ce qu'il sait sur les condiments

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Premier mouvement : le déchiqueteur de pureté ; la tranche de la main du Démon fut insufflée d’une faible quantité de magie, apportant une impulsion du haut vers le bas avec diligence mesurée. La neutralité de son sang-froid hachant la planche en bois qui endossait le rôle d’adversaire immobile. Second mouvement : le fendeur de diamant ; son pied — chargé d’une couche sombre — frappa la seconde barrière à même la plante de ses pieds, l’éclair fulgurant de sa manœuvre envoyant valser cette dernière dans les tréfonds du décor, une étoile commandée par l’astre solaire se dessinant dans le ciel. Enfin, le troisième mouvement : les crocs abrupts du dragon ; en repliant ses mains sur lui-même de sorte à former une mâchoire avec, l’homme inclina ses hanches en produisant une rotation telle qu’elle favorisa l’essor de son coup. La gueule imprimée du dragon ravagea le mur suivant, le dépossédant de ses fondations avec la même efficacité qu’un bélier employé pour les sièges. Joignant ses deux mains lorsqu’il eut terminé sa séquence chorégraphique, Deccio remercia l’Aether du combat pour tous ses enseignements. Tendant son bras pour saisir une serviette, il s’épongea le front puis s’essuya son visage transpirant avant de la jeter dans les airs. Au plus il les pratiquait, au plus les arts martiaux le fascinaient. Il avait encore tant de choses à apprendre que la connaissance liée à ce sport lui permettait d’explorer des possibilités infinies. Incertain jusqu’où le mènerait sa persévérance, s’il est bien un point sur lequel il semblait sûr de vouloir travailler à l’avenir, c’est sur la concrétisation et le peaufinage de ces arts au sein des armées de l’Enfer. La magie renfermait des perspectives évolutives étonnantes, mais les peuples spécialisés dans son utilisation étaient déjà trop nombreux pour qu’ils puissent un jour les rattraper. C’était notamment le cas des Sorciers et des Magiciens, des précurseurs dans ce domaine.

En revanche, à sa connaissance, personne ne recourait à l’abondance d’aptitudes martiales disponibles dans le monde. Hormis les Orines qui se diversifiaient dans tous les arts de manière générale, mais ils ne sollicitaient pas le combat à proprement parlé. Ce que voulait le blondinet, mis à part de préserver son avantage majeur — principalement en présence d’Humains où dans des lieux privés de magie — c’était de mettre en exergue ce moyen qui servait autant à se défendre qu’à passer à l’offensive, c’est pourquoi il rêvait de mettre au point un art martial spécifique, adapté pour les Démons et pour la guerre. Il créerait alors une section d’élite composée de membres triés sur le volet dont les pouvoirs correspondraient fidèlement à ses idéaux. Cela étant, ses ambitions allaient bien au-delà et cette division qui ne concernerait qu’un escadron parmi tant d’autres, car la seule force combattive ne suffirait clairement pas à se reconstruire de la déchéance sociale. En fait, les choses ne changeraient pas si facilement, et ce même s’ils viraient le Roi actuel pour le remplacer par un substitut. Afin de se relever dignement, ils devaient d’abord se remettre en question dans le but d’élaborer une vraie stratégie visant à terme, à riposter comme jamais personne ne l’avait fait auparavant. Deux clés leur permettraient de rétablir un ordre nouveau sous le joug des cornus. Premièrement, la patience. S’ils se précipitaient, ils couraient indéniablement à leurs pertes, car c’est en essayant de brûler les étapes qu’ils finiraient en un tas de cendres déplorable. À l’heure actuelle, la tristesse s’accordait à dire qu’il n’existait aucun stratège digne de ce nom pour remplir ce manque chez les lucifériens. En vérité, pas totalement. Un vieux Démon parmi les plus anciens de cette misérable époque contenait assez de savoir-faire dans sa caboche pour transformer de l’eau en vin.

Façon de parler, puisque ses talents allaient bien au-delà d’une simple transmutation liquide. Non, lui pouvait changer le cours d’une guerre à n’importe quel moment, rivalisant sans conteste avec les érudits les plus orgueilleux des Terres du Lac Bleu. Renverser une situation uniquement en observant un champ de bataille et en prenant les meilleures décisions au bon moment relevait d’un pouvoir plus grand encore que l’invocation d’une météorite géante, du moins à son sens. Pour lui, ils incarnaient la vraie suprématie, celle que l’on ne pouvait surpasser sans avoir longuement étudié le terrain, non seulement en ne restant que spectateur de ce qui s’y trame, mais également en participant activement à un conflit, en première ligne. Pour lui, il ne faisait aucun doute que ces deux éléments enchainés l’un à l’autre lui dévoileraient l’ultime arcane qui ferait hurler de douleur l’ennemi. Ainsi, il ne serait plus question d’une ethnofiction à deux ronds, mais d’une réalité qu’ils auraient élaborée dans le secret. De sorte à entrer au plus rapidement au cœur de la science du discernement, l’homme avala un fricandeau sur le chemin. Au préalable, il avait contacté le principal concerné de cet appel, mais malgré ses prédispositions, il peinait à y voir très clair. La rumeur le concernant stipulait que le vieillard jouissait d’assez d’humour pour rivaliser avec Vampires. L’existence d’un tel génie n’ayant que très rarement participé aux victoires s’expliquait d’ailleurs de diverses façons. Le caractère de l’individu, très controversé, ne correspondait pas vraiment aux normes de la société. Disons qu’il arrangeait très peu ses pairs en se soumettant à leurs attentes, c’est pourquoi il n’en faisait généralement qu’à sa tête jusqu’au point de faire gagner ses ennemis sous prétexte que ça le faisait marrer. Les Seigneurs avaient donc fini par l’écarter pour le bien de tous, mais son génie restait immuable.

Deccio se souciait peu de son caractère outrancier, puisqu’il souhaitait simplement apprendre à ses côtés en en tirant des leçons. Autrement dit, il ne chercherait qu’à le dépasser pour atteindre à son tour l’excellence et ainsi avoir l’occasion de traiter les plans comme il l’entendait. Dans cette région inondée par la lave, les torrents de flammes et les piliers incandescents, la vapeur émise par les éléments roturiers allait même jusqu’à ronger l’enveloppe corporelle des visiteurs. Toutefois, elle grignotait moins vite celle des personnes disposant d’une grande clarté d’esprit mêlé à la force qui lui convenait. C’est la raison pour laquelle l’élu ne s’y était pas risqué avant. Impatient de rentrer en contact avec celui qu’on appelait le roi du parcours, la créature ailée sauta de roche en roche, tous les muscles de ses membres postérieurs étant sollicités de sorte à augmenter sa vitesse, le Vil prenant des hauteurs vertigineuses. Profitant du même élan, il abattit les bestioles qui se présentèrent sur son chemin d’un coup bien rangé dans l’estomac : l'un de leurs points faibles. Il escalada ensuite le dernier pilier rocailleux en s’armant de ses bras rigoureux, atteignant le sommet en un temps record. Enfin, il se reposa sur ce pilier à l’équilibre précaire, son oscillation devant être corrigée par celui qui se tenait à cette place. À partir de là, il fit appel à son intuition, et surtout à ce que lui exposa le panorama, à savoir un simulacre d’un champ de bataille, avec les créatures terrestres en guise de troupes et les pierres si bien disposées qu’elles évoquaient les chefs de chaque légion. La nature offrait aussi son lot de simulation, puisque le décor aidant, certain montrèrent clairement de la défaveur en termes d’approches.

Un premier test ? Malin, mais ça ne suffirait pas à décourager l’animal, bien au contraire. En poussant l’énorme caillou à l’Ouest, la première escouade prendrait idéalement l’avantage. En revanche, le groupe qui se trouvait au Sud aurait alors tout le loisir d’attaquer par le flanc et donc de gagner en supériorité. À l’Est, la zone marécageuse procurait une mobilité accrue pour les soldats équipés d’armures plus légères, comme ça semblait être le cas pour ces Démons rachitiques, adaptés à les pratiquer régulièrement. Finalement, tous disposèrent de ses forces et de ses faiblesses, sauf un régiment en particulier ; celui du Nord. Bien sûr, ils ne jouissaient d’aucun privilège non plus, mais en contrepartie, ils avaient le choix d’axer leurs stratégies sous plusieurs angles, ce qui convenait d’un traitement astucieux et souvent décisif. À choisir, c’est ici qu’il lancerait les festivités. Pointant du doigt l’infime brèche perceptible de son piédestal, le Démon se rua immédiatement dans celle-ci, non sans éconduire quelques adversaires venus l’accueillir dignement. Déjà acclimaté à l’environnement, son corps supportait les changements négatifs qui lui avaient étés apportés, son organisme répandant une chaleur telle qu’il arrivait désormais à pulvériser les créatures avec un effort moindre. Finalement, il réussit à s’engouffrer dans la crevasse de justesse, la tentative vaine de son ralentissement menant l’homme à s’écraser à l’autre extrémité de la caverne. Se relevant dans le mal, le blond frotta sa nuque, une douleur cervicale se propageant dans son échine. Époussetant ses vêtements d’un revers, il glissa l’une de ses mains dans sa crinière, recueillant une tige en aluminium en son centre. Braquant ses iris sur l’objet en question, ses prunelles virèrent au rouge. Il se trouvait au bon endroit, son intuition se confirmant grâce au pouvoir de localisation dont étaient nantis ses yeux. Reprenant foi en ses compétences de détective, le soldat animé par l’ivresse des enquêtes se laissa engloutir par la voie souterraine.

Au détour de la cinquième courbe, une silhouette décharnée se révéla enfin au grand jour, ses membres émaciés pointés par la lumière qui s’infiltrait par les orifices du monceau. Manifestement occupé à faire tenir en équilibre des galettes de pommes de terre les unes sur les autres, Deccio s’annonça. « Euh… excusez-moi de vous déranger, vous êtes bien Moon Zut, le fameux stratège qui a triomphé d’une armada entière avec quatre fois moins de soldats ? Je suis un grand fan de vos prouesses alors… » Avec un temps de réaction supérieur à la moyenne — d’environ six secondes — lui permettant de se tourner dans sa direction pour l’observer sous toutes les coutures, celui-ci se mit subitement à crier à pleins poumons, la bouche tellement ouverte qu’il aurait pu se faire dévorer par cet espace tridimensionnel. Cependant, il se détendit presque aussi rapidement, avant de répondre d’une voix parfaitement calme. « Qui es-tu ? » « Et bien je vous l’ai dit. Je suis ici pour vous rencontrer, pour apprendre de vous. Enseignez-moi votre savoir s’il vous plait, j’en ai absolument besoin pour progresser. » « Bichette n’est pas rentrée, je ne peux rien fais pour toi mon garçon. » « Mais c’est votre aide que je réclame, pas celle de Bichon. » Sceptique, le vieillard s’approcha de lui, ses gambettes rachitiques mettant un petit moment avant de l’atteindre. Il examina ses jambes, puis ses mollets, ses ischio, et passa ensuite par le haut de son corps en lui grimpant dessus comme un panda. Ses bras endurèrent le même examen, et il en fut de même pour son dos, sa tête et son torse. « Hihi. Tu fais partie de la lignée des Azmog, très intéressant. » « Comment vous avez deviné rien qu’en étudiant mes muscles ? » « Tais-toi et suis-moi, avorton. Je vais t’expliquer en chemin. » Encore un de ces lunatiques avec un pète au casque. Des personnages assez fréquents dans son entourage.


1833 mots | Post I

« Agir en primitif et prévoir en stratège. »

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Le scepticisme au bout du précipice, Deccio suivit allègrement le vieil homme qui sautillait comme un jeune enfant prépubère, son rire gras et débonnaire affectant même l’atmosphère. Parfois, il lévitait en disant des choses incompréhensibles, les vagues cramoisies balayant en un tour de force les préceptes ressentis. Roulant des yeux sous les commentaires viscéraux du paria, les deux impériaux enroulèrent leurs bras autour d’une colonne de pierre, celle-ci s’enclenchant aussitôt pour se hisser dans les airs. Stable, elle frémissait à peine devant les bourrasques contemplatives du paysage. Le vieillard planta ses doigts à même le minerai, désagrégeant une partie de sa consistance, désormais friable. Soutenu d’une souplesse qu’on ne lui soupçonnait pas, il gravit les derniers mètres avec une aisance incomparable, son petit corps fluet prenant place sur l’immense plateau du dessus. Deccio le rejoignit peu de temps après en usant principalement de la force de ses bras, achevant son ascension par une figure gymnastique. « Oh oh. J’ai du mal à croire que tu ne sois encore qu’un Saraṇi. » « Et moi que vous n’êtes qu’un vieux tacticien à la retraite. » « Touché. C’est ici que je m’amuse la plupart du temps. Regarde autour de toi, fils. » « Ouais, ben y’a que dalle. Pas âme qui vive, même pas une luciole. » « Ah… maintenant que tu le dis, c’est vrai oui. » « Ça n’explique pas ce qu’on fiche ici. J’ai peine à croire que je pourrais progresser en observant la croissance des plantes ou en écoutant le bourdonnement des abeilles. C’est reposant, j’en conviens, mais je ne suis pas venu ici pour flâner. » Encore le dessin d’un charlatan qui mentait dans le but de lui soustraire ses pièces d’or.

Mauvaise pioche si tel fut le cas, déjà parce qu’il se baladait sans le moindre argent en poche, et aussi parce qu’il disposait d’assez d’audace pour lui broyer les noix sans sourciller.  « Regarde plus attentivement, mon garçon. » Son index pointa un plancher carré qui venait tout juste de poindre devant leurs yeux. Des cases se dessinèrent dans un ordre aléatoire, rappelant sans commune mesure les échecs, à la différence près qu’il s’étendait sur la longueur, avec un encadrement plus contextuel planté aux alentours.   « Qu’est-ce que c’est ? » « Un plateau de jeu. Tu n’es pas sans savoir que les nôtres sont férus de jeu, et plus particulièrement de réalité virtuelle. Cet appareil compose avec le même procédé. La magie qui l’entoure est ainsi faite pour mettre en relation les pièces que l’on dispose ici avec l’air environnant qui reconstruit ce qu’il perçoit. Pour faire simple, tu as devant toi ce qui se fait de mieux en termes de simulation stratégique. » Clarifia-t-il en positionnant un pion sur les cases les plus proches de lui. La conséquence de cette application fit apparaitre un soldat dans le vide, à leur droite. Au premier abord, ça ressemblait fortement aux duels de monstres invoqués à l’aide des cartes. « Waaah. Impressionnant, si je m’attendais à vous défier de la sorte. » « Laisse-moi d’abord t’expliquer les règles. Afin de ne pas brusquer tes décisions, cette confrontation se déroulera au tour par tour. Ainsi tu auras tout le temps nécessaire pour réfléchir à tes actions et ainsi prendre du recul quant à tes décrets et à ce qu’elles occasionneront. Tu comprendras bien assez vite qu’il ne suffit pas de penser sur le moment pour réussir. Une bataille inclut non seulement le présent, mais tient aussi en rigueur le passé et le futur. Influer sur ces trois pivots sans en subir les conséquences indésirables n’est pas aussi élémentaire que tu le penses. » La discussion prenait enfin le sens qu’il lui souhaitait avec des promesses qui insufflaient de la chaleur à ses neurones, ses synapses lui transmettant ses meilleures vibrations.

Enfin un défi à sa hauteur qu’il relevait avec impatience. « J’aurais tout le temps de m’en rendre compte sur le tas. Allons-y. » « Avant toute chose, nous devons choisir nos effectifs. Comme tu peux le voir, chaque unité dispose de ses forces et de ses faiblesses. Celui-là est vulnérable aux éléments par exemple, mais profite d’une excellente allonge en retour. D’autres sont plus mobiles, bien que moins résistants aux armes. Tout est une question d’équilibre. Ne prends pas cette composition à la légère, car elle contribue grandement au déroulement qui s’en suivra. » C’est qu’il se faisait du souci pour pas grand-chose l’ancien. Plaçant toutes ses pièces sur le plateau, ce dernier fredonna avant de laisser croitre les bellicistes dans la zone concernée. « C’est bon pour moi. » Puisqu’il lui laissait la main, le Saraṇi commença par commander à sa première légion de rejoindre le bataillon ennemi. Avant qu’ils ne rentrent en contact, il déclencha néanmoins la faculté spéciale de son meneur qui consistait à provoquer une épaisse brume noire. De l’autre côté de la ligne, une bousculade eut lieu. Toutefois, tout ne se passa pas exactement comme prévu puisque l’escouade qu’il avait envoyée posa le genou à tard, visiblement privé de leurs énergies. Tous furent donc condamnés.  « Oh oh. Bien joué ! Te servir de l’écran de fumée pour dissimuler la garnison d’éclaireurs et cacher parmi eux une unité privilégiée par sa puissance t’as permis d'ébranler une partie de mes forces. Dommage que j’ai toujours un coup d’avance. » « Je m’attendais à faire quelques sacrifices, mais pas à ce point. » Plus tard et plus loin dans le temps, une énorme machine de guerre mut sur le devant de la scène.

Cette dernière prenait place stratégiquement derrière des lignes de défense impénétrables. Pleins d’archers s’étaient rassemblés autour sans qu’il ne puisse les arrêter. « Cette arbalète géante n’est pas facile à manier, j’en conviens. Pour porter le taux de réussite à cent pour cent, il était nécessaire de rassembler mes meilleurs archers au même endroit, mais pour y parvenir je devais les protéger avec des unités moindres. Tu as foncé tête baissée dans mon piège en négligeant tes autres unités. Cette erreur va te coûter cher. » « C’est vrai. Vous avez raison, je me suis fait avoir. Toutefois il me reste une solution. Je vais vous monter combien un débutant peut s’avérer coriace. » Par chance, ou par instinct — qui sait — le Vil profita des rayons du soleil pour diriger discrètement une troupe sur le côté. Elle se révéla au dernier moment en inactivant la faculté de son commandant. « Une percée au centre ? C’est risqué, mais néanmoins habile. Je ne vais pas pouvoir rappeler mes hommes à temps. Tant pis. » Deccio serra les dents lorsque venu de nulle part, il vit surgir cinq unités de tous côtés. Ils n’étaient certes pas nombreux, mais disposaient d’un pouvoir destructeur du fait du rang qu’ils occupaient. « Quoi ? Un guet-apens !? Mais cette zone n’était pas censée renfermer autant de soldats, j’avais pris mes précautions exprès. » La formation menée jusqu’ici visait justement à contourner ses atouts en le feintant avec une équipe qu’il pouvait diviser à tout moment. Il lui suffisait de déclencher la capacité de l’officier en tête de ligne, et l’affaire était dans le sac. Du moins, c’est le résultat qu’il prévoyait d’obtenir en gageant la coalition. « Tu as mal regardé, petit. Pour un observateur dont c’est le métier, je ne m’attendais pas à te tromper aussi facilement. » En examinant une nouvelle fois l’implantation des guerriers, et surtout leurs visages, quelque chose affecta effectivement le regard du Démon. L’enflure s’était jouée de lui. Et bien avec ça. « Je vois. Vous avez échangé leurs équipements et leurs armures. Vous m’avez eu, sale canaille. » Une lueur d’admiration brillait dans ses prunelles, le reflet de ses hommes périssant ne lui octroyant que davantage de reconnaissance envers celui qui démantelait ses opérations avec une complaisance déconcertante. Il irradiait si fort qu’il dispersait toutes les cassures sans contestation.

Analogiquement, il visualisait le vieillard comme étant enveloppé d’une épaisse armure absente de toute faiblesse. Aucune ouverture, même infime, ne permettait de glisser sa lame entre la ferraille tant il avait anéanti la plus petite des imperfections. « Oh oh. Tu n’y peux rien, j’ai sciemment attiré ton attention sur mes unités les plus féroces en te faisant montre de quoi ils furent capables. Ton jugement a été altéré par ma propre conduite. J'ai fait germer cette idée fixe en toi. Tu devais t’en débarrasser coûte que coûte si tu voulais atteindre le cœur de mon armée et faire tomber mon commandant. » « Et vous avez admirablement profité de mon obsession en la nourrissant. J’ai été aveuglé par la confiance, alors vous avez détourné mon attention comme un vieux magicien. Vous avez pu ainsi prédire mes coups suivants avec exactitude. Vous saviez que je n’aurais plus d’issue. » « Oh, mais tu m’as surpris avec ce petit gaillard. Il ne fait certes pas le poids en comparaison de ma défense, mais si je ne l’avais déjoué à temps, il aurait causé de gros dégâts. » Fariboles. Il avait mené la danse du début à la fin sans se sentir une seconde en détresse. Tout ce qu’il entreprenait ne laissait pas de place au hasard. « Tss. Pas de ça avec moi. Vous l’aviez prévu. J’ai peut-être manqué certains détails, mais certaines choses ne m’ont pas échappé. C’est le cas de votre unité esseulée couvert par le sable tout là haut. Vous l'aviez disposé parce que vous m’attendiez au tournant. C’est une défaite totale. » Le vieillard ne retint pas son rire, franc et réjoui. « Pris la main dans le sac. Et dire que je l’avais fait en toute discrétion. » Il posa une main amicale sur l’épaule du blond, comme un père le ferait pour son fils. Il dégageait beaucoup d’amour. « Ne t’en fais pas pour si peu. C’est normal d’avoir perdu. Le contraire m’aurait quelque peu vexé, et surtout, il t’aurait été moins instructif. » Jamais ça ne lui viendrait à l’esprit. L’honneur qu’il lui avait octroyé dépassait toutes ses attentes. « Oh, mais au contraire, je suis fasciné par vos prouesses. J’ai maintenant envie de vous voir à l’œuvre pour de vrai et de combattre à vos côtés. » « Nous aurons tout le temps pour ça. Maîtriser toutes les subtilités de la stratégie demande énormément d’applications et de pratiques. Tu as de quoi faire avant d’avoir la condescendance de m'égaler. » Le Saraṇi échangea une poignée de main avec celui qui se destinait à être son nouveau mentor. À présent, il devait travailler sur ses lacunes pour ne point le décevoir. « En tout cas je vous remercie pour votre enseignement. À très bientôt maître. » Prenant son envol dans les couches stratosphériques de l’Enfer, le blondinet emprunta un portail au détour d’un gros flash. « Comment ça maître ? J’avais pas compris ça, moi… » Ils se reverraient très vite, car Deccio projetait d'avoir une des plus belles carrières chez les Démons. Petit à petit, il endossait toutes les casquettes, et bientôt, c'est la couronne de ces professions qu'il déposerait sur son crane.



1815 mots | Post II