RP précédent : Le Jour d'Ësse'Aellun.


Alcide se faisait du tracas. Depuis que Laëth lui avait raconté cette histoire – en éludant bien des détails et en l’adaptant à une oreille enfantine –, il pensait régulièrement à l’avenir de la Comtesse Vaughan. Évidemment, son souci ne durait jamais longtemps, car l’île prenait soin d’évincer toutes les pensées noires qui pouvaient temporairement courir dans son cœur. En général, elles étaient même transformées. Il trouvait des solutions et son engouement pour celles-ci prenait le pas sur tout le reste. Ce fut pour cette raison qu’il se retrouva assis à son petit bureau, dans sa chambre, une plume à la main. Ses jambes se balançaient alternativement dans le vide tandis qu’il était penché sur sa feuille, la langue sortie. Il écrivait le plus soigneusement possible. Çà et là, il ajoutait même des dessins, aux crayons de couleur. Il fallait que sa lettre eût l’air joyeuse, parce qu’Aliénor avait besoin de beaucoup de bonheur – c’était du moins ce qu’il avait conclu après avoir entendu le récit de sa vie.

« Madame la Comtesse Vaughan, ma première Princesse en danger,

Je m’appelle Alcide et j’ai huit ans. Je suis un Magicien et je vis à Boraür avec tous mes frères et sœurs et Nounou Bonbon. J’adore les bonbons, les chocolats chauds, les jeux d’aventure et les livres de conte. Plus tard, je veux être chevalier !

C’est Laëth qui m’a raconté votre histoire. Elle m’a dit que vous étiez forcée de vous marier avec un vieux monsieur méchant que vous n’aimez pas du tout, et que ça l’embêtait parce que son frère est amoureux de vous et va être très triste de ne plus vous voir. Elle n’était pas d’accord avec moi, mais moi je pense qu’il va venir vous chercher ! Il a pleeeeein d’animaux, alors il pourrait faire comme dans Le Chevalier aux Poules, et lâcher son armée d’animaux sur le château du vilain ! Je lui en parlerai quand je le verrai, c’est promis.

Mais en attendant, je peux vous aider. Bon, c’est vrai que je n’aime pas beaucoup les histoires de princesses en danger. Je préfère quand le chevalier ou le prince combat un monstre et qu’il le terrasse pour protéger son royaume et sa famille ! Mais je sais aussi que les chevaliers sauvent des filles et que je devrai le faire – ça ne me dérange pas du tout, parce que c’est normal d’aider tous ceux qui en ont besoin, c’est juste que ce n’est pas ce que je préfère. Je me suis dit que c’était mieux de commencer mon entraînement tôt, même si Nounou Bonbon me dit tout le temps que je devrais être moins impatient – c’est juste que plus je m’entraînerai tôt, meilleur je serai, et plus je sauverai de gens ! Vous serez ma première sauvée ! Enfin ma première semi-sauvée, parce que je ne peux pas venir vous libérer… Et vous serez libérée avant que je puisse le faire.

J’ai demandé à l’île de créer un cadeau qui pourrait vous servir. Je ne sais pas trop comment ça marche, mais c’est forcément magique. Je sais que parfois vous venez à Boraür, alors si vous ne trouvez pas comment ça marche, vous pourrez la ramener et je demanderai à papa (je ne peux pas lui demander parce qu’il n’est pas là). Et je vous ai mis aussi des sucres d’orge et du pain d’épice fait par Nounou Bonbon. C’est le meilleur de toute l’île !

Bon courage et gros bisous !

Alcide. »

L’enfant glissa sa lettre dans une enveloppe et la déposa sur le paquet dans lequel la dague était emballée. « Boraür, envoie le cadeau et la lettre à Aliénor Vaughan, s’il te plaît ! » L’ensemble disparut. Il sourit. Sa carrière débutait. C’était un grand jour.

Tandis qu’il se levait, prêt à aller déguster un chocolat chaud pour fêter ce commencement, ses yeux tombèrent sur la carte que Laëth lui avait donnée. Elle aurait pu provenir d’un jeu de tarot. Deux Ailés s’y faisaient face. Dès qu’il l’avait vue, il était tombé sous le charme. Les dessins et les dorures l’avaient émerveillé. Depuis qu’il avait effectué ses premiers pas sur le continent, il nourrissait à l’égard de tout ce qui en provenait une curiosité avide. Sa hâte de découvrir le monde en avait été décuplée. Pouvoir conserver des objets qui venaient de là-bas l’enthousiasmait. Le petit garçon tendit le bras et attrapa la carte. Elle était un peu froissée et cornée, mais cela n’avait aucune importance. Il la glissa dans sa poche, puis descendit à vive allure. « Nounou Bonboooooooooon ! » s’exclama-t-il alors qu’il était encore dans les escaliers. « On peut faire du chocolat chaud, s’il te plaît ? »


La dague de Boraür : Il s’agit d’une dague dont le manche est rouge et serti de fils d’or. D’apparence tout à fait banale, elle révèle ses pouvoirs dès que son possesseur est en danger – sa lame s’éclaire alors en rouge pour signaler la menace. Dépendamment de la magie de l’utilisateur, et d’un seul contact, elle peut geler une partie ou la totalité du corps de l’adversaire. Elle est aussi capable de lancer un filet fait de guirlandes plus ou moins résistantes sur celui-ci – et toujours extrêmement brillantes et colorées.