J’espère que cette lettre arrivera bien à destination puisqu’au final, je ne sais que très peu de choses de celle à qui je l’envoie. Je ne sais même pas si tu te rappelles de moi, ou si nous avons vraiment vécu tout cela ensemble. As-Gösth a été une « expérience » compliquée et beaucoup trop absurde pour que je parvienne encore à croire qu’elle se soit vraiment produite.
En tous les cas, j’espère que tu vas bien. Pour ma part, ça va. Je suis retournée chez moi, à Aeden, dès que notre sentence a été émise, comme si tout cela ne s’était jamais produit. J’aurais pu écrire aux autres à ce propos pour savoir ce qu’ils sont devenus de leur côté, mais j’ai préféré commencer par toi. Après tout, c’est surtout ensemble que nous avons vécu tout ça. J’ai beaucoup réfléchi avant de rédiger cette lettre. Comme je te l’ai dit, je ne suis même pas encore certaine que tout cela s’est produit. Comme si cela n’avait été qu’un mauvais rêve. D’un autre côté, c’était si horrible et réaliste que la chose me parait impossible. Et puis, j’espère sincèrement ne jamais avoir imaginé tout ça de mon plein gré. Ecrire me permettra d’en avoir le cœur net et peut-être de trouver un remède à certains de mes cauchemars. Si je n’ai pas de réponse d’aucun des aventuriers, j’admettrai que tout cela était faux et que je ne suis responsable de rien, si ce n’est celle d’une invention détraquée et affreuse. Dans l’autre cas, j’ai besoin m’assurer que nous nous en sommes tous bien sortis.
Je ne sais pas si tout ce que je dis est clair. J’ai vraiment un souvenir très vague de tout cela, et en même temps, je me rappelle de chaque détail. Je ne sais pas quoi en penser. Pourquoi cela est arrivé, et si cela s’est vraiment produit, pourquoi cela ne semble avoir aucune incidence sur le reste de nos vies ? De la mienne, en tous cas. Comme si, durant mon absence, rien ne s’était produit. C’est très déroutant. Ça m’empêche de pouvoir en parler avec qui que ce soit…
Quoi qu’il en soit, et si nous avons vraiment vécu cela, sache que ce fut avec plaisir. J’ai beaucoup apprécié ta compagnie. Je ne pense pas que j’aurais tenu aussi longtemps toute seule. En dépit des circonstances qui nous ont fait nous rencontrer, je crois que j’aimerais bien te connaitre un peu plus.
Elh
PS : désolée, j’ai beaucoup écrit. J’espère que cela ne t’ennuiera pas. »
Cette rédaction lui avait demandé plusieurs heures. Elle était nerveuse à l’idée de l’envoyer : d’avoir choisir les mauvais mots, d’avoir fait trop de fautes – car elle n’écrivait pas beaucoup –, que la missive ne soit pas lue du tout, par désintérêt de la part de sa destinataire ou même par crainte qu’au contraire, la mauvaise personne la lise. C’était, mine de rien, une lettre assez personnelle. Une bouteille à la mer, au sens propre comme au figuré.
