Rendez-vous aux chandelles

Nirvana de Sam Smith

Morgane était en train de travailler ses cours aux côtés de ses camarades de classe. Elle « travaillait », car son esprit n’arrêtait pas de revenir aux événements qui s’étaient déroulés dans la dépendance. Elle en était encore troublée. Les effluves d’un parfum entêtant l’avaient touchée de plein fouet. Elle en avait perdu le contrôle, au point de se toucher devant l’un de ses deux esclaves, de lui demander de faire glisser sa culotte sur ses cuisses et de baisser son propre pantalon. Rien que d’y repenser, une chaleur enivrante se diffusa dans son bas-ventre. Elle tiqua, agacée. Dans sa famille, la chose était particulièrement mal vue. Coucher avec un esclave était une hérésie. Pourtant, elle savait que son père l’avait déjà fait. C’était pour cette raison qu’il lui avait tordu le poignet. Ça l’avait traumatisée, à tel point qu’elle en avait oublié ce qu’elle avait vu pendant un temps conséquent. « À quoi tu penses ? » lui demanda une camarade de classe. « Hum… » La jeune femme passa son stylo sur ses lèvres rouges. « C’est un secret. » murmura-t-elle, en faisant mine de se concentrer sur ses lectures. Elle n’était pas concentrée. Elle était même à peu près certaine que se lever maintenant trahirait ses pensées impures. Elle était trempée. Dire qu’il avait osé l’embrasser. Pour qui se prenait cette chose ? Elle plissa légèrement les yeux. Elle aimait dominer l’Ygdraë et le Réprouvé qu’elle avait reçu en cadeau. Néanmoins, elle aimait aussi qu’ils prissent des initiatives. Ils n’avaient pas besoin de le savoir. Elle aimait qu’on la forçât, d’autant plus lorsqu’il s’agissait de ses propres esclaves. Ils étaient à elle. Peu importe la situation, elle pourrait dire qu’ils avaient agi sous ses ordres, parce qu’elle l’avait souhaité, parce qu’elle était plus intelligente qu’eux. « Morgane… Tu touches tes cheveux d’une façon… » La brune releva le visage vers l’agaçante étudiante. « Concentre-toi au lieu de me regarder. Tu es amoureuse de moi ou bien ? » « Qu… Quoi ? Non mais qu’est-ce que tu dis ? » L’autre avait froncé les sourcils, tout en reculant, surprise. L’accusatrice sourit, satisfaite de l’effet produit, même si elle avait parlé plus par instinct que par planification réelle.

Comme l’obscurité commençait à tomber, Morgane décida d’allumer une petite chandelle. Son étonnement prit le dessus lorsque, une fois la mèche éclairée, elle s’aperçut qu’elle ne se trouvait plus du tout au sein de la bibliothèque. Debout, elle regarda autour d’elle. Son entre-jambe était encore humide et elle portait toujours son uniforme scolaire. Elle n’aimait pas cette sensation d’être tirée de sa réalité au profit d’une autre. Où était-elle ? Elle n’était pas assez intelligente pour faire le lien avec la chandelle. Pour elle, il y avait un responsable. Elle allait le trouver et lui faire passer l’envie de l’attirer dans ce genre d’endroit ; même s’il était somptueux.

Après quelques pas, elle se retrouva en face d’un homme. Elle l’évalua comme étant plus jeune qu’elle, sans pouvoir en être certaine. Elle se maquillait d’une façon appuyée, ce qui lui conférait une maturité qui était faussée. Lui, pouvait paraître plus jeune qu’il ne l’était. L’âge apparent n’était, de toute façon, pas un critère sérieux. Sa présence eut au moins le mérite de lui faire oublier la verge de Vantelme en elle et le liquide qui avait fini par maculer l’intérieur de ses cuisses. L’appréhension se mêlait à la curiosité. Son interlocuteur forcé avait les oreilles allongées. Un Ygdraë ? Un Alfar ? Elle n’était pas certaine de savoir faire la différence entre les deux. Ses cours lui inculquaient que ces deux peuples n’étaient, dans tous les cas, pas forcément dignes d’intérêt. Le racisme avait au moins cours dans leurs races respectives ; c’était un premier point commun. « Bonsoir. » répondit-elle, méfiante, tout en s’avançant vers la table. Était-ce lui qui l’avait conviée ici ? Cela semblait être une sorte de restaurant luxueux. S’était-elle endormie sur ses cours, à force de songer au regard qu’avait eu l’Ygdraë ce jour-là ? Elle ne l’aurait jamais cru capable de la plaquer contre le meuble. Il avait été déterminé. Elle aussi. C’était comme si une force à laquelle elle n’avait pu résister avait orchestré ses mouvements et ses envies. « Je suis Morgane Taïmon. Et vous ? Est-ce à cause de vous, cette situation ? » Elle s’assit, ne voyant rien d’autre à faire. Il lui paraissait de plus en plus évident qu’elle était en train de rêver. Elle le détailla. Il ferait un bon esclave.

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Rendez-vous aux chandelles

Musique

Arcesi-Déléis… Cela ne lui disait rien. Incapable de faire réellement la différence entre un Ygdraë et un Alfar, le seul Oreilles Pointues auquel elle s’était intéressée n’était autre que son esclave. À vrai dire, elle n’était pas certaine d’avoir retenu son nom de famille. Ce qui comptait, c’était qu’il lui obéît. Qu’il s’appelle Jasmin, Feuille-Morte ou tous ces prénoms de la nature à la consonnance ridicule, ça n’importait pas. Pour elle, il n’y avait que deux catégories de personnes - et la tendance s’accentuait dans son esprit avec le temps : ceux qui commandent et ceux qui exécutent. Elle n’avait pas franchement envie d’être dans la deuxième catégorie et, de toute façon, elle était mal partie pour l’être. Elle était née Sorcière. Un Orgueilleux aurait tôt fait de reconnaître quelques similitudes entre Sorciers et Déchus si on lui avait présenté la jeune femme. Cela étant, son orgueil était fragile et elle était bien plus tordue qu’orgueilleuse. Elle avait des besoins et, malgré l’opprobre qui serait jeté sur elle si le monde savait qu’elle fricotait avec ses esclaves et qu’elle avait laissé l’un d’eux la pénétrer, elle comptait bien réitérer l’acte. Réitérer, ça ressemblait un peu à Déléis.

« Non, vous avez raison. Je n’en sais rien. » Était-ce plus excitant que de simplement aller dormir ? Elle se serait volontiers donnée du plaisir dans son lit, sans jamais retenir ses gémissements. Morgane ne faisait pas ce genre de choses en secret. Plus Vantelme et Shadow étaient au courant, plus elle aimait pratiquer. Elle avait même à cœur quelques mises en scène. Cela étant, se toucher, elle pouvait le faire tous les soirs. Dîner dans un endroit inconnu avec une personne inconnue, non. Elle préférait peut-être la situation actuelle, surtout parce que, pour l’instant, il ne se passait rien qui aurait pu l’ébranler. Elle envisageait très sérieusement de se faire un nouvel esclave, sans comprendre que l’homme en face d’elle ne serait peut-être pas de cet avis. Pire, son manque de connaissances générales l’empêchait de savoir à qui elle parlait au juste. Une erreur capitale pour quelqu’un qui voulait dominer.

« Il semblerait que nous soyons rois ce soir. » murmura doucement Morgane, en levant les yeux vers l’ancienne position des serviteurs. Elle aimait qu’on la servît, chose qui se faisait déjà chez elle mais d’une façon différente. Les domestiques ne la respectaient pas spécialement, elle. Ils faisaient de nombreux efforts devant son père, moins envers ses femmes et elle passait en dernière. Ils ne le faisaient pas par gaieté de cœur et ça se voyait. Aucun ne la respectait ou ne l’aimait. Ils agissaient uniquement par rapport à l’argent. Peut-être même que l’un d’eux aurait beaucoup apprécié l’étrangler s’il avait pu ; ou pire. Les esclaves seuls étaient des sources sûres. Les techniques des Mayfair les rendaient particulièrement obéissants, à l’exception des fous et des suicidaires. « C’est dommage, en effet. » répondit Morgane. Elle avait mangé, elle, mais tout lui semblait si appétissant qu'elle n'avait pas l'intention de se priver. La Mage Noire n’avait, en plus, pas les mêmes a priori que l’Alfar. Elle n’avait pas été habituée à se méfier de la nourriture. Aussi, elle prit sa fourchette et commença à étudier son contenu, avant de piquer et de faire glisser un morceau de concombre entre ses lèvres.

Morgane releva les yeux vers l’Alfar. Elle ne comprit pas que la phrase concernait l’ensemble de son peuple et la prit personnellement. « Pardon ? » Étrangement, elle se sentit piquée à vif, sans savoir pourquoi. Elle ne faisait pas de soupe et sa haine pour les Sirènes était bien plus formatée que réelle. Elle avait grandi avec et n’avait jamais pris la peine de s’interroger sur la question de savoir si, au fond de son cœur, elle ressentait un sentiment réellement négatif vis-à-vis d’elles. Restait que les Mages Noirs n’aimaient pas perdre, surtout pour des raisons idiotes. Elle posa sa fourchette, but une gorgée d’eau et plaça ses deux mains sous son menton. Elle avait vu sa mère faire une fois, avant d’asseoir son autorité. « À vrai dire, je passe surtout mes journées à esclavager des Oreilles Pointues. C’est fou ce que ces choses sont obéissantes une fois bien formatée. C’est comme si c’était dans les gènes. » Ce n’était pas très intelligent, surtout s’ils devaient rester ensemble longtemps. Plus que cela, elle ne se sentait pas spécialement la force d’assumer de telles paroles. Les retombées faisaient palpiter son cœur. Surtout, elle n’esclavageait pas des Oreilles Pointues mais un seul. Qui venait tout juste de la déflorer contre sa bibliothèque. « Mais vous ne devez pas appartenir à la catégorie d’Oreilles Pointues que j’exploite. » ajouta-t-elle, plus pour ne pas avoir à se battre avec lui de front que pour lui faire plaisir. Il devait être un Alfar. Les Ygdraë n’avaient pas autant de fourberie en eux. « Oh ! Je sais ! » s’exclama-t-elle soudain, en se rappelant d’un fait qui avait été un réel événement. « L’une des vôtres n’est pas en passe de se marier à l’Empereur Noir ? » Morgane fantasmait sur Elias. Dans son imaginaire, le Roi et les Araignées constituaient des fantasmes on ne peut plus tordus. « Elle doit être honorée, surtout que j’ai entendu dire que c’était une fille sans titre… » À vrai dire, il y avait eu beaucoup de critiques sur les femmes de l’Empereur Noir, surtout celles qui n’étaient ni Sorcières ni même importantes. Cependant, d’autres Mages Noirs, plus réfléchis, argumentaient que pour être choisies pas un Æther afin de participer à la Coupe des Nations, il fallait bien, de base, être un peu spécial. C’était un argument minoritaire, surtout qu’Ethelba avait une forte ascendance et que la Déesse n’avait désigné personne.

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