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 [Q] Pour un flirt avec toi | Deccio

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Jeu 05 Nov 2020, 20:55



Pour un flirt avec toi

Thème.

e4oj.jpgIntrigue : Bloqués par une tempête de neige, Deccio et Calanthe sont contraints de s'abriter dans un chalet, près du village d'Arväsh. Ce sera pour eux l'occasion d'apprendre à se connaître.

Une tasse de thé refroidissait sur le bureau. De ses volutes brûlantes, il ne restait plus qu’une chaleur diffuse. Absorbée par la réalisation d’un patron dont elle avait découvert le schéma quelques jours auparavant, elle n’y prêtait guère attention. Severus ne lui ayant donné aucune nouvelle, elle tâchait de progresser par elle-même dans son apprentissage. Ce n’était pas une partie de plaisir. Les sourcils froncés, elle agitait une règle sur le carton, à la recherche des bonnes mesures. Un crayon dans les cheveux, elle s’efforçait de ne pas perdre patience. Plusieurs morceaux s’entassaient déjà dans un coin, témoins de ses multiples échecs. Cependant, elle refusait de se décourager ; pour maîtriser un art, il fallait faire œuvre de patience. Depuis le rez-de-chaussée, la voie guillerette de Joliel lui parvint. Ils travaillaient depuis le lever du jour, chacun de leur côté. « Calanthe ! Je sors chercher de quoi manger. Je reviens ! » Malgré la commodité de l’atelier, il manquait une cuisine, et le Déchu se faisait un plaisir de voler jusqu’aux Halles pour écumer les stands de nourriture. Parfois, il s’égarait entre les jambes d’un de leurs congénères, et revenait dans l’après-midi avec une montagne de friandises. Réjouie par la perspective d’un bon repas, la blonde redoubla d’efforts. Avant le retour de son confident, elle voulait terminer son ouvrage. Ainsi, elle pourrait réserver l’après-midi à la confection de la pièce qui, depuis quelques jours, obsédait ses pensées. Soigneusement rangée sous le lit, la malle attendait de lui délivrer ses trésors ; elle avait hâte d’y plonger les mains pour sentir le contact du tissu. C'était une journée agréablement ordinaire.

L’impression que l’atmosphère s’était soudainement refroidie arracha un frisson à la Déchue. À sa grande surprise, ses mains ne rencontrèrent pas la rugosité du carton. En lieu et place de son matériel, la fraîcheur de la neige la fit rétracter ses phalanges. Ses pupilles se posèrent sur l’ornement à son poignet. Le vague souvenir d’un être à défendre accéléra ses pulsations cardiaques. Sa dernière téléportation remontait à des mois, et jamais elle n’avait eu la chance de venir en aide à son protégé. Peut-être l’avait-elle croisé, d’ailleurs, mais elle craignait que sa mémoire capricieuse ne l’ait empêchée de le reconnaître pour lui porter assistance. Autour d’elle, il n’y avait rien. Rien qu’une poudreuse épaisse, dont les flocons tourbillonnaient gaiement. À demi masqué par la blancheur de l’horizon, elle discernait les contours d’un sapin. Aucune trace d’un quelconque danger, si elle exceptait le froid qui, déjà, suscitait l’incontrôlable tremblement de ses lèvres. Avant toute chose, elle devait trouver un abri. Temporaires, les effets du bijou se soldaient toujours par un retour à son emplacement d’origine ; elle aurait aimé qu’ils cessassent sur le champ. Tâchant de se réchauffer un peu, elle frotta vigoureusement ses bras. Pieds nus, elle entama difficilement sa progression. Insensibles à son sort, les minutes s’écoulaient avec une effroyable lenteur. Il lui semblait que le paysage, d’une blancheur aveuglante, lui jouait des tours, et qu’elle n’avançait pas d’un millimètre. Avalé par l’immaculé, le végétal avait disparu. L’absence de point de repère la rendait nerveuse. Ne tournait-elle pas en rond depuis le début ? La bouche bleuie, elle manqua tourner de l’œil.

Ce fut une vision fugace qui empêcha la jeune femme de sombrer dans l’inconscience. L’espoir renaissant, elle puisa dans ses dernières forces et se mit à courir. D’abord silhouette vacillante, une maison ne tarda pas à apparaître. Lorsqu’elle parvint enfin au seuil, essoufflée, elle frappa à la porte. Personne ne lui répondit. Incapable de supporter plus longtemps la morsure du vent, elle s’engouffra à l’intérieur. Pendant quelques instants, elle demeura immobile dans le couloir. Le propriétaire des lieux ne vint jamais à sa rencontre. Par politesse, elle enleva ses chaussures, et partit à la conquête du chalet. Éclairée par des bougies, elle traversa une succession de pièces, que de gigantesques panneaux de bois séparaient. L’usage de certaines lui échappait. Finalement, la Déchue arriva dans une chambre. Trempée par la tempête de neige, elle emprunta des vêtements dans une commode. D’une manière ou d’une autre, elle trouverait le moyen de dédommager ses hôtes invisibles. Poursuivant son exploration, elle revint sur ses pas et dénicha un salon. Impeccablement laquée, une table imposante occupait le centre de la pièce. Entre des couverts trônait un appareil pour le moins étrange. Perplexe, Calanthe avisa la cheminée. De bonne humeur, elle déposa des bûches dans l’âtre. Du mur, elle décrocha une chandelle et l’utilisa pour allumer un feu. Ravie de son succès, elle passa ses mains au-dessus des flammes naissantes. C’était réconfortant. Pensive, elle s’abîma dans la contemplation des langues rougies. Un craquement résonna derrière elle. Quelqu’un marchait sur le plancher.

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Dim 08 Nov 2020, 16:30

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »



Ses pieds s’enfonçaient progressivement dans la couche blanche alors que le froid mordait goulument sa peau. Malgré cette fraîcheur qui l’assaillait de toute part, Deccio avait délibérément retiré le haut de son ensemble afin de se retrouver le torse à l’air libre. La raison était on ne peut plus simple : l’homme se disciplinait à supporter les climats extrêmes tels que celui qu’on trouvait ici, dans l'Edelweiss enneigé. Les rougeurs avaient commencé à se manifester à la surface de certaines zones de son corps. Ses épaules, son buste et ses côtes étaient majoritairement touchés par les conditions atmosphériques. Toutefois, pour réduire l’apparition du phénomène, le Démon ne s’arrêtait quasiment jamais de bouger. Autour de lui, une meute entière de loups avait été décimée par ses soins, sans armes, uniquement avec ses poings pour lutter sans merci ; un défi que seul un type de son espèce pouvait s’autoriser à conduire. Étonnamment, il n’avait pas subi la moindre répartie de leur part. En dépit du surnombre privilégié par les canins, aucun n’avait réussi à franchir les barrières de ses techniques d’autodéfense ; un gage qui le confortait davantage dans ses choix d’acquisition. Jetant un coup d’œil à Erzen qui était sagement assis dans un coin, celui-ci n’avait pas remué le petit museau pour lui prêter main-forte, en accord avec la requête de son maître. « Tu as vu ça, Cookie !? J’ai l’impression que mon éloquente démonstration ne laisse pas de marbre. Ce vieux fou ne m’avait donc pas mené en bateau. » En roulant ses épaules et en se tournant légèrement sur le côté, Deccio remarqua la présence de plusieurs grosses créatures à la plastique d’ours.

Visiblement, cet endroit était nimbé de mystères assez incroyables. Parmi l’un d’entre eux, il est dit que les animaux et les monstres sont particulièrement attirés par les conflits et les êtres redoutables. À l’instar d’un Vampire qui se repère grâce à l’odeur de sang, ceux-là sont similairement éveillés par les phéromones que libère un puissant combattant. En l’occurrence, c’était très flatteur. « Comme d’habitude, on bouge pas, mon ami. Quoiqu’il se passe, c’est entre moi et ces fortes têtes. » Malaxant ses phalanges en avançant prudemment, le Démon retint lentement sa respiration afin de ressentir au mieux ce que dégageait l’environnement. Les sens aiguisés, il mut imperceptiblement sur la droite lorsque l’oreille d’un des mammifères s’agita en adéquation avec sa première charge. Se ruant seul sur lui, il n’eut aucun mal à saisir sa grosse patte poilue et à frapper sa jointure osseuse avec son coude, lui arrachant un grognement provenant du fin fond des Enfers. Cependant, si le Diable parvenait assez aisément à triompher des cas isolés, ce fut une autre histoire quand ils s’élancèrent tous en même temps sur lui. Les premières morsures ainsi que les griffures le mortifièrent assez facilement malgré sa vigilance. Bientôt, une erreur d'inattention le fit dégringoler jusqu’en bas de la montagne, l’épaule disloquée et une de ses jambes un peu trop secouées par la chute. Erzen retourna précipitamment à ses côtés après avoir échappé à ses poursuivants.

Se collant à son maître, il porta quelques coups de langue à ce dernier afin de lui exiger un redressement dans les plus brefs délais. Ce n’était pas pour le prémunir des carnivores, mais de la tempête qui se levait petit à petit. Forçant sur ses biceps, le Démon réussit doucement, mais surement à se dresser sur ses jambes avec l’appui du renard qui fit pression avec son poids. Blessé et en sang, Deccio se tint le bras — remerciant gracieusement son compagnon d’une gratouille sous le menton avec le second. « À chercher les noises, on finit par tomber sur un os. Il semblerait que je ne sois toujours pas prêt à passer le test. » Il faisait référence à l’éclipse qui allait bientôt se dérouler en Enfer. Son avènement était éminent, c’est pourquoi il prenait tant de risque pour être au point physiquement. « Dépêchons de trouver un endroit où nous réfugier. Je compte sur toi. » Approuvant d’un mouvement hâtif de la tête, le renard se mit en quête de localiser les odeurs les plus saillantes dans cet environnement glacial. S’il arrivait à percevoir des senteurs inhabituelles — tels que certains sédiments ou de dépôts minéraux — alors ils pourraient sans doute s’orienter dans la bonne direction sans perdre une seconde. La tempête étant de plus en plus violente, le temps leur était compté, car s’ils trainaient trop, c’est la santé de l’homme qui en pâtirait. Mais soudain, l’attitude décalée de l’animal à fourrure décomposa le Démon.



[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio 27kg



Le bruit sec d’un morceau de tissu se déchirant, annexé à celui d’une bassine dans lequel on puisait de l’eau et tout fut de nouveau en ordre – ou presque. Sa peau désinfectée par des herbes médicinales suivit de l’application des bandages ainsi que du remboitement de sa clavicule et c’était comme neuf. Deccio se trouvait dans une immense salle de bains ; il était tombé dessus en entrant dans un chalet après qu’Erzen ait capté l’essence même de sa présence. Ils ne s’étaient guère posé de questions sur l’origine d’une telle construction au milieu de nulle part et auraient tout le temps de le faire prochainement. Pour l’instant, il avait dégoté de quoi panser ses plaies et de quoi se délasser pour la nuit. Ils repartiraient au matin, lorsque la tempête sera de l’histoire ancienne et qu’il sera de nouveau opérationnel pour la suite. N’ayant désormais plus à s’occuper de l’état de son corps, le Démon quitta la salle pour visiter cet immense habitacle. Appuyés par le renard qui resta à sa hauteur, ils descendirent les nombreuses marches qui menèrent à l’étage inférieur jusqu’à percevoir la silhouette d’une personne. Sans se sentir menacés pour autant, les deux loustics s’approchèrent de la pièce en question.

Une jeune femme étrangement familière s’égayait à se chauffer par l’intermédiaire de quelques bûches. Elle ici ? Quelle curieuse coïncidence ! Le plus naturellement du monde, Deccio signala sa présence. « Hey, Calanthe. T’sais pas où je pourrais trouver de quoi grailler par hasard ? J’ai une faim de loup, et mon camarade aussi. Ce chalet est franchement trop spacieux, c’pas simple. » Comme si cette situation lui paraissait des plus normales, il s’approcha d’un immense canapé dans lequel il plongea, s’étendant de tout son long pour profiter sans vergogne du confort qu’il procurait, plaçant les mains derrière la tête. Le renard en fit de même en s’installant sur un fauteuil, ce dernier s’enroulant sur lui-même, sa grosse queue touffue recouvrant sa gueule. La bête était morte de fatigue, c’était compréhensible. « À en juger par ton activisme digne d’une grand-mère qui vient d’échapper à une tempête, j’imagine que t’es pas là depuis longtemps. Qu’est-ce que tu fiches dans ce trou paumé ? » Curieux d’en apprendre plus sur les motivations de la blonde, Deccio se serait volontiers laissé happer par les songes.


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Mar 17 Nov 2020, 21:43



Pour un flirt avec toi

Thème.

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Abîmée dans la contemplation des flammes, la jeune femme en oubliait le monde autour. Ses prunelles s’attardaient sur les braises, qui, à peine formées, perdaient de leur vigueur pour s’éteindre en une poudre grise. La chaleur envahissait peu à peu ses muscles, et, lorsque la voix de l’homme qui venait de la rejoindre s’éleva jusqu’à elle, il lui fallut un instant pour la reconnaître. « Bonsoir, Sebastian. » Que diable faisait-il là ? Leur précédente rencontre avait éveillé en elle des instincts qu’elle aurait préféré anéantir. La gorge nouée, elle s’efforça de ne pas céder aux sanglots qui, déjà, secouaient ses épaules. Il fallait se montrer forte ; il n’aimait pas la fragilité, et elle ne voulait pas qu’il joue à nouveau avec ses faiblesses. « Je cherchais quelqu’un, mais ça ne faisait pas vraiment partie de mes projets. J’ai bien cru que j’allais mourir dans la neige. » Se rappeler la lourdeur qui avait écrasé ses membres quelques minutes auparavant lui arracha un frisson. Comment des êtres pouvaient-ils vivre en ces lieux ? Les douceurs d’une existence tranquille ne lui permettaient pas d’imaginer que beaucoup n’avaient pas le privilège de choisir. La blonde détacha son regard de la cheminée et se tourna vers son interlocuteur. Des bandages enserraient son torse. Pensive, elle vint prendre place à sa droite. « Comment pouvez-vous avoir autant de cicatrices ? Est-ce que… C’est douloureux ? » Du bout des doigts, elle suivit la ligne violacée de l’une de ses blessures, s’interrogeant en silence sur les circonstances de sa naissance. Qui avait pu le meurtrir ainsi, et pour quelle raison ?

Lorsque la Déchue réalisa la familiarité de ses gestes, le feu gagna ses pommettes. Gênée de l’avoir ainsi touché, elle se releva à la hâte. Manifestement éreinté par ses récentes aventures, Sebastian ne lui prêtait pas grande attention. Se remémorant sa question, elle fit le choix de s’éclipser. « Vous avez l’air épuisé. Reposez-vous. Je vais fouiller les placards. » Le chalet comportant de nombreuses pièces, elle passa un moment à errer dans le couloir, ne sachant quelles portes ouvrir. Après plusieurs essais infructueux, elle dénicha ce qui ressemblait à la cuisine d’un château. Impressionnée par la variété des ustensiles, elle ignorait malheureusement presque tout de leur utilité. Par chance, un garde-manger jouxtait la pièce, et elle y trouva quantité de pommes de terre. Ravie de trouver un aliment qu’elle identifiait sans peine, elle souleva le sac qui les contenait. Par un inexplicable phénomène, le foyer s’alluma de lui-même, et une marmite prit son envol dans sa direction. Abasourdie par la scène qui se déroulait sous ses yeux, elle se laissa néanmoins guider ; elle n’avait jamais été fine cuisinière. La porte d’un placard s’ouvrit à la volée, dévoilant une montagne de charcuterie. Parmi les provisions, la blonde sélectionna un jambon, et s’empara d’une sorte de tige oblongue et farineuse. En attendant que la cuisson s’achève, elle les découpa. De bonne humeur, elle voulut faire subir un sort similaire à une meule de fromage qui venait d’apparaître sur le plan de travail. Malgré ses efforts, elle ne parvint jamais à enfoncer le couteau dans la croûte. Une performance affligeante.

Quelques instants plus tard, Calanthe revint dans le salon. Disposées sur un plateau, les victuailles trouvèrent leur place sur la table. En son absence, le couvert avait été mis. Un bref coup d’œil en direction de Sebastian lui fit comprendre qu’il n’en était pas à l’origine. « Venez donc. J’ai trouvé de quoi nous remplir l’estomac. » Quant à l’étrange appareil qui en occupait le centre, il dégageait une chaleur presque réconfortante. Réjouie par la perspective d’un bon repas, la blonde s’immobilisa devant la silhouette du Démon. Pensive, elle le dévisagea : il la dépassait d’une bonne tête. « C’est étrange. Vous avez l’air plus grand que la dernière fois. » Sans se l’expliquer, elle ne faisait pas référence à des centimètres supplémentaires. Quelque chose de différent émanait de lui ; bien qu’elle ne sût pas exactement quoi, force était de constater qu’il ne ressemblait plus au détective maladroit qu’elle avait rencontré. Prise par une sensation de malaise, elle passa une main dans ses cheveux pour se donner une contenance. « Vous m’impressionnez un peu. Si je ne vous connaissais pas, j’aurais sûrement peur de vous. » Le formuler à haute voix l’aidait à reprendre ses esprits. Son trouble mis de côté, elle s’installa à sa place. La profusion de nourriture devant elle lui donnait l’eau à la bouche. Jamais elle n’avait assisté à pareil festin. « Hm. Je crois que nous devrions essayer ça. » Prenant l’initiative, elle déposa la meule sur l’attirail métallique. Il ne fallut pas longtemps avant que le fromage ne se mette à grésiller.

Un parfum savoureux embaumait le salon. Une fois son assiette bien garnie, la blonde se décida à entamer la conversation. Les occasions de bavarder avec le Démon n’étant pas monnaie courante, elle comptait bien en profiter pour assouvir sa curiosité. « Est-ce que vous enquêtiez sur une affaire dans les parages ? Je sais que vous êtes détective, mais je ne crois pas que ce soit votre seule occupation. À chaque fois que je vous croise, vous allez l’air de courir dans tous les sens, comme si quelque chose était à vos trousses. Qu’est-ce que vous faites, dans la vie ? » Malgré elle, la vision de la jeune femme qu’il avait kidnappée lors de leur rencontre au Fjord revint flotter devant ses yeux. Elle espérait sincèrement qu’il ne s’adonnait pas fréquemment à ce genre d’activités, et que son quotidien ressemblait un peu plus à celui d’un homme ordinaire. Secouant la tête pour chasser l’image qui persistait sur sa rétine, elle changea de sujet. « Dites. À quoi ça ressemble, l’Enfer ? C’est difficile, de vivre là-bas ? J’ai entendu des histoires affreuses. » Un frisson passa sur sa chair. Les cicatrices sur le corps de Sebastian corroboraient ce qu’elle avait toujours considéré comme des élucubrations. Suivant ce que lui soufflait une petite voix, elle glissa l’assiette de ce dernier sous le fromage avant qu’il ne coule sur le bois. Il lui semblait qu’il s’agissait de la meilleure façon de déguster l’ensemble. « Est-ce que vous avez un foyer là-bas ? De la famille ? Des amis ? Une femme, peut-être ? » L’innocence de son timbre se fana sur la dernière question. En dépit de la légèreté dans son cœur, l’Envie n’était jamais bien loin.

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Lun 23 Nov 2020, 22:23

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


Noyé dans la relaxation, Deccio ne prêtait qu’à moitié attention au comportement ombrageux de la Déchue. Les yeux clos, il profita du bruit que relâchait parfois le crépitement des flammes qui rongeait le bois, même si à l’ouïe, il pouvait deviner sans mal la complexité de la tâche à laquelle elle s'adonnait. C’est fou ce que les femmes étaient sottes lorsqu’elles devaient produire autre chose que des frottements répétés avec leur mains ou engloutir de gros aliments avec leurs bouches. Heureusement qu’elles destinaient leur utérus à la conception d’enfants parfois prometteurs. Ça au moins, c’était utile. En revanche, il était temps de corriger le tir concernant son identité. « Par contre, Sebastian n’est que mon nom d’artiste. T’as gagné le droit de m’appeler Deccio, désormais. Félicitations, avec ça je t’offre dix points échangeables contre n’importe quel dépannage. » Il se redressa légèrement pour saisir une statuette polychrome sur le côté ; sûrement un gardien d’une énième connerie ou un Dieu protecteur des plaids et du chocolat chaud. « Le truc à savoir, c’est que mes services valent minimum dix mille points. Et ça équivaut à une lessive. Pas rangé, faut pas déconner. » Et des brouettes, bien sûr. La charité, très peu pour lui. Il avait d’autres qualités, mais celle de la gratuité et de la sentimentalité n’en faisaient pas encore partie. Arquant un sourcil lorsqu’elle évoqua l’idée de succomber dans la neige, le Démon ne fit aucun commentaire à ce sujet. Il pouvait bien se permettre de paraitre agréable quelques secondes, ça ne mangeait pas de pain.

Et puis il n’avait pas la force de réagir à tout ce que ses chastes oreilles percevaient. Parfois, l’indifférence restait le meilleur des choix sur lequel s’arrêter. Toutefois, son attitude distanciée ne la découragea pas outre mesure, car Calanthe vint rapidement examiner ses blessures de guerre sans l’once d’une hésitation. Le Démon haussa les épaules en esquissant une moue contrariée. « Je te rappelle que les affrontements périodiques font partie de mon quotidien. La divergence d’opinions est fréquente dans mon milieu, alors pour être totalement franc avec toi, je ne ressens plus grand-chose. J’entraine régulièrement mon esprit pour ça. » Et ce n’était pas près de se terminer. Si elle s’offusquait de si peu, autant qu’elle déclare forfait immédiatement dans l’approfondissement de leurs relations. Pas qu’il la considérait comme une proche, mais c’était toujours mieux que la majorité de son entourage, qui était soit mort, soit plus déjanté que lui. Pour tenir la dragée haute, il fallait subir quelques sévères traumatismes. Une condition sine qua non au fait de le fréquenter en quelque sorte. Heureusement, cette dernière s’éclipsa assez rapidement pour s’atteler à sa besogne. De la viande crue lui aurait largement suffi pour se remplir la panse, mais les femmes étaient des créatures insolites qui aimaient à se compliquer la vie pour pas grand-chose.

Répondant sagement à ses initiatives sans trop se prendre le chou, Deccio quitta le confort du divan pour se projeter dans la salle à manger, où un festin de roi les y attendait. Avait-elle soutenue seule ces initiatives ? Avec le peu de temps à disposition, c’était peu probable. Toujours aussi silencieux, il s’assit à l’autre bout de la table ; à la place du chef, celle qu’il méritait par-dessus tout. La chaleur qui émanait de l’appareil était étrangement revigorante. Peut-être, car elle lui rappelait les sensations de son environnement. En tout cas, pour la première fois depuis son arrivée au sein du chalet, ses iris se focalisèrent sur ceux de son hôte. « C’est marrant, parce que d’habitude c’est lorsqu’on apprend à me connaitre que la peur s’en mêle. » Sans développer davantage, Deccio huma avec convoitise le fumet qui se dégageait du fromage. Il n’avait jamais entendu parler de ce système de cuisson auparavant, mais il accordait toute la confiance à son odorat. Avec une fourchette, il piqua un morceau de charcuterie pour le transporter dans sa bouche en attendant la gustation principale. « Pas vraiment. Du moins, ce que j’essaie de trouver ne contient aucune destination à proprement parler. Je cherche la quiétude et la paix intérieure. C’est une forme de sagesse lié aux arts martiaux que m’a enseignée mon maitre. En apprenant à canaliser notre énergie, nous sommes plus aptes à prendre les bonnes décisions et à réagir posément aux imprévus. En dehors de ça, je ne suis rien d’autre qu’un chasseur d’adrénaline. Je vais là où le vent me porte. Qu’il soit tempétueux comme à l’extérieur, ou paisible comme ici. » La métaphore était bien trouvée dans le sens où le Démon se battait constamment avec les éléments et leur contraire ; un équilibre entre le bien et le mal où l’un prenait parfois plus le dessus que l’autre.

Se servant d’une cinquième rondelle qu’il pinça des doigts pour la relâcher dans sa cavité, Deccio modifia les traits de son visage d’une expression proche de la perplexité. La dernière phrase recelait un ton différent. Sa voix avait légèrement déraillé en plus d’un langage corporel révélateur. « Poser la question à un natif n’a pas vraiment de sens. Est-ce qu’un Réprouvé de Gona'Halv vacille devant un ouvrage ? Bon là, oui. Mais est-ce que la forêt de Melohorë donne des urticaires aux Ygdraë ? Est-ce que les Anges ont-ils le vertige dans les jardins de Jhēn ? Il arrive que la réponse soit positive, mais ce sont là des exceptions. Et dans le mauvais sens du terme. » On appelait ça des vers. Des moins que rien. À quoi bon leur manifester une once d’intérêt ? Centré sur le service que lui apprêtait Calanthe, il déclina son invitation en repoussant sa main pour se couvrir de denrées par ses propres moyens. « Je ne renie pas tes qualités maternelles, mais j’ai en horreur ceux qui me prennent par la main. Difficile à croire, mais je ne porte plus de couches depuis quelques décennies. » Il avait sa fierté, et surtout un sens inné des responsabilités. Datant déjà de sa tendre enfance, le petit blond qu’il fut jadis n’avait jamais cherché à ce qu’on le dorlote malgré sa chétiveté. L’amabilité était une chose. L’assistance en était une autre. Tirant l’assiette vers lui, il scinda la pomme de terre en deux, ramenant un morceau imprégné de fromage entre ses dents. Le mélange des deux produits était exquis. Il offrait une sensation incomparable au palais. Il était contraint de le reconnaitre, la cuisine distillait une énergie débordante dans les veines de ceux qui étaient aptes à le recevoir. Assistant à la déception de sa voisine, il accorda un regard à cette dernière. « Et vous, alors. D’où te viens ce désir permanent de supporter ceux que tu croises au point de les insupporter ? Si je peux te suggérer une idée, soit plus détendue. Et surtout plus naturelle. Je ne sais pas ce que tu as traversé, mais ton passé et le mien n’ont sûrement rien en commun. » Agacé par cette ambiance qui le déplaisait fortement, le Démon exorcisa sa frustration dans la sustentation. Au moins, le bruit de ses mastications comblait le lourd silence de cet épisode laborieux.



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Mer 25 Nov 2020, 19:09



Pour un flirt avec toi

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Les ronflements discrets du renard accompagnaient le crépitement des flammes. Sagement assisse sur sa chaise, la jeune femme écoutait les explications de Deccio. Parfois, il lui semblait qu’un univers entier les séparait, et que l’espace qu’ils partageaient se comptait en millimètres. En d’autres circonstances, sans doute aurait-elle été affligée par un tel constat. Ses connaissances se tenaient sur les doigts d’une main, et en dehors de Joliel, personne ne supportait ses excès. Au mieux, certains de ses congénères, touchés eux aussi par le fléau de l’Envie, comprenaient-ils ses tourments. Le Démon, en revanche, semblait ne rien trouver à redire aux agissements du monstre ; il les avait même appréciés. C’était pour elle une totale nouveauté. Depuis la découverte de son péché, la Déchue considérait la morale comme son guide suprême, et se faisait un devoir de ne pas y déroger. Sans cet entêtement, elle se savait capable d’horreurs. La réaction du blond à son égard avait quelque peu ébranlé ses convictions. Existait-il une personne en ce monde capable de l’apprécier sans qu’elle n’ait à renier ce qu’elle était ? Lorsque la culpabilité de son crime s’était évanouie, cette question l’avait hantée des jours durant. Malgré les innombrables contradictions qui avaient fleuri sous son crâne, elle voulait y croire. En conséquence, que le diablotin lui ait dissimulé son véritable prénom avait éveillé en elle une pointe de contrariété, et depuis lors, ses propos ne cessaient d’en alimenter les braises. « T’es chiant, tu sais ? » D’un geste imprévisible, elle lança son couteau vers l’assiette de l’ingrat. La lame se ficha miraculeusement dans une pomme de terre.

De mauvaise humeur, Calanthe contourna la table pour rejoindre celui qui la qualifiait d’insupportable. Sans la moindre délicatesse, elle récupéra son couvert et grimpa sur le côté de la table. Le mécontentement fronçait ses sourcils. « Quand quelqu’un prend la peine de vous préparer un repas, et qu’en plus, vous appréciez, vous devriez au moins dire merci. Et si je vous insupporte à ce point, allez manger ailleurs. Être un Démon n’excuse ni les mensonges, ni l’ingratitude. » À l’intérieur du chalet, les pièces ne manquaient pas. Rien ne les obligeait à passer la soirée ensemble. Ses doigts courraient pensivement sur la surface métallique. Un frisson s’invita sur ses avant-bras. Ne venait-elle pas de commettre une erreur ? « Vous pourriez facilement me trancher la gorge. Est-ce que ça devrait m’empêcher de vous dire ce que je pense ? Beaucoup répondraient oui. » Ses prunelles s’attardèrent sur la silhouette de Deccio. Pourquoi ne possédait-elle pas l’inquiétant magnétisme qui se dégageait de lui ? Avant que la frustration n’emporte sa raison, elle délaissa son perchoir. Mieux valait ne pas jouer avec le feu ; elle n’en avait pas les moyens. « Nous sommes indéniablement différents, mais je ne suis pas un Ange. Vous ne devriez pas l’oublier. » Davantage qu’une menace, elle souhaitait simplement l’avertir qu’il ne pouvait pas tout se permettre. César la prenait déjà pour son jouet ; elle ne voulait pas qu’une mécanique similaire se mette en place entre eux. Bien que cette éventualité lui crevât le cœur, s’il ne cherchait qu’une idiote à tourmenter, il pouvait tourner les talons immédiatement. À ses yeux, Deccio représentait l’espoir. Malgré la fermeté de son timbre, elle ne voulait pas qu’il s’éloigne.

Sur le chemin du retour, la jeune femme décida de faire un pas vers lui. Il ne fallait pas compter sur la seule complicité du feu pour réchauffer l’atmosphère. Après l’avoir remercié pour ses suggestions _ l’une d’entre elles lui semblait éminemment pertinente _, elle continua son repas. Un peu gauchement, elle enroula la charcuterie avec le fromage. Un véritable délice. Réjouie par la nourriture, elle reprit tranquillement la conversation. « J’ai grandi près d’un village, sur les Côtes de Maübee. Petite, je voyageais beaucoup. J’accompagnais mes parents dans leurs déplacements, et j’aimais par-dessus tout explorer seule. Je m’éclipsais dès que j’en avais l’occasion, et souvent, je me rendais utile. J’adorais grimper sur les animaux sauvages. Ce que je préférais, c’étaient les sangliers. En fait, je me retrouvais souvent dans des situations improbables, mais j’étais forte. » Le souvenir de ses jeunes années attendrissait la blonde. Un vague sourire aux lèvres, elle se remémorait les joyeuses aventures d’autrefois. Pourquoi la vie n’avait-elle pu continuer ainsi ? Prendre une nouvelle bouchée lui donna le courage de poursuivre son récit. « Et puis, du jour au lendemain, je suis tombée gravement malade. Pendant des années, j’ai été alitée, comme un corps sans vie. Depuis, je ne suis plus la même. » Les doigts crispés sur sa fourchette, elle se perdit dans la contemplation de son assiette. Ses jointures blanchirent. Comment pouvait-elle expliquer ce détestable sentiment de n’être plus que l’ombre de soi-même ? Face à la gloire d’une réminiscence, redorer son amour propre se révélait ardu.

Craignant que la tristesse ne s’invitât en elle, la Déchue s’empara d’une cruche et se servit un verre d’eau. Le liquide glissa lentement dans sa gorge. La fraîcheur de l’eau lui remettait les idées en place. « J’ai repris des couleurs peu de temps avant de vous rencontrer. J’ai quitté la maison de mes parents, et je me suis installée à Avalon. Je ne sais pas encore vraiment ce que je voudrais faire. J’apprends la couture. J’essaie de profiter de la vie, tout simplement. » En vérité, sa principale occupation consistait à échapper aux affres de son péché, et à éviter de croiser la route d’un certain Sorcier. Cela ne lui laissait pas énormément de temps libre. La simplicité de l’atelier la préservait quelque peu ; en dehors de ce dernier, livrée à elle-même, elle luttait en permanence contre ses instincts. L’ambition de posséder toujours plus la tenaillait ; elle ne jugea pas opportun de la mentionner. « Et vous ? D’où vous vient cette incapacité pathologique à vous détendre et à passer une bonne soirée ? » La curiosité reprenait le dessus sur le reste. Qu’il n’ait répondu à aucune de ses questions lui donnait envie d’en apprendre davantage. Elle espérait qu’à son tour, il se confierait un peu. Ils devaient avancer ensemble l’un vers l’autre. Les victuailles avaient diminué à vue d’œil, et elle avait senti son ventre gonfler en conséquence. « Je ne peux plus rien avaler. Est-ce que vous avez d’aussi bons plats, en Enfer ? » Tandis que le Démon achevait son repas, elle s’éclipsa à nouveau pour fouiller les placards de la cuisine. Par chance, elle y dénicha une douceur. Ravie de sa trouvaille, elle revint dans le salon, et s’installa d’emblée sur l’un des canapés. « Nous serions mieux près du feu. Venez donc me rejoindre, Deccio.. » Levant le bras pour l’inviter, elle tenait dans sa main une tablette de chocolat. Trop grande pour elle, sa tenue glissa sans qu'elle ne s'en aperçoive, dénudant son épaule.

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Dim 29 Nov 2020, 23:45

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


« Étonnamment, tu es la première à me faire cette remarque. Sans doute, car tu es la première à survivre si longtemps. Fascinant hein ? » Tout aussi fascinant, sa capacité à le mettre en rogne. D'ordinaire, soustraire sa pitance à un Démon se payait en litres de sangs versés. Pinçant ses lèvres, le blond plissa les yeux en une grimace d'indignation. Elle pouvait toutefois s’avérer chanceuse, car Deccio savait se tenir, en particulier autour d’une table. Il n’était pas du genre à attirer les foudres sur lui. Ça, jamais. Empoignant un couteau qu’il sema fermement dans le bois, il haussa aussitôt le ton. « Si tu as un problème avec ça, on peut le régler au pugilat. Je n’ai aucune espèce d’insouciance pour frapper les femmes. La moralité et les bonnes mœurs ne font pas partie de nos préceptes. » Malgré ses propos virulents, il était néanmoins peu probable qu’il puisse lever la main sur cette dernière. Elle avait certes le don de le pousser dans ses retranchements, mais elle ne méritait pas qu’il s’emporte pour si peu. La colère ne l’atteignait pas au même degré que les Déchus, si bien qu’il pouvait facilement la mesurer à moindre effort. Et puis, elle n’hésitait pas à lui dire ce qu’elle pensait franchement de son comportement déviant, ce qui au lieu de le rebuter, sonnait plutôt agréablement à ses oreilles. Mais pas question de l'enhardir dans ce sens, elle devait aussi se tenir et respecter un minimum les codes du savoir vivre. Et ça incluait l'expérience utilisateur.

Reprenant presque instantanément son calme comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour se tempérer, le jeune renard s’empara d’une serviette pour essuyer les coins de sa bouche, après quoi il décolla placidement les fesses de sa chaise. Se réfugiant dans le mutisme, il fit lentement le tour de la tablée dans le but de se positionner auprès de Calanthe. Soulevant quelques mèches qui génèrent l’accès à ses écoutilles, le Saraṇi se pencha pour lui murmurer quelques douces paroles. « Lorsque tu auras tué tous tes proches de sang-froid, nous en reparlerons. » Une révélation qui se voulait fracassante, sinon explosive pour le cerveau ramolli qui était le sien. Cet aveu n’avait pas pour prétention d’effarer la demoiselle. En fait, il n’avait aucun motif valable, à part celui de s’exprimer telle qu’il était. Lors de leurs précédentes rencontres, sa vraie personnalité avait plus ou moins été tarie en raison de plein de facteurs. Désormais, ce besoin nécessiteux de bâillonner son essence maléfique n'avait plus raison d'être. Il ne cherchait pas le mal pour le mal, mais y avait recours, car il déterminait la meilleure trajectoire envisageable pour ses desseins. Calanthe aussi avait des seins. Et des beaux par ailleurs.

Ceci fait, il s'éloigna d’elle pour se rapprocher des fenêtres et contempler la neige qui tombait de l’extérieur tout en écoutant d’une oreille le passif de se partenaire. « Des sangliers… c’est donc bien toi. » Prononça-t-il de vive voix. Son visage se déporta légèrement sur la gauche, là où de jolies décorations reposaient sur le rebord. Il y en avait de toutes sortes, mais une en particulier retint son attention ; celle d’un crocodile, rieur et harnaché de vêtements d'hiver. Cette sculpture lui évoquait leur première rencontre. « Tu es la petite fille que j’ai croisée dans cette forêt lorsque je n’étais encore qu’un minot. Tu y as même affronté quelques-uns de mes… camarades. » Sa voix dérailla sur cette mention. Beaucoup de choses avaient changé depuis cette époque, à commencer par lui-même. En s’attardant sur l’histoire de la femme, Deccio prit conscience qu’ils avaient bien plus en commun que ce qu’il s’imaginait. Leur parcours — toute proportion gardée — se ressemblait. Que ce soit dans la régression qu’ils avaient subie ou tout simplement dans la lutte intérieure qui consistait à trouver sa voie. En dépit de nombreux défis qu’il eut relevés et les objectifs qu’il s’était promis de réaliser, le tracé de son avenir lui paraissait aujourd’hui encore assez confus.

Appliquant sa paume sur une sphère en cristal représentant le chalet en son sein, il la secoua instinctivement, ce qui déclencha de la neige. Ce phénomène se répercuta à l’extérieur où la chute se fit plus abondante que quelques secondes auparavant, émoussant également la fureur de la tempête. « Me détendre ? T’en as de bonnes. C’est un luxe que je ne peux pas m’accorder. Pas tout de suite. J’aimerais bien te parler de l’extraversion que m’ont portée mes parents lors de mon enfance, hélas il se trouve que c’étaient les pires salopards de leurs espèces. Mon frère est le seul qui ait prit un peu soin de moi à cette époque. Alors je me dois de rembourser ma dette. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui. S’il est en danger ou en sécurité, s’il est affaibli ou en excellente santé. En revanche, je suis convaincu qu’il est en vie, c’est pourquoi je ne peux me permettre ton insouciance. » Au moment où il reposa la boule à son emplacement, la tempête reprit de plus belle. Renonçant au cadre enchanteur de ce panorama, il retourna aux abords de la cheminée après avoir lui aussi dépossédé l’armoire d’une concoction qu’il n’aurait jamais pensé trouver en ces lieux.

Mais à la place de suivre Calanthe sur le sofa, il s’installa sur la peau de bête, près du foyer. Il plongea ses iris dans le rougeoiement des flammes qui dansèrent au gré des crépitements. Cette sensation de chaleur était parmi celles qu’il préférât le plus. Il tapota la fourrure à côté de lui. « Viens t’asseoir ici plutôt. Si tu tiens tant à resserrer nos liens, j’te propose un petit jeu pour délier nos langues. » Il n’existait aucune magie plus efficace que l’alcool pour déterrer les secrets les mieux gardés. Ce nectar originaire des Enfers vérifiait plus que jamais cette hypothèse. Inondant les flutes de ce liquide rubescent pétillant, le sourire recouvra le chemin de son visage. « Ce breuvage s’appelle “Nānim’ēnvudilla”. Elle est la contraction d’une phrase dans notre langue : “Nānu nim'minda ēnannū maremāḍuvudilla” qu’on pourrait traduire par “Je ne peux rien te cacher ou presque”. Comme tu l’auras sans doute deviné, boire de cette chose nous interdira toute tromperie… ou pas. En fait, notre réponse contiendra obligatoirement une partie mensongère, le but étant de deviner laquelle. De toute façon, l’effet ne dure que quelques secondes, c’est pourquoi elle est privilégiée lors des paris. Honneur aux dames. » De telles parties étaient le meilleur moyen de surprendre quelqu’un, en bien comme en mal.


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Lun 30 Nov 2020, 22:43



Pour un flirt avec toi

Thème.

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La révélation de leur passé commun plongea la jeune femme dans une intense réflexion. Combien de probabilités s’entrecroisaient pour leur avoir permis de se rencontrer à nouveau, en ignorant qu’ils s’étaient connus ? Le hasard les avait-il mis sur le même chemin par caprice, ou existait-il un sens à leurs retrouvailles ? Ne devait-elle sa tendance à croiser le Démon qu’à l’aléatoire ? Y-avait-il quelque chose entre eux de plus grand que leurs décisions ? Avant que son imagination ne débordât sur la réalité, elle reporta son attention sur l’adorable silhouette de son compagnon. Abandonné aux bras du sommeil, l’animal couvrait sa tête de ses pattes, comme pour oublier le monde autour de lui. Seule la pointe noire de son museau dépassait, dévoilant ses dents ; il paraissait sourire. De quoi pouvait bien rêver un renard ? Aspirait-il à bondir dans la neige comme un ressort, dans l’espoir de déterrer des lapins ? S’imaginait-il courir en pleine forêt, suivant la piste de la moindre odeur, jouant avec le vent ? Alors que Deccio mentionnait les difficultés qui jalonnaient son existence, elle se mordit la lèvre inférieure. Pouvait-elle lui révéler ce qu’elle désirait en tremblant ? « J’espère qu’un jour, vous me ferez suffisamment confiance pour vous détendre en ma compagnie. » Le chagrin avait eu beau la saisir à l’idée que le petit garçon qu’elle avait connu eût subi de terribles épreuves, elle savait que le prendre en pitié lui vaudrait une gifle. Néanmoins, des questions se bousculaient dans son esprit. Par quelles souffrances était-il passé pour se méfier ainsi des autres ? Avait-il été trahi, et combien de fois ?

Lorsque le blond eut terminé de parler de son frère et que l’admiration disparut de ses traits, il s’approcha d’un placard pour y récupérer une bouteille. Un instant, la Déchue demeura silencieuse. Malgré sa proximité avec Serena, elle n’était pas certaine d’avoir la ferveur de Deccio si elle venait à disparaître. Cela faisait-il d’elle une mauvaise sœur ? En revanche, elle n’aurait pas hésité une seconde à remuer ciel et terre pour Joliel. « Je comprends. Je sais que je ne suis pas l’alliée dont vous pourriez rêver, mais si je peux vous être d’une aide quelconque, comptez sur moi. Qui sait ? Peut-être que vous tomberez sur lui en empruntant un chemin inattendu. » L’optimisme fit naître un sourire sur ses lèvres. Si l’espoir ne délivrait pas les solutions, il rendait l’attente plus confortable. Délaissant à regret la douceur du canapé, Calanthe s’installa aux côtés de son interlocuteur. Devant le liquide qui rougissait, elle fronça les sourcils. Les jeux d’alcool ne manquaient pas à Avalon ; sa longévité lors de ces derniers n’avaient rien d’exceptionnel. Les règles de celui-ci lui paraissant simples, elle énonça toutefois une condition à sa participation. La naïveté ne l’empêchait pas de se montrer exigeante. « Bien. Puisque vous êtes plus solide que moi, je propose que vous buviez une gorgée de plus à chaque tour. » Pour qu’une telle activité soit réellement amusante, il fallait que le breuvage leur procure les mêmes effets ; dans le cas contraire, l’un prendrait inévitablement l’avantage sur l’autre, et il possédait déjà des facultés supérieures aux siennes. Loin de se montrer méfiante quant aux propriétés de la boisson _ comme l’aurait fait tout individu sensé à sa place _, elle espérait simplement équilibrer les forces.

Désormais proche du foyer, la jeune femme tendit les mains au-dessus des flammes. Dehors, la tempête faisait rage, et elle se sentait reconnaissante de profiter de leur chaleur. Le ventre bien rempli, la bonne humeur l’envahissait. Cependant, elle orienta d’emblée la conversation sur un sujet sensiblement plus sombre. Parfois, la curiosité la poussait à s’aventurer sur une pente dangereuse. « Comment en êtes-vous venu à tuer votre première victime ? Est-ce que vous avez ressenti quelque chose de... différent que vos meurtres suivants ? » Le souvenir de la guerre et des corps qui s’entassaient dans son sillage revenait flotter dans son esprit. En dépit de ses conséquences tangibles, elle doutait encore de la réalité de la bataille. Jamais elle n’avait été aussi agressive ; jamais elle n’avait ressenti pareille extase. Que devait-elle en conclure ? Des mois avaient passé, et pourtant, la question la tourmentait encore. Que sa volonté cède face au monstre lui procurait un plaisir similaire. C’était troublant. Silencieuse, elle écouta pensivement les explications de son partenaire. Ces dernières lui firent froid dans le dos : à mesure que les mots tombaient, l’atmosphère de la pièce s’assombrissait. Une seconde, elle regretta que le liquide ne coulât pas dans sa propre gorge. Cependant, elle avait voulu savoir, et compte tenu de sa demande, elle ne pouvait s’attendre à une histoire douce.  Comment démêler le vrai du faux face à une expérience dont elle ignorait tout ? Attentivement, elle scruta le visage du Démon, à la recherche de la moindre variation. Puis, ce fut son tour. D'une âpreté dont elle n'avait pas l'habitude, le liquide lui laissa une impression singulière en bouche. Sa réponse fusa de ses lèvres sans qu'elle ne s'y attende. Il ne lui fallut même pas réfléchir à la partie que ses propos déformèrent. Courageuse, elle s'approcha davantage du Démon. Il sentait le savon, et quelque chose de sauvage qu'elle n'identifiait pas. Ses doigts s'égarèrent sur son avant-bras. Pourquoi désirait-elle se rapprocher de lui, au fond ? Habituellement, elle ne ressentait pas grand-chose envers les mauvais garçons ; à sa grande surprise, elle préférait perdre les innocents, et leur apprendre ce que leurs yeux naïfs n'osaient imaginer. Se concentrer sur le jeu devenait soudain affreusement compliqué. Que trouvait-elle d'agréable auprès de lui ? N'appréciait-elle que la façon dont il regardait ce que tous considéraient comme des erreurs, ou y-avait-il autre chose, quelque chose de plus profond ? Était-elle en train de changer ? Était-ce pour le meilleur, ou pour le pire ? Audacieuses, ses extrémités vinrent caresser une mèche dissidente. Allait-il lui arracher la main ? À jouer ainsi avec le feu, risquait-elle d'être un jour consumée ? La tête lui tournait un peu. Elle avait envie de réponses. « Je ne peux pas croire que rien ne vous attendrisse. Vous avez déjà fait un cadeau à quelqu’un ? J’ai du mal à vous imaginer en Essë’Aellun. Mais peut-être que vous pourriez me surprendre. » Envisager qu’il se munisse d’un costume blanc et rouge pour distribuer des présents à des inconnus contrastait profondément avec le personnage. Ce n’était pas impossible. Avec lui, une petite voix lui murmurait que tout pouvait arriver. Calanthe aimait cette sensation : l'imprévisible éloignait l'Envie.

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Dim 06 Déc 2020, 18:28

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


« Un cadeau ? Sincèrement, les rares que j’ai fais étaient empoisonnés. Par conséquent, j’sais pas trop bien si on peut les désigner comme tels. » Les doigts posés en équerre sous le menton, Deccio se remémorait les nombreuses fois où il eut mené ces personnes à la mort en leur offrant de quoi mettre un peu plus de piquant dans leurs vies. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils avaient mérité de figurer au panthéon des trépas les plus éclatés de l’histoire. En jetant un regard à l’Envieuse, il devina instinctivement qu’elle désapprouverait ce genre d’attention. Elle avait beau désirer tout ce que possédaient ses comparses, ceci n’incluait surement pas de tous ce qu’ils étaient dépossédés alors même qu’il s’agissait du processus inverse. Encore des races qui se compliquaient la vie pour pas grand-chose. Toutefois, une idée lui traversa l’esprit au moment où une bête au pelage roux sillonna la pièce de façon très désintéressée par ce qui l’entourait. De surcroit, le bâillement que produisit Erzen apportait une touche attachante au tableau. Appelé au dépassement de soi, le blond se redressa d’un bond. « Je prends ta question comme un défi. Et je le relève avec plaisir. Je suis peut-être mauvais en ce qui concerne la générosité et toutes ces conneries qui témoignent d’une quelconque tendresse, mais je suis bon pour tout le reste. Et en particulier l’improvisation. » C’est en effet dans la hâte et l’impromptu que le Démon se révélait le plus. Planifier un programme défini à l’avance, très peu pour lui. Comme tous les hommes de terrain, il aimait voir jaillir cette étincelle dans les moments les plus intenses.

Se rapprochant du renard vers lequel il s’accroupit pour le gratifier d’une papouille sous le museau ainsi que d’une gratouille derrière les oreilles, Deccio s’adressa à Calanthe, le timbre de sa voix semblant éclairée d’une euphorie qu’il peinait à dissimuler. « Erzen. T’es d’accord pour me prêter tes dons ? » Sans hésitation aucune, ce dernier répondit avec le même enjouement que son maitre. La connexion entre les deux êtres était très forte, et elle se ressentait d’autant plus dans cette ambiance propice aux confessions. « Calanthe, je ne saurais trop te suggérer que d’enfiler quelque chose qui tienne ta peau un peu plus au chaud. Rejoins-moi à l’extérieur lorsque ce sera fait. » D’un rire sans retenue, l’homme s’empara d’une veste et d’une écharpe se situant au-dessus de sa tête sur un porte-manteau, suite de quoi il quitta la pièce en sifflotant un air mélodieux. Désormais de l’autre côté du miroir, devant cette tempête qui ne s’était toujours pas apaisée, ses yeux se posèrent sur la charmante créature à ses pieds. « Eraḍu – Kempu »Dès lors cette formulation aboutie, le renard y répondit immédiatement en agitant son corps comme s’il était compulsé par un courant électrique incroyablement puissant.

Au terme de quelques secondes, la tempête se modéra au profit d’une neige plus douce, plus apaisée. Les deux compères allèrent ensuite se disposer derrière un immense amas de poudreuse, manifestement entassé à cet endroit depuis une éternité.  « Ēḷu – Nīli » Poursuivit-il vers ce qui ressemblait à un code qu’ils avaient mis en place pour se parler sans que personne ne puisse avoir l’audace d’intercepter les messages. Au-delà du simple fait d’être énoncés dans sa langue natale, ces derniers furent composés d’un chiffre suivi d’une couleur. La première correspondait au fond d’une instruction, la seconde à la forme qu’elle devait prendre. Quoiqu’il en soit, le renard s’exécuta sans aucun problème, les iris ocrés de son ami se fondant avec une profonde sympathie sur la silhouette qui se déformait devant lui. Quelques instants plus tard, le blondinet accueillit Calanthe à sa sortie. Sa servilité étant soudainement devenue exemplaire, il tendit sa main à la femme pour la saisir et l’accompagner derrière le monceau en sautillant comme un petit diablotin. En atteignant la surprise, celui-ci s’écria avec un tonitruant « TADAAAA » pour lui présenter son œuvre, ou plutôt celle de son fidèle compagnon, qui non seulement avait quintuplé de volume au point d'être encore plus massif qu'un cheval, mais qui en plus arborait une fourrure immaculée, envoutante à souhait avec le scintillement qui se propageait tout du long, à l’instar de la poudre lorsqu’elle était exposée aux rayons du soleil.

Et ce n’est pas tout, puisqu’il avait également acquis une paire d’ailes de toute beauté, d’une envergure impressionnante. Deccio posa sa paume sur l’aine de l’animal, ses doigts se confondant dans sa soyeuse toison. « N’est-il pas surprenant ? Nous allons voyager sur lui. Tu verras, c’est d’autrement plus excitant qu’avec celles qui sont accrochées à tes omoplates. » En tant que chevaucheur professionnel depuis l’ère des glaces — si tant qu’elle existe —, il savait de quoi il parlait. Grimpant sur son dos pour se positionner devant la bête, l’homme prêta main-forte à Calanthe en la hissant d’une traite afin qu’elle daigne s’installer confortablement derrière lui. « Ça risque de secouer un peu au démarrage. Accroche-toi bien. » Sans la lui lâcher, il dirigea sa main au niveau de sa taille. Il n’y avait de toute façon aucune autre prise plus adaptée que ses abdos dessinés dans la roche. « Uḍāvaṇe » Déployant ses ailes qui instaurèrent une onde de choc qui délogea la neige avoisinante, le renard d’Essë’Aellun s’élança dans les airs en un rien de temps. L’impulsion les mena haut dans le ciel, là où ils purent tutoyer les nuages sans concessions. Franchissant des hauteurs vertigineuses, ce dernier s’octroyait parfois le droit de faire quelques acrobaties pour procurer de fortes sensations. Et surtout pour épater la galerie. La conversation ne reprit que lorsqu’il maintenu son allure à une vitesse stable. « Pour en revenir à ta question précédente, je ne peux nier que le premier meurtre dans lequel j’ai été acteur a radicalement changé quelque chose en moi. Je dirais qu’il a déclenché une facette de ma personnalité qui jusque-là s’était contentée au repos. Mais cette cellule démoniaque — si je puis l’appeler ainsi — se serait activé tôt au tard, avec ou sans le contexte qui l'a provoqué. » S’il est vrai que rien ne présageait ce parcours vers la destruction et le chaos lorsqu’il n’était pas plus haut que trois pommes, son cœur n’aurait jamais supporté de se conforter dans une paix durable auquel il ne tenait pas. Le monde tel qu’il est avait grand besoin d’être renversé par quelqu’un qui dirigerait toute la haine sur lui. Mais pour y parvenir, il fallait convenir à faire quelques sacrifices. Seul quelqu’un de suffisamment tordu et détaché pouvait remplir ce rôle ; autrement dit, quelqu’un comme lui.



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Mar 08 Déc 2020, 12:36



Pour un flirt avec toi

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L’animation que la remarque de la jeune femme suscita chez Deccio éveilla en elle un soupçon d’appréhension. Lorsqu’il lui suggéra de s’habiller chaudement pour le rejoindre à l’extérieur, l’inquiétude lui tordit le ventre. Comptait-il lui montrer la rudesse de son entraînement ? Avant que de pouvoir émettre la moindre protestation, il s’empara de vêtements dont elle n’avait pas même remarqué la présence et disparut en compagnie du renard. Seule dans le salon, un frisson la saisit. Ce n’était pas la peur, pourtant, qui assaillait ainsi sa chair. Quelle folle aventure s’apprêtait-elle à vivre auprès de lui, au beau milieu d’une tempête de neige ? L’excitation accélérant ses pulsations cardiaques, elle se précipita dans le couloir et rallia en un instant la chambre. À l’entrée, le duveteux tapis lui joua un tour ; prendre de l’élan sans prêter attention à son environnement était une erreur ô combien coûteuse. Fidèle à sa réputation, la blonde s’étala fort peu élégamment sur le parquet. Les genoux meurtris, elle maugréa et se releva, le rouge aux joues. Pressée de retrouver son partenaire de la soirée, elle n’hésita pas un instant à dévaliser l’armoire. En quatrième vitesse, elle enfila des collants et une chemise en laine. Un manteau à la doublure épaisse vint couvrir ses épaules, et elle compléta le tout d’un bonnet rouge. Désormais parée pour affronter l’extérieur, ses pas la conduisirent jusqu’au seuil. Marquant une pause, elle prit une inspiration. Quelle surprise lui réservait le diablotin ? Elle avait envie de passer plus de temps auprès de lui ; elle aurait aimé qu’il n’existât plus qu’eux et le chalet. Était-ce l’effet de ce qu’elle avait bu, ou du magnétisme qu’il dégageait ? Saurait-elle retenir son attention pour quelques heures encore ? Lui ferait-il un jour confiance ?

À sa grande surprise, la poudreuse avait perdu en intensité. Loin de retrouver des repères familiers, la jeune femme, éberluée, accepta de bon cœur la main que Deccio lui tendait. Il lui semblait que ce dernier avait recouvré l’enthousiasme de ses jeunes années. Ravie d’être témoin de son enthousiasme, la méfiance retourna au néant. Contournant le monticule immaculé, elle hoqueta de joie. Somptueuse, une créature à l’envergure impressionnante les attendait patiemment ; elle ne comprit pas de suite qu’il s’agissait là du renard. Pouvait-elle raisonnablement croire que la scène n’était pas tout droit sortie de son imagination, ou d’un livre de contes ? Incapable de parler, elle ouvrit de grands yeux ébahis. Comment pouvait-il d’une même voix l’inviter à une chevauchée de rêve et lui suggérer de succomber à ses démons ? Emmenait-il souvent des femmes sur son destrier des neiges ? Elle espérait que non. « Mes ailes sont plus grandes que les siennes. Vous pourriez dormir dans l’une d’elles. » Pensive, elle s’installa sagement derrière lui. Lorsque l’animal s’élança dans les airs, elle se cramponna par réflexe au torse du blond. Sous ses doigts gantés, elle sentait la ligne de ses muscles se dessiner. Le rouge lui monta aux joues. Cependant, elle n’eut pas le temps de réaliser son trouble ; jouissant de sa liberté céleste, le renard poursuivait les nuages. À la première acrobatie, elle ferma les yeux de crainte d’une mauvaise chute. Les suivantes la firent rire aux éclats, et la fraîcheur de l’air giflant son visage ne parvint pas à diminuer sa bonne humeur. La chaleur du corps de Deccio n’y était pas étrangère. Semblable à nulle autre, une sensation d’abandon s’insinuait dans les entrailles de la Déchue. Rejetant la tête en arrière, elle remercia la bonté de Kinath.

Quand le renard, sans doute essoufflé par ses pirouettes aériennes, se stabilisa à une allure plus douce, le blond lui livra enfin la réponse à sa première question. « Vous en êtes certain ? Qui vous dit que tout ceci n’est pas un simple concours de circonstances ? Qui sait ce qui serait arrivé si vous aviez grandi ailleurs ? Je ne peux pas croire que tout soit déjà décidé lorsque nous venons au monde. » L’idée, pourtant, avait quelque chose de réconfortant. Que n’aurait-elle pas donné pour imaginer que ses travers fussent les enfants du hasard et du destin ? Son péché, alors, n’aurait pas été sa responsabilité, et elle aurait pu se décharger de ses désastreuses conséquences. Parmi les siens, certains accablaient sans ciller les divinités. Son caractère n’était pas formé ainsi ; elle voulait croire que, d’une façon ou d’une autre, elle avait le choix de ses actes. L’heure ne se prêtait pas aux réflexions. « Je suppose que ça n’a pas d’importance. Vous êtes ce que vous êtes, et ça me convient. » Les bras enlacés autour du diablotin, elle posa doucement sa tête contre son dos et ferma les yeux un instant. Prenait-elle vraiment la mesure de sa chance ? Ce qu’elle devinait de lui impliquait qu’il ne s’adonnait pas fréquemment à une récréation de ce genre. Qu’il laissât de côté ses instincts pour passer un moment en sa compagnie la touchait. « Permettez-moi de prendre les devants. » Sa jovialité lui offrit un regain d’agilité ; par miracle, elle réussit à échanger leurs places. Se penchant à l’oreille de la créature, elle flatta son pelage, lui suggérant humblement de prendre une nouvelle direction. Un changement de cap s’imposait.

Sensible à ses murmures, la créature plongea à vive allure vers le sol. Arraché par la vitesse, le bonnet de la jeune femme s’envola dans les airs ; désarçonnée, cette dernière se pencha en avant pour s’accrocher à la toison lunaire. En contrebas, le blizzard dissimulait un village dont elle avait aperçu les lueurs, un peu plus tôt. Devant leur féerique apparition, des enfants levèrent les yeux. Avant que de s’écraser au sol, le renard freina sa course et se redressa d’un mouvement brusque. Chahutée, la jeune femme bascula en arrière et rencontra le blond. Sans s’attarder sur l’incident, ils descendirent de leur monture. Des bambins s’agitaient autour de ce dernier. « Je suis curieuse de voir ce que cet endroit a à offrir. Peut-être trouverons-nous de quoi nous amuser. » Une arche de houx marquait l’entrée du village. Bordée d’étals au parfum entêtant, l’allée principale grouillait de vie. Ils s’écartèrent pour laisser passer des individus. L’un d’entre eux, manifestement imbibé d’alcool, chantait à tue-tête un hymne bien étrange. « Quand te reverrai-je, pays merveilleux ! Où ceux qui s’aiment, vivent à deux ? » Distraite par la profusion de biens à sa disposition, la jeune femme regrettait de ne pas avoir d’argent. La tentation de demander au blond de faire diversion et de tendre les doigts vers tout ce qui était à sa portée la tenaillait. Phénomène rare, sa convoitise n’avait rien d’égoïste. Devant le regard qu’elle posait sur un sachet de friandises, une marchande le lui offrit en souriant. Reconnaissante, elle la remercia et attrapa le bras de Deccio pour qu’ils poursuivent leur chemin. Il était hors de question que le monstre vienne gâcher la soirée. Quelques stands plus loin se dressait une arène de glace. Un individu les interpella, leur proposant de participer à un jeu. « Approchez, n’ayez pas peur ! Nous organisons un tournoi ! Les vainqueurs auront droit à une récompense ! » Il s’agissait de faire tomber l’adversaire, perché sur les épaules de son partenaire qui, en plus de soutenir la charge, avait la lourde responsabilité de les guider en patinant. Un tirage au sort désignait ceux qui s’affrontaient, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul duo. Ravie d’avoir l’occasion de se dépenser, l’Envieuse fit un signe à Deccio. « Qu’est-ce que vous attendez ? Venez, on va leur mettre une raclée dont ils se souviendront ! » Toute autre éventualité que remporter la victoire était exclue : elle se sentait capable de soulever des montagnes.

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Sam 12 Déc 2020, 23:15

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


Les acrobaties rocambolesques du Dieu de la ruse ne déstabilisèrent pas plus que ça la martyre des Envies. Elle s’y était acclimatée plutôt vite pour une première fois, ce qui lui octroyait quelques points en plus. Deux, c’était mieux que zéro après tout, et ce quand bien même le score à atteindre pour qu’il daigne lui accorder à peine plus d’attention devait se situer autour des mille… millions, bien sûr. Et qu’on ne vienne pas lui dire que ses exigences étaient disproportionnées, car il nierait absolument tout. En revanche, un malentendu semblait s’être inséré au cœur de la discussion. Pour une fois, il reconnut sa faute d’avoir été un peu obscure dans ses propos. « En fait, je suis totalement de ton avis. Je n’ai jamais cru au destin, pas plus que je place les Dieux au-dessus des mortels. Ils ont plus de pouvoirs, mais ils ne valent pas plus que les millions d’êtres qui les vénèrent. Sans nous, ils ne sont rien de plus que des oubliés. Et sans eux, nous perdons la foi. J’imagine que c’est un échange de bons procédés. » Mais il s’éloignait du sujet principal. S’en rendant immédiatement compte, il tourna légèrement son visage vers Calanthe en ricanant, ses lèvres brûlant d’audace. « Naturellement, notre environnement nous façonne. De même que nos fréquentations. Mais nos gènes sont aussi en partie garantes de notre développement. C’est eux qui nous rendent plus ou moins émotifs et qui influent certains paramètres, tels que nos personnalités. Au-delà de ça, la culture avec laquelle nous grandissons, les règles sociales, les apprentissages dont nous sommes acteurs établissent à même échelle ce que nous sommes… » Les bras enchevêtrés sur son torse, la tête dans les nuages ; Deccio arpentait les traits d’un pensif. En certaines circonstances, il s’apparentait presque à un poète. Était-il pour autant plus proche des utopistes que des artistes ? Non. Sans doute se percevait-il plus comme un visionnaire. C’est le genre d’hommes qu’il devenait lorsque les sujets alimentaient sa curiosité.

En dehors de sa bestialité latente, on omettait bien trop souvent qu’il appréciait le monde à sa juste valeur. À choisir, il préférait de loin découvrir et apprendre immensément de choses plutôt que de se battre. Seulement, hormis l’art de la stratégie, aucun des autres savoirs ne permettait de remporter une guerre. Les Démons renfermaient des passionnés, de même qu’on en trouvait dans les cités aux accoutumances plus adoucies. Cette information donnée, la Déchue prit la décision d’inverser leurs positions. Pourquoi pas après tout. L’homme n’avait rien contre les femmes indépendantes résolues à se démarquer. Au contraire même, cela pouvait vite devenir savoureux, du moment qu’elle avait les moyens de tromper son ennui. Presque instantanément, c’est en qualité d’arbitre qu’il se convertit. À quel point serait-elle à la hauteur de ses attentes ? Il avait hâte d’avoir la réponse entre ses mains. En tout cas, le premier fait renversant ne tarda pas à pointer le bout de son nez ; Erzen se laissant volontiers manipuler par son nouveau destrier. D’habitude, il ne laissait déjà personne d’autre l’approcher, alors pour ce qui était de suivre des instructions, c’était mission impossible. Ce n’est certainement pas la pureté de la dame qui insufflait de la confiance au canidé, c’est pourquoi le Démon la suspectait d’être une personne totalement loyale et sincère. Si l’instinct de son ami roux le pressentait, il songerait à lui accorder la sienne à son tour. Mais pour cela, encore fallait-il entreprendre bien plus d’actions favorables que de celles qui consistaient à flatter sa peau du bout des ongles.

Pour l’heure, c’est devant un village que la monture arrêta son envolée lyrique, sûrement d’après les recommandations de l’albâtre qui avait perçu un objet intéressant ou une bêtise dans le genre. Des enfants criards et des chants traditionnels discordants ; ça commençait plutôt bien. Mais contre toute attente, c’est sur le chemin de la compétition que la femme se perdit. Ce n’est pas tant la récompense que la victoire qui attendrit l’ardent défenseur des duels. Jamais ce dernier n’aurait pu prédire de concevoir une rivalité au milieu de toute cette foule hilare, c’est pourquoi il accepta sans la moindre hésitation. « Inutile d’en faire tout un foin et de m’exposer toute une thèse sur les pertinences de la concurrence outrancière. Je le sais déjà, il permet de ne jamais se reposer sur ses lauriers. Entre autres. » Pas question de laisser passer une occasion de fanfaronner et de mettre ces amateurs en charpies. Enfilant les chaussures homologuées pour la glisse, le blondinet s’exerça à rester sur ses appuis sans subir l’instabilité des patins. Se positionnant ensuite auprès de sa partenaire, Deccio se baissa de sorte à pouvoir saisir ses jambes et la hisser sur ses épaules. Il y parvint avec une relative facilitée. « Ma mission consiste donc à nous diriger et surtout à ne pas me laisser désarçonner par les collisions. La tienne consiste à faire tout le reste ; grosso modo à les écraser. » Ce serait parfait pour voir ce qu’elle avait dans le ventre. Dès lors que les binômes furent tous prêts pour le grand départ, le son de la corne qui avisait de signal d'inauguration retentit.

Aussitôt, Deccio força sur appuis pour démarrer en trombe. C’était peut-être un poil trop brusque pour la demoiselle, mais il comptait sur ses aptitudes pour se ressaisir. Et vite. Car lui ne ralentirait en rien la cadence, focalisé sur son objectif principal ; à savoir tous les faire tomber. C’est la première fois qu’il posait les pieds sur ces ustensiles de tortures. Malgré cela, il dansait merveilleusement sur la piste, détournant leurs adversaires quand ce fut nécessaire et fonçant dans le tas quand il en supputait la rationalité. La chorégraphie interprétée par le duo contenait bien quelques imperfections, mais elles furent rapidement comblées par la réactivité synchronisée du jeune couple. Nul besoin de correspondre par voie orale, car ils s’échangèrent des informations par signaux. Ayant vu le jour machinalement, il suffisait à Deccio de tapoter sur la cuisse de l’Envieuse pour lui indiquer de quel côté il valait mieux frapper. Inversement, il lui fallait répéter une opération similaire pour lui désigner où se trouvait le danger. En l’occurrence, nulle part tant qu’ils seraient de la partie.

Au terme de plusieurs minutes à slalomer entre les différents ennemis et à user de coups bas — mais autorisés — pour parvenir à leurs fins, le duo l’emporta haut la main. Tout bien réfléchi, ce n’est pas ici qu’ils débusqueraient de loyaux rivaux. Quant à la récompense, et bien un jeune garçon s’approcha d’eux avec une médaille afin de les décerner à ceux qui s’étaient détachés du lot. L’insigne doré qui prenait l'aspect d’un renne avait pour objectif de les guider au travers de ces contrées sauvages. De plus, ils repartaient avec petite sphère en bois chacun, qui selon son offreur, se révèlerait lorsque minuit sonnerait ses douze coups. C’était suffisamment intrigant pour maintenir en haleine le beau Diable. Les formalités terminées, un homme pour le moins farfelu attira son attention un peu plus loin. Perché sur un pic montagneux en hauteur, il récitait des vers pour la plupart incompréhensibles, comme s’il adjurait un Dieu. En rejoignant celui-ci, le conspirateur se rua vers lui tel un ivrogne à qui on venait de retirer sa bière. Il agrippa les vêtements du Démon de toutes ses forces. « La Déité Freya a donc entendu mes sages paroles ! Elle m’a mené vers vous, l’apôtre de la nudité ! Je sens sur vous les courbes de la jeunesse et de la verge qui ont bâti votre chair jusqu’au pubis. Vous êtes montés comme un taureau, puisse à jamais que vous devinssiez mon bourreau. J’ai besoin de vous. Faites-moi plaisir et allez voler les vêtements de ces impies. Je vous révèlerais alors le plus gardé des secrets. » Il pointa du doigt une source chaude en contrebas où se tenaient plusieurs personnes, de divers milieux, de tout âge. Ça avait l’air amusant, donc…



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Jeu 17 Déc 2020, 17:06



Pour un flirt avec toi

Thème.

e4oj.jpgRejeton de la brise, la gifle venait d’abord lui rosir les joues. D’une caresse toujours semblable, et cependant toujours surprenante, la rudesse de l’hiver rencontrait son visage. Au moindre mouvement, Calanthe en percevait toute la force, comme si elle se fut soudainement enfoncée dans une atmosphère tranchante. Seules ses cuisses, que les mains du Démon agrippaient fermement, et entre lesquelles reposait sa tête, conservaient un soupçon de chaleur. À travers ses collants, les variations de la poigne du blond lui parvenaient avec la même clarté que si elle n’avait rien porté ; en d’autres circonstances, elle en aurait rougi. Deux de ses phalanges, d’ailleurs, abritaient paternellement des cloques auxquelles un dur labeur avait donné naissance. Prise par l’urgence qu’imposait la compétition, ses pensées ne purent s’égarer davantage. Agir de concert avec son partenaire réclamait toute son attention ; la chance voulait qu’il se déplaçât sur la glace avec suffisamment d’aisance pour combler les failles de la Déchue. D’une tape vivace, il lui signifiait ce que ses prunelles ne distinguaient pas à temps : ici une opportunité, là une mise en garde. Manquant à plusieurs reprises causer une mauvaise chute, sa maladresse trouvait sa salvation dans la vivacité des réflexes de son acolyte. La volonté de remporter la victoire gonflait en elle par de petites touches d’adrénaline. Coussin de douceur, un matelas herbeux réceptionnait les infortunés avant qu’ils n’aient touché terre. Lorsque le dernier adversaire tomba, la jeune femme poussa un cri de joie, et, descendue de son perchoir, se jeta joyeusement dans les bras de Deccio.

Interrompue par l’arrivée d’un jeune homme, leur étreinte ne dura qu’un instant. Toutefois, l’allégresse de leur succès ne s’affadit pas. La reconnaissance égayant ses pommettes, la blonde reçut sa récompense. L’or du métal trouva fièrement place sur la gauche de sa poitrine. À ses yeux d’adolescente tout juste tombée du nid, il s’agissait davantage d’un souvenir que d’une distinction. Quant à la sphère de bois, elle attisait sa curiosité, et bien qu’elle ressentit l’envie que la soirée ne s’achevât jamais, les tenailles de l’impatience la prenaient en otage. Alors que tout allait pour le mieux, un détail envahit son horizon. La distribution des prix concernait également le duo arrivé en seconde position ; le lot de consolation différait du leur. Devant l’emballage stylisé qui dissimulait leurs présents, les démons de la jeune femme s’éveillèrent. Des pas qui n’étaient pas les siens l’amenèrent à proximité de l’un des membres de l’équipe. L’innocence au visage, ses doigts s’approchèrent de la poche où reposait l’objet de sa convoitise. Malheureusement, l’échec accueillit sa tentative. D’un geste imprévisible, l’autre venait de se tourner vers elle. Ses sourcils haussés témoignaient de sa surprise. Les instruments de son larcin avorté se muèrent en une poignée de main amicale. « Je voulais simplement vous féliciter pour votre performance. » Le déroulement de la soirée ne se prêtait pas aux esclandres ; la tension dans ses épaules lui soufflait que son compagnon désapprouverait son caprice. Dans l’espoir qu’il n’ait rien remarqué de son manège, elle retourna sagement à ses côtés. Ce n’était que partie remise.

À l’abri des chants enfantins, un individu se pavanait sur un rocher, le torse à l’air. L’esprit gangrené par des stratégies vouées au fiasco, le regard de la jeune femme passa sur lui avec indifférence. De quelle manière pouvait-elle faire sienne une récompense qui ne lui appartenait pas ? À présent qu’il l’avait vue approcher, son adversaire suspecterait d’emblée ses mouvements. Se joindre à la fête, peut-être, le laisser boire tout son soûl, et l’attirer dans un coin lorsque l’alcool troublerait son jugement ? Que deviendrait la morale, alors ? Auprès d’elle, la silhouette du diablotin se mut. Pourquoi ne parvenait-elle pas à détourner ses pupilles d’une poche délavée, alors qu’un instant de rêve lui tendait les bras ? D’une écorchure invisible, le regret enserra son cœur. De ses griffes prédatrices, la frustration naquit, tirée au néant par l’inattention de Deccio. Qu’il accordât à un autre l’attention qui, jusque-là, ne concernait qu’elle, frôlait l’intolérable. La rage gronda dans son ventre. De ses lèvres pincées, pas un son ne sortit ; la crispation asséchant ses traits, elle rejoignit son compagnon dans les hauteurs. Le dégénéré ayant jeté son filet au hasard, ravi d’avoir fait mouche, requérait effrontément les services du Démon. D’emblée, elle conçut de l’animosité à son égard. Pouvait-elle raisonnablement envisager que la neige cédât sous ses pieds, et que sa carcasse s’écrasât en contrebas ? Retenue de justesse par des scrupules qui rampaient encore sous son crâne, elle demeura à distance de l’hurluberlu. Regrettable. La démonstration de ce dernier, néanmoins, plut à celui dont elle réclamait le regard.

À jalousement examiner l’éclat d’intérêt qui accentuait la profondeur de ses iris, une pensée vint à Calanthe. Le hasard de leurs retrouvailles voyait les évènements s’enchaîner en un vif tourbillon. Débarrassé de tout ce qui l’apparentait au monstre que les gens décrivaient, le Démon paraissait apprécier l’instant. Une conclusion effleura son esprit. Malgré ses déficiences, elle savait reconnaître les symptômes de l’addiction ; les siens en portaient tous les stigmates. Son partenaire s’abreuvait à l’action, chassant obstinément la sécheresse de l’ennui. Une avidité qu’elle comprenait aisément. Dans sa naïveté, elle songea que, peut-être, le mener de distraction en distraction suffirait à les prémunir du retour de la bête. Le jeu en valait la chandelle. « Je n’ai pas compris grand-chose à son discours d’illuminé, mais j’ai une certaine expérience lorsqu’il s’agit de dérober des objets. Dépêchez-vous, avant que je ne rafle tout. » Désireuse de s’éloigner de l’indésirable, elle emboîta le pas du blond sur le chemin qui menait aux thermes. Avant toute chose, elle dut rejeter la perspective pourtant alléchante de lui proposer un concours : elle n’était pas de taille à l’affronter, et elle pressentait que chez lui, la facilité dissipait le plaisir. À voix haute, elle tâcha ensuite d’élaborer un plan digne de ce nom. « Peut-être pourrais-je séduire le guichetier, et l’entraîner à l’écart, pendant que vous prendriez les habits ? Non, ce ne serait pas très malin. » Plus lents que la moyenne, ses méninges fabriquaient en nombre des scénarii. Pas un seul ne méritait qu’elle s’y attardât sérieusement. Les productions de sa cervelle la navraient.

Maîtresse des environs, la neige voyait sa royauté mise en cause par des nuages de vapeur. À mesure qu’ils approchaient des bains, sa défaite devenait criante ; couvert d’un vernis liquide, l’impudent anthracite des pierres refusait de succomber à la dictature du manteau blanc. Gardée par un bâtiment aux planches défraîchies, l’entrée ne paraissait pas gardée. « Au diable la stratégie ! Approchons-nous, et improvisons. » En cette période de l’année, la magie d’Essë’Aellun opérait, et personne ne désirait troubler la sérénité du village. Du moins, aucun de ses habitants. Sur la pointe des pieds, ils louvoyèrent le long de la bicoque. À la recherche de regards indiscrets, la Déchue se cogna magistralement dans un seau. Le concierge, à première vue inquiet, s’approcha de la fenêtre. Sa nonchalance le conduisit à la fermer, d’un geste sec, attribuant le bruit à l’intervention d’un quelconque félin. Soulagés, ils parcoururent les quelques mètres qui les séparaient encore des bassins. Abrités derrière un panneau de bois, la jeune femme prit les commandes de l’opération. « Passez de l’autre côté, et récupérez notre butin le plus naturellement possible. Si ça a l’air habituel pour nous, personne ne remarquera rien. » Lorsque le mensonge se parait des atours de la vérité, la méfiance s’endormait. Donnant l’exemple, elle s’empara d’une corbeille de bois et se mit au travail. Soigneusement, ses extrémités s’emparaient des habits. Sa trajectoire quasiment achevée, une voix grave résonna à sa droite. « Hey ! Toi ! Qu’est-ce que tu fais ? » Le souffle coupé, la blonde déglutit péniblement. Que répondre ?

L’inquiétude dans les yeux, Calanthe baissa la tête, par réflexe, s’évitant ainsi la vision d’un inconnu parfaitement nu. La vapeur masquait malheureusement la progression de Deccio. Les tremblements de sa voix ne devaient rien à la timidité, qui, en de pareilles circonstances, aurait certainement provoqué en elle les mêmes effets. « Je ramasse vos vêtements, pour les mettre à l’abri, Monsieur. S’ils étaient mouillés, vous risqueriez de prendre froid en rentrant chez vous. » Davantage murmure qu’affirmation, la douceur de son timbre parut le ravir. Devant le trouble qui la saisissait, ce dernier eut un rire gras. Sa main s’abattit sur la chevelure de la jeune femme. « Quelle prévenance ! Tu voudrais pas venir vérifier chez moi que je n’attrape pas de fièvre, tant que t’y es ? » Exaspéré par son indélicatesse, l’un de ses acolytes lui intima de la laisser tranquille. Par chance, il retourna à ses ablutions, un commentaire graveleux sur les lèvres. Quelques minutes plus tard, elle rejoignit le Démon, à l’abri d’une palissade. « J’espère que le secret dont nous a parlé ce drôle d’oiseau en valait la peine. Sinon, il va m’entendre. » Mécontente de son expérience, ses prunelles dérivèrent vers l’osier. Dépassant de la poche d’un pantalon, elle discernait un étui, et, ça et là, des bosses déformaient les tissus. Invitation à le faire sien, un trésor soupirait entre ses mains. « Ce ne serait pas raisonnable de garder quelques affaires, n’est-ce pas ? » L’Envie la prenait à la gorge. Sur le trajet du retour, elle demeura un moment silencieuse, en proie à ses noirs penchants. Sur sa chemise, de l’eau appelait la morsure du vent, rafraîchissant son corps plus que nécessaire. La chaleur lui manquait cruellement. « Vous savez, on raconte que les criminels reviennent toujours sur les lieux de leurs méfaits. Est-ce que vous auriez envie de vous conformer à l’adage ? » La fatigue lui piquait les yeux ; elle ne voulait pas que le mirage s’éteigne.

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Lun 21 Déc 2020, 23:10

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


Coursier de la distraction en toute heure, l’homme à la ruse plus aiguisée que ses couteaux conduisit ses iris au point le plus convoité en cet instant. Lui aussi désirait parfois s’abreuver de certaines choses jusqu’à plus soif. À la différence de sa complice du crime, toutefois, c’est qu’il alimentait volontairement cette voracité jusqu’à n’en plus pouvoir. Deccio n’apprécia guère dépérir dans la morosité du quotidien, c’est pourquoi il lui fallait régulièrement brusquer ses habitudes. Une vie de famille bien rangée recouverte d'une pincée de situation stable qui l’écartait de tout danger ? Très peu pour lui. Cette excitation impulsée jusqu’à l’extrême, c’est de ça qu’il vivait. Bon, ce n’est pas cette revendication aux aspects de quête secondaire qui allait bousculer le déroulement de cette journée, mais peut-être y contribuerait-elle un peu s’il y mettait son grain de sel. Voler les affaires d’une bande de garnements qui se vautraient confortablement dans leur assise était une chose, mais il existait mille et une façons de décupler l’amusement en apportant quelques ajustements aux règles. « Il parlait un patois local peu commun, c’est vrai. Néanmoins, grâce à ma profession, j’ai pris l’habitude de lire entre les lignes. Sa requête est plus vitale que tu ne le penses, Calanthe. » Voici le temps. Pas le temps des cathédrales, non, mais le temps d’enfiler son costume de cascadeur ; un déguisement resplendissant qui métamorphosait n’importe quel volatile horrifié par les intentions hostiles en un tigre vaillant, dépouillé de la plus infime once de nervosité. Oui ; le jeu d’acteur impliquait de ne faire qu’un avec ses personnages. Il avait raffiné son jeu depuis qu’il possédait une maison de poupée appelée à être embellie d’une production à la hauteur.

Ses mains tremblèrent lorsqu’il saisit celles de la Déchu, tandis que ses joues — en émoi — virent s’écouler une petite larmichette qui se fendit sur un pécule de neige. « Je ne peux tolérer ce qui lui arrive alors que nous approchons des fêtes primées pour leurs altruismes et leurs dons de soi. Dans ses paroles, j’ai entendu son message. Voici des décennies que sa tribu a pour fonction de préserver la sobriété de l’homme pour maintenir l’ordre et la cohésion. La légende raconte que les gardiens de la nudité ont un jour scellé trois hommes aux pouvoirs divins dans des minerais en marbre. Ces Dieux vivants ont toujours veillé sur eux et leur ont apporté prospérité et paix durable. Du moins, jusqu’à ce que les impies qui règnent sur ces terres décident de n’en faire qu’à leurs têtes. » Deccio se tourna de sorte à masquer ses yeux perlants de tristesse. Portant sa main au niveau du front, il se pencha inconsciemment en adoptant une posture peu orthodoxe. Geneviève — une vieille peau qui sévissait dans le droit — interdisait de tels pantomimes. Reprenant le dessus sur ses émotions, l’apprenti Diable noua un bandeau sur sa tête ; un cachet de sa détermination qui notifiait qu’il était fin prêt à partir à la guerre. « Autrefois, tu m’as déjà prouvé que je pouvais te faire confiance, alors advienne que pourra. Armons-nous de vaillance et c’est parti. » La jeune femme n’avait pas attendu le signal pour se mettre en mouvement, si bien que Deccio s’infiltra dans les vestiaires avec un petit train de retard. Se plaçant en position de rampage, aussi intitulé stature de l’escargot, le Rusé se fit le plus discret possible en ne passant qu’une partie de son visage vers l’intérieur de la porte. Seules ses mèches blondes étaient susceptibles le trahir. À l’instant où il entendit la voix d’un employé passer dans les parages, Deccio effectua un roulé-boulé digne des plus beaux saucissons de la contrée. Il échappa de justesse à la vigilance érodée du passant. Du moins temporairement, puisque ce dernier, mis en garde par le brouhaha qu’il eut causé, chercha ensuite l’origine de ce boucan. Il ne restait qu’une solution au guerrier pour ne point être découvert, et bien qu’elle manquât cruellement de classe, il devait cette fois-ci passer outre pour espérer ne pas avorter l’opération.

Ainsi, en place et lieu du grand Démon interpellé à maintes reprises pour actes de barbarie, c’est un caméléon qui se profila tranquillement aux abords de la porte qui menait vers les sources chaudes. Il se demandait ce que pouvait bien fabriquer sa complice, car lui ne se sentait plus l’âme d’un voleur présentement. « Qu’est-ce que tu fiches là toi ? Ce n’est pas un endroit pour toi ici. Fous le camp ! » Pas de chance, le choix de la transformation manquait d’assentiment. Cette discrimination envers les reptiles manquait de le voir tourner autour d’une brochette plutôt que de conclure sur un camouflage réussi. La petite bête, affolée, tapa son plus beau sprint en décampant à toutes pattes au travers des couloirs. Bientôt, Deccio sombra tête la première dans l’eau tiède des bains, sa touffe resurgissant à la surface. Les cris effarouchés des femmes se déclenchèrent à l’unisson. « C’est un peu vexant. D’ordinaire, on me réserve un meilleur accueil. » Le fiasco total de la procédure entraina la précipitation de leur retraite. Dans ces circonstances, le Rusé siffla son plus beau morceau de partition afin d’émettre le signal au principal intéressé. S’il leur fallait désormais persister le temps que le cavalerie ne débarque, Deccio entreprit quelques longueurs pour se démettre de son stress post-foirage. Émergeant de l’eau avant qu’un intrus ne pose ses pattes sur lui, le funambule de la discorde retrouva Calanthe au détour d’une bifurcation. Il attrapa sa main sans la soulever... de questions ! De questions voyons ! « Nouvelle technique : on passe pour des cons, les autres se marrent, et on se taille. C’est original. Et qu’on ne vienne pas me dire que j’y mets pas du mien après ça. » Il apprenait auprès des meilleurs. Et des pires, par alternance. Quoiqu’il en soit, Deccio n’avait pas complètement échoué puisqu’il avait réussi l’exploit de voler une fourchette en bois en passant, de quoi avoir une bonne histoire à raconter la prochaine fois qu’il ira dans une taverne. L’animal au pelage blanc débarqua à ce moment-là pour les transporter tous les deux à hauteur suffisante pour éviter les projectiles formés à partir de plaquettes de beurre et de vase séchée. « Et si on retournait au bercail ? De toute façon, je crois bien que ce type à poil nous menait en barque. » Suivant la direction du vent et des médaillons en leurs possessions, le trio d’usurpateurs prit le chemin du chalet. C’était plus sage.



1086 mots | Post VI
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Mar 29 Déc 2020, 23:08



Pour un flirt avec toi

Thème.

e4oj.jpgCouverts du voile de l’admiration, les neurones de la jeune femme n’associèrent pas la vivacité de leur retraite et le potentiel échec du Démon. Lorsque ses iris captèrent finalement la fourchette qu’il tenait précieusement entre ses phalanges, elle pensa que, par malchance, dans les bassins où il avait mené ses investigations, personne ne trempait son postérieur. Devant sa réticence à porter le butin au marchand de tapis, elle acquiesça vivement. « Vous avez raison. Quand la barque prend l’eau, il faut la laisser couler. Rentrons. » Achever la soirée à l’abri de la neige adoucissait son timbre au moins autant que la perspective de conserver pour elle ses acquisitions frauduleuses. Avant que d’enfourcher leur splendide destrier, elle empaqueta grossièrement ces dernières. Qu’il fut d’or ou d’argile, elle tenait entre les mailles de son nid de fripes l’espoir de découvrir un trésor. Le mystère prévenait l’Envie de la chavirer toute entière ; malgré la curiosité, ses prunelles s’attardèrent plus que de raison sur les toits des chaumières. Quelles merveilles reposaient à l’abri de la neige, délaissées par les froids regards de leurs propriétaires ? Inconsciemment, les poings de la blonde se crispèrent sur sa prise, raffermissant son étreinte. Lorsqu’ils touchèrent terre, l’animal, son service achevé, reprit sa taille initiale. « Merci pour la balade. » Affectueusement, Calanthe passa sa main le long de la joue du canidé. D’humeur câline, celui-ci frotta son museau contre la paume tendue, déclenchant chez elle quelques éclats de rire. Son contact était incroyablement apaisant.

Comme si la Déchue retrouvait le chemin de la maison, elle poussa la porte de la demeure le plus naturellement du monde. Fatigué par leur périple, le renard retourna prendre place sur le canapé. Sensible à l’épuisement qui le saisissait, elle retint un bâillement et se délesta de son manteau. Les traces de leur repas avaient mystérieusement disparu. « Vous croyez qu’il sera bientôt minuit ? J’ai terriblement envie de savoir ce qui se trouve dans les sphères, et je ne voudrais pas m’endormir avant. » En toute honnêteté, elle avait d’abord envisagé de les briser à l’aide d’un outil quelconque pour assouvir son intérêt. Ses mains et ses yeux fouillaient attentivement les vêtements, à la recherche de tout éclat susceptible de la ravir. « C’est que, passer du temps avec vous n’est pas de tout repos. J’imagine que peu de gens parviennent à vous suivre. Vous tenez un rythme infernal. » Dépourvue de toute méchanceté, elle énonçait simplement des faits. Il lui était difficile d’imaginer une vie aux côtés du diablotin ; sans doute que, dans le confort de l’atelier, elle n’apprenait pas plus de la vie que dans le secret de sa chambre. La préoccupation fronça ses sourcils. Déconcentrée, elle décida que sa quête pouvait attendre, et rejoignit Deccio aux abords de la cheminée. « Je me demande... Comment faites-vous pour avoir autant d'énergie ? Peut-être ai-je tort, mais j’ai l’impression que rien ne peut vous arrêter. Est-ce vraiment le cas, ou prenez-vous le rôle tellement à cœur que vous vous confondez en lui ? » Parfois, la jeune femme ne savait pas elle-même qui du monstre ou de l’ange était réel ; l’un lui inspirait de la crainte, l’autre, du mépris. Quelque part entre les deux, elle s’efforçait d’exister.

Un instant, le crépitement de la cheminée céda la place au bruit sec d’un sachet éclatant. Le sourire aux lèvres, la jeune femme s’empara de l’une des sucreries et la planta précautionneusement au bout d’un pic de métal. « Je pensais que ces friandises n’existaient qu’au village d’où je viens. Certains soirs, lorsque l’on campe sur les berges de la rivière, on allume un feu, on se raconte des histoires, et on fait griller ceci entre les flammes. » En toutes circonstances, évoquer les souvenirs des moments heureux passés à Koqkiri suffisait à parer ses lèvres de joie ; son sourire, pourtant, trouvait bel et bien son origine dans le présent. D’un geste que l’habitude rendait presque précis, elle présenta la guimauve aux langues avides de la roussir. Illuminé par la chaleur, le rose se mit à luire. Un parfum de sucre embauma la pièce. « Vous devriez venir, un de ces jours. L’été, il y a des jeux dans toute la vallée, et lors du solstice, nous avons même un petit festival, avec les saltimbanques des environs. Je n’y ai pas participé depuis longtemps. » La dernière édition avait pris toutes les couleurs d’une catastrophe : en compagnie de Serena et de son ancien fiancé, elle n’avait pu que jalouser silencieusement leur bonheur, maudissant la faiblesse des membres cloués sur une chaise. L’allégresse, toutefois, demeurait impeccablement associée à l’évènement, et si elle avait d’abord pensé la faire découvrir à Joliel, elle espérait que le Démon accepterait de pointer le bout de son museau. « Il y a une coutume, après la dernière danse de la soirée. Avant que le jour ne se lève, qui consiste à écrire l’un de nos vœux les plus chers sur un parchemin auquel nous donnons forme. Ensuite, nous les laissons dériver sur l’eau, et si le papier reste à la surface, la rumeur veut qu’il soit couronné de succès. » Une superstition sans véritable fondements, à laquelle l’Envieuse croyait volontiers. Qu’elles soient conscientes ou non, certaines illusions adoucissaient le quotidien. Doucement, elle ramena le métal vers elle pour examiner la fonte de la friandise : elle lui semblait parfaite. « Qu’est-ce que vous souhaiteriez, Deccio ? » Souriante, Calanthe lui tendit la guimauve. Elle espérait que la dégustation lui plairait.

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Sam 02 Jan 2021, 23:16

[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio Qmrb
« On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »


« Je suppose que les choses sont ce qu’elles sont. Tu m’as rencontré lorsque je n’étais qu’un bambin, tu es donc au courant des défaillances qui m’ont marqué. Un jour, je me suis promené le long d’un sentier où j’avais l’habitude de me rendre avec ma mère. Depuis lors, je me suis juré de bosser dix fois plus que les autres pour parvenir à les égaler. Comme tu peux le constater, le travail a fini par payer, mais ce n’était pas de tout repos. J’ai dû consentir à beaucoup de sacrifices pour ça. » Contrairement à d’autres individus qui venaient au monde avec de super gènes prédisposés à les ériger en tant qu’élite suprême, Deccio n’avait pas eu cette chance. Toutefois, au lieu de maudire la sélection génétique, il remerciait plutôt le ciel de l’avoir forgé avec autant de cassures. Sans les symptômes de ces perturbations externes, sans doute n’aurait-il jamais cherché à se dépasser pour en arriver là. C’est aussi pour cette raison qu’il se sentait fier de son parcours. « Sans vouloir paraitre maussade, je ne suis clairement pas le plus apprêté pour assister à ce genre d’évènements. Ce qui me sort de l’ennui, c’est quand les choses partent à la dérive. Tu vois ? Un peu à l’image des péripéties dans les théâtres. » Une autre de ses passions dont il taisait les principaux attraits. C’est par ailleurs l’un des rares souvenirs qu’il gardait en mémoire, lorsque sa famille toute entière se rendait cordialement dans ces salles. L’atmosphère lui avait toujours paru stellaire. C’est probablement ça qui avait initié son idiot de frangin à le retranscrire au travers de ses apparitions marquées. Hélas, le dernier entracte ne s’était pas déroulé comme prévu. Calquant la méthodologie de la blonde pour savourer ces sortes de cylindres moelleux, l’homme en digéra en nombre conséquent — environ une dizaine — en moins d’une minute. Ce n’était pas mauvais à vrai dire, tout ce sucre qui adulait ses lèvres d’une douceur enivrante.

Cela lui rappelait l’ambiance infantile qui avait endiablé bon nombre de ses soirées lorsqu’entre camarades, ils fomentaient des plans tous plus machiavéliques les uns que les autres. Du moins, à l’échelle d’un enfant. Quand il n’était encore qu’un minot, Deccio projetait d’arracher toute l’herbe du monde afin de la revendre ensuite aux plus offrants. Un dessein certes bancal dit ainsi, mais qui aurait surement porté ses fruits avec un peu plus de moyens. Aujourd’hui encore, les choses n’avaient pas tant évolué que ça, puisqu’il envisageait toujours d'en extraire en quantité, à la différence qu’elle adoptait une forme plus singulière et sans doute moins vertueuse dans sa conclusion. Bien qu’il prêtât moins d’intérêt à ces histoires de traditions ancestrales qu’à ces friandises crémeuses qu’il prenait plaisir à dévorer, le volet destiné aux souhaits piqua davantage sa curiosité. Cette colle — car s’en était une — ne le mit pas aussi à l’aise qu'il aurait pu le croire. Il détenait un but et des objectifs oui, mais qu’en était-il s’il devait choisir un vœu cher à son cœur ici et maintenant ? Le visage crispé par la contention, le Démon cracha sa réponse comme le serpent déversait son venin. « Je ne peux pas te le dire. » A bien y réfléchir, il n’aurait pu lui livrer meilleure réaction en l’état. Estimant que la réponse manquât d’un brin de clarté, il agença sa remarque d’une indication supplémentaire. « En fait, je ne suis pas d’accord pour te faire part de mes secrets. Pas comme ça. Ce serait beaucoup trop simple. » Clamé d’un ton froid à la lisière de la condescendance, le visage impassible du Diable ne laissa filtrer aucune émotion. Se levant subitement, il tourna fièrement les talons pour se diriger à l’opposé, près de la baie vitrée qui menait à la vue la plus éclatante du paysage, et aussi celle qui contenait l’espace le plus spacieux. L’un des seuls qui n’étaient pas profanés par toutes les babioles qui surchargeaient le chalet de leur présence indésirable.

Ramenant la sphère qu’il avait gagnée dans la paume de sa main d’un geste raffiné du poignet, le blondinet resserra ses phalanges dessus pour l’écraser de toutes ses forces. Une poudre lumineuse de différentes couleurs s’évapora dans la pièce, créant petit à petit une myriade d’effets visuels et sonores au sein de l’espace inoccupé. La plupart des éléments qui furent matérialisés adoptèrent la forme d’instruments de musiques. Les interprètes avaient également étés implorés sous cette apparence féérique, uniquement animée par la magie qui avait fuité de la balle. De sorte, ils n’étaient même pas envahissants, puisqu’aucun son ne sortit d’eux hormis celui des appareils. Deccio revint alors aussitôt vers Calanthe, sa main tendue vers elle. « Si j’ai bien tout suivi, pour que la coutume soit certifiée, il faut commencer par danser, n’est-ce pas ? Dans ce cas, nous n’avons pas une minute à perdre. » Glissant ses doigts sur son avant-bras pour la tirer vers lui d’une traite et la faire basculer contre lui, le Démon fut le premier à imposer le tempo avec lequel il désirait valser. Les bras tendus, le torse bombé et la tête légèrement fléchie en arrière, le blondinet consolida ses appuis en effectuant quelques pas d’essais destinés à lui montrer toute l’étendue de son habileté. La musique s’adaptait à leur rythme, et non l’inverse. « Avant que tu ne me harcèles de questions, alors oui, j’ai appris la danse auprès de ma mère. En tout cas en ce qui concerne les bases. Puis récemment, j’ai contacté l’un des meilleurs professeurs dans le milieu pour qu’il consente à m’apporter ses lumières. C’est un art qui m’a toujours alléché. Je te cache pas que c’est pas très en vogue en Enfer. Mais je compte bien le populariser en ouvrant mon propre cabaret. » Drôle de dessein pour un ouvrier du mal. Cependant, s’il est bien une chose qu’il ne fallait surtout pas faire, c’était de déprécier son imagination débordante. Et tandis qu’il jouait de son charme sans plus de remords pour piéger la belle dans ses filets, une question inattendue se répandit dans l’air. « Calanthe, veux-tu coucher avec moi ce soir ? » La séquence se répéta en écho, ses yeux rivés sur les lèvres de l’intéressée.  



1045 mots | Post VII
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Jeu 07 Jan 2021, 23:10



Pour un flirt avec toi

Thème.

e4oj.jpgSous l’ondulation des flammes, la réalité ploie. Un Démon apparaît comme un Ange, un être enveloppe son cœur d’illusions. Que le premier, offensé par une quelconque parole, souffle le chaud et le froid, accentue son humanité. Que la seconde, pendue à ses lèvres comme à une croix, s’attendrisse d’une chimère, annonce sa condamnation. Loin de la vérité, la jeune femme détaillait, les iris plein d’étoiles, le spectacle instauré par la sphère. Tout en volutes bleutées, les corps des musiciens se soulevaient au rythme des oscillations de leurs instruments. D’un même mouvement, ils chassaient la tension de leurs cordes, et dans leur délivrance, les notes relâchaient des touches de lumière colorée, que les murs accueillaient fraternellement. La froideur insufflée par le diablotin s’éteignit dans sa main tendue. Luttant contre la fatigue qui lui piquait les paupières, elle le laissa volontiers la guider. Surprise par sa maîtrise de la danse, elle peinait à suivre la cadence. Malgré les heures passées à exécuter les gestes mille fois montrés par Lisa, la facilité d’autrefois avait disparu _ d’autant que ses leçons remontaient à plusieurs années. Qu’il répondît à ses questions avant même qu’elle n’ouvrit la bouche la fit sourire. « C’est amusant. Ma mère est danseuse, elle aussi. Peut-être avons-nous plus en commun que ce que nous croyons. Ou la même génitrice, allez savoir. » L’humour, comme le pressentiment d’un moment de joie qui ne durerait pas. Contemplant leurs doigts enlacés, elle gardait la tête baissée, espérant que la nuit suspendrait son cours.

De la proximité naissait un sentiment diffus. Contre le sien, la Déchue percevait la chaleur du corps de son partenaire. À travers leur étreinte, elle pressentait le moindre de ses gestes, du froissement d’un muscle au frisson sur ses lèvres. Ainsi pendue à ses bras, il lui semblait que tendre l’oreille lui aurait suffi pour entendre ses battements de cœur. La musique en masquait les implacables rouages. « Si vous avez un jour besoin de costumes pour votre cabaret, vous savez où me trouver. Je ne suis pas la plus douée, bien sûr, mais je travaille dur, et mon professeur dit que j’ai des idées… particulières. Je pense que ça pourrait vous plaire. » Ses neurones avaient beau ne pas fonctionner à une allure convenable, elle avait compris que le conventionnel ne l’intéressait pas, et si,  de ses délires, surgissait une idée qui lui plaise, elle la pourchasserait pour la marquer au fer de l’existence. Une détermination d’un nouveau genre balbutiait en elle. Vivifiée par son apparition, la blonde entreprit de mener un instant la danse. Doucement, elle remonta son bras le long de l’échine du Démon, et le laissa accroché à son cou. Suivant sa volonté, ils valsèrent dans la pièce. D’une flexion du poignet, elle choisissait la direction de leurs pas. Lorsqu’ils ralentirent finalement, la mélodie se fit plus légère. Entre les inflexions d’un piano, la question de Deccio lui parvint. Lentement, Calanthe releva la tête, scrutant son visage. Cet homme, que l’on disait un monstre, n’en avait pas les traits. Il avait été doux, et, maintenant, il proposait de l’aimer un peu.

Dehors, les flocons assourdissaient le monde. Les iris de la jeune femme rejoignirent les lèvres de son cavalier. Offerte à ses envies, la vallée de chair appelait quelque chose en elle. Comme une certitude trop longtemps étouffée, l’approbation lui démangeait la gorge. Le rose envahissait son horizon. D’une nacre vivante, animée par le sang, il lui murmurait des promesses imaginaires. Combien de mensonges proférait-il, dans l’espace de l’attente, et combien de ses espérances déformaient sa surface lisse ? Imperceptiblement, les phalanges de la blonde affermirent leur emprise sur la nuque de Deccio. D’une verticalité presque sauvage, le rouge de son regard exigeait une réponse. Suspendue comme au bord du vide, elle contemplait les contractions de ses pupilles, hypnotisée. Tel un crépuscule avide, l’obscurité refluait, grignotant les falaises écarlates. Finirait-elle engloutie sous les flots, privée à jamais d’une lumière à laquelle elle avait tourné le dos ? Les conseils de Joliel lui revenaient en mémoire. Que serait-elle, une fois les draps mouillés ? Un nom parmi les autres sur une liste de conquêtes ? Ne valait-il pas mieux se dérober à son désir, et laisser le temps œuvrer à sa place ? Le mystère envolé, éprouverait-il encore le moindre intérêt pour elle ? Mangé par les ombres, son visage ne la délivrait pas de ses doutes. Enfant de l’hésitation, l’incertitude dévorait sa confiance. Saurait-elle le satisfaire ? Bien sûr, ce ne serait pas là sa première expérience ; il y avait eu le fiancé de sa sœur, Anna, et quelques souvenirs dans les établissements d’Avalon. Serait-ce suffisant ? Un souffle passa. Retenant le sien, Calanthe se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser.

Ce fut d’abord lent, comme le retour de l’oxygène après l’inconscience d’une apnée. Puis, d’un geste presque brutal, elle rapprocha leurs corps. Une fièvre qu’elle ne maîtrisait pas guidait ses mains. D’un élan désordonné, elles détachèrent les boutons de sa chemise, se glissant impudemment sous le tissu. D’humeur joueuse, ses dents s’enfoncèrent doucement dans les lippes du blond. Pendant plusieurs, ils demeurèrent ainsi, debout, à explorer le territoire de l’autre avec une audace que la décence réprouvait. Gagnée par l’impatience, la jeune femme trouva instinctivement le chemin d’une chambre. Entre deux portes, elle chatouillait les sens de son partenaire. Quelques rires ponctuaient leur progression. À mesure que leurs vêtements tombaient au sol, ils basculaient sur un plan sensiblement plus incliné. Ayant conscience de n’être ni la plus douée, ni la plus jolie, Calanthe se fiait à l’harmonie seule. Il lui fallait se taire, gémir, toucher. Posséder. Elle se sentait fondre comme la coulée d’une bougie, avide de la flamme. Confusément, elle le poussa sur le matelas et grimpa au-dessus de lui. L’obscurité se réchauffait de leurs jambes enlacées. Rien n’existait plus que la chair se mêlant à la chair. Ils s’oubliaient ensemble, dans un feu d’artifices de soupirs et de caresses. Lorsque la délivrance leur imposa une pause, elle retomba sur le côté, le souffle court. Allongée, nue, sans défense. Et pourtant victorieuse. Prête à recommencer jusqu’à ce que l’aube les arrachât au rêve. Le temps d'une respiration retrouvée, d'un plaisir qui rendait son énergie aux membres, et elle l’enfourcha une fois encore. Blottie entre les bras du Démon, la blonde sombra finalement dans le sommeil, savourant, pour la première fois peut-être, la douceur d’une nuit sans envie.

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[Q] Pour un flirt avec toi | Deccio

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