La fillette s’élança vers le trottoir d’en face, lâchant la main de son grand frère. Elle plia les genoux pour ramasser l’objet égaré. Accroupie sur le sol pavé, elle dévoilait sa culotte aux passants. Dans un soupir, le jeune homme qui avait sa garde la rejoint. D’un geste expert, il rabaissa le pan de sa robe rose et blanche à motif floral.
« Lâche ça, c’est sale », lança-t-il avec dédain.
Il avait l’habitude des lubies de sa cadette. Elle recueillait tout ce qu’elle apercevait ; son esprit créatif désignait chacune des babioles ainsi trouvées comme le plus beau des trésors. Il se détourna d’elle avec dédain, sans prendre le temps de jeter un oeil à sa trouvaille.
« Allez, rentrons ! proposa-t-il en lui présentant sa main
— T’as même pas regardé ! ronchonna la gamine. Moi, je suis sûr que ça pourrait nous rapporter assez d’argent. »
La mine boudeuse, elle fit volte-face pour révéler sa découverte à son aîné. Elle la tenait fermement entre ses petites mains, craignant qu’elle disparût au moment où elle s’en détournerait. Sans grande conviction, le garçon posa finalement ses yeux bleus sur le butin. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise.
« Où tu as trouvé ça ?! s'exclama-t-il en regardant de chaque côté de la rue
— Ben là, par terre, gros bêta. »
Lorsqu’il fit un geste pour saisir la dague, la jeune fille recula d’un pas.
« Non ! C’est à moi ! C’est moi qui la montrerai à maman !
— Sois un peu sérieuse, Juliette ! Ce truc doit valoir une fortune. Le gars à qui ça appartient doit la chercher activement. On va avoir des problèmes si on se fait prendre.
— Tu dis n’importe quoi ! T’es jaloux, c’est tout ! »
Elle lui tira la langue et croisa les bras contre sa poitrine d’enfant. Soudain, une étrange fumée s’échappa de l’arme. La petite porta le couteau au niveau de ses prunelles noisettes pour examiner le phénomène de plus près.
« Qu’est-ce que tu fais ! Débarasse-toi de ça ! s’écria son tuteur. Ca a l’air dangereux ce truc ! »
Il donna un coup dans les mains de sa soeur qui ne lâcha pas l’objet pour autant. Elle resserra sa prise et se perdit dans la contemplation des volutes. La nébuleuse l’enveloppa comme une couverture chaude, chatouillant son nez - ce qui la fit éternuer. Puis, face à elle, elle se condensa en une forme vaguement humanoïde. Les traits étaient hésitants. Parfois, la forme désignait un homme, puis une femme. Les fluctuations furent nombreuses, comme si la chose hésitait sur son apparence. Tantôt grande, tantôt petite, elle finit par se décider. Peu à peu, une jeune femme à la langue chevelure de jais fit son apparition. Elle souriait d’un sourire apaisant qui réchauffait le coeur de la fillette. Elle était belle. Ses yeux d’émeraude contrastait avec la pâleur de son visage aux traits finement sculptés.
« Qui êtes-vous ? Et qu’est-ce que vous avez fait à ma soeur ? » tempêta la voix pré-pubère du jeune homme.
Il avait levé les poings pour se mettre dans une vague position de garde. Ses genoux tendus et ses bras tremblants ne laissait aucun doute sur son inexpérience dans l’art du combat.
« Laisse là tranquille, Alvin ! Je suis sûr que c’est une bonne fae !
— Ça existe que dans les contes ça, Juliette. Quand arrêteras-tu de rêvasser…»
La demoiselle tourna les yeux vers le plus âgé avant de s’incliner devant la plus jeune.
« Bonjour, Maîtresse. Je suis Shalendra. Pour vous servir. »
Un sourire euphorique illumina le visage de la gamine. Ses yeux pétillaient d’un éclat nouveau. Elle se sentait comme l’héroïne de ces fabuleux contes que sa mère avait pour habitude de lui conter le soir.
« Je peux te demander tout ce que je veux ? » questionna la rêveuse dont les cheveux bouclés brillaient d’une lueur d’or sous l’effet du soleil.
« Juliette ! Maman, t’as déjà dit de ne pas parler aux inconnus ! Lâche ça et vient avec moi ! Ça pue cette histoire. »
L’enfant était trop subjuguée pour entendre quoi que ce soit. Elle se contenta d’attendre les paroles de l’être de légende qui se tenait devant elle.
« Presque. Je peux réaliser trois de vos souhaits - dans la mesure du raisonnable bien évidemment. Il vous suffit de me le demander. Je ne peux pas réaliser l’impossible. Lorsque vous exprimerez votre désir, je vous dirai si je suis en mesure de vous aider - et je vous dirai ce qu’il vous en coûtera. »
Le sourire de la gamine disparut. Son regard, terni par la tristesse, libéra ses larmes sur ses joues rosées.
« Qu’y a-t-il ? s'inquiéta Shalendra. Ai-je fait quelque chose de mal ? »
C’était un véritable regret qui se lisait sur le visage du génie. Elle observait la scène avec peine et incompréhension.
« Je t’avais prévenu. Les contes de fae ça existe pas ! Ya que l’argent qui conte dans ce monde. Allez, viens maintenant, on s’en va et laisse cette maudite dague ici ! »
Alvin s’approcha de sa cadette et lui attrapa le bras. Quand la voix de la Djinn retentit, elle s’esquiva.
« Je ne parlai pas nécessairement d’argent. Et certains de mes bienfaits pourraient être gratuits. Que désires-tu mon enfant ?
— Tu pourrais sauver ma maman ? sanglotta Juliette
— Peut-être. Que se passe-t-il ?
— Elle est gravement malade. Le guérisseur a dit qu’il ne pouvait plus rien faire… »
Shalendra réfléchit un court instant. De nombreuses pensées semblaient s’affrontaient dans son esprit en désordre.
« Je pense que je peux le faire. En contrepartie, je veux que vous reposiez la dague au sol et que vous renonciez à vos autres souhaits.
— D’accord ! garantit la cadette après avoir lancé un regard à son acolyte soupçonneux. Alors, je veux que tu soignes ma maman.
— Qu’il en soit ainsi ! »
La Djinn claqua des doigts. La magie du Lien du Rêve la connecta à la fillette. Elle emprunta une fraction de ce pouvoir démesuré pour exaucer son souhait. Un instant plus tard, la maladie n’affectait plus la génitrice de cette enfant.
« Vous l’avez sauvé alors ? s’interrogea la petite, le regard toujours larmoyant
— Oui. Elle devrait être sur pied maintenant. Je compte sur toi pour respecter ta part de notre marché maintenant !
— T’as vu Alvin, je t’avais dit que c’était un vrai trésor !! »
Le garçon leva les yeux au ciel. A quinze ans, il lui fallait plus que des mots pour croire aux fins heureuses.
« Merci beaucoup Madame Shalendra !! J’espère vous revoir un jour. » s’exclama la fillette en posant l’arme sur le sol.
« Qui sait de quoi l’avenir est fait ?» ricana l’être magique
Sans attendre, elle s’élança en sautillant vers sa maison.
Finalement, la dague disparut dans un nuage de fumée. La Djinn aussi. Elle s’extirpa du Rêve et laissa Juliette profiter de ce cadeau éphémère. Car Léandra le savait. Sa mère venait de mourir.
1 130 mots - Fait suite au Défi de Mancinia : Réaliser le voeu d'une personne dont la demande concerne une autre, qui est mourante. Quelque chose de mignon qui nous envoie tous en dépression à la lecture !
« Hé, Alvin ! Regarde ! »