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 [Q] - La collection Belle & Muette| Solo

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Dim 06 Sep 2020, 20:05

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« Chaque poupée à son histoire, son vécu, son intimité. Si vous tendez l'oreille, qui sait ce qu'elle vous diront. »

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Intrigue/Objectif :
Quelques temps après avoir perdu ses camarades, Deccio essaie de se reconstruire en se consacrant à une activité lui permettant d’extérioriser.


[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’horloge tournait, les agressions de son mécanisme et de la pendule qui se balançait de droite à gauche étant les seuls sons qui fussent diffusés. Rien d’autre ne résidait dans cette pièce ou la mort semblait y avoir élu domicile. Contrairement à ce que supposaient les apparences, un homme se trouvait bel et bien en son sein, assis en fond, derrière un bureau vierge. Couvert de bandages de la tête aux pieds, il n’était pas possible de distinguer qui que ce soit sous ce harnachement terne et cadavérique, hormis des yeux sévères embrasés d’une teinte parme. Une pièce d’or circulait entre ses doigts, les acrobaties se perpétrant autour de chaque phalange au rythme des tics et des tacs que lui inspirait le réceptacle du temps. L’ennui n’était pas la principale source de cette lassitude. Elle n’était pas non plus porteuse du malêtre qui s’invitait dans les neurotransmetteurs de son cerveau pour y rompre son bon déroulement. Sa mélancolie venait d’ailleurs d’une situation récente qu’il eut traversée lors d’une précédente mission. Cet homme, qui avait quasiment tout perdu naufrageait entre deux eaux. Comment se retrouver après avoir participé à ce genre de tragédies ? La mort des uns amenait le recueillement des autres. Et c’est bien là toute la difficulté de la tâche qui lui incombait. Rester le même après avoir subi une telle fêlure relevait de l’ordre de la fantasie. L’alter ego qu’il eut précédé ne pouvait plus continuer d’exister. Il devait succomber de sa main pour renaitre de ses ruines, sous un aspect plus proactif, qui serait moins secoué et subjugué par ses émotions. Les choses qu’il avait ressenties lors de son dernier périple devaient être écartés, voire complètement éradiqués, ceci afin de préserver sa santé mentale qui en avait pris un sacré coup. Deccio ne pouvait se contenter d’être un Démon aussi miséreux qui se consacrait pareillement aux autres qu’à lui-même.

Ses amis avaient trépassé en grande partie à cause de ses jugements exécutoires et de son implication morale. Il avait été défait si facilement qu’il dut longtemps partager sa peine avec l’humiliation. Durant les semaines suivantes, celui qui fut naguère connu sous l’épithète du Rusé s’était senti comme acculé au milieu d’un étau alors que l’homme — ou plutôt l’organisation — qui occupait ses cauchemars resserrait doucement ce dernier sur lui, le harassant tellement qu’il en était devenu insomniaque. Psychologiquement, ses tares avaient décuplé. Il était en outre plus juste de considérer qu’elles avaient germé pour mûrir vers des comportements déviants, à des lieux de ce qu’il fut jadis, et ce même parmi les crapules qui dominaient ses propriétés. Sa cruauté était désormais à un autre niveau ; il ne tuait plus seulement par principe ou encore pour se défouler, mais pour mieux distinguer l’effroi de ses victimes et la capturer à l’instant le plus propice. La simple démarche qui consistait à ôter la vie ne l’intéressait d’ailleurs plus vraiment. C’est davantage le chemin qui menait à ce trépas qui parvenait à susciter sa curiosité, aussi bien au sens littéral que figurée. Pour l’histoire des bandages, ils servaient à le conformer dans son nouveau personnage, mais également à panser ses blessures psychiques ; à forger une âme plus compétente dans ce corps qui resterait plus ou moins inchangé. Par analogie, c’était similaire au fait de gagner une épée flambante neuve sans vouloir en changer le fourreau. Les deux devaient s’habituer l’un à l’autre et s’adapter en fonction. La folie de ses obnubilations allait bien entendu au-delà de ça, car c’est maintenant par d'inédites occupations proscrites par les mœurs qu’il arrivait à faire vibrer son cœur. Rien ne le comblait autant que ses œuvres d’art. À l’origine, c’est pour cette raison qu’il s’était planté derrière la table. Appliquant une feuille blanche et une fiole d’encre sur le bois en chêne, le Diablotin s’arma d’une plume avant d’imbiber la pointe de la préparation pâteuse.
 
Cher Astriid Cëlwùn,

Je suis conscient que ma lettre puisse vous surprendre, et qu’à mesure où vous la lirez, vous ne saurez quoi en penser. Peut-être même vous indignerez-vous devant certaines de mes déclarations, dans ce cas je vous prie de me pardonner. J’ignore comment vous l’annoncer, car je dois le reconnaître, du temps où j’écris ces lignes, je me sens de plus en plus fébrile. Alors, allons droit au but ; je suis un admirateur secret. Vous ne m’avez probablement jamais vu auparavant. Mais moi, oui. Ce fut au cours de cet évènement qui a touché les Réprouvés, ceux-là mêmes qui eussent requis l’avis de tous pour prendre position, que mes iris se sont tournés vers vous.

Ce jour-là, vous êtes montés sur scène pour prendre la parole à propos de ces Phranssés et à ce moment-là j’ai… oui, j’ose le dire, j’ai bandé. Cette façon de vous mouvoir, l’assurance de votre discours et la dimension utopique de celui-ci, absolument tout m’a transporté. Dans mon dialecte, vous êtes ce que l’on appelle un Näviann Dshäss. Depuis cet instant, et je me permets de vous l'avouer sans honte, je suis tombé amoureux. Je n’ai pas eu le courage de vous l’annoncer plus tôt, car voyez-vous, je ne pense pas être à la hauteur de la femme. Que dis-je ? De la nymphe enchanteresse que vous incarnez.

Vous devez avoir un succès monstre avec les hommes, mais aussi avec les créatures du même sexe, c’est pourquoi je vous confie tout ça sans prétention aucune. Bien entendu, j’aimerais vous rencontrer si possible, un de ces jours. Ne serait-ce que pour avoir la chance de vous voir de plus près. Et pourquoi pas de discuter autour d’un verre.

PS : Vos cheveux sont d’une qualité exemplaire. Avec quoi les entretenez-vous ?
PS 2 : Si jamais vous êtes intéressés, envoyez-moi un message à l’adresse de Bi’ll. Bi’ll Hilly.

Pour conclure, l’homme apposa sa signature en bas de page. Il s’agissait de la cinquième lettre de la journée, d’où l’intervention de crampes à la base de ses phalanges. De toute façon, il en avait terminé avec ça pour le moment. Il enroula soigneusement le papier qu’il rangea dans un tube et qu’il cacheta au moyen d’un sceau en forme de tête de renard. Il confia le reste à son faucon pèlerin qui se chargerait de le transmettre à sa destinataire dans les plus brefs délais.

Il se leva ensuite de sa chaise pour faire quelques pas en direction de sa bibliothèque. Dans le creux d’une rainure, il inséra la pièce qu’il fit glisser à partir de son index. Son arrangement déclencha un mécanisme qui fit trépider les murs, le meuble coulissant de gauche à droite afin de libérer un espace qui permettait tout juste à son corps ramassé de s’y engouffrer. Lorsqu’il descendit les marches, il accapara une torche sur le passage pour lui dégager la voie. En appliquant un contact sur la poignée et en poussant la porte, il délogea plusieurs souris qui se faufilèrent rapidement entre ses jambes pour s’enfuir. Il parvint toutefois à en attraper une par la queue, la hissant au niveau de son visage. Il ne comptait pas la dévorer tout cru, bien sûr que non. Quand bien même Deccio présentait de sacrés vices cachés, il laissait la cruauté et le cannibalisme à d’autres. Dans tous les cas, la chair de ce mammifère ne saurait convenir à ses besoins nutritifs. Une fois à l’intérieur de cette cave, Il jeta le mammifère dans une cage et la referma aussitôt. L'homme passa ensuite à côté de chaque flambeau accroché sur les murs afin de les incendier avec sa flamme. Dès lors qu’elles furent toutes attisées, elles égayèrent l’ensemble de cet immense refuge souterrain, dévoilant ce qui ressemblait à des tas de poupées à taille réelles qui étaient disposés dans divers positions et contextes.

Une collection dont il était très fier, car il avait mis du temps à les rassembler et à les arranger ainsi selon son bon vouloir. Elles étaient magnifiques en tous points, spécialement la dernière qu’il avait acquise. Une mannequin brune avec des mèches blondes, des pupilles topaze et un visage aux traits assez raffinés ; autrement dit, elle soulignait une certaine rareté. Le Démon tourna autour de cette dernière. Il saisit sa crinière qu’il effleura entre ses doigts, les portant à ses narines pour flairer ses effluves. Il fit ensuite tomber ses paumes au niveau de son cou, refluant sur ses omoplates qu’il massa délicatement. Le sourire figé de la poupée laissait une douce impression de satisfaire sa conquête. En revanche, ses paupières se mouvèrent étrangement, comme animées par un sort quelconque. Il n’en était rien. La momie se présenta en face de cette dernière, se baissant légèrement dans le but de l’observer avec une plus grande méticulosité. « Oh. Tu es réveillé ? Excuse-moi, je pensais que tu allais dormir plus longuement compte tenu de notre soirée de la veille. »Il plaça son pouce sur sa tempe, flattant avec une certaine volupté le pourtour de ses prunelles. Il traça le contour de sa figure avec son index, le logeant sous le menton de la demoiselle qu’il attrapa pour soulever sobrement son visage.

Difficile de le contester dans ces circonstances, mais Deccio le savait par expérience ; sa victime était terrorisée. Il le devinait surtout grâce aux signaux extérieurs qu'elle renvoyait, tel que les battements qu’il percevait au cœur de sa poitrine. Elle était plus que jamais éprise au doute et à la panique. Si elle en avait eu les moyens, sans doute aurait-elle tout tenté pour s’enfuir, certainement en prenant ses jambes à son cou. Malheureusement pour elle, ce genre de pratique lui était cordialement prohibé. « Je vais te fournir ta dose. Je ne voudrais pas que tu te dessèches, ce serait mauvais pour ta peau. » Telle une plante qu’il fallait arroser quotidiennement, ces poupées qui se définissaient nettement mieux en tant que marionnettes vivantes avaient aussi besoin d’être traitées. En l’occurrence, les soins qu’il devait prodiguer à celle-ci étaient spéciaux.

S’emparant d’une seringue et d’un bocal disposés sur une étagère, Deccio incorpora le produit dans le piston. Il dégagea ensuite la chevelure de la brune, et lentement, y déposa un baiser. « Ça devrait piquer un peu, je te conseille de pas trop bouger. Oh. Mais je crois qu’il n’y a aucun risque pour ça. » Sans la prévenir du moment T, il sema l’aiguille dans les raideurs de sa nuque, pressant le poussoir pour déverser le liquide à l’intérieur de son organisme ; un analgésique surpuissant qui bannissait la douleur liée aux nombreux médicaments qu’il la forçait à ingérer. Il poursuivit avec une seconde salve, cette fois-ci destiné à inclure tous les nutriments dont elle avait besoin, mais aussi de quoi l’hydrater, sans quoi son système encourait un sérieux dysfonctionnement. Il devait s’occuper de toutes ses créations de façon plus ou moins similaires pour éviter que l’une de ses plantes ne fane. Elles avaient toutes leurs exigences et leurs protocoles bien définis selon ce que l’homme cherchait à propager dans ses créations. Il fit un petit tour d’horizon en vérifiant l’état des autres : notamment une blonde avec une tasse à la main, mise en scène en face d’une métisse qui « feuilletait » un bouquin ; une quatrième et une cinquième avec un teint plus ou moins hâlé, avec diverses longueurs capillaire, etc. Il en avait pour tous les goûts ou presque, sa collection se développant de jour en jour. Il lui manquait toutefois encore un peu de variété, comme cette rousse bouclée qu’il avait bel et bien aperçue lors de cet évènement. S’il ne parvenait pas à attirer son attention par le biais de ce courrier, il pouvait toujours se rassurer en la repérant sur les prochaines réceptions qui auraient lieu. À partir de là, jamais plus il ne lâcherait sa proie.  


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Dim 13 Sep 2020, 22:48

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« Chaque poupée à son histoire, son vécu, son intimité. Si vous tendez l'oreille, qui sait ce qu'elle vous diront. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« T’en prends combien ? » Interrogea un Démon à la carrure de bicorne assis à la table d’une taverne. « Je ne les vends pas encore. Elles ne sont pas… au point. Il reste certains équilibrages à apporter. Et puis j’ai promis de les proposer aux plus offrants. » Deccio abaissa le bandeau disposé sur sa tête, masquant une partie de ses yeux. Sa popularité croissante apportait du bon comme du mauvais. « Qu’est-ce que t’entends par là ? Tu comptes en faire des objets de collections ? Des plantes ? Des articles sexuels ? » S’empressa de questionner le Vil, très intrigué par le suivi de ce projet. Il saisit un verre et le porta à ses lèvres, sa gorge formant les vagues provoquées par son ingestion. « Pour faire court, un peu de tout. J’aimerais bien m’adapter à la demande, et à terme monter une vraie société qui se chargerait de la production. En ce moment, je tâte un peu le terrain, et ça nécessite beaucoup d’investissement personnel. Entre le ravitaillement et le renouvellement des ustensiles, les bons dosages médicamenteux, les soins que je dois leur apporter et les subtilités esthétiques, ça devient assez compliqué pour moi de faire autre chose derrière. Et c’est sans compter la logistique et la communication dont je ne peux me dérober. » Ces poupées ne constituaient pas la seule idée qui avait jailli de son esprit malveillant. Loin de là. À l’origine, Deccio avait sensiblement pété les plombs en dépravant une première victime. Puis s’en était suivi une seconde, puis une troisième, et ainsi de suite. Ce n’est qu’après mûre réflexion que son œil hagard de marchand fut enjolivé de desseins aussi épouvantables à propos d’un commerce de fond sur ce même fantasme. Les seize péchés demeurant à l’heure actuelle étaient une chose, mais il existait autant de vices que le monde supportait de personnes sur terre, et celui-ci en était un parmi tant d’autres.

« C’est dommage. Je t’aurais bien pris un produit, au moins pour tester. Mais dis-moi, comment t’as fais pour diffuser ta publicité ? » Une question qu’il attendait impatiemment à en juger par l’émergence soudaine d’un rictus. Insérant son index dans son oreille pour se la déboucher, le Créateur déroula son plan comme on déroulait une carte sur une table. « C’est plutôt simple. En fait, il existe diverses techniques dans le commerce. Pour commencer ; la prospection. C’est la première que j’ai mise à contribution. Dans la pratique, il s’agit de repérer de potentiels consommateurs, mais surtout de répandre l’information. Pour ça, j’ai eu recours à ce qui fais notre plus grande force, à savoir le pacte démoniaque. En concluant de petits contrats avec eux, je les dépanne au détour d'une mission. En échange, ils s’occupent de la clientèle en prônant les bienfaits de mes ouvrages. Autrement dit, ils ont pour objectif la mise en confiance et l’introduction gagnante. » Une façon très avantageuse de se servir du pouvoir majeur qu’ils possédaient de base. Il avait eu cette idée assez naturellement, lorsqu’il comprit qu’il lui était impossible de subvenir à ses fins financièrement. Même en dégageant des profits, c’est un système qu’il préférait maintenir, ne serait-ce que parce qu’il mobiliserait principalement des confrères qu’il jugeait nettement plus disposés pour les négociations. Soulevant un second doigt pour énoncer le point suivant, le blondinet poursuivit :

« Pour répondre aux besoins des bénéficiaires, il faut néanmoins tout savoir de lui ; ses lubies, ses convoitises, les dessous de son jardin secret. C’est ainsi qu’opère ma seconde branche, celle que l’on pourrait comparer à la recherche et au développement. J’ai appelé cette section “inspection et introspection”. Le but consiste à s’infiltrer chez les clients et à récolter le plus d’indications possible. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il y a aussi un travail de psychologie à exploiter. Pour le moment, je n’ai que quelques connaissances mineures dans le milieu, c’est donc sur ce point que j’aimerais le plus travailler. Plus j’engrangerais de vrais professionnels, plus je serais mobilisable à grande échelle. » « Mais sans la popularité qui va avec et des avis élogieux, ce principe est voué à l’échec. » « C’est pourquoi intervient l’ultime phase de mon plan ; la démonstration et la promotion des marchandises. Contrairement à un panier garni, ces biens ne sont pas directement consommables. De plus ils sont uniques puisqu’ils répondent à des besoins bien spécifiques. Plus tard, ce sont avec les hautes sphères que je souhaite traiter. Je n’exclus pas d’avoir affaire un jour à certains rois, mais pour ce faire, je dois renforcer la production ainsi que la qualité de ce que je propose. Dans cette optique, j’enverrais une note anonyme à certaines personnes que j’aurais subjectivement sélectionnées. Cette note mentionnera un lieu et une date que j’aurais choisie. C’est là que tout se jouera. »

« Je constate que tu as pensé à tout. En tout cas, tu peux compter sur moi pour faire partie de l’équipe. J’ai toujours voulu intégrer quelque chose de plus insolite et orgasmique à mes spectacles. S’il s’avère que la demande est aussi forte que tu le prétends, alors nous serons amenés à devenir parmi les plus grands collaborateurs. »« Marché conclu. » Les deux hommes se serrèrent la main, impatients de concourir ensemble dans ce qui se profilait à l’horizon. Une large route se dessinait devant leurs yeux, à eux maintenant d’en faire quelque chose de significatif qui permettrait à l’un comme à l’autre de s’enrichir. Mais pas que. D’autres attraits tournaient autour de ce programme pour le Rusé. L’individu avec lequel il venait de dealer se nommait Cactus, un directeur de cabaret qui mettait en scène toutes sortes de phénomènes de foires, allant de créatures peu communes à des échantillons aux particularités physiques uniques. Il s’agissait du premier prestataire qu’il avait contacté. Il ne le regrettait pas une seconde.  Remerciant son associé pour leurs futures collaborations, Deccio quitta les plaines de l’érosion dans la bonne humeur. Il avait d’autres choses à faire, et notamment une seconde personne avec qui il devait s'entretenir. S’emmitouflant d’une tenue sombre qui dissimula ses bandages, il s’empara d’un petit sac qu’il disposa dans sa manche. En passant dans le hall de sa demeure, il recadra un de ses tableaux ; la représentation de la nature selon sa vision, avec une partie propre et immaculée et une seconde, détériorée et impure. Elles étaient séparées d’une forme longiligne, monstrueuse. Il aimait cette œuvre, car elle renfermait beaucoup de sous-entendus qu’il était quasiment le seul à percevoir.  

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En dessous de cet arbre se tenait la raison de sa visite. Au bras de Deccio, une jeune femme, beaucoup plus mobile que les antécédentes, mais pas plus volubile. Elle semblait aussi plus robotique, que ce soit dans son regard morne ou son attitude guindée. Quand le Vil ouvrit l’accès bloqué par une sorte de portail amovible, la demoiselle se décrocha de lui pour prendre de l’avance. Elle salua le personnage de ses mouvements saccadés, toutefois, celle-ci parvint à prononcer quelques mots — peu clairs en l’instant. Quand bien même elle reflétait la version améliorée de ses précédents essais, les modifications à apporter restèrent conséquentes. Ça ne compromettait pas du tout la suite. Il touchait là l’intérêt de la science, car sans les échecs à essuyer, à quoi bon persister dans cette voie ? Cet homme avait qui il devait s’entretenir n’était pas n’importe qui. Il représentait un lobby de la pire espèce, puisqu’il dirigeait à la fois les espions et le marché noir dans certains coins sectaires du Royaume. En d'autres termes, le client idéal. De plus, c’est vers lui que s’était tourné le Rusé pour correspondre la recherche avec ses impératifs. Lorsqu’ils furent à bonne distance, les deux conciliateurs se saluèrent comme deux vieux amis de longue date. Il n’en fut rien. Dans la vie courante, ils se détestaient autant que chiens et chats. Mais si les Démons étaient sans comparaison l’espèce la plus fourbe, leur sens des affaires se tenait à niveau équivalent. La jeune femme qui l’accompagnait lui tendit une mallette que son interlocuteur se fit une joie de saisir, l’ouvrant dans la foulée. Comme convenu, elle contenait une grande quantité d’argent, ceci afin de couvrir les honoraires et les frais de déplacement associés. Kirby, de son pseudonyme, se frotta les mains de soulagement, les lèvres étirées jusqu’aux oreilles.

« C’est paaaarfait. Je n’en attendais pas moi de toi, Deck. Tu m’en fais voir de toutes les couleurs, mais tu es quelqu’un de trèèèès généreux. J’aime ça chez toi. C’est la seule chose qui me plait, en fait. » « Je t’aurais bien collé mon poing dans la face, néanmoins je sais ce que j’encours si je me permets cette petite frasque. Et puis même si ça me tue de le reconnaitre, tu es le meilleur pour ce genre de contribution. » Il en avait parfaitement conscience. On lui jetait des fleurs à longueur de journée, ne serait-ce que pour l'exemplarité de ses réseaux qui offraient toujours le meilleur en ce qui concernait les renseignements. Kirby était sûr de lui, et pour cause, en échange de la somme qu’il perçut, c’est un dossier assez épais qu’il tendit à son homologue. Celui-ci contenait toutes sortes d’indications sur une certaine Bellada Boggins. En feuilletant les premières pages du document, il remarqua sans peine le visuel la représentant à côté de laquelle reposait un nombre incroyable de données — souvent superficielles — la concernant. Elle semblait tout à fait sympathique. Son mari également. Une Magicienne qui vivait à Haute-Terre, et qui n’avait aucune ambition autre que celle de poursuivre une vie paisible en présence des siens.

Beaucoup d’enfants dans le lot, ce qui évoquait pas mal d’héritages en cas de malheurs. Deccio discerna immédiatement en eux la fracture, car ici se trouvait sans doute son talon d’Achille le plus criant. Plus la famille était conséquente, plus il était aisé d’obtenir n’importe quoi de ces mêmes personnes. En mettant la juste pression au bon endroit et au bon moment, rien de ce que l’esprit ne pouvait concevoir n’était hors de portée. Derrière ses bandages, c’est une diversité incroyable d’émotions qui plissa sa peau. Refermant le document, il le fit soudain disparaitre, rongé par des étincelles rouges. « J’sais bien que ça me regarde pas, mais pourquoi tu tiens tant à avoir des infos sur ces vieux ? » Remuant sa nuque de gauche à droite pour faire craquer ses articulations, il répondit brièvement.  « Car nous avons besoin d’exemples, Kirby. Voilà pourquoi. Toucher aux enfants et aux vieillards est tabou dans pas mal de tribus. Si tu veux secouer la conscience collective et choquer le monde, c’est à eux qu’il faut s’en prendre. » Rien de plus simple. Cependant, ce n’est pas uniquement pour lui ôter la peau de ses os qu’il s’intéressait à cette charmante dame. Les anciens avaient le vent en poupe, et certains promettaient une fortune contre l’une de ces merveilles. En effet, avec l'essor de la magie et plus particulièrement de l’éternité, les femmes et les hommes d'âges murs se faisaient de plus en plus rares. Même parmi les Sans-pouvoirs, le maléfice avait fini par succomber.


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Jeu 24 Sep 2020, 23:01

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« Chaque poupée à son histoire, son vécu, son intimité. Si vous tendez l'oreille, qui sait ce qu'elle vous diront. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Qui dit nouvelle destination, dit nouvel entretien. Et qui dit entretien dit opportunité, celle-là même menant à concrétiser certains projets qui n’auraient pu voir le jour sans un coup de pouce bien amené. En partance pour le Royaume de Vijñānada, Deccio véhiculait à travers les cieux avec deux sacs fermement suspendus à ses doigts, ces derniers constituant de raides crochets desquels rien ne pouvait vaciller. Un peu difformes et pondéreuses, quelques tâches ingrates maculaient le morceau d’étoffe qu’il avait arrachée de ses rideaux pour y déposer ses affaires. Ce qu’ils contenaient avait bien plus de valeurs qu’une dune fournie de pièces d’or, sans doute car à terme, ils lui en rapporteraient davantage. Et aussi parce qu’ils logeaient l’amour indispensable de son créateur, qui a de rares occasions pouvait se targuer d’une sincérité remarquable. En tutoyant les sombres nuages qui remplissaient la toile rougeâtre, le fils des Enfers fut rapidement confronté à d’indigestes importuns. Ils étaient connus sous la dénomination de Mōsagāraru ; des êtres infantiles au corps ridicule et à la tête disproportionnée. De longues ailes — d’envergure plus importante que celles que se coltinaient le blondinet — étaient soudées à hauteur de leurs hanches, ce qui octroyait une indécente fluidité dans leurs lancées aériennes. Il y a des semaines de cela, Deccio aurait épousé la fuite comme seule échappatoire. Ils n’étaient ni très forts ni très robustes, mais ensemble ils constituaient une chaîne offensive que les moins expérimentés craignaient particulièrement. C’est d’ailleurs cette technique qu’ils enclenchèrent en composant une formation qui donnait l’étrange sensation de faire face à une immense entité maléfique éthérée. Les Démons à l’intelligence supérieure appelaient ce phénomène Cāpe. L’intention de ces bêtes ne répondait pas au décuplement d’une puissance ajouté les unes aux autres, mais bel et bien d’une sorte d’intimidation qui visait surtout à renfermer leurs proies derrière leurs nombres conséquents. La suite ne préservait aucune surprise, puisqu’il leur suffisait alors de griffer et mordre leur ennemi de façon simultané pour le vider de son sang. Une tactique merveilleusement bien pensée, mais qui ne fonctionnait pas contre l’homme qui avait acquis l’endurance de dix hommes. Deux hommes.

L’Ange des ténèbres se déporta sur la droite en basculant son buste sur le côté, ses hanches provoquant une inertie convenable pour lui permettre de se retourner, ses ailes rachitiques orientées vers le sol et son visage vers les cieux. Sa mèche rebelle trembla sous la frénésie de la bourrasque. Les combattre n’étant pas exigé, il n’avait nullement besoin d’en faire des caisses. Juste s’engouffrer dans une faille et de passer son chemin. Et si cette dernière n’existait pas — comme ce fut le cas en l’état — alors il suffisait de la créer par ses propres moyens. Dans la situation menant à cet exemple, le paria contracta soudainement ses muscles pour relâcher ce qui s’apparentait à de fines plaquettes métalliques. Deccio avait anticipé ce voyage, par conséquent, outre le fait de s’enquérir d’armes fourbies, le mercenaire avait préalablement collé ces infimes pièces en fer partout sur sa peau. Souples et légères afin d’éviter de l’endiguer plus qu’autre chose, elles restèrent toutefois parfaitement problématiques lorsqu’elles étaient couplées à une vitesse de réaction rugissante. Fier d’avoir élaboré cette petite stratégie, le Démon attendit le moment idéal pour tendre sa main devant lui et déverser la pluie ferrugineuse sur ses multiples adversaires. Au-delà de l’idée même de s’en défaire par le meurtre en criblant leurs cervelles de ces projectiles, il s’agissait avant tout de démanteler le regroupement effectué dans le but de les destituer de leurs principaux atouts : l’unification partielle. Les fragments désarçonnèrent plusieurs cibles à divers endroits, allant de l’enveloppe de sustentation qu’ils se coltinaient aux orbites très développées dont ils avaient étés nantis. L’échec et mat de ce plan de croisière marqua la chute inopinée des piliers qui maitenaient la stabilité de l’ensemble.

Souverain de son génie, le Diable passa au travers des mailles du filet, un air pleinement satisfait se délivrant de ses lèvres. La présence de ces énergumènes ne reflétait pas l’unique menace des environs, c’est pourquoi il ne s’emballait pas pour si peu. D’autres dangers l’attendirent, notamment la survenance des orages qui grondèrent au-dessus de sa tête. Deccio mesurait mieux la gestion de ses trajectoires, ce qui lui permit de se déplacer au bon moment pour se soustraire aux éclairs qui tombaient de manière casuels, sans signes avant-coureurs. Le facteur aléatoire de ces derniers représentait une part de chance qu’il était impossible à prédire sans capacités adéquates. L’expression qui consistait à se brûler les ailes n’avait alors jamais été aussi vraie. Les manifestations qui se déversèrent ici et là mirent le volatile à crête blonde dans une méchante posture, l’extrémité de l’un de ses métacarpiens se faisant brusquement happés par la lumière orangée, incendiant par la même une partie de sa membrane. Désarçonné, le Démon tint bon en serrant la mâchoire, de nombreuses gouttes de sueur perlant sur son front. Incapable de recouvrer le bon équilibre, il battit d’une seule aile afin de se mettre de côté, histoire de se dispenser à la colère divine qui n’avait jamais stationné aussi près de lui. Pressentant une situation complexe à laquelle il ne pourrait pas réchapper, sa vivacité d’esprit le somma de se débarrasser de ses affaires en premier en les lâchant à cette hauteur. Il ne les abandonnait pas ici de façon anodine. Il savait — du moins approximativement — où ces dernières atterriraient. La grande valeur de sa marchandise outrepassait toutes les règles de sécurité, si bien qu’il préférait se prendre un bon coup foudroyant de plein fouet plutôt que de renoncer à son bizness lucratif.

Se préparant d’emblée à encaisser la fureur comprimée de ces gros nuages, Deccio stagna dans les airs, ses bras rapprochés de ses flancs en bandant un maximum ses muscles. Le torse bombé, le dos cambré, il canalisa le plus de magie possible autour de lui, imprégnant même ses pores d’une surdose. La circulation magique comportait encore quelques mystères irrésolus, mais la manière d’utiliser un pouvoir requérant toujours une méthode identique en fonction de sa nature, le Rusé s’était plus ou moins accaparé son système de diffusion. Rassemblant tout le métal qui se trouvait à proximité pour générer une sorte de résistance, la puissance déchainée des orages encercla le pauvre hère qui se fit littéralement descendre par la tempête. Le tumulte qu’elle exerçait était tel que le beau Diable perdit conscience l’espace d’un instant, enclenchant la révulsion de ses yeux. La douleur circula sur chaque centimètre carré de son être, son cri d’agonie étant comme suspendue dans le temps de par le rugissement de la foudre qui supprima grossièrement celui-ci. L’impact — assez discret au passage — signa l’interruption de ce bouleversement chaotique qui engendra un mini-cratère. La fumée que soulevait la collision empêchait d’en découvrir l’issue, mais bientôt, une silhouette athlétique se détacha de la brume.

Articulant ses épaules par d’amples mouvements circulaires à dessein de s’échauffer, le Démon fit son grand retour sur terre ferme, le visage et la moitié du corps en sang, ses vêtements complètement en lambeaux. Sans aucune préparation… non. Sans le renforcement physique, technique et magique qu’il avait contracté lors de ses derniers mois de conditionnements, Deccio aurait rôti sur place. Peut-être même n’aurait-il pas pu excéder la première vague. Quoiqu’il en soit, même s’il fut légèrement brûlé et blessé, son état restait anecdotique compte tenu du personnage à qui il rendait visite. Le réseau qu’était en train de se constituer le blondinet contenait de plus en plus d’individus excentriques. Il commençait à avoir l’habitude de les fréquenter, d’autant plus qu’il avait grandi avec l’un d’entre eux. Plus rien ne lui faisait peur, sinon ses propres indigences. En passant devant une baraque en bois ravagé par les décombres, le Tentateur s’engouffra à l’intérieur, manifestement à la recherche de quelque chose. En dehors des cierges et des statuettes qui encombraient l’espace ténu, c’est sur les sacs qu’il eut délestés plus tôt que son attention se porta. Ce n’est pas exactement ici qu’il voulut les laisser à l’origine, mais ça faisait aussi bien l’affaire. Sauf si, et il entendait les bruits de sabots d’ici, son collaborateur venait pousser la gueulante.  « QUOOIIIII ? Mais qu’est-ce que t’as encore foutu, poche à couilles ?! Paria de la société ! Gangrène de la sobriété ! Viticulteur de ta grand-mère la… » « Ça va, pas de quoi en chier une Ṭārṭiphleṭ. Ce sont des choses qui arrivent. Et puis cet autel destiné à tes prières quotidiennes est clairement obsolète. » Kindā de son petit prénom, et Booêno de son patronyme, était un homme tout de noir vêtu, de larges bretelles se croisant sur son torse dénudé ainsi qu’un pantalon rayé. Sur sa tête se trouvait un couvre-chef similaire à ceux que portaient certains bouffons censés divertir leurs monarques, sa courte crinière d’argent dépassant de celui-ci. Ses pupilles, rouges sur un fond de jais décrivirent l’insolence du garçon, offensif en tous points. Enfin, à sa taille resplendissait une jolie ceinture dont la boucle formait un « K » inversé. Enfin, l’ensemble de sa tenue émerveillait par ses motifs brodés qui évoquaient une probable opulence. Accompagné d'une monture râblé, lui aussi épousait les ténèbres.

Ça n’avait l’air de rien comme ça, mais les deux phénomènes entretenaient une relation privilégiée. Jusqu’à quel point ? Seuls les Aetheri en avaient l’exclusivité. Son interlocuteur resta figé après cette réflexion, et ce durant quinze bonnes secondes. Il pointa ensuite son index sur son camarade, le genou ployé dans une position qui ne semblait pas du tout naturelle. « Bungalow ! T’as pas tort, Hector. J’étais justement sur le point de la détruire. » Engageant le pas d’une manière très efféminée, Kindā empoigna une barre de fer qui reposait sur les marches d’un escalier aujourd’hui désuet. Il s’arrêta devant le temple, puis récita une prière. Il s’interrompit en plein milieu, changeant dès lors drastiquement d’attitude puisqu’il se déchaina sur l’autel et ses ornementations avec le bâton. « Saloperie, saloperie, saloperie, saloperie, saloperie, SALOPERIIIIIE. » Insistant lourdement sur la dernière syllabe, ce mot revint un nombre incalculable de fois, avec des consonances et un débit de parole plus ou moins élevé en fonction de sa colère.  Répétant inlassablement ses assauts jusqu’à ce que son aplomb lui fasse défaut, la machine à frapper ne mit un terme définitif à sa folie que lorsque l’extrémité de sa batte rencontra une matière dure et argileuse qui brisa l’arme en deux. Il se tourna silencieusement en direction de Deccio. « Tu vois, pas la peine de s’énerver. Allons chez moi pour vérifier la marchandise. J’ai hâte de jeter un œil à ces petits bijoux. » « Ouf. Tu m’as fait peur. J’ai presque cru que tu avais perdu de ta superbe. » « Ne dis pas de bêtises. Je ne suis pas l’as de la supercherie pour rien. » En le menant jusqu’à son terrier, la démarche de Kindā n’était plus la même. Dorénavant d’une apparence virile, il sema soudainement le blondinet en traçant à toute vitesse, tel le plus véloce des champions de courses terriennes. Mais le Rusé savait à quoi s’en tenir, c’est pourquoi il s’empressa de l’imiter, non sans exprimer un léger râle. La première fois, son comportement était certes déroutant, mais les suivantes en devenaient presque complaisantes.



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Sam 03 Oct 2020, 00:00

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« Chaque poupée à son histoire, son vécu, son intimité. Si vous tendez l'oreille, qui sait ce qu'elle vous diront. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] « Quenelle, oh ma quenelle que tu es belle ! Toi mon modèle, fais de nous tes fidèles. Car nous sommes de grosses brêles » Récita son frère de sang sans aucune raison viable. L’homme et le bon sens ne faisaient pas bon ménage, d’où son rejet constant de la notion susnommé qu’il n'appliquait plus, même devant l'échafaud. Quand la vie te bouscule, bouscule là en retour. C’est un adage qu’avait entendu Deccio lors de son pèlerinage dans les Ailes du Condor ; une partie occulte d’un circuit qui menait directement dans la gorge du tréfonds. En définitive, il encourageait le mortel à suivre son cours, à engager ses propres décisions, quelles qu’elles soient. S’il abstrayait ce principe fondamental dans sa psyché, c’est parce que Kindā avait grandement contribué à cette liberté qu’il avait vaillamment autoproclamé. Leur rencontre datait de l’époque où il échauffait ses petites gambettes dans les prés, sans aucune autre responsabilité que celle de se divertir, avec son frère et ses amis. La figure excentrique qui démontrait ici de sa folie faisait partie de cette génération si vénérée et menaçante. S’ils avaient dû tous se séparer pour des raisons personnelles, ensemble, ils pouvaient sans aucun doute faire de tous les sièges de Seigneurs des places vacantes. Du moins, c’était vrai jusqu’à un certain point. Toutefois, si le but de Deccio consistait à rassembler ce groupe de malfaiteurs, son accomplissement ne pourrait se produire avant très longtemps. Il aurait néanmoins besoin d’eux pour libérer Zane de ses torpeurs, lorsqu’au préalable, son statut ne serait plus incertain. Kindā ayant opéré chez les occultistes en tant que membre fondateur, les arcanes couvrant les Enfers n’avaient que très peu de confidentialités pour lui. Il jouissait d’une magie à faire pâlir les Sorciers, mais en contrepartie, celui-ci fut spolié d’une chose de même — sinon de plus grande — valeur. Dans tous les cas, c’est pour honorer une autre promesse qu’ils avaient décidé de se revoir en ces termes. Quand on traitait des affaires, qu’importe de quel ordre ils furent, l’amitié se devait d’être aussitôt écartée. L’homme possédait une chaumière, suspendue par une immense toile d’araignée. Sa disposition n’avait rien d’étrange. Au contraire, le tout restait plutôt cohérent à ce que l’ambiance générale dégageait.

Puisque ce Royaume grouillait de bestioles plus ou moins audacieuses, les rares habitations qu’on pouvait observer s’adaptaient aux espèces les plus fréquentes selon le périmètre en vigueur. Naguère, le blondinet avait vécu quelque temps ici, mais suite aux très nombreuses complications engendrées de temps à autre, il avait rapidement renoncé pour emménager vers plus de confort. Toutefois, l’avantage de résider dans de telles conditions s’axait sur la quasi-inexistence d'opposants radicaux. Autrement dit, aucun endroit n'était meilleur que celui-ci pour le complotisme et l’exploitation de nouvelles négoces. En tendant sa main vers l’extérieur du cocon, Kindā fit jaillir une liane à la texture adhésive et duveteuse. En s’accrochant à celle-ci et en se hissant jusqu’à un hublot, il invita son ami et collègue à le suivre. S’ils empruntaient cette voie-là, c’est car il était impossible pour eux de recourir à leurs ailes. Les accidents liés à ce moyen de transport étaient monnaie courante, notamment à cause de l’apparition aléatoire de parasites appelés les Vairas. À moins de tutoyer la suprématie, aucune technique ne permettait d’en contourner la férocité. Si la joliesse externe ne vendait pas du rêve, l’intérieur lui, apportait une touche de fraicheur et de luxe qu’on pouvait difficilement concevoir. Très spacieux, il offrait une vue imprenable sur tous les trophées que l’homme eut rassemblés avec du temps et un paquet de sueur. Les créatures étalées à vue étaient relativement précieuses dues à leur taux de capture très élevé. Ce barème de notation existait — particulièrement dans ce royaume — pour déterminer le niveau de certains chasseurs dont c’était la profession.

S’approchant des bêtes empaillées avec le plus de valeur à ces yeux, il promena ses doigts sur la courbe de leurs crânes, sinuant à proximité de leurs globes oculaires. « Tu t’es bien installé à ce que je vois. Réussir à vaincre ces trois-là sans endommager leur rachis cervical, c’est un témoignage accablant de ton talent. » Lui adresser un compliment eut tôt fait d’autoriser l’excentrique à se pavaner, les poses qu’il augura se façonnant avec une souplesse peu commune. En se jetant en l’air et en croisant les jambes dans la foulée, son postérieur se vautra sur un fauteuil rose crème.  « C’est pour cette raison que tu m’as contacté, mon p’tit bonhomme. Tu es ici chez le roi. Le roi de l’esthétisme et du merchandising. Personne n’est plus qualifié que moi pour faire de toi une star. Si tu suis aveuglément mes conseils et que tu me laisses contrôler ta vie, tes produits se vendront comme des petits pains. » « Ma vie ? Tu me prends pour une de tes groupies qui s'accorde d'un oui à chacune de tes doléances ? Tu devrais pourtant savoir qu’on me prête une réputation un peu moins édulcorée. » « Idu satya. J’ai entendu quelques rumeurs à ce propos. Reste à déterminer si tout ce qui se raconte est vrai ou tronqué. » « Tu veux une réponse sincère ? » « Non. J’aime que notre relation soit basée sur de la préemption et de l'extrapolation. Tu perdrais de ton sex appeal si je te perçais à jour. » « Si tu le dis. Mais si nous passions aux choses sérieuses, justement ? N’es-tu pas là pour m’inculquer tout ton savoir ? » « Je suis là pour te faire voir comment pensent les prodiges. Montre-moi la marchandise. » Jetant un coup d’œil aux sacs qui reposaient à ses pieds, Deccio attrapa et déversa ces derniers sur le beau plancher de l’homme.

Ces morceaux éparpillés ainsi donnaient l’impression d’être le juge d’une œuvre d’art. La découpe était tellement fine, les membres si propres et ténus d’une pigmentation maîtrisée, sans parler de la forme et de la texture dépossédée de toute aspérité qui exhibait à bien des égards le savoir-faire ingénu et ingénieux de l’ouvrier. Indéniablement et sans vilains jeux de mots, Deccio avait pris la main. En comptabilisant ce corps, ce devait être le centième cobaye à avoir contribué à affûter ses ustensiles. Le cœur palpitant, revoir son œuvre lui fit éprouver une vive émotion, au même titre qu’un adolescent qui allait pour la première fois à son rendez-vous amoureux. Les similitudes ne s’arrêtant pas là, c’est avec une profonde timidité qu’il attendit le verdict de son ami. Il composait des immondices depuis des siècles, si bien qu’on le respectait autant qu’on le craignait, même parmi les Démons. Illustre pour les atrocités qu’il mettait en scène comme personne, ses collaborateurs le considéraient comme un pionnier dans le milieu. Pour le commun des mortels, l’épithète de « Charcutier intemporel » évoquait probablement plus justement ses crimes. Hésitant pour ne pas dire clairement velléitaire, l’attitude du second malin tourna nonchalamment autour des morceaux, son pouce et son index repliés sous son menton. À l’instar des artistes les plus exigeants, il cherchait le meilleur angle possible afin de lire et d’interpréter avec le moins d’erreurs possible ce que ses yeux miroitaient.

En se fondant dans la peau du compositeur, c’est un pan de l’histoire qu’il étudiait. En effet, il ne suffisait pas qu’une œuvre soit belle pour être versé d’éloges. D’autres facteurs plus conceptuels entraient aussi en ligne de compte ; d’une part l'épopée qu’elle racontait, mais en outre la personnalisation de l’individu. Sans l’unification de ces deux points, l’homme assistait ni plus ni moins qu’à un rendu passable, sans saveur, presque trop terne. Grandi de par ses expériences et ses prouesses qui se situaient au-delà du raisonnable, le corrupteur gloussa brièvement avant de se jeter sur son sofa, son buste et ses jambes s’étendant à la manière d’un rouleau de soie que l’on dépliait.  « Je vais pas y aller par quatre chemins, c’est franchement à chier. De A jusqu’à Z. Peut-être même de Z jusqu’à A. La bouse de mon cheval est plus qualitative. » Deccio serra les dents, éructant de sa salive sur le côté. « Tu peux développer ? » Il bâilla puis gratta son entrejambe tandis qu’il renversa sa tête contre le repose-bras. À croire qu’il était sur le point de se confier sur ses problèmes d'érection. Il avait sûrement de quoi écrire trois volumes. Ceux-ci ne concerneraient que son enfance. « C’est simple, ça manque de toi. Même si ton travail reste plutôt correct, je ne perçois pas la moindre once de vie dans ce cadavre. Avoir du bon matériel est une chose, bien s’en servir en est une autre. » En s’attardant une nouvelle fois sur les détails, Deccio ne pouvait pas vraiment lui donner tort. La touche personnelle qu’il ne pensait pas avoir négligée ne représentait pas du tout son caractère si distinctif. Était-ce somme toute… trop virginal ? Le dépit qui obstruait ses racines le sommait de mettre fin à ceci en écrasant fermement la viande qui gisait à ses pieds. Mais alors qu’il s’apprêtait à commettre l’irréparable, Kindā le réprimanda en invoquant un lierre qui se contracta autour de sa cheville, le tenant par conséquent à distance. « Au lieu de t’emporter pour si peu, aurais-tu l’obligeance d’aller ouvrir ma malle et d’en sortir ce qu’elle contient ? Tu serais un Ange. » Dévisageant son collègue d’un regard noir, il tenait à ce qu’il comprenne que les blagues courtes étaient les meilleures. « OK, OK. Tu serais un Démon. Un beau Démon avec un cul bien bombé. Ça te va, princesse ? » Renoncer à lui exploser le crâne contre l’échine de ses bêtes empaillées lui exigea un effort considérable. Pour autant, l’empereur de l’art éternel était le seul de son rang à avoir l’audace et le droit de le taquiner de la sorte. Après tout, malgré les conflits qui subsistaient, ils se connaissaient comme deux frères.

Se départissant de sa vengeance, il se dirigea ipso facto vers la malle, ouvrit cette dernière et jeta ses doigts à l’intérieur. Un module composé de tringles en fut extirpé ; un mannequin utilisé par les couturiers qui servait principalement à exposer leurs créations. Le Démon renard tira la moue. « C’est donc ça. Tu veux que je révèle mon plein potentiel en sublimant mon rendu. Toujours aussi viscéral pour tout ce qui touche à l'infamie. » Ravi de recevoir de tels compliments, Kindā s’éjecta subitement de son siège par le biais d’un pilier qui naquit du sofa, ses pieds foulant le plancher avec grâce. « Si tu continues à parler pour ne rien dire, mon impatience risque de tous les deux nous engloutir. » Dieu seul sait que cet odieux personnage en était capable. Même aux yeux de Deccio — qui avaient pourtant connu mille abominations — ce type incarnait la terreur à l’état pur. Par crainte de ne pas combler ses attentes, une énorme pression reposait sur ses lourdes épaules. Si décevoir ses homologues ne l’importunait jamais, c’était une tout autre histoire avec sa bande d’origine. Ils étaient si excessivement bons qu’il fallait au moins faire aussi bien sinon mieux qu’eux. Un contrat tacite qui avait toujours régulé leurs relations, passée, présente, mais également future.



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Jeu 08 Oct 2020, 22:32

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« Chaque poupée à son histoire, son vécu, son intimité. Si vous tendez l'oreille, qui sait ce qu'elle vous diront. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] La fourberie du prodige de la haute couture surclassait la norme, à supposer qu’il se sentait concerné par ce rudiment à priori dépassé par ses préjugés. De son génie, Kindā mettait la barre au sommet, tout simplement car il n’avait ni de temps à perdre ni la négligence du petit peuple. Ses services étant constamment sollicités, il passait la plupart de ses journées à rencontrer des concepteurs en tous genres, qu’ils disposassent déjà de bribes de reconnaissance ou qu'ils fissent leurs premiers pas. S’il ne laissait rien filtrer, pas même le plus infime des détails, c’est parce qu’il n’était pas arrivé ici par hasard. Comme pour la majorité des personnes qui véhiculaient leurs idées au travers de la passion qui les consumait, le Démon des trois tours avait travaillé très dur pour y parvenir. Les concessions et les sacrifices qu’il dut consentir à faire furent innombrables, sans parler du sang qu’il avait dû verser et la mer de cadavre qu’il avait franchi pour réussir à atteindre l’extase esthétique. Et c’est pourquoi il gouvernait désormais un Empire dans l’ombre. Les musées de la peur et les cirques des immondices agencés un peu partout étaient pour la plupart dirigés par ses soins, ou s’ils ne l’étaient pas, il se contentait de les financer. D’une façon ou d’une autre, le musicien des frissons était massivement respecté. Et pour cause, ce qu’il s’apprêtait à changer dans la vision d’artiste de son homologue bouleverserait probablement beaucoup de choses.

Deccio, qui avait pour seule consigne de le surprendre en créant quelque chose qui lui appartienne avait commencé par rassembler les parties du cadavre. Grâce au mannequin, il ne restait plus qu’à suivre un ordre plus ou moins logique en imbriquant les morceaux au bon endroit. Même pour un observateur tel que lui qui s’attardait sur la plupart des détails, la tâche s’avérait plus incommode que prévu. À cause de la texture de la peau, mais surtout de la rigidité du corps, l’exposer convenablement sans user le matériel d’origine devint rapidement une opération fastidieuse. Analogiquement, c’était semblable à de la chirurgie classique, où les cellules devaient être préservées. Ici, chaque dégât que succombait le tissu cutané discréditait un peu plus la qualité de son œuvre. Ce qu’il s’imaginait façonner au départ fut graduellement chamboulé au profit d’une représentation de chair sans queue ni tête. Comparativement à ses poupées, cette dernière création était un désastre sans nom. En horreur devant ce qu’il venait de produire, le blond balança nerveusement ses outils à terre, ceux-ci volant aux quatre coins de la pièce. Kindā resta sans voix, le bout de ses doigts effleurant la surface de sa joue. « Prétendre que ta composition est moche serait un euphémisme, je te l’accorde. Mais ce n’est pas une raison pour t’emporter. Recommence. » « Tu crois franchement que la seconde fois va mieux se dérouler ? Et puis c’est foutu, j’avais que ça sous la main. » Écartant les deux paumes devant son buste, une couche de poussière d’étoiles s’échappa subitement des membres détachés. En quelques minutes, l’intégralité de celui-ci recouvra sa splendeur d’antan. C’était beau. C’était fort. Mais ce n’était pas du beaufort.

Cet homme parvenait toujours à le surprendre, quelles que soient ses entreprises. « Tu ne pensais tout de même qu’un type de ma stature qui opère avec du matériel si fragile n’avait pas un pouvoir de réparation à sa disposition ? C’est comme être capable de voler sans avoir le sens de l’équilibre. Sans intérêt. » Au moins, il n’avait pas tort sur ce point. Certains métiers devaient s’accompagner de facultés associatives pour orchestrer une parfaite harmonie entre les deux. Quoiqu’il en soit, Deccio recommença autant de fois qu’il le fallait, quand bien même sa patience fut mise à rude épreuve. Les mots de son ami enchainèrent néanmoins les réponses négatives ; d’un refus simple au non catégorique, l’exaspération étirait les traits de l’artiste. D’une démarche féline, il annihila la distance presque immédiatement. « C’est bien. Mais c’est pas bien. Si tu permets, laisse-moi te montrer mes talents. Peut-être comprendras-tu enfin ce que j’attends de toi. Direction la chambre noire. Pas d’inquiétudes, je n’ai pas l’intention de t’agresser sexuellement. Et pourtant, ça contribuerait très certainement à t’inspirer, crois-en les nombreux témoignages. » Kindā ne dévoilait pas facilement ses sentiments. Et par sentiments, il entendait cette fameuse pièce renfermant son intimité. En plaquant sa main contre la cloison, celui-ci passa par un cri bref et strident afin de générer un écho qui scinda le mur d’un étrange motif avant de s’écarter. C’était du roc, c’était fort. Mais ce n’était toujours pas du roquefort. À peine posa-t-il un pied à l’intérieur que des ondes l’inondèrent de toute part, à l’image de flèches qui perforèrent sa peau, ses muscles, et même ses organes. L’homme se mit instinctivement dans une posture défensive en refermant ses bras de sorte à bloquer ce qu’il pensait être une attaque. Cette sensation fut immédiatement achevée au moment où son camarade plaça sa main sur son épaule. Il dépassa celui-ci, évoluant dans ce couloir sans la moindre anxiété. Pris d’étonnement, la simple vu de son dos réconforta l’individu à la tête blonde. C’était la première fois qu’il se comportait aussi étrangement devant une connaissance. L’explication se voulait plus simple qu’elle en avait l’air : depuis leur dernière rencontre, il n’était plus exactement le même. À l’instar des nombreux entrainements qui eurent renforcé son corps et sa mentalité, Kindā devait se trouver dans la même configuration en ayant enduré un évènement qui l’eut transcendé. Peu attiré par les agréments du combat, son aura se focalisait sur d’autres spécificités qui d’un léger relâchement pouvait intimider, voir complètement écraser ceux qui ne s’y attendaient pas.

C'était sans doute pour cette raison que Deccio avait l’impression d’exhumer des vestiges de son père en le tutoyant. Reprenant ses esprits dans le but de ne pas paraitre insignifiant à ses côtés, il comprenait alors pourquoi c’est sur lui que reposaient les espoirs pour s’emparer d’un des trônes vacants laissés par les Seigneurs qui eurent été terrassés. Il en avait la possibilité, mais est-ce que les ambitions suivaient le même rythme ? Rien n’est moins sûr. Son but premier consistait avant tout à enrichir ses relations dans le travail, car si le pouvoir régnait en maitre, il ne valait rien sans l’argent, et donc l’économie pour le faire tourner. Ce n’est donc pas en vulgaire Baron qu’il voulut se satisfaire, mais bien en investisseur, à prêter, vendre, fournir à ceux qui le méritaient le plus. Pour se faire, de simples poupées inanimées ne suffiraient pas, et c’est pourquoi il avait été grandement alléché par les nouvelles lubies de Dédé. En ouvrant la salle interdite, il confia une partie de son jardin secret à celui qu’il considérait comme étant plus estimable qu’un allié, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la pièce véhiculait un charme morbide difficile à décrire. L’horreur se présentait dans tous les coins. Peu importe où l’œil se détournait, il tombait incontestablement sur une forme décrépie et charnelle, à la frontière entre la vie et la mort. Des hommes, des femmes, des enfants de tous âges ? Définir qui était quoi, ou ce qu’il fut jadis constituait une épreuve peu commune en soi. Une tradition nouvelle était surement née dans ce local du cauchemar. L’artiste avait sublimé les dépouilles avec une peinture animée, qui selon les postures et les expressions les amplifiaient. C’était comme assister à un diaporama qui changeait de ton et de sonorité à mesure où les motifs se déplaçaient. Bien que statiques, ils éveillaient quelque chose chez l’apprenti. Ce n’est pas sa queue qui se dressa au contact d’une danse lascive, mais un processus plus cognitif qui ressemblait à s’y méprendre à ce réflexe physiologique.

Dans toute sa splendeur, sans rien faire de plus que de lui montrer de ses propres yeux, lésés de tous mots superflus, ses sens furent immergés dans une histoire, racontée de bout en bout avec une passion dévorante. Le génie de la mise en scène glauque se tenait tel un Dieu devant lui, la lumière projetée catalysant une sorte de halo au-dessus de lui. Le messie d’une autre ère, le mentor qu’il rêvait d’avoir pour lui inculquer tout son savoir. Il n’eut pas besoin de davantage de démonstrations pour appréhender ce qu’il voulut lui transmettre. Il avait désormais compris l’idée générale. Restait maintenant à l’appliquer avec le plus de pertinence. En remontant, Deccio retroussa ses manches avec la ferme intention de faire au moins aussi bien. En tout cas avec le peu qu’il avait à disposition. Afin de taire les remarques sarcastiques de son ami, il déstructura la conceptualisation même du corps, ceci en attachant et en distançant les membres de sorte à ne pas faire le rapprochement avec un organisme humain sans toutefois trop s’en écarter. La difficulté se situait au niveau de l’équilibrage, dans le sens où les spectateurs devaient instantanément comprendre qu’il s’agissait d’un semblable et en même temps être épris d’un doute. À titre de comparaison, si on prenait de l’eau et qu’on la faisait se mouvoir pareillement aux flammes, une ambiguité fleurirait dans l’esprit des gens. Ce dernier est-il destiné à brûler, ou au contraire à apaiser ? Ce n’est qu’après une observation minutieuse qu’il serait possible d’y répondre avec certitude. Ici, c’était la même chose.

En s’imaginant la femme dans toute sa splendeur et en l’amalgamant à plusieurs entités démoniaques que l’on trouvait ici, une fusion idyllique de tous ces organismes se composa de façon assez naturelle. En quelques coups de scalpel et de burin, c’est la beauté d’une fleur en train de s'épanouir qui entra en contact avec les cornées. Kindā laissa échapper un " Oh" au dénouement plus que positif (pas à la COVID). Mieux encore, il applaudit de ses deux mains, déjà car c’était plus compliqué avec une, mais aussi car il fut réellement satisfait de son élève. « Je suppose que c’est bon signe. Savoir que “La Montagne de la Nuit” approuve mon travail est plutôt flatteur. » « Oh. Alors tu es au courant du titre qu’on lui a donné ? » « Lui ? » « Oui. C’est n’est pas moi qui suis à proprement qualifié comme tel. Mais lui. » Sans aucune espèce de honte, il pointa son entrejambe du doigt. « Une tradition assez récente. Les partenaires lubriques qui apprécient ton butoir finissent toujours par le faire savoir en le nommant avec respect. Ou pas, selon les performances. “La Montagne de la Nuit” fait référence à mon gros chibre bien sûr, mais pas que. Il se trouve que plus je suis excité, plus je tambourine, plus ma queue se met à vibrer et à procurer encore plus de plaisir. Une analogie aux avalanches qui déclenchent des chutes de neige en partant du pic. Un peu comme la connexion entre mon gland et leur foufoune qui les fait sombrer dans l’inconscience. » « Je vois. C’est toujours si enrichissant de s’entretenir avec toi. » « Si tu continues avec ce palmarès, je suis certain que la tienne aussi aura droit à son titre. » Nul doute qu’il allait enchainer les frottis frotta pour mériter cela. Ce qui est sûr, c’est qu’il lui restait bien des choses à apprendre du livre Kindā. Chaque chapitre se terminait toujours pareil ; dans la joie et l’impatience de se rendre au suivant.  



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