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 [Q] L'immobile | solo

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Mar 18 Aoû 2020, 23:42


Image réalisée par Anatofinn Stark

Intrigue/Objectif : Azaar devient modèle pour un Atelier de Sculpteurs à Drosera, afin de gagner un peu d'argent. Face aux défis que lui demandent cette mise à nue et cette longue pose sur plusieurs sessions, elle va devoir s'endurcir le mental et le corps pour apprendre à y faire face du mieux qu'elle peut.



Les doigts se nouent sous le drap. J’entends des mains malaxer la matière qui prend forme sous l’endurance jeune des paumes, sans pouvoir poser un regard dessus. Pourtant la curiosité m’anime et je suis contrainte.

« Elle tremble. » murmure une voix qui me parvient dans le dos. Je redresse faiblement le torse. J’entends un râle. Ma fesse est endolorie, mon bras n’arrive plus à supporter mon corps qui jonche la toile. Je ferme un instant les paupières et prends une inspiration tout en espérant calmer ce corps figé, qui subit des pressions immobiles. La lumière du jour me parvient d’une fenêtre au plafond et chauffe la chevelure qu’elle éclaire. J’inspire. Mon pied se libère en partie du drap qui couvrait mon mollet. Un nouveau râle. « Est-ce que tu peux remettre ton pied en-dessous du trait ? » Je tourne la tête pour tenter de lire la marque sur le bois, je redresse la jambe et reprends ma position initiale, le buste et la tête relevée.

Le maître des lieux sonne une petite cloche. Quelqu’un s’approche de moi et s’abaisse. Surprise encore par ce mécanisme, je me retrouve à tourner d’un quart sur le plateau qui me porte et qui permet cette astuce sans avoir à bouger le corps. Je profite du mouvement pour observer timidement les nouvelles personnes devant moi, offrant mon profil à ceux à qui je faisais face la minute précédente. « Nous prenons une pause dans quinze minutes. » tonne la voix savante. Quinze minutes… J’ai l’impression qu’on me propose l’éternité, que je refuserais si j’en avais le choix. Je contrains mon corps d’autant plus dans cette posture assise, le poids réparti entre l’unique avant-bras qui commence sérieusement à trembler de tout son long et mon bassin de biais. Je suis gênée car je n’arrive pas à maîtriser les vibrations, elles ne se calment pas malgré les inspirations longues et profondes. J’imagine en regardant droit devant moi, sans distinguer les faces concentrées, des moutons que je me mets à compter. Un mouton… Deux moutons… Trois moutons… Saute-moutons… Si il y a trois moutons, peut-être qu’il y a dans le tas un bélier ? Quatre moutons… Cinq moutons et un agneau… Six… Et mon corps tout simplement s’abandonne. Mon avant-bras lâche, mon buste s’affaisse et je ne me rattrape pas, cognant l’épaule à la palette drapée.

Le sculpteur soupire. « Pause. » Les élèves finissent de modeler le bout de terre qu’ils avaient en main pour certains, utilisant les outils qui ressemblent à des bouts de bois. D’autres essuient leurs mains rouges contre les tabliers qui recouvrent leurs jambes et profitent de l’instant pour se détendre, observant le travail de leurs camarades.

« Je suis désolée. » murmure-je, le bras toujours tremblant. J’utilise l’autre main valide pour recouvrir mes seins à l’aide du tissu blanc que l’on m’a prêté pour l’atelier. J’étire les membres paralysés par la pose et je dandine pour me relever, sans succès au premier essai. C’est seulement au troisième que j’arrive à me tenir debout. Je n’ose pas vraiment m’avancer hors du plateau, bien que l’envie de voir les formes naissantes de la terre qu’ils préparaient m’anime. En effet, je suis intriguée par ce que je vois de loin. « Il va falloir se tonifier pour tenir les poses. » me dit-il. « Trente minutes, ce n’est rien, il nous reste encore deux heures. Trois heures par semaine, tu penses les tenir ? » Je hoche la tête. Évidemment. Il n’est pas question que j’abandonne maintenant. « Oui. » Le sculpteur paraît satisfait de ma réponse. Une élève s’approche de nous, le sourire aux lèvres. Le même s’étire sur mes lèvres, en guise de réponse. « Pas trop dur ? On t’a vu tremblée. » Elle espère que je lui réponde oui et que je me lamente au près de celui qui m’embauche ? « Je manque de pratique. » je l’avoue, c’en est presque un euphémisme au vue de ma condition physique. « Les poses assises sont traîtresses, surtout si le poids est mal réparti. Deux points d’appuis ne sont pas suffisants quand on n’a pas l’habitude. Mieux vaut rester sur les deux fesses au début. Enfin, c’est trop tard pour cette session, mais pour la prochaine fois ça te sera utile. » Elle semble parler par expérience et je l’écoute. A côté du maître des lieux, ils ont l’air d’avoir le même âge. D’autres alfars sont plus vieux que le sculpteur, à croire qu’il n’y a pas d’âge pour s’exercer. Je tire sur le drap qui me tombe d’une épaule. La pudeur me rattrape au galop.

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Lun 18 Jan 2021, 19:29


Image réalisée par Anatofinn Stark



La session dure environ deux lunes pleines et chaque semaine comporte trois heures de travail. Je dois envisager de reprendre exactement la même pose à chaque fois, aidée des artistes qui m’entourent et qui n’hésiteront pas à me dire si je suis mal positionnée. La palette sur laquelle je m’assois est d’ordinaire marquée par la craie, où l’on y dessine la première fois mes emplacements. L’exactitude de chaque pose doit être précise, au regard de leur entraînement. Apprentis sculpteurs et modeleurs s’évertuent à dresser mon portrait dans les matériaux facilement exploitables aux premiers abords. Grâce au fusain, ils élaborent premièrement ma pose couchée sur un papier fin. La crasse noire tend à faire disparaître le blanc de leurs habits rapidement. Seul le maître semble avoir l’expérience pour garder ses manches sous son manteau de travail intactes. Puis vient les premiers émois sur l’argile, tantôt jaune ou rousse, qui leur fait perdre leur sang froid s’ils ne pensent pas à donner une structure, c’est-à-dire, un squelette dans la terre molle, autour duquel pourra sécher l’élément. Je m’occupe en les observant, croisant parfois leurs regards concentrés et infaillibles, qui viennent juger les proportions de mon corps afin de mieux les retranscrire dans leur ouvrage. Personne ne parle pendant des dizaines de minutes, puis vient le moment où le maître passe entre chaque étudiant et commente, non seulement le produit de leur effort, mais également les courbures que prend ma posture. C’est l’instant où mon sang-froid doit s’élever au profit de ma patience. Toutes les remarques ne sont pas agréables à l’oreille. Le maître-sculpteur a un regard critique sur le produit de ses étudiants, je ne crains pas ses mots mais ceux de ses apprentis. Quand la mauvaise foi les gagne, certains n’hésitent pas à reprocher certaines vallées qui naissent entre ma poitrine et le pubis. « Il y en a trop ! Impossible de tout faire ! » - « Personne n’est comme ça dans la vraie vie. » sont les remarques que j’ai mémorisé, mais il y en a eu d’autres. « Pense à l’argent. » et je vois défiler leur monnaie dans ma bourse. Heureusement, le maître particulièrement doué élève sa voix face aux injonctions plaintives «  Vous manquez d’expérience pour avoir un travail satisfaisant et soucieux des proportions, ne blâmez d’autres personnes que vous-même. Au travail. » Dans ses mots, je ne trouve le réconfort que dans la figure qu’ils prennent suite aux remarques. C’est plaisant de voir des ânes pâtir de leur travail. Ici, il est impossible de copier un autre élève. A quoi bon se confronter au regard brut d’un autre ? Le seul élément qui peut les élever est leur propre acuité et plastique.

« Pause. »

Les corps se détendent, le mien se relève. Les regards des élèves se perdent sur le travail de leurs congénères qu’ils jugent et qu’ils confrontent à leur propre ouvrage. « Ai-je mieux fait ? » - « Cest moche. » Je devine à leur faciès décomplexé par des heures de concentration ce qu’ils peuvent penser. Peut-être est-ce aussi une simple invention de ma part, j’aime leur créer des petites histoires. J’attrape le voile qui m’est destiné et je retrouve la pudeur que j’ai laissé en-dehors de la palette me couvrir le corps. J’étire chaque partie endolorie par la longue pose. Je ne sens plus ma fesse, ni mon bras et doute de pouvoir retrouver rapidement la sensation qu’ils existent maintenant. Je prends une profonde inspiration et manque de trébucher à cause de mon pied gauche, lui-même endormi par l’effort de la posture. Je me dirige vers le seul élément qui me fait penser au plateau sur lequel je suis que de passage : des lavabos immenses, pouvant accueillir deux beaux sceaux. Je n’en avais jamais vu des si grands ! Personne n’aurait de problème à se laver dedans, si biensûr c’était autorisé. Chez moi, nous avons des coiffeuses et des sceaux qui peuvent accueillir nos toilettages ou nos vaisselles. Ici, le complexe de la plomberie est si sophistiquée qu’on n’a pas besoin d’aller chercher l’eau dans la cour. Pour les élèves, issus de ce plateau d’artistes, c’est tout à fait normal. Je l’ai remarqué la première fois que je suis venue, admirant l’atelier comme s’il pouvait s’agir d’un appartement luxueux. « C’est du luxe. » L’une des élèves, la seule qui m’avait entendu marmonnée dans mon coin, avait répondu « qu’il ne s’agit que d’un petit atelier, rien de fantastique. Il en existe des plus grands, mais plus chers d’accès. Les petits moyens viennent ici. »  

Je me désaltère grâce au merveilleux robinet et reste dans mon coin pour admirer la vue qu’offre la seule vitre non feutrée de l’atelier. Le rez-de-chaussée ne donne qu’un avant-goût des manoirs qui surplombent la cour pour rentrer. J’admire les ombres que laissent les hautes toitures, leurs formes et parfois leurs fioritures sculptées. Istgardh, le quatrième plateau de Drosera, se hausse au-de-là de l’architecture de mon plateau d’origine. Mes parents devraient vendre leurs yeux pour pouvoir admirer l’esthétique des rues d’ici. Pourtant, aucun élève du maître ne rêve de rester indéfiniment dans cet endroit. Ils parlent tous sans exception des sélections pour intégrer le Lotus Rouge et ils sont bien loin d’égaler les étudiants de certains ateliers bien plus renommés, assurent quelques messes-basses. En suis-je le motif ? A quelle hauteur s’arrête la cime des exigences de mon peuple ? J’ai l’impression d’apercevoir que quelques aiguilles d’un pin géant dont je ne mérite que le brun tombant.

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Mar 19 Jan 2021, 01:23


Image réalisée par Anatofinn Stark



Les semaines passent sans que Llarum, la saison des pluies, n’affectent l’humeur des jeunes gens présents à l’atelier. Ils ont un objectif clair : être choisi par Dothasi à son Temple et se voir attribuer un Anoraë de l’Ordre du Lotus Rouge. A partir de là, eux tout comme moi, aurons un avenir tracé et clair. Je songe un bref instant à mon futur : dois-je faire comme eux ? M’exercer dans un filon pour que l’Aether me juge digne ? Mes parents n’ont jamais été diplômés, toutefois ils travaillent dans une profession manuelle de petits gens, nécessaires à l’économie et à l’étude des enfants du pays. Est-ce, peut-être, pour ces mêmes raisons qu’ils n’ont jamais été déchus comme Nägs, sans pour autant se distinguer au près de notre chère Aether. Je lui accorde une prière silencieuse, les yeux clos. Je  souhaite être heureuse. J’ai tout de suite honte des mots qui viennent de se formuler. Devrais-je plutôt lui demander de ne pas finir comme eux ? Devrais-je rêver à les exceller tous ? Rien dans ces mots ne motivent mon âme et mon corps. Si je dois retenir une leçon de lecture d’une œuvre éditée par Christian Haubourg – d’une auteure dont j’ai oublié le nom -, je me dirais que seule, je suis médiocre. Ce sont les mots que la protagoniste retient du personnage du Prince Noir. Ce serait étrange à partager, car pour mes camarades, il est normal d’espérer dépasser un proche ou un rival sans attendre l’aide d’un parent. Pourtant, les miens me sont si chers et je ne peux grandir sans eux. Je redresse la colonne vertébrale, mal en point suite aux deux séances passées. On siffle dans mon dos, à priori j’ai également surélevé la fesse. C’est l’heure de la pause, tout mon corps le réclame. J’ai beau ne pas bouger, j’invite chaque élève à faire ce que je fais pendant trois heures ; ce n’est ni de l’ennui, ni de la paresse, tout mon corps est en tension. « Pense à l’argent. » me dis-je. Tant que le maître n’interrompt pas la séance, je ne peux rien officiellement mouvoir. Je cligne, mes membres tremblent, l’un de mes seins est si écrasé contre mon triceps qu’il me fait mal. « Pense à la chenille vert-mousse. Pense à la Forêt des Murmures. » Imaginer l’insecte se repaître de lichen ne suffit pas à retenir mon corps. Je bouge sans autorisation ma jambe puis je change d’appui avec mon bras. La plupart des élèves sont si concentrés dans la forme que prend l’argile que tous ne font pas attention. Je lâche un petit « Humpf » engourdi, déliant ainsi ma langue de son immobilité.

Le maître-sculpteur finit par annoncer la fin de la session, je reste un instant assise. Un alfar au fond de la classe ne bouge pas, tandis que tous les élèves s’étirent. Certains recouvrent leur modelage d’un tissus imbibé d’eau, afin de garder la terre humide. Il est tard et je dois rapidement rentrer, cependant mon corps refuse de bouger d’un poil. Le remue-ménage qu’ils provoquent en partant laisse penser qu’ils se connaissent tous. C’est la fin de la troisième session de trois heures et j’ai eu le temps d’observer tranquillement dans mon coin, les regards que certains se lancent en modelant, ou bien lors de pauses. Il est normal que je reste éloignée d’eux, nous ne faisons pas partie du même plateau. Peu de gens, par ici, se prêteraient à être payé pour se dévoiler aux regards de plus jeunes qu’eux, m’a-t-on dit pour le travail. Je comprends. Je ne me verrais pas non plus être dévêtue devant un peuple que je peux connaître. Hors du plateau duquel je suis née, j’ai l’impression de goûter à un simili de liberté.

Je me cache derrière le grand paravent pour me rhabiller, il est impensable que je l’eus fait devant les élèves. J’enfile ma robe bleue rapidement et je sors avec mon sac qui garde précieusement mon laisser-passer, valable jusqu’à la prochaine session. Le maître a comme pour obligation de me raccompagner jusqu’aux douanes des portes du plateau car il est inimaginable de me laisser vaquer dans les rues d’Istgardh. Ici, j’ai le statut de servante, bien que cela ne soit pas mon rôle. Dans les papiers, c’est simplement plus facile à expliquer afin d’obtenir un laisser-passer auprès de la bureaucratie. « Tiens, voici ton argent. » me dit le maître-sculpteur, tandis que je regarde l’oeuvre du jeune alfar parti en dernier. Je ne me suis jamais vue nue entièrement dans une glace, je ne me reconnais dans aucun des portraits qu’ils ont tiré jusqu’à présent, excepté ce dernier. « Il est doué. » Je ne m’y connais pas vraiment en matière de sculpture, mais je sais comparer les œuvres entre elles. « Oui, on dirait que cette alfar de glaise pourrait prendre vie. Ici, tout le monde n’a pas sa place dans l’Ordre des Lotus Rouge. » cingle-t-il doucement comme une évidence. « Ils le comprendront quand ils recevront leur Anoraë. Et toi, as-tu l’envie particulière d’intégrer un ordre ? » Mes deux mains serrent le sac en toile, je ne me suis jamais posée la question puis je tourne les yeux vers le sculpteur et son bijou rouge vif. Voyant mon embarras à y répondre clairement, il affirme « La question vaut la réflexion. Si tu ne chéris pas toi-même un vœu, comment peux-tu espérer que Dothasi daigne t’accorder une voie ? »


Mots = 937
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Ven 22 Jan 2021, 01:45


Image réalisée par Anatofinn Stark



La réflexion concernant mon avenir est un sujet que j’évite d’aborder. Que puis-je souhaiter ? Des mèches violettes encombrent ma vue et m’empêchent de voir les étudiants travailler. Si certains sont passés au moulage, comme cet élève doué au fond, d’autres en sont encore aux détails, ils prennent plus de temps. Certes, je ne sculpte pas, mais je me reconnais chez ces artistes retardataires ; ils prennent leur temps pour faire de leur mieux et tentent de se concentrer sur ce qu’ils produisent, plutôt que sur ce que font les autres. Dans un sens, ils ont raison, même s’ils n’ont pas l’air d’avoir conscience du temps imparti qui leur est dû. A la fin de cette séance-là, la pose ne sera plus jamais la même. J’ignore si le maître-sculpteur me demandera de nouveau, à vrai dire, je suis trop timide pour demander de front. Quoiqu’il en soit, ils ne leur restent que peu de temps pour travailler sur l’argile qui s’est solidifiée au fil des sessions. Mon corps jonché sur la toile de la palette n’éprouve plus les mêmes sensations que la première fois ; j’ai beau ne plus sentir ni ma jambe, ni ma main, l’engourdissement ne me fait plus aussi mal qu’avant. J’ai même l’impression que j’ai des tendons de pierre et des muscles en bois, à force de rester dans la même position et ce, trois heures d’affilé. Leur regard sur moi est également différent ; si je sentais une gêne partagée au départ, aujourd’hui je ne suis plus que l’objet de leur création. Je ne suis pas Azaar, fille de Maryl et de Belegvarr, promise à rien. Je suis la modèle, sans nom ni âge, immobile dans ce grand atelier au plateau d’Istgardh. Mon laisser-passer se termine aujourd’hui. J’envie leur temps libre entre les hauteurs des manoirs, qu’il est bon d’être né riche.

« Merci pour aujourd’hui. » dit le maître-sculpteur qui applaudit. Je me redresse, non sans mal et paraît de suite gênée. Ils applaudissent et m’observent. Leur regard est différent, je me couvre du linge qui me sert de drap pour couvrir mon corps nu. J’incline la tête, sans oser parler, puis j’applaudis aussi, par mimétisme. « C’est notre dernier atelier avec modèle, les prochains seront dédiés à l’Art Classique Drosérienne. » Je suis un peu déçue qu’il n’ait plus besoin de ma présence. Je flâne parmi les œuvres en faisant attention au sol couvert de saletés. Je finis inlassablement par m’approcher de l’alfar, plus jeune que moi visiblement, et qui a fini depuis longtemps. « Où est ta sculpture ? » Il s’étonne que je m’adresse à lui, n’aurais-je pas du ? Il prend un petit moment de réflexion et m’indique un bac juste derrière lui, où l’argile trempe dans un espèce de liquide dur et blanc, couvert de bandelettes de linges. « Je fais un moulage, pour pouvoir le reproduire dans une autre matière. » m’explique-t-il. J’acquiesce, frôlant le liquide des doigts. Un petit dépôt semblable à de la craie tâche mes ongles, que j’essuie doucement contre le linge. « Tu es doué. Tu as fini parmi les premiers. » Son air fatigué suite à trois heures où il était pleinement concentré se fronce. « Terminer premier ne veut rien dire, ce n’est pas une compétition. Nous ne sommes pas notés sur notre rapidité, mais sur l’approche fidèle qu’on a du réel. » - « Insuffler de la vie dans une œuvre ne demande-t-il pas du talent ? » m’enquis-je. Il refuse mon compliment,  peut-être parce que je ne suis que la modèle et non le maître. Il y a du charme dans son air réfléchi. « Par Dothasi, modèle, ne le tourmente pas. » Je recule pour voir qui m’interpelle, c’est cette Alfar qui m’avait donné des conseils la première fois que je posais. J’abdique pour aller m’habiller tandis qu’ils entament une conversation.

Aujourd’hui, j’ai pris un change à cause de la pluie qui s’abat sur Drosera. J’aurais un peu moins de temps pour admirer les palissades et les statues, les rues et la végétation, qui se dressent dans les différents plateaux que je dois traverser. Je prends en main mon laisser-passer, rêveuse, puis je m’apprête à quitter l’atelier. Certains élèves restent pour aboutir leur devoir, tandis que le maître-sculpteur discute avec l’élève doué. « ...-vois ce que tu peux faire pour demain, tu reviendras pour surveiller ton moule. Ah, Azaar, prends cette enveloppe. Merci pour ta présence, cette fois, je te laisse aller aux douanes. Le temps est bien trop capricieux pour moi. Tu sauras où aller ? » J’affirme. « Oui, j’ai bien mémorisé le chemin, merci et, hum… Je serai ravie de pouvoir poser pour vous une nouvelle fois. L’expérience était enrichissante. » Je prends l’enveloppe et la glisse dans mon sac. Je quitte la pièce pour me retrouver coincé entre le rez-de-chaussée et la pluie. Il faut que je prenne mon courage à deux mains pour franchir le mur aqueux. Soudain, une voix masculine s’élève derrière moi. « Je peux te raccompagner jusqu’aux Portes du Plateau. Mon cocher est dans le coin. » dit ce timbre que je reconnais. Sans l’ombre d’une réflexion, j’accepte. Qui suis-je pour refuser de tomber malade ? Nous nous avançons rapidement à l’extérieur de la cour pour sortir sur la rue. En effet, un véhicule attendait le jeune alfar. Il ouvre la porte et m’invite à rentrer, ce que je m’empresse de faire.

« Merci beaucoup. » Il balaye mon remerciement et la voiture se met en route. Il n’aura fallu que de quelques minutes pour entièrement être trempée par la pluie. Je lui en suis très reconnaissante. Un silence gagné par le brouhaha de la pluie battante ne passe pas inaperçu. « Tu es à quelle école ? » - « Calálith, et toi ? » - « Je suis à Belurith. » Je fais grise mine. Notre différence scolaire est juste énorme ; bien sûr que je m’en doute, mais l’entendre est différent ! Je suis à la porcherie tandis qu’il est scolarisé parmi les Princes, les Ducs et les Marquis.  Je lâche un « woah » bien mornhîngardhien. Mon accent ressort et semble l’amuser. « Et, hum, tu t’y plais ? » Question qui le fait d’autant plus sourire. Je me sens terriblement bête. « C’est une école et on y travaille. Je n’y vis pas. » - « Et... C’est comment ? » - « Petit. Plus petit que Marandel. Il n’y a pas beaucoup d’élèves. » Je sens dans sa voix une pointe de frustration, à peine audible. « Hum, je vois, tu ne dois pas trop t’amuser avec eux. » Il hausse un sourcil. « S’amuser ? » Je bleuis. « Je veux dire, on ne s’amuse pas à Calálith, hum, mais… Mais c’est toujours intéressant d’être entouré de personnes avec qui on peut rire à la pause. » Je souffle pour mimer le stress s’envoler. Je dois vraiment passer pour une grosse boueuse qui ne s’amuse qu’en classe. Son sourire est d’autant plus large. Nous ne sommes pas des concurrents, ni des rivaux, ce qui doit le détendre. « Notre façon de nous divertir est… Un peu différente de chez vous. »

Nous arrivons jusqu’à la porte du second plateau. Je n’ai pas vu le temps passer ; le confort et la conversation m’ont fait oubliés le moment où je devais lui demander de descendre. Je me sens terriblement confuse et gênée, je le remercie une dizaine de fois. « Nous ne pouvons pas aller sur le premier plateau, je… » - « Je comprends et c’est déjà très bien de m’avoir autant avancé. Je t’en suis très reconnaissante, tu m’évites un rhume qui m’aurait abattu pour les examens. Merci beaucoup. » J'incline le chef, encore et encore puis finis par sortir. Je lui fais signe de la main, le voile de la fenêtre s’abaisse et son cocher siffle les chevaux. La pluie s’est un peu atténuée, ce qui m’encourage à avancer vite, quitte à courir, pour ne pas se prendre une décharge de plus. Des militaires m’accueillent au point du passage du Second Plateau et me laissent rentrer dans mon quartier d’appartenance. Un hoquet survient, je ne connais pas son nom. Je lève la tête vers le ciel, immobile un instant puis souris. Brusquement, le vent se lève et je cours de nouveau, sac en main, argent en poche.


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