It's a new day, It's a new life
Solo

A peine les résultats avaient été annoncés pour la coupe des nations des Alfards, qu’Ariel reprenait déjà le chemin du retour vers les Terres Blanches. Evidemment, il n’avait que peu de considération pour l’état de santé de son esclave et il ne cherchait pas à soigner les blessures de la démone.
De nouveau dans sa cage, elle était encore une fois en fond de cale. Cependant, cette fois-ci elle ne trouvait pas sa prison trop petite, car elle n’avait pas la force de s’y déplacer. Elle avait un nombre incalculable d’os brisés et d’articulations démises et son corps était recouvert d'ecchymoses. La démone était bien plus blessée qu’à l'accoutumé et si elle voulait guérir correctement alors lui faudrait l’aide d’un médecin, en l’état guérir naturellement et surtout sans séquelle était inespéré. Mais ça, son maître de sorcier s’en moquait, une fois qu’elle serait capable de se lever, elle serait à nouveau envoyée dans l’arène pour ce qui serait surement son dernier et ultime combat.

Au fond de sa cellule, elle essayait de s'adapter tant bien que mal à la houle qui faisait rouler le navire. Incapable de se déplacer et donc de voir l'extérieur par ce petit trou duquel elle avait pu observer l'horizon à l'aller, elle était de fait prise de nausées car tous les indicateurs de son corps en dehors de ses yeux lui disaient qu'elle était en mouvement. De fait, les envies de vomir étaient sans aucun doute dues d'une part aux différentes blessures et d'autre part au mal de mer, mais surtout de transport qu'elle subissait.
Ássfriđr se disait qu'en l'état et au vu de la durée du voyage - si ce dernier se passait bien, car il faut bien le rappeler qu'on ne maîtrise que très peu de chose en mer - elle aurait peu de chance d'arriver vivante à bon port. Elle qui s'imaginait mourir dans l'arène, trouvait cette fin des plus déplorables.

Alors qu'elle se sentait sombrer dans un profond sommeil, elle fut tirée de cet état de morphée par des bruits venant de l'autre bout de la cale. C'était suffisamment inhabituelle pour que cela attire l'attention de la démone. Evidemment en temps normal, si elle était en possession de ses moyens, elle se serait déjà collée aux barreaux de sa cage pour attirer l'attention de la chose qui était à l'origine du bruit.
En plus du bruit, elle sentit une odeur lui arriver au nez. C'était une odeur agréable qui rappelait les douces chaleurs d'été dans les jardins, elle avait cette petite touche d'agrume qui la rendait rafraîchissante au nez. Bien entendu au fond du bateau ça ne sentait que le renfermé, le bois et la poussière, alors une telle odeur ça se remarquait assez facilement. D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu le bruit, on aurait pu penser qu'il s'agissait d'une cargaison qui venait de s'ouvrir du fait d'un mouvement de navire un peu trop important à cause d'une vague plus haute que les autres, mais ce n'était pas le cas, car en plus du bruit et de l'odeur, il y avait des paroles :

- Aïe… où est-ce qu’ils l’ont mis…?

C'était une voix de jeune fille qui était pleine de douceur. Rapidement, la fille fut dans le champ de vision de la démone, qui ne réagissait pas par faiblesse. Elle l'observait depuis sa cage. C'était une jeune humaine d'apparence, à la tête bien droite et au teint de porcelaine. Egalement, elle était brune aux yeux vairons et elle était quelque peu maladroite. En effet, elle n'arrêtait pas de se cogner un peu partout, le roulement de l'embarcation n'aidant pas à garder l'équilibre.
L'être démoniaque finit par se faire remarquer à l'aide d'un léger raclement de gorge, de son côté l'humaine ne s'attendant pas à ce qu'il y ait quelqu'un d'autre qu'elle ici-bas, sursauta en réaction et alla se cacher aussitôt derrière une caisse, dans un cri des plus braves.
Quelques instants plus tard, la tête brune refit surface et elle guetta en direction de l'origine du bruit. De son côté la démone, toujours allongée, s'était retournée et lui offrait son dos en seul réponse. Timidement, l'humaine s'approcha alors de la cage.

- C’est donc toi qui m’a fait peur ?

Ássfriđr ne lui répondit pas. Elle comprit parfaitement la question, mais elle ne répondit pas ni verbalement, ni physiquement. La jeune fille s’accrocha ensuite à la grille pour palier au roulement du navire et elle approcha son visage pour mieux voir celle qui se trouvait emprisonnée ici-bas.


- Ah ! Mais attends ! C’est toi qui as participé à la coupe des nations non ? Elle sautilla presque sur place, jubilant sans se cacher de sa découverte, Mais oui, tu étais la représentante des démons !

Pendant les secondes qui suivirent, elle garda le silence. Détaillant au passage un peu plus la démone. Le peu de vêtements qu'elle portait permettait de voir les nombreuses cicatrices du passé, mais surtout les blessures qu'elle avait subies lors de cette compétition. Elle se permit ensuite de commenter :

- La coupe ne semble pas avoir été de tout repos pour toi…

C'était la première fois que quelqu'un s'apitoyait sur le sort de la démone et évidemment, elle ne savait pas comment réagir. Ariel n'avait jamais fait preuve de bonté envers elle et sans nul doute que s'il le faisait un jour, ça serait pour lui faire subir quelque chose d'horrible derrière. Le sorcier étant sa seule source d'interaction avec d'autres personnes humaines, elle se disait qu'ils étaient tous pareils, peu importe la nation d'où ils venaient.
Alors, elle fit ce que toute personne sensée aurait fait à sa place dans cette situation. Elle attrapa de son seul bras encore valide, le saut qui lui servait à faire ses besoins et l'envoya valser contre la grille. Son interlocutrice fut éclaboussée et sa première réaction fut de commenter de cette manière :

- Ah non ! Ma nouvelle robe ! Elle est toute tachée !

Puis la gourgandine approcha son nez de certaines éclaboussure et elle fut assaillie par l'odeur de ce mélange malodorant s'exclamant alors :

- Baaaaaah ! Dégueu !

Et enfin elle quitta l'endroit en pestant que sa nouvelle robe était foutue et qu'elle puait la merde. Enfin, elle râlait bien et pas exactement dans ces termes-la, mais c'était globalement l'idée qui ressortait de son propos.
De son côté, la démone s'essaya à ricaner. Malheureusement pour elle, rire ça voulait dire contracter les abdominaux et avoir les côtes qui bougent, mais dans son état ce n'était pas possible et elle fut prise de vives douleurs, encore une fois. Le bon côté de la chose, c'était que pour le reste de la journée, elle n'eut pas d'autres visites, néanmoins l'odeur de la jeune fille resta un long moment dans la cale, non sans déplaire à celle qui y toujours était présente.

Et puis quelques jours plus tard, alors que la créature n'avait toujours pas mangé depuis le départ et qu'elle n'avait pas non plus la force de chasser les rats et autres souris qui passaient dans sa cage, elle entendit quelqu'un descendre. A l'odeur, elle reconnut que c'était encore l'humaine, à croire que recevoir de la merde en plein visage ne lui avait pas suffi la première fois et qu'elle en redemandait. A peine était-elle devant la cage qu'elle lança dans un large sourire qui illumina presque toute la pièce :

- Il ne me semble pas avoir vu grand monde descendre dans la cale depuis ma dernière visite. Alors, je t’ai apporté quelque chose à manger.

Toujours dans la même position que lors de sa première visite, Ássfriđr sentait à l'odeur qu'en effet l'humaine n'était pas venue les mains vides. Cependant, par pseudo fierté, elle refusait de se retourner pour voir ce qu'on lui avait apporté.
Très vite, elle fut trahie par son ventre qui grogna si fort, qu'il en couvrit presque le roulis des vagues sur la coque. Dans un soupire de défaite, elle se retourna pour observer. Mais, il fallait bien l'avouer, l'appel du ventre était plus fort. Alors, la démone rampa jusqu'à la cage et s'installa pour récupérer la nourriture. L'humaine de l'autre côté, s'installa en face et posa l'assiette devant l'affamée. Sans manière, la démone s'empiffra sans prêter attention à ce que lui racontait celle qui lui avait apporté tout cela.

L'humaine revint plusieurs fois revoir la démone pendant le trajet. En réalité, elle revient chaque jour, toujours avec une assiette de nourriture. Si au début, elle ne prêtait pas attentions aux propos que lui prêtait son interlocutrice, elle finit par s'y intéresser petit à petit. C'est ainsi qu'elle sut que sa bienfaitrice s'appelait Manon et qu'elle était promise à un certain Alphonse. Manon et Alphonse habitaient les Terres Blanches et elle n'avait pas choisi de se marier à cet homme, la vérité c'était qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, mais c'était un arrangement entre leurs deux familles. Lui, ça lui allait très bien, mais pour Manon elle aurait préféré pouvoir choisir celui qui allait partager le reste de sa vie. Malheureusement, elle n'avait pas eu son mot à dire dans toute cette affaire.
D'ailleurs, le voyage jusqu'aux Terres Bleues à deux était une idée du père de Manon. Le but étant qu'ils passent du temps ensemble et qu'ils apprennent à se connaître. Si en soit l'idée était plutôt bonne sur le papier, en pratique cela avait plus eu l'air d'un cauchemar pour la jeune sorcière. En effet, Alphonse savait qu'il n'avait pas besoin de conquérir la jeune fille, elle lui était due, point final. Alors, il ne se priva pas des festivités et encore moins des demoiselles de compagnie lors de cette coupe des nation. Manon avait bien tenté de lui faire remarquer que ce n'était pas le comportement attendu d'un futur époux, mais il l'avait reclaqué...au sens propre du terme. Néanmoins, si le mariage était presque actée, Manon avait encore son mot à dire, du moins c'est ce qu'elle espérait. Elle espérait que si elle s'y opposait avec vigueur et jusqu'au bout, alors ce dernier finirait par ne pas avoir lieu.

Finalement, le voyage sembla plus court qu'à l'aller car les deux femmes furent surprises lorsque le bateau trembla, signe qu'il venait d'accoster. Manon se releva alors et fut arrêtée dans son mouvement par Ássfriđr qui venait de lui agripper le poignet. C'était la première fois pendant les quelques semaines de voyages que la démone réagissait réellement à la présence de la sorcière, habituellement elle mangeait, faisait mine d'écouter et puis retourner à sa place. Pendant un court instant, leurs regards se sont croisés et puis Manon est partie.

Quelques heures plus tard, sur le quai, se trouvait Ariel, qui attendait qu’on décharge enfin la cage de son esclave pour qu'il puisse partir. Il pestait et sa patience avait déjà atteint ses limites. La démone regardait les gens qui étaient présents, la plupart attendait leurs bagages pour quitter les lieux. Au loin, elle vit Manon aux côtés de son fiancé. Cette dernière jeta un regard dans la direction de la cage et puis elle tourna les talons vers Alphonse :

- J’accepte de vous épouser.

Alphonse écarquilla les yeux, c’était si soudain qu’il n’en croyait pas ses oreilles.

- Qu’est-ce que…

- A une condition.

- Q-q-quelle mouche vous a piqué t-t-très chère ? bégaya-t-il.

Manon pointa son doigt en direction de la cage qui était encore au-dessus des têtes de tout le monde et qui s’apprêtait à toucher le sol d’un instant à l’autre.

- Faites m’en mon cadeau de mariage.

- M’enfin !

- Vous savez très bien ce que ce mariage va vous apporter, ce n’est pas cher payé. Je veux ce démon. Je vous promets d'être une femme aimante et de me plier à tous vos désirs...

- Très bien...soupira-t-il, non sans esquisser un sourire aux idées que cela lui procurait

Puis Alphonse se dirigea vers Ariel. Les négociations durèrent plusieurs heures avant que l’énorme sorcier ne cède sa démone. En réalité, il était prêt à s’en débarrasser pour une bouchée de pain, mais il avait bien flairé que l’acheteur était prêt à mettre n’importe quel prix pour avoir cette esclave qui de toute façon n’allait plus servir à grand chose dans son état.