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 [Q] - Les liens qui libèrent

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 13 Aoû 2020, 17:15



Les liens qui libèrent

Objectif : Acquisition de la Couronne dupliquée des Orishas.


Mon visage se décomposa. « C’est une blague ? » criai-je, à l’attention de tout le monde et personne à la fois. Ma voix résonna en écho et un objet tomba du haut d’une des piles. J’étais au milieu d’un endroit particulier, original… horrible en fait. Je ne pouvais accepter le fait qu’il pût être mon habitacle. C’était une prairie verdoyante. L’endroit aurait pu être paradisiaque s’il ne s’agissait pas d’une sorte de déchèterie. Partout, autour de moi, il y avait des montagnes de détritus. Rien ne semblait sale, puisqu’il s’agissait avant tout de mobilier, mais le tout n’était pas rangé. C’était un bazar sans nom. Par réflexe, je me grattai le bras. Je n’avais pas encore expérimenté l’immatérialité, juste une fois, lorsque Devaraj m’avait transformé en Esprit. Je ne la testerais pas pour le moment. À l’intérieur de mon habitacle, j’étais solide… solide et entouré de ces trucs, abandonnés là par une personne détestable. Je l’aurais étripée si elle s’était tenue devant moi.

Je fermai les yeux, expirai longuement et serrai les poings. Lorsque je pus constater de nouveau que les monticules n’étaient pas le fruit de mon imagination, je fis apparaître une chaise. J’enlevai ma veste, la posai sur le dossier et pris quelques secondes pour remonter correctement les manches de ma chemise. J’ôtai ma cravate, la pliai et la roulai. « Bien. » Au fond, je savais que je ne pourrais pas utiliser la magie pour ranger. C’était un pressentiment agaçant. Avant de trouver des contenants, il me faudrait trier. Un simple coup d’œil m’apprit que les tissus succédaient aux meubles qui eux-mêmes cachaient des carnets et d’autres choses parfois inutiles mais bien présentes.

Je m’approchai de l’objet qui était tombé plus tôt. C’était une poupée en tissu, en forme de clown. La tête avait été recousue. Je plissai les yeux. Je m’en souvenais à présent. J’étais petit. C’était dans l’une des maisons de campagne de ma famille. L’endroit était resplendissant, ce qui éliminait les terres sorcières. Nous avions une voisine, une petite blonde aux yeux bleus, et mes frères et moi allions nous amuser avec elle parfois. Tout ne me revenait pas mais l’odeur de la lavande m’avait marqué, comme celle de l’arbre à papillons. C'était une époque durant laquelle j’observais plus que j’agissais. De temps en temps, je me plaçais même volontairement à l’écart, pour admirer des choses qui, visiblement, n’intéressaient que moi.

Veronika jouait du piano. Le son filtrait à travers la fenêtre ouverte. Elle était accompagnée de mon père, au violon. Le frère et la sœur s’entendaient bien. Il s'agissait d'une période où ma tante ne cherchait pas à m’évincer et où, au contraire, elle m’apprenait à placer mes doigts correctement sur l’instrument, en arrondi, tout en gardant de la souplesse de façon à ne pas briser mes phalanges. J’avais plutôt tendance à tendre mes doigts et elle me répétait de ne pas le faire, que le son serait mauvais si je continuais. Je ne me rappelais pas réellement de la situation exacte mais, à un moment, la fille s’était mise à pleurer. Khaal lui avait volé sa poupée et Kaalh avait sorti un couteau qu’il avait précédemment volé dans la cuisine. Sous les yeux de sa propriétaire, il avait éventré le tissu. Le coton en était sorti. En riant, bien heureux que leurs manigances aient abouties, ils avaient laissé l’enfant là. À y repenser, peut-être était-ce là les fondements de ma relation particulière avec les objets. J’en prenais soin. Je ne tolérais pas qu’ils fussent sales ou abîmés par simple négligence. Je n’aimais pas en posséder trop. J’avais pris conscience, ce jour-là, de la valeur sentimentale que pouvait avoir un vieux chiffon en forme de clown. Les objets n’avaient aucune valeur en eux-mêmes. Ils n’en avaient que dans la tête de celui qui posait les yeux sur eux et qui décidait de les apprécier, de les aimer ou de les détester. Il fallait un être pensant pour qu’ils s’animassent, pour qu’ils devinssent importants. La bague de ma mère avait une valeur significative pour moi. Peut-être que pour Laëth, cette valeur était moindre.

« Ma mère a du fil et une aiguille. Je vais la recoudre. » avais-je dit à l’enfant. Nous avions le même âge. Sans doute était-elle morte, aujourd’hui. Je ne me souvenais même plus de son prénom. « Merci. » avait-elle répondu, en tentant tant bien que mal de sécher ses pleurs. « Je ne le fais pas pour toi. Je n’aime pas quand les choses sont abimées, c’est tout. » Ce n’était pas vrai, à l’époque. Ça l’était devenu après ça. « Merci quand même. »

Mes yeux regardaient à présent les fils qui serpentaient sur le cou de la poupée. Ils n’étaient pas droits. C’était un travail exécrable. Pourtant, lorsque je la lui avais rendue, après m’être piqué le doigt plusieurs fois et avoir passé quelques minutes à faire entrer le fil dans le trou de l’aiguille, son visage avait débordé d’un bonheur difficilement imitable par un adulte.

La Magie Bleue entoura le clown et il disparut d’entre mes mains. Je pris conscience que je me trouvais au beau milieu des objets qui m’avaient vu grandir. Tous faisaient partie de mon histoire et, cette histoire, était désordonnée. Le passage du temps laissait toujours derrière lui des souvenirs oubliés. Ici, ils avaient survécu.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mar 02 Fév 2021, 01:03



Les liens qui libèrent



Mon soupir se perdit entre mes lèvres. Cette déchèterie des souvenirs de mon passé me déplaisait. Au fur et à mesure de mon avancée, certains disparaissaient sans même que je ne les touchasse. Il me suffisait de les regarder pour que la Magie Bleue les entourât et les réduisît à néant. Pourtant, certains demandaient une attention particulière. J’avais compris que je ne sortirais pas d’ici tant que le tri n’aurait pas été opéré. Je redoutais pourtant certains objets. Je ne me faisais aucune illusion : je ne choisissais pas l’ordre. Lorsque mes yeux s’écorchèrent sur une barrette, je me stoppai. Je déglutis, ce qui ne m’empêcha pas de m’approcher de l’objet. C’était inéluctable. Ça appartenait à un instant que je haïssais. Je me haïssais pour l’acte, sans jamais avoir déterminé pourquoi exactement. Pour ma faiblesse ? Pour le mal causé ? Parce que ce jour-là j’avais compris ressembler plus que ce que je pensais à celui que je pensais être mon père ? Le même homme qui battait ma mère ? L’illogisme de mes remords rendait cet épisode d’autant plus douloureux. J’étais un Sorcier. Elle était une Sirène. Les tourments dans lesquels elle m’avait plongé m’avaient fait douter plus d’une fois de mon alignement. Cet acte n’aurait jamais dû me faire sourciller. J’aurais dû penser qu’elle n’avait eu que ce qu’elle méritait, cette chienne. Néanmoins, c’était bien plus complexe que ça. Je m’en voulais. Je lui en voulais. J’en voulais à la création même. La rage m’avait longtemps habité, puis la tristesse, puis l’envie de la retrouver pour m’excuser. Et, pourtant, j’étais capable d’écorcher des individus sans ciller. La logique me faisait défaut. La raison laissait le pas à un autre état. Peut-être me voilais-je la face ? Peut-être que j’avais aimé ça. Peut-être que jouer un Magicien depuis trop longtemps créait de faux sentiments en moi, son jugement à lui. Je vivais sur un fil, tendu au-dessus d’un précipice. C’était il y a si longtemps mais soit, j’allais me prêter au jeu et revivre cet instant.

Je marchai sur la plage. La haute silhouette d’Elias m’était encore difficile à appréhender mais je parvenais à en prendre le contrôle petit à petit. L’homme était bien plus grand que je l’étais naturellement. Sa finesse était presque maladive. Ça rendait l’ensemble branlant mais j’avais le temps nécessaire pour parfaire mon jeu. C’était le cadet de mes soucis. Je pensais à ma famille et à la situation des Sorciers. Mon père avait trouvé la mort au cœur de la Cité Engloutie, lors d’une mission diplomatique. Niklaus voyait en moi du potentiel mais certainement pas la haine que je lui portais. Sa dernière lubie consistait à tuer les Mages Noires dont la couleur de cheveux rappelait celle de la Reine des Océans. Sa faiblesse fondait ma rage. Sa folie emportait ma colère. Comment est-ce qu’un homme aussi puissant pouvait-il être aveuglé à ce point par les courbes d’une seule femme ? Comment avait-il pu mettre l’avenir de son propre peuple en danger pour une histoire de coucherie ? Je ne le comprenais pas. Il conduisait parfois les Mages Noirs dans une direction étonnante, en se soustrayant lui-même et sa famille aux choix qu’il faisait pour le plus grand nombre. Mon impuissance provoquait mon ire, contre lui mais, surtout, contre moi-même. Mon père était mort pour cette alliance. Quant à cette femme qui avait fourvoyé l’Empereur Noir, elle pouvait sans doute se targuer d’être la plus maline des deux. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que les Sorciers ne descendaient pas l’épave que Niklaus était devenu du trône ? Pourquoi acceptaient-ils sa folie ? Le craignaient-ils à ce point ? Son règne arrangeait mes affaires. Je n’aurais pu me hisser si haut sans lui. Ma réputation au sein des Mages Noirs, je la lui devais. Il me devait, en échange, de précieux renseignements. Pourtant, je n’étais pas dupe. Il ne m’aimait pas non plus. L’amour chez les Sorciers revêtait bien souvent la forme du malsain et de la trahison. Plusieurs fois, j’avais pensé que s’il m’avait choisi comme héritier légitime, c’était pour une raison bien particulière. Je n’arrivais pourtant pas à mettre le doigt dessus. Je ne savais pas encore. Je n’étais qu’un homme aveuglé par la mort de son père, par la folie de son Roi et par l’humiliation que sa race avait subi de la part des Ondins. Parce que je n’oublierais jamais l’odeur de brûlé de cette plage, parce que je n’oublierais jamais ce qui avait rendu Nementa Corum encore plus laide que ce qu’elle avait été jadis, parce que j’avais envie de brûler cette poiscaille répugnante… pour tout un tas de raison, lorsque je la vis émerger de l’eau, ma raison perdit la main. J’avais besoin d’épancher ma rage et c’est elle qui en fut la cible.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mar 02 Fév 2021, 01:52



Les liens qui libèrent


En posant les yeux sur elle, quelque chose en moi lâcha totalement. Je me voulais être un homme doué de raison, quelqu’un qui possédait la capacité de maîtriser ses actes et son environnement. Pourtant, je sus que cette journée serait particulière. Le premier pas que je fis en sa direction s’illustra comme l’introduction d’une suite qui marquerait nos deux vies à jamais. Je perçus tout de suite la différence de puissance entre elle et moi. C’était visible. C’était une évidence. Elle sortait des eaux, elle et son corps frêle. Nue, le soleil l’aveugla au moins le temps qu’il me fallut pour la choper par les cheveux. « Tu n’as pas ta place sur la terre ferme. » lui crachai-je au visage. Mes doigts, contre son cuir chevelu, tremblaient de rage. Je ne la voyais pas comme ce qu’elle était : une femme, menue et irresponsable pour les bavures de sa Reine. Je la voyais comme le monstre de toutes mes souffrances, la raison de mon mal-être. Elle personnifiait tout ce que j’abhorrais, tout ce qui me hantait, tout ce que je voulais voir disparaître. C’était elle qui était responsable de la mort de mon père. C’était elle qui était responsable de ses humeurs, de ses coups répétés sur ma mère. C’était elle qui était responsable de la mort des miens sur la plage. C’était elle qui était responsable de la destruction de la prison de Nementa Corum et de l’inondation qui serait un véritable fléau pour le territoire durant des décennies et des décennies. C’était elle qui était responsable de la folie de Niklaus. C’était elle qui était responsable du sort des Sorcières rousses. C’était elle qui avait insufflé le goût de défaite sur ma langue. Elle était responsable de la haine que je ressentais envers mon propre Roi. Elle était responsable de la haine que je ressentais envers mon épouse, fruit de l’union de Niklaus et de Vanille, cette trainée à moitié Sirène que je devais me coltiner. Elle était responsable de la haine que je me réservais, à devoir dépendre d’autrui, à devoir mon succès futur à la volonté malade d’un homme qui l’était tout autant. Comment savoir ? Comment être sûr qu’il ne me trahirait pas, lui qui passait ses journées, avachi devant un tableau, à baver dessus comme un dément ? Je ne pouvais pas me permettre d’être découvert. Je ne pouvais pas me permettre de tout perdre. La mauvaise foi et la haine qui m’entouraient été si puissantes que je ne voyais plus le soutien qu’essayait de me porter ma femme. Elle connaissait ma situation. Nous nous connaissions depuis l’enfance. Elle aurait dû être celle à laquelle j’aurais dû me raccrocher, mon alliée vers le trône, ma raison de garder les pieds sur terre. Pourtant, plus je m’enfonçais dans mes noires pensées et plus il m’était insupportable de laisser quiconque m’approcher. Je voulais être seul parce que je ne faisais confiance à personne. Ils étaient tous des traitres à mes yeux. Je ne voulais pas consulter. Je ne voulais pas les écouter. Je préférais croire que le monde était contre moi. Je préférais haïr mon entourage, me convaincre de leur incompétence, me lacérer l’esprit à coups de pensées destructrices. Peut-être que le fou de l’histoire, finalement, n’était autre que moi-même. Je me haïssais et je voulais souffrir.

Pourtant, à ce moment précis, je ne produisis pas un comportement autodestructeur. Ma colère, je la reportai sur la Sirène, sur elle, qui était actuellement nue et faible. Parce que tout était sa faute, à cette salope. L’idée de la détruire s’instilla en moi, comme étant vitale. Je voulais qu’elle souffrît, je voulais la marquer pour la vie. Je voulais qu’elle ne m’oubliât jamais, je voulais être son monstre, caché dans l’obscurité. Je voulais qu’elle tremblât à jamais, lui arracher quelque chose de précieux, la réduire au rang d’objet. Alors, j'agis. La pulsion que j'insufflai dans mon bras suffit à l’étaler par terre violemment. Je me baissai vers elle, attrapant de nouveau ses cheveux. Je ne me voyais agir que par intermittence et je ne sus jamais comment je baissai le haut de mon pantalon. Cet instant était hors de tout. Le temps tremblait. Je ne vivais plus que par secondes, volées, comme si je flottais dans un autre univers, comme si mon corps agissait tout seul, mû par ma rage et mon envie de la faire plonger dans les abysses. La pénétrer me fit mal mais ça ne m’arrêta pas. Quelques coups de reins plus tard, la voie fut bien plus accueillante. Pourtant, ce n’était pas l’acte qui me plaisait, c’était son visage aussi apeuré que crispé sous la douleur. Et, quand elle essaya de se rebeller, je lui écrasai mon poing dans la face, lui ordonnant d’arrêter de bouger. Et lorsque je jouis, ce ne fut pas par plaisir sexuel mais parce que sa soumission me plut autant que le fait d’avoir la conviction de l’avoir abîmée à tout jamais. Puis, tout retomba. La folie s’atténua. La réalité me rattrapa. Je sentis ma respiration reprendre ses droits, affolée. Je m’immobilisai, puis me reculai de mon crime, une grimace d’incrédulité et de dégoût sur le visage. Je tombai sur les fesses sur la plage, comme si la simple vue de mon forfait venait de me brûler l’âme. « Dé… Dégage ! » hurlai-je. Son sang se mélangeait à mon propre fluide. Je déglutis. Mes doigts cherchèrent mon crâne et se serrèrent violemment entre les mèches de mes cheveux. « Dégage ! » répétai-je. Si elle ne partait pas, j’allais la tuer. Si elle n’existait plus, l’acte disparaîtrait avec elle. Néanmoins, comme si mon deuxième cri l’avait réveillée de sa torpeur, elle se remit à bouger. Je tremblais tellement que je fus incapable de l’intercepter avant qu’elle ne rejoignît l’océan en rampant. Et elle disparut ainsi, en me laissant seul, les yeux exorbités. Je ne me rendis pas compte avant longtemps du fait que l'apparence d'Elias n'avait pas tenu dans le processus.

Lorsque je revins dans mon habitacle, je tremblais. La barrette s’échappa d’entre mes doigts et disparut avant de toucher le sol.  

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Kaahl Paiberym
Mar 02 Fév 2021, 16:38



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Encore. Cette Couronne testait ma patience. À chaque fois, la plaine encombrée réapparaissait sans l’ombre d’une sortie possible. Je m’avançai de nouveau vers l’un des objets. C’était une chemise. Contrairement au souvenir de l’Ondine, celui-ci avait été refoulé totalement. Pourtant, en posant les yeux sur le tissu, un long frisson me parcourut, ce même frisson que j’avais ressenti, adolescent, pour lui. Alors, puisque je savais qu’il s’agissait d’une nécessité, ma main prit le vêtement. C’était ainsi que les choses avaient commencé avec Viviane.

Ma main passa sur mon front. De la sueur y perlait. Le sport à Basphel n’avait jamais été facile pour moi. Ma morphologie ne laissait présager aucune compétence physique particulière. En tant que Sorcier, ce n’était pas une priorité. Pourtant, outre les cours dédiés à la discipline, j’avais déjà essayé de me muscler. Rien ne venait. Je restais petit et fin. Ma croissance se faisait attendre, ce qui n’était pas le cas de celle de Constantine. L’Ange me dépassait et les hauts qu’elle mettait lorsque nous n’avions que onze ans ne lui allaient plus depuis longtemps. Néanmoins, malgré une pilosité inexistante et un corps qui semblait avoir envie de rester dans l’enfance à jamais, mes hormones me travaillaient. Je refis mon lacet, le pied sur la première marche menant aux gradins, avant de me redresser. Mon regard tomba sur le torse dénudé du capitaine de l’équipe de Puffball de l’Étain. Le garçon en question était en train d’enlever se chemise pour se changer. Il la jeta négligemment à côté de moi. Je fixai le vêtement, avant de revenir sur lui. Contrairement à moi, chaque parcelle de son anatomie était dessinée avec une précision chirurgicale. Les successions de bosses et de creux créèrent en moi un désir qui me laissa sans voix. « Paiberym ? Ça va ? » me demanda-t-il. « Ouais. » articulai-je, la gorge sèche. « T’es lequel ? » « Hum ? » « Lequel des trois ? » « Celui avec un h entre le a et le l. » « Je m’en rappellerai. » me dit-il, avec un clin d’œil et un sourire à s’en damner. Je le regardai partir et se mêler aux autres élèves. Mes yeux revinrent sur sa chemise, abandonnée là. Je la pris entre mes mains. L’odeur de son propriétaire me parvint nettement. Je déglutis, la pliai et m’en éloignai, comme si elle était bien trop dangereuse pour être encore touchée quelques secondes de plus.

Durant le restant de la journée, je n’arrêtai pas de penser à ce moment. Le pire fut le soir, lorsque mon esprit fut libéré de toutes contraintes. Je m’imaginai enfiler la chemise de Christian un nombre incalculable de fois. Il s’en apercevait et venait vers moi pour récupérer son bien. Comme je ne désirais pas la lui rendre, il finissait par me plaquer contre le mur et la suite devenait bien moins sage. Ses doigts sur le vêtement s’en écartaient au profit de ma peau et nos lèvres se scellaient alors qu’il me maintenait bloqué ainsi entre lui et la surface froide de la paroi. Les scénarios s’enchainaient avec facilité, sans qu’aucune prise ne me fût donnée pour les contrôler. Je me voyais aller vers lui et sa chemise maudite à l’odeur si plaisante, la déboutonner et amener mes lèvres contre la peau de son cou pour l’embrasser et le mordre lentement. Je voyais l’une de mes mains se plaquer contre ses abdominaux insolemment dessinés et descendre plus bas pour se coller à son entre-jambe. Plus je continuais, plus je le désirais et plus je me dégoûtais. Ce que je ressentais était anormal et n’importe quel Sorcier me l’aurait confirmé. Je le savais, sans avoir eu besoin de m’intéresser au sujet. C’était socialement connu. Les relations homosexuelles n’étaient pas autorisées, maudites. Elles condamnaient ceux qui les pratiquaient à la honte et au rejet. Pourtant, pour goûter les lèvres de ce garçon, j’aurais commencé une guerre contre les convenances. Je n’étais pas assez fort. Je devais me conformer et oublier ce désir, né comme une malédiction. Je devais aimer les femmes, être attiré par elles, ne vouloir qu’elles. Je devais oublier ce corps et ces fantasmes ridicules, ne plus laisser mes pensées vagabonder vers les courbes de son cou, de son torse ou de ses fesses. Même si je passais pour un Magicien aux yeux de tous, je restais un Sorcier. Je ne devais plus y penser. Jamais.

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Kaahl Paiberym
Mar 02 Fév 2021, 18:48



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Nous courrions. Il courait encore plus vite que moi mais m’attendait toujours. Il allait à mon rythme et, parfois, lorsque je n’étais pas trop essoufflé, nous parlions ensemble. J’étais déjà plus solide. « Tu la connais, non ? » Je suivis le regard de Christian. Si je pensais, au début, qu’il parlait de Constantine, il s’avéra que ce n’était pas le cas. Marius et Viviane se tenaient plus loin. « Oui. C’est la fille de l’Empereur Noir. » « Je sais. » Il y avait quelque chose dans ce « je sais » de particulièrement agaçant. Je compris vite, avant même qu’il ne demandât, de quoi il en retournait. Je refoulai. « Tu me la présenterais ? » « Si tu veux. » « Tu es avec Constantine toi, non ? » C’était ce qu’une bonne partie de Basphel croyait. La jeune femme et moi étions toujours ensemble et elle était amoureuse pour deux. Je me contentai de sourire, sans répondre. « Allez. Ça fait quelques années qu’on se connait maintenant. Tu peux me le dire. » Il sourit. « T’es vraiment secret comme type. » Je souris à mon tour. « Il n’y a vraiment rien entre Constantine et moi. » « Sérieux ? » « Sérieux. » « T’as jamais… ? » « Quoi ? » Je feintai l’ignorance, dans l’espoir qu’il n’osât pas continuer. « Fait l’amour. » Je m’arrêtai, plaçai mes mains sur mes genoux et soufflai. « Tu me tues à me faire courir comme ça ! » déclarai-je. Non, je n’avais jamais fait l’amour, parce qu’avec une fille, ça ne m’intéressait pas. Il rit. « Je vois que t’essayes de ne pas répondre à la question hein, Paiberym. » Il s’approcha et posa sa main dans mon dos. Je me redressai. « Tu ne devrais pas tourner autour de Viviane. » « Peut-être. Je n’ai pas encore essayé. Elle est toujours avec son chien de garde. » Il sourit. « Mais je compte sur toi pour me présenter et éloigner l’autre. » Il m’ébouriffa les cheveux dans un geste amical. Quel connard. Ça ne m’empêcha pas de rire. « Dégage de là ! Mes cheveux c’est la seule chose qui n’est pas ingrate dans mon physique. » Il me regarda des pieds à la tête. « Tu exagères franchement. » Il amena son poing contre mon ventre, mimant une attaque surprise. « T’as même des abdos depuis qu’on s’entraine ensemble. » Je replaçai mes cheveux correctement. Un peu mais c’était très loin de me satisfaire. « Pourquoi est-ce que Viviane t’intéresse ? » « Elle est canon. » « Tu le diras à son père, il sera ravi. » « T’es jaloux ? » « Quoi ? » « Oh allez ! Si je t’ai demandé si tu la connaissais c’était juste pour introduire ma demande. Je vous vois souvent ensemble. Un Magicien avec une Sorcière, ça ne passe pas inaperçu. Tu peux me le dire si y a quelque chose entre vous. » « Non, il n’y a rien. » Pas de cet ordre-là, en tout cas. « Bon. Je tenterai ma chance alors. » Forcément. Son sourire m’annonça qu’il s’apprêtait à me sortir une ânerie. « J’essaye de battre le record de conquêtes du Professeur Pendragon. » J’avais très peu eu l’homme en question en cours mais les rumeurs sur ses exploits au lit étaient très loin d’emporter mon adhésion. Je trouvais ça répugnant, d’avoir autant de partenaires. « On reprend ? » proposai-je, dans l’unique objectif de changer de sujet. « C’est toi qui t’es arrêté. » dit-il en haussant les épaules et en se remettant à courir. Mes yeux fixèrent ses fesses quelques secondes avant de se relever vers l’horizon.

Le soir, je rejoignis Viviane dans l’une des bibliothèques. Assis l’un en face de l’autre, dans le silence absolu de ce morceau de salle où personne ou presque n’allait jamais, je levai le regard vers elle. « Christian, le capitaine de l'équipe de Puffball de l’Étain, s’intéresse à toi. » « Ah oui ? » sourit-elle. « Et tu en penses quoi, toi ? » « Hum ? » Un instant, j’eus peur. « Du fait qu’il s’intéresse à moi. » Je souris. Mon inspiration se bloqua alors que je m’apprêtais à parler. Une idée venait de me percuter. Je la fixai, posai le livre que je tenais et me levai. Je contournai la table. « Je pense que tu ne devrais pas céder à ses avances. » « Pourquoi ? Il est plut… » « Parce que tu vas céder aux miennes avant. » « Kaahl, tu… » « Écoute, je vois bien que ton père m’apprécie. Tu es Princesse Noire aujourd’hui mais avec tout ce qu’il se passe dans la race et l’état de Niklaus, tu n’es pas sûre de le rester à jamais. Aide-moi à m’attirer davantage les faveurs du Roi et épouse-moi. Avec tes conseils et ton appui, je deviendrai Roi à mon tour et tu seras Reine. » Il y eut un silence entre nous. « Je vais y réfléchir. » « D’accord. »

De retour dans l’habitacle, je fixai la chemise et d’autres objets disparaître. J’avais déjà songé, avant ce fameux jour, à demander Viviane en mariage. Pour n’importe quel Sorcier, sa main était inestimable. C’était un pas vers les hautes sphères et le pouvoir. Pourtant, en revisionnant les scènes entières de mon passé, ce n’était pas tant la raison qui m’avait décidé, mais les propos de Christian. Je ne voulais pas les voir ensemble.

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Mar 02 Fév 2021, 20:26



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Sur l’une des étagères de mon habitacle, je reconnus un vase. Un énième souvenir allait m’être livré.

La porte s’ouvrit brutalement sous la force de la télékinésie. Viviane ne parut pas surprise de me voir apparaître dans ses appartements. Elle était en train de choisir les tenues pour sa prochaine mission. J’enrageais. « C’est vrai ? » lui demandai-je d’une voix bien trop forte pour appartenir à quelqu’un de pleinement raisonnable. Elle tourna la tête vers l’un des miroirs de la pièce, celui-là même qui reflétait au mieux ma silhouette pour elle. Je m’approchai et la tirai par le bras pour la retourner. Mes yeux s’ancrèrent dans les siens. Une tempête de reproches y soufflait. J’aurais voulu que les murs se mettent à trembler sous le coup de ma colère. Elle plissa les yeux, comprenant enfin à quoi je faisais référence au juste. Ses parents avaient oublié d’en faire une sotte. Un sourire étrange filtra sur son visage. « Je vois. » dit-elle, avec un calme aux antipodes de mon état. Elle se recula, assez pour se soustraire à mon emprise et séparer nos deux corps de quelques mètres. « Je me demande à quoi tu t’attendais. Je suis une femme. J’ai des besoins. » « Tu es ma femme ! » Elle se retourna pour me fusiller du regard. « Alors comporte toi comme mon mari. Honore notre mariage. Ça évitera ce genre de situation à l’avenir. » Je serrai les poings. « Si ça vient à se savoir… » Elle rit. « Alors il n’y a que ça qui t’embête ? Si ça vient à se savoir ? » Cette fois, son expression était réellement contrariée. « Et si ça vient à se savoir que mon mari se fait passer pour un Magicien et court après l’Impératrice Blanche ? » Je devins aussi pâle que la mort. Mon regard n’était plus que glace. L’envie soudaine de la tuer me prit viscéralement. Je me mis à faire les cent pas dans la pièce, partant du principe que ce serait le seul moyen de me défouler sans lui porter atteinte physiquement. Un meuble eut le malheur de se trouver à portée. Ma main balaya le dessus de ce dernier. Un vase précieux s’écrasa sur le sol, ainsi que différents produits de beauté et portraits. « Je vais te demander de te calmer. Tout de suite. » « Sinon quoi ? » la menaçai-je en me tournant vers elle. Je réduisis la distance entre nous et la chopai par les bras pour la maintenir en face de moi. « Sinon quoi ? » répétai-je. Il y eut un léger silence, avant qu’elle ne répondît. « N’oublie pas que si tu es dans cette position, c’est grâce à moi. » « Cette alliance arrange tes affaires aussi, ne l’oublie pas non plus. » « Pas si tu deviens violent et me menace. » « Tu m’as trompé ! » « Tu ne me touches pas, Kaahl ! » « Je… » Elle répéta, en articulant chaque mot pour bien me les rentrer dans le crâne. « Tu. Ne. Me. Touche. Pas. » Je restai interdit. Elle continua, m’assénant le même refrain. « Nos professions nous obligent à vivre séparés l’un de l’autre et, lorsque nous sommes ensemble, tu ne me touches pas. Je ne peux pas attendre que tu daignes t’intéresser à moi de ce point de vue-là. J’ai compris que notre alliance n’était que purement politique à tes yeux et je l’accepte. Néanmoins, ne me reproche pas de te tromper. Tu n’en as pas le droit, tout comme je ne te reproche pas cette obsession malsaine que tu nourris à l’égard de l’ennemi. »

Après un temps, je la lâchai et passai une main sur mon front. Je repris une marche, plus lente, dans la pièce. Mes prunelles se figèrent sur les morceaux du vase. Il était blanc. Avant de n’être que des débris, des tiges et leurs fleurs parcouraient l’ensemble de sa surface, d’un bleu roi magnifique. Je fis appel à la Valse Créatrice afin de le réparer. « Excuse-moi. » murmurai-je. Elle croisa les bras sur sa poitrine, en me regardant faire. Une fois que j’eus fini, elle me rejoignit et posa l’une de ses mains sur ma joue. « Kaahl, même si je pense que nous devons demeurer libres de nos ébats, parce que nos métiers ne nous permettront jamais de rester fidèles l’un à l’autre, je pense aussi que nous devrions le faire. Si nous n’avons pas de descendants, la chose paraîtra suspecte. Elias passera pour stérile et c’est très mauvais pour nos affaires. » « Je ne suis pas sûr de pouvoir. » « Bien sûr que si, tu peux. Tu peux tout faire. Si j’ai accepté de t’épouser, c’est parce que j’en suis convaincue. Tu deviendras Roi, je le sais, mais les choses seront plus faciles si nous avons des enfants. Ne me force pas à te faire un héritier illégitime. » Je déglutis. Le sexe ce n’était pas vraiment… Je ne le voyais pas comme quelque chose de plaisant. Au mieux, c’était un moyen de décharger mes pulsions malsaines. « Mon père tient à la dynastie, c'est pour ça qu'il t'a adopté. » Elle me sourit. « Tu ne me trouves pas attirante ? » « Si. » répondis-je. Je n’avais pas envie de me justifier. Je capitulai. « D’accord. Nous essaierons d’avoir des enfants. »

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Mar 02 Fév 2021, 22:02



Les liens qui libèrent



« Prince Noir. Vous ne pouvez pas encore entrer. » « Pourquoi est-ce si long ? » « Le travail prend le temps qu’il faut… » Je parcourais le couloir en long, en large et en travers. À chaque fois que j’entendais les cris de Viviane fendre l’air, je me crispais. Cette histoire d’enfant avait été une mauvaise idée. Depuis qu’elle était enceinte, mes préoccupations allaient à l’enfant. Je n’arrivais plus à me concentrer. Je n’en dormais pas de la nuit. Le problème, bien que de plus en plus récurrent au fur et à mesure du temps, n’avait jamais été aussi prégnant. Au début, j’avais sincèrement douté qu’il fût de moi. Puis, lorsque j’avais su que c’était le cas, je n’avais pas arrêté de penser que, peut-être, Viviane pourrait changer d’avis, ou bien faire une fausse-couche. Dans un premier temps, l’idée même de la grossesse m’avait paru abstraite. Un jour, pourtant, j’avais remarqué que son ventre s’était légèrement arrondi. J’avais commencé à angoisser, à me dire que nous avions créé la vie et que cette vie serait en partie sous ma responsabilité. J’aurais un bébé. Et si… Et si je m’emportais et le tuais ? Et si l’enfant ne vivait pas ? Et si on me l’arrachait ? Et s’il naissait handicapé ? Et s’il était complètement idiot ? Et si je ne l’aimais pas ? Et si mes absences lui pesaient ? Et si Viviane décidait de divorcer et qu’un autre élevait mon enfant à ma place ? Et si…

« Ne vous inquiétez pas, si cela se passait mal, vous en seriez le premier informé. » « Je ne m’inquiète pas. » dis-je d’une fois ferme et froide. « Je désire simplement connaître le sexe de l’enfant, puisque sa mère a décidé de garder le secret. » Je m’inquiétais. J’étais obligé de me contrôler afin de ne pas trembler d’impatience. Je laissais ma mauvaise humeur d’apparat faire barrage aux émotions qu’Elias n’aurait jamais dû ressentir. Étais-je capable de prendre soin d’un bébé ? Comment ferais-je ? Je m’étais renseigné. À la naissance, ces êtres étaient minuscules. Et si je le prenais mal et qu’il tombait ? Comment pourrais-je faire pour lui éviter la peine que la vie ne manquerait pas de lui infliger ? Comment l’éduquerais-je ?

Lorsque les médecins sortirent de la chambre et m’indiquèrent que je pouvais rejoindre ma femme, j’entrai dans la pièce en bousculant l’un d’eux. J’ordonnai aux serviteurs de quitter les lieux et, une fois que la porte fut fermée, gommai le physique d’Elias. Je m’approchai doucement de Viviane, à la manière d’un animal apeuré. Ma respiration était irrégulière tant je redoutais cet instant. Le doute, la peur, l’impatience, la joie, toutes ces émotions m’étreignaient à la fois. Je penchai la tête en avant, afin de mieux voir. Le soupir qui franchit mes lèvres mourut dans un sourire. Je déglutis. Mon visage devait être décomposé sous l’émotion. Je passai une main dans mes cheveux et éliminai une bonne fois pour toute la distance qui nous séparait, ma femme, mon bébé et moi. Je m’assis sur le lit et portai mes doigts jusqu’aux linges qui couvraient une partie du nourrisson. « Tu verrais ta tête. » murmura Viviane, amusée. Je levai les yeux vers elle et me mis à rire. « Je suis papa. » susurrai-je. Le commentaire m’arracha un nouveau rire. De toutes les déclarations que j’aurais pu faire, je ne pensais sincèrement pas en arriver à un tel niveau de niaiserie. J’étais juste profondément heureux et profondément émerveillé par ce petit être un peu fripé aux grands yeux qui, pour être honnête, ne ressemblait pas vraiment à un être humain. Pourtant, c’était mon bébé. En le voyant, je sus que je l’aimais déjà plus que ma propre vie. « C’est une fille. » Je n’en finissais plus de sourire. Une fille, un garçon, les deux, ça n’avait aucune importance.

Mes doigts remontèrent jusqu’à la peau du bébé. Je caressai doucement sa joue, amusé par sa tête et sa bouche en cul de poule. « Delilah, celle qui mit le Prince Noir à genoux d’un regard. » commenta Viviane. Nous avions déjà discuté du prénom au préalable. Je relevai les yeux vers elle et allai chercher ses lèvres. « Merci. C’est vraiment… » « J’ai bien fait d’insister, c’est ça que tu veux dire ? » J’acquiesçai. « Notre couple n’est peut-être pas parfait mais lorsque j’ai accepté de coopérer avec toi, ce n’était pas une décision prise à la légère. Nos projets ne font que se préciser. Ensemble, nous nous hisserons à la place de mon père, quand le moment sera venu. J’ai foi en nous et en l’avenir que nous promet Ethelba. » « Oui. Ensemble. Avec elle, et les autres à venir. » « Laisse-moi me reposer un peu avant. »

Le linge que je tenais dans les mains disparut. Nous n’avions pas eu d’autres enfants avec Viviane. Notre couple était à l’image des souvenirs qui ne cessaient de me revenir. Nous avions des moments de tendresse et des moments de haine, des moments où nous ne faisions que nous croiser sans échanger un regard et d’autres plus intenses. Quant à Delilah, je n’avais pas été le père que j’aurais aimé être.

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Mar 02 Fév 2021, 23:57



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Debout au milieu de la plaine pour la énième fois, j’étais d’une humeur maussade. Je pouvais néanmoins me consoler par le rangement opéré. Plus qu’un rangement, la totalité des objets qui maculaient autrefois la nature avait disparu. Tous, à l’exception d’un seul. Ce dernier scintillait, plus loin, reflétant la lumière d’un soleil qui m’apportait d’ordinaire une pleine satisfaction. Pourtant, aujourd’hui, il me paraissait fade. Je levai les yeux vers ce dernier et en éteignit la lueur. Ce qui brillait auparavant de mille feux se transforma en boule de cendres. Le vent emporta cette cendre qui tomba sur la prairie. Lorsqu’elle toucha le sol, l’herbe mourut et le sol muta, pour devenir totalement aride et infertile. Je me mis à marcher vers ce que je croyais être le dernier souvenir. Je me demandai brièvement quelle histoire serais-je obligé de revivre. Lorsque mon chemin avait croisé celui de Laëth ? Lorsque j’avais rencontré Adam de façon incongrue dans les bains, en croyant ressentir du désir pour un homme pour la première fois de mon existence ? Mes lèvres se tordirent. J’étais bien conscient que l’esprit ne retenait que ce qui l’arrangeait, parfois. D’autres fois, il n’avait pas le choix. C’était une question de protection, de défense. L’inconcevable s’effaçait alors au profit d’une impression vague, d’un noir opaque ou d’un sentiment diffus.

Dans mon monde en ruines, je sentis que la fin de la mascarade arriverait bientôt. Avec ce dernier objet, sans doute pourrais-je sortir d’ici. Il devait être bien empoisonné pour m’avoir été caché tout ce temps. Je m’arrêtai pourtant à mi-chemin, afin de contempler mon œuvre funeste. Rien ici ne me plaisait. La vie était partie. Elle avait baissé les bras, comme ma croyance que le monde pourrait peut-être m’apporter un semblant de bonheur. Si ceux que j’aimais souffraient, si ceux que j’aimais me tournaient le dos, si ceux que j’aimais mouraient, alors il n’y avait rien à quoi me raccrocher, rien qui n’en valût réellement la peine. Je pouvais sombrer dans les ténèbres sans craintes du lendemain. Je pouvais laisser la folie m’envahir et Lux in Tenebris gagner mon corps et mon esprit, m’englober tout entier. Je voulais oublier. Et si je me fourvoyais ? À penser qu’une plus grande maîtrise d’Umbra in Lucem contrecarrerait les effets de sa sombre consœur ? Je ne trouvais pas ça juste, que les Sorciers eussent à subir les conséquences de leur magie, là où les Magiciens jouissaient de cette dernière sans peine.

Je m’accroupis, mes doigts cherchant le sol. La terre avait muté en une roche qui ne laisserait jamais la place à la végétation. Il y avait pourtant de la beauté dans les ténèbres. Cette idée émergea avec force. Ce qui m’effrayait et me rebutait avant, ce qui me dégoûtait et me déplaisait, revêtait à présent un merveilleux particulier. En me plongeant dans ma propre noirceur, dans les tréfonds d’une dépression à laquelle je n’arrivais plus à échapper, je touchais du doigt quelque chose, une vibration inédite, comme si mon être tout entier voyait enfin la véritable lumière, cette lumière au cœur des ténèbres, indiscernable pour la plupart des pratiquants de la magie. Les yeux perdus dans le vague, il me semblait que cette lueur m’attirait à elle, doucement, surement, davantage chaque jour. C’était comme si les liens qui m’unissaient à ces objets et qui faisaient ressurgir les souvenirs de mon passé tendaient à me murmurer le chemin vers ma destinée, comme si tout était lié. Je savais que tout l’était. Alors à quoi bon lutter ? À quoi bon en vouloir aux Ætheri pour le nuage de malheurs qui s’abattait sur ma vie ? À quoi bon me battre ? À quoi bon courir après mon identité ? Une autre idée fusa. J’oscillais, allant de la thèse à l’antithèse. Je n’étais pas d’accord avec moi-même. Et si, au lieu de laisser les ténèbres me dévorer, je nourrissais cette lumière, au point de réduire les ténèbres à un halo oublié au sein de la clarté ? Il me semblait, à cet instant, avoir le choix. Je n’avais jamais été efficace pour me sauver moi-même, même si je pouvais être qui je voulais, au fond. Je me perdais souvent plus que je me retrouvais. Certains se perdaient en mer, d’autres se perdaient dans leurs explications. Moi, je me perdais dans le labyrinthe de mon esprit. Parfois, j’abhorrais les ténèbres. D’autres fois, j’abhorrais la lumière.

Je me relevai, reprenant mon chemin vers mon objectif premier. Peu importait que je pensasse que continuer ne servait à rien : je ne pouvais me résoudre à abandonner. C’était comme mécanique. Je souris, laissant ma volonté et ma magie rendre à une partie de l’endroit sa beauté lumineuse. À ma droite, le soleil éclaira de nouveau le sol qui se retransforma en une prairie verdoyante. À ma gauche, les cendres demeurèrent. Quand j’arrivai à destination, j’étais le Roi d’un Monde de Création et de Destruction, de Lumières et de Ténèbres. Mes yeux se posèrent sur une Couronne. Je souris, reconnaissant sans difficulté l’artefact comme étant similaire à ceux que je possédais déjà. J’eus une certitude : les objets qui m’avaient marqué au cours de ma vie pouvaient définir ce que j’étais par le biais des souvenirs qui y étaient attachés. Finalement, celui que j’étais ne dépendait que de mon bon vouloir, du maintien ou non de ma mémoire. Si Adam et Laëth me faisaient souffrir, je pouvais chercher à les effacer de ma vie à tout jamais. Si la mort m’effrayait, je pouvais choisir de l’oublier. Je n’allais pas bien.

919 mots
Fin

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