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 [Q] - Déchue des Rêves

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Jeu 12 Déc 2019, 14:40

[Q] - Déchue des Rêves E865
Déchue des Rêves
[Aylivæ]

Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Aylivæ subit la malédiction que lui a lancée Harabella (qui fait qu'elle cauchemarde toutes les nuits). Avec l'aide de Karsath, son Mur, elle va essayer de se remettre de sa nuit compliquée pour affronter un repas familial qui amènera nombre de frustrations.

Ses paupières étaient closes. Une perle de sueur coula sur sa nuque. Dans les draps blancs, son corps nu se débattait. Un gémissement, loin de celui du plaisir, s’échappa de ses lèvres entrouvertes. Elle luttait pour respirer. Ses lèvres tremblaient. Elle luttait pour revenir à la réalité. Son poing enserra le coussin où sa tête reposait. Ses cheveux formaient un soleil noir autour de son visage. Celui-ci était déformé par la douleur. Les muscles de son corps se contractaient. Les dents serrées, elle cria un mot ou un nom incompréhensible. Son corps semblait subir une torture invisible. Des larmes séchées formaient des arabesques sur ses joues. Elle se cambra, hurlant une nouvelle fois.

C’est alors qu’une forme sombre surgit dans la chambre de l’endormie. Elle se précipita à son chevet. « Aylivæ ! » appela une voix masculine. Elle semblait inquiète. Des mains pâles se posaient sur ses épaules nues. Sa peau était glacée et rendue humide par sa propre transpiration. Les mains, longues et fines, la secouaient avec véhémence. « Aylivæ ! » répéta la voix. La sirène hurla une nouvelle fois alors qu’elle ouvrait ses yeux bleus. Ils étaient emplis de larmes et, pendant une seconde, l’homme qui était avec elle y lut la désorientation la plus totale. Ça ne dura pas. La Sirène venait de comprendre qu’elle était revenue à la réalité. Elle avait quitté ce monde de cauchemars. Son visage se décomposa. « Karsath… » murmura-t-elle à son Mur. L’eau dans ses yeux déborda. De lourds sanglots secouèrent ses épaules. Elle enfouissait son visage contre le torse de l’homme. Celui-ci l’entoura de ses bras. Il cala son menton sur le sommet de son crâne et commença à la bercer. La crise de larmes de la Sirène ne se tarissait pas. Il ne disait rien, se contentant de lui apporter sa présence. Elle était au bord du gouffre, au bord de la folie… « Je n’en peux plus, Karsath. » Cela durait depuis deux lunes déjà. Ses cauchemars… Elle était maudite. Elle le savait. Elzédor avait pris possession de ses nuits et Harabella s’était détournée d’elle. Elle qui devait la servir… Aylivæ avait tellement honte. Elle savait qu’elle n’avait plus sa bénédiction. Les attrapes-rêves qu’elle avait placés dans sa chambre s’étaient révélés inefficaces. Elle était maudite. Elle le sentait. Elle le savait. Karsath et elle avaient essayé de remédier à la situation. Son Mur, qui avait le contrôle des Rêves, avait tenté d’apaiser ses nuits. Mais les Rêves n’étaient plus. Seuls les cauchemars restaient.

Cependant, elle ne se demandait pas pourquoi. Tout du moins, elle ne se le demandait plus. On l’avait prévenue. Plus exactement, cette reine, cette élue d’Harabella, l’avait prévenue. Mais elle était sotte et elle avait continué sur cette voie. Vraiment ? Son hurlement, de rage cette fois, s’étouffa dans les vêtements de Karsath. Comment avait-elle pu… Elle aurait dû s’y attendre. Elle s’était attachée au Prince des Cauchemars. En était-elle éprise ? Elle le niait. Son cœur, lui, battait plus puissamment à chaque rencontre. Et ses mots qu'elle avait prononcé dans ces bains ensorcelés… Elle était encore embarrassée par cette histoire. Cette histoire qui avait enclenché la malédiction dont elle était la cible. Elle n’avait pas su lutter. Faible chose qu’elle était. Le Prince des Cauchemars… Il servait le monde opposé à celui d’Harabella. Et Aylivæ avait la terrible sensation d’avoir couru dans son piège, dans ses bras. Pourtant, tout lui avait indiqué que ce chemin n’était pas celui à prendre. Sa propre raison ne cessait de lui répéter qu’elle devait abandonner ses sentiments. Pourtant, quand elle le voyait, son cerveau s’éteignait. Elle n’arrivait plus à rationaliser. Et elle en était terrifiée. Cela lui rappelait ses mots. Cela lui rappelait sa voix. Cela la ramenait à lui, inlassablement. Elle poussait Karsath, enragée. Le Mur ne protesta pas, se contenta de se reculer sur le lit. Elle avait besoin d’espace. Elle avait besoin d’évacuer cette colère, cette douleur…

La Sirène pivota légèrement son buste pour refermer sa main sur l’un des attrapes-rêves fixés à sa tête de lit. Elle avait prié, laissé le temps, pleuré… Elle en avait désormais assez d’implorer une déesse injuste et cruelle. Elle dépluma l’objet avec des gestes brutaux. Son visage, en pleurs, était celui d’une vengeresse. Karsath regardait le spectacle sans un mot. Il la voyait souffrir, se débattre dans ses émotions. Il ne pouvait rien faire… Il n’y avait rien de pire.

L’objet, complètement détruit, vola dans la pièce. Il cogna contre un vase qui s’écrasa au sol dans un éclat de bris de verre. Cela importait peu à la Sirène qui se mettait debout sur son lit à baldaquin pour se saisir de tous les attrapes-rêves. Elle ne voulait plus de ces objets infects. Elle ne voulait plus rien de cette déesse qui s’était détournée d’elle. Elle quitta son lit. « Est-ce vraiment cela Karsath ?! » demanda-t-elle à l’homme qui n’avait pas bougé.  Elle laissa tomber les attrapes-rêves dans un vase en argile, sa poubelle. Karsath ne répondait pas à son interrogation. C’était une question rhétorique qui dévoilait le débat qui faisait rage au sein de l’esprit de sa maîtresse. Celle-ci avait les traits tirés, les cheveux fous, le corps brillant. Il y avait une certaine beauté dans le tableau qui se peignait devant ses yeux. Elle pointa un doigt accusateur vers son Mur. « Je ne mérite pas ça. » lui dit-elle, retournant sa colère sur cette pauvre créature à défaut de pouvoir le faire sur le véritable coupable. « Je ne mérite pas ça. » répéta-t-elle avec insistance. « Je ne l’aime même pas ! » affirma-t-elle. Karsath n’était pas sûr de comprendre. Pourtant, il hocha la tête. Elle commença à faire les cent pas. Son Mur se leva et marcha doucement vers sa penderie. Il l’ouvrait pour en sortir un peignoir et l’apporter à sa maîtresse. La soie caressa la peau de la femme sans atténuer sa colère. Elle marcha jusqu’à sa coiffeuse et s’y installa. Karsath tira les rideaux des immenses fenêtres, laissant entrer une faible lumière. Il faisait encore sombre dehors.

« Ce n’est pas juste… » L’homme revenait vers elle. « Non. Ça ne l’est pas. » affirma-t-il doucement. Son visage était fermé. Pourtant, il était peiné. Doucement, il se saisit du peigne finement ouvragé et commençait à redonner de l’ordre dans les cheveux abyssaux d’Aylivæ. Celle-ci essuyait l’eau salé qui avait séché sur ses joues, dans son cou, sur sa poitrine. Son cœur était aussi torturé que ses nuits. Elle était si stupide. Elle était si naïve. La Reine des Sottes. Elle était si en colère contre elle et les sentiments qu’elle commençait à éprouver. Non. Elle ne voulait pas se l’avouer. Comment pouvait-elle ? Elle ne se l’autorisait pas. Mais… Devait-elle accepté ce qui devenait évidant ? Sa main était restée sur sa poitrine, au-dessus de son cœur. Alors était-ce réellement cela ? Elle s’en voulait tellement d’être sensible à cet homme. Il avait griffé son cœur, laissant une empreinte indélébile. Les sentiments qu’elle éprouvait étaient aussi toxiques qu’inexplicables. Un seul baiser avait-il suffit à l’envouter ? Elle baissait ses yeux sur sa crème de jour. Non… Bien sur que non… C’était autre chose… Le baiser n’avait fait que la troubler et, son apparence n’avait fait que la séduire mais c’était l’attention qu’il lui portait qui avait ouvert son cœur. Qu’elle était faible. Elle serra ses poings.

Ses yeux se levaient vers le reflet que lui renvoyait sa coiffeuse. Karsath avait réussi à dompter les ondulations de sa chevelure. Ses traits n’étaient pas si tirés et ne trahissaient pas le manque de sommeil qui la touchait. Elle était ravissante et elle se détestait. Elle n’était qu’une petite chose perdue et maudite. « Cela suffit. » dit-elle à Karsath. Il abandonna le peigne sur le meuble et se recula. Elle était en colère et épuisée. Elle n’était pas juste et elle le savait. Aussi, elle se leva prestement et s’écarta. La brune croisait ses bras. Les muscles de ses épaules étaient tendus par la pression. Un torticolis avait aussi commencé à naître durant la nuit agitée.

Après avoir fait quelques pas, elle soupira. « Je suis désolée, Karsath. Je n’aime pas être comme cela. » dit-elle plus doucement. Le Mur regardait sa maîtresse s’approcher d’une des fenêtres de la chambre. Il faisait un peu plus jours. « J’aimerais l’oublier… » continua-t-elle encore plus bas. Le voulait-elle vraiment ? Elle niait. Elle pensait à lui. Karsath commençait à approcher. Il admira le trait de lumière sur le visage de la Sirène et sur son décolleté. La main de cette dernière jouait avec la perle qui lui servait de pendentif. Elle ne faisait ce geste que lorsqu’elle était troublée ou en pleine réflexion. Il voulait l’aider. « Pouvez-vous le chasser de votre esprit ? » Oui. Elle le pouvait… Si elle le souhaitait vraiment, elle pouvait avoir recours à la magie de l’oubli. Cependant, elle n’avait rien fait. Elle s’était persuadée qu’elle agissait ainsi pour ne pas prendre le risque d’affecter ses autres souvenirs. En réalité, elle se cachait qu’elle aimait la douce douleur qui naissait dans son cœur en pensant à cet homme. Elle préféra donc ne pas répondre à sa question.

« Je suis censée l’inviter… » Karsath tourna son regard vers le jardin visible à travers les vitres. « Vous ne devriez pas. » Aylivæ suivait son regard. Le personnel commençait déjà à s’activer. « Je ne devrais pas. » reprit-elle avec une certaine résignation. « Qui est-ce ? » Elle ne lui avait toujours pas dit. Elle avait honte. Cependant, elle savait que les rumeurs allaient bientôt plonger dans les flots de l’Océan pour dévoiler la vérité. « Pas le Deslyce. » Karsath savait qu’il n’en saurait pas plus. Il n’insista pas. « Et vous pensez qu’il est la cause de votre situation ? » Un servant rentra au même instant dans sa chambre. La Song le regardait froidement, mémorisant les traits de celui qui n’avait pas frappé. Si elle n’avait pas le courage de le renvoyer maintenant, elle n’oublierait pas de le faire plus tard. « Je ne peux que le penser. » Elle quitta des yeux le domestique qui s’activait dans la chambre. Il était jeune. Un apprenti peut-être ? Elle allait finalement se contenter de le recadrer sévèrement pour qu’il ne recommence plus. Elle n’était pas comme ses parents. Elle n’était pas odieuse par pur plaisir. Le renvoi n'était pas la solution. Il devait apprendre. « Alors vous devriez l’éviter au possible. » conclut Karsath. Aylivæ soupirait. « Je sais… » Si elle avait envie de le revoir, elle ne voulait pas attiser davantage le courroux de cette déesse cruelle qui répondait aux souhaits de cette mégère de reine.

« Puis-je vous faire une autre suggestion ? » En regardant son Mur, la Sirène se contentait de hocher la tête. « Ne serait-il pas possible que votre situation s’explique par le fait que votre peuple se détourne d’Elzédor pour embrasser le culte d’A’Zar ? » Elle tournait la tête vers le jardin. Un coursier traversait celui-ci pour apporter des nouvelles fraîches. Les domestiques s’activaient plus qu’à l’accoutumée. La pieuvre noire allait venir. Tout devait être parfait pour l’accueillir. « J’y ai songé. » Elle cessait de jouer avec son pendentif. « Mais je ne le pense pas. » Ses yeux bleus regardaient au loin. « Ce changement est trop jeune. Pas assez répandu encore. Et, surtout, cela n’expliquerait pas pourquoi je suis la seule touchée par ce fléau. Je veux bien croire que je joue parfois de malchance mais pas à ce point. » Elle soupira, lasse, et tourna ses mires vers Karsath. Elle était sincèrement désolée d’avoir dirigé sa colère contre lui. Cependant, elle se sentait plus calme, à présent. « Je prépare votre tenue pour le repas ? » Aylivæ pinça ses lèvres mais hocha la tête. Heureusement qu’elle avait déversé un peu de son venin. Ce qui allait suivre n’augurait rien de bon.

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Sam 14 Déc 2019, 10:12

[Q] - Déchue des Rêves E865
Déchue des Rêves
[Aylivæ]

« Aerchi Song, votre sœur vient d’arriver. » annonça un domestique avant de disparaître aussitôt pour s'occuper d'une tâche annexe. Les yeux violacés de son père se relevaient du courrier qu’il tenait. Aylivaæ croisa son regard. Il était aussi froid que la glace, aussi dur que le marbre. « Aylivæ… Va l’accueillir. » Le froncement de sourcils de la Sirène était presque imperceptible. Pourtant, elle savait que cela n’avait pas échappé à l’œil attentif de l’homme. « Vous pourriez le faire. » osa-t-elle répondre. « Je pourrais, en effet. » Aucun des deux ne clignait des yeux. Auparavant, il l’écrasait de son aura. Ce n’était plus le cas. Plus vraiment… « Mais ce n’était pas une demande. » Sentant une sorte de résignation s’installer dans son esprit, elle baissa les yeux la première. Il avait encore triché. Depuis qu’elle était enfant, il s’incrustait dans ses pensées pour y distiller les émotions qu’il souhaitait. Il la rendait plus malléable et docile. Un vrai poison. Elle n’était qu’un pion pour lui. « Je vous hais. » Aylivæ levait les yeux vers lui. Elle savait ce qu’il avait fait. Son esprit s’était endurci à ses attaques sans pouvoir encore s’en protéger. « Je le sais. » Aucun remords ne se détachait de sa voix. Un rictus vainqueur se dessina sur ses lèvres. « Va. Yolanæ n’aime pas attendre. » Il baissa de nouveau ses yeux sur le courrier qu’il avait en main. Aylivæ serra le poing. Si, en public, son père s’effaçait complètement pour la laisser briller, il ne faisait que se servir d’elle. Elle le détestait. « Aylivæ, allons-y. » La voix de Karsath l’interpella. Elle quitta des yeux son père pour s’approcher de son Mur. « Il ne devrait pas t’appeler par ton prénom. » Son poing trembla. « Il me nommera comme il me plaira. Il est à moi. » Son ton n’appelait aucune réponse. Elle le traitait comme un objet, une possession. Il était plus que cela. Karsath était le seul en qui elle avait véritablement confiance. Il avait le droit de l’appeler ainsi. « Ce n’est pas digne. » Elle avança vers la porte de la pièce. Karsath la lui tenait. « C’est vous qui n’êtes pas digne de moi. » La porte se referma sur son passage.

Ses talons frappaient avec véhémence le sol marbré. Les domestiques s’écartaient de son chemin tant elle affichait une expression contrariée. « Vous devriez vous calmer. » Son poing lui faisait mal. Elle lâcha la pression qu’elle y exerçait. « Plus le temps passe, plus il devient détestable. » « C’est une impression. » « Une impression ? » Son ton était presque indigné. « Il a toujours été comme cela. » expliqua-t-il. Le sourire revenait à la Sirène. Elle regardait le Mur. « Le manque de sommeil vous le rend cependant moins supportable. » « Ce doit être ça. » Elle continuait d’avancer. Son visage devenait de plus en plus sérieux. « Vous devenez tendue… » Elle se crispa davantage avant de souffler. « Qui ne le serait pas avec elle ? » Sa tante était la matriarche. Si son père était terrible, Yolanæ était encore pire. Chaque décision familiale lui revenait. « J’espère qu’elle prendra rapidement congé… » Cependant, elle craignait que ses vœux ne soient pas exaucés. Sa tante ne leur rendait pas souvent visite - presque jamais, à vrai dire. Sa venue était, à bien des égards, mauvais signe. Elle souffla une nouvelle fois avant qu'un sourire convainquant ne fleurisse sur ses lèvres tandis qu’elle rejoignait le vestibule. La Pieuvre Noire avait déjà trop attendu.

« Ayæ ! » « Ma tante. » Les deux se souriaient brièvement avant de se regarder directement dans les yeux. Aylivæ savait que la femme lisait aisément dans les pensées. Aussi, elle réfléchit aux tâches qui l’attendaient dans la journée. Cela arracha un rictus à la matriarche. « Cela faisait longtemps. » « En effet. » Aylivæ essayait de ne pas baisser sa garde. Elle avait trop de choses à cacher. « Ton père ne vient pas accueillir sa propre sœur ? » « Non. » Aylivæ répondait rapidement pour limiter ses pensées. « Il nous attend directement à table. » expliqua-t-elle. « Je vois. » Yolanæ laissa un servant la débarrasser de ses affaires. « Je ne suis guère surprise. Tychen cherche à écourter ce repas au maximum. » Aylivæ souriait. Elle sentait sa tante fouler davantage dans son esprit. Les yeux de cette dernière finirent par se plisser. « Que me caches-tu, Aylivæ ? » Cette phrase. Un de ses souvenirs d’enfance lui revenait. Il n’était en rien heureux. Yolanæ sourit davantage. S’il ne dissimulait pas sa cruauté, son sourire aurait pu charmer un Ange. Aylivæ essayait de se ressaisir. Sa tante était un monstre. « Nous petit-déjeunerons dehors. Il fait un temps magnifique. » La Sirène concentra ses pensées sur la flore du Jardin. « Tu es devenue légèrement plus coriace. » Elle insista sur l’adverbe, cherchant à lui faire mal. « Mais tu finiras par baisser ta garde. » Elle voulait la déstabiliser. « Comme d’habitude... » Aylivæ lui répondit par un sourire poli. Elle pensait au calme de Karsath et essayait de l’imiter. « Je vous invite à me suivre, ma tante. »  Elle n’attendit pas une réponse et se pressa vers la porte menant au jardin.

« Yolanæ. » Son père était debout. Sa mère était déjà attablée. Son teint était maladif. Elle avait perdu beaucoup de poids depuis le début de sa maladie. « Tychen. Maéria. » Les tons étaient contrôlés. Si la sœur montrait un sourire mauvais, le frère semblait déjà agacé. La tension était palpable. Sans perdre de temps, le père d’Aylivæ s’approcha d’un siège en bout de table. Un servant commençait déjà à lui tirer l’objet pour qu’il s’y installe. Aylivæ faisait de même, choisissant la place en face de sa mère. « Non. » La voix de Yolanæ claqua dans l’air. Les servants qui s’activaient autour d’eux levèrent la tête pour regarder la famille. La matriarche sourit. « Ce n’est pas ta place, mon cher frère. » Tychen la regardait durement, sans doute l’insultant par pensée. « Tu es un homme. » rappela-t-elle. Elle s’approcha de la table. « Aylivæ. » La jeune sirène tournait son regard vers sa tante. Celle-ci désigna l’assise convoitée par le père d’un signe gracieux de la main. « Installe-toi, veux-tu. » Aylivæ regardait son père. Il s’éloigna du siège pour s’approcher de celui anciennement visé par sa fille. Celle-ci finit par prendre place en bout de table, sous les ordres de sa tante. « Voilà qui est mieux. » Yolanæ s’installa à l’autre bout. Elle paraissait particulièrement satisfaite. Tourner son frère en ridicule était l’un de ses passe-temps favoris.

Les servants commençaient à apporter les denrées alimentaires avant de se retirer prestement. « Klyo n’est pas avec toi ? » Aylivæ planta doucement sa cuillère dans un bol de fruits joliment découpés. Cela lui importait peu que les deux Song se déchirent. C’était même légèrement arrangeant. « Il est occupé à d’autres… activités. » Le visage de Yolanæ se tourna vers une servante qui apportait une tasse de thé à Maéria, la mère d’Aylivæ. Il s’agissait de son breuvage quotidien, censé l’aider à combattre la maladie qui l’envahissait. « Cela ne s’arrange pas ? » demanda innocemment la matriarche à la mère. Elle posa sa main sur la sienne et y exerça une pression réconfortante. À croire qu’elles étaient amies alors qu’elles se détestaient… Maéria ne se fatigua pas à lui donner une réponse. « À en voir ta tête… » « Yolanæ. » Son frère la coupait. Elle ne répondit pas mais retenait cet affront pour plus tard. Aylivæ, elle, n’écoutait que d’une oreille distraite. Ils étaient fatigants. Et pourtant… Elle préférait encore les entendre se diviser que retourner à son sommeil torturé.

« Pourquoi cette visite ? » La matriarche sourit, ne cherchant pas à nier ses intentions cachées. « J’ai appris des nouvelles qui m’ont... » Elle feignait l’hésitation. « Déplu. » finit-elle plus gravement. Elle avait complètement perdu son sourire. « Aylivæ. » Le couvert de la brune crissa sur la porcelaine de son bol. Elle leva les yeux vers sa tante. « Toutes mes félicitations. » L’incompréhension lui nouait les tripes. « Tu ne vois pas de quoi je parle, peut-être ? » Elle ne savait pas. Elle avait trop de choses à lui cacher. Qu’avait-elle appris ? Était-ce vraiment si embêtant ? Elle devait contrôler ses pensées, ne pas se laisser envahir pas l’appréhension. « Tu es la grande gagnante de l’Épreuve Angélique, à la Coupe des Nations ! » Était-ce mal ? N’avait-elle pas honoré son peuple et sa famille en remportant la victoire ? « Te battre pour ton peuple… Jusqu’au bout... Et réussir ! Comme c’est merveilleux. » Elle déglutit. Elle commençait à comprendre. La victoire avait un goût amer. Son cœur se serrait tandis que les souvenirs lui remontaient en mémoire. « Aussi merveilleux que cette relation que tu entretiens avec cet humain… Ce… Gælyan... » Le mot n’avait jamais résonné autant comme une insulte. Aylivæ lâcha sa cuillère. Yolanæ souriait. Son air était mauvais. Elle savait exactement ce qui se passait dans l’esprit de sa nièce. « Je te sens soudainement agitée... Quoi ? Ce mot ne te plaît pas ? C’est pourtant ce qu’il est... » L’ondine se mordait presque la langue pour retenir sa soudaine virulence. Ce mot… Elle l’employait presque tous les jours… Ce n’était pas lui qui la gênait mais son association avec son fils. « Ton fils... » cracha sa tante. « Que tu es stupide, ma pauvre enfant. » Yolanæ ne jouait plus. Ses mires étaient directement plantées dans celles d’Aylivæ. « Je t’interdis de le revoir. Je t’interdis de lui écrire. Je t’interdis même de penser à lui. Il n’est qu’un déchet de la terre. Il ne fait que te détourner des tiens. » Ses mots étaient sans équivoque. Ils n’appelaient à aucune réponse. « Ma chère tante. » Le regard d’Aylivæ était impitoyable. Ses yeux brillaient de colère. « Vous êtes aussi répugnante que les vers qui rongent votre pourriture de cœur. » Ce n’était pas Samuel qui la faisait s’éloigner des flots. C’était cette famille abjecte.

Yolanæ leva un sourcil. Maéria tourna le visage vers sa fille. « Aylivæ. Ton langa... » La matriarche coupa cette femme malade d’un geste de la main. Elle n'avait jamais supporté sa voix. « Ayæ… Voyons... » dit-elle plus doucement, un sourire malsain aux lèvres. « Ne t’avons-nous pas appris à maîtriser tes émotions ? À contrôler tes élans de colère ? » Non. Sa famille l’avait simplement contrainte au silence, au refoulement de soi, à l’instabilité et à la peur de ses ainés. Elle les détestait tellement. « As-tu oublié ce que nous t’avons si longuement enseigné ? ... Tu es si décevante. » Elle n’avait jamais su être assez bien... Elle avait tellement lutté pour obtenir leur amour. Elle s’était tellement perdue en essayant de les rendre fiers… « Et on raconte que tu t’es entichée de Jun Taiji. » Aylivæ rougit. Ce n’était pas d’amour. Ce n’était pas d’embarras. Elle devenait furieuse. « Que tu lui aurais fait des avances risibles et l’aurais accueilli entre tes cuisses. » La Sirène bouillonnait sur sa chaise. Elle regardait sa mère qui comatait presque au-dessus de son plat. Elle chercha les yeux de son père qui ne lui offrit qu’un regard glacé. « Que dois-je faire, Aylivæ ? Que dois-je faire pour t’empêcher de faire honte à notre nom ? T'enfermer dans ta chambre ? Te faire surveiller nuit et jour ? Dois-je te rappeler que tu vas bientôt te marier avec un membre de la famille royale ? Quand bien même tu pourrais imposer un enfant illégitime à ton pauvre mari, je te l’interdis. Notre sang ne sera pas mêlé à celui d’un Gælyan – aussi puissant soit-il. » Elle baissa les yeux, se heurtant à une dure vérité. « Mon ventre m’appartient... » chuchota-t-elle. Elle ne chercha même pas à démentir les accusations dont elle était la cible. Pourtant, elle était encore intouchée. La matriarche eut un rictus. « Tu appartiens à cette famille, ma nièce. » La jeune femme leva les yeux. Elle observa ces Song qui se targuaient d’être ses… propriétaires ? Était-ce ça leur vision de la famille ?

Elle quitta sa chaise. « Le repas n’est pas terminé, Aylivæ. » Son père était un monstre. « Aylivæ... » Sa mère était un monstre. « Assis. » Sa tante était un monstre. La sirène les regardait, méprisante comme elle ne l’avait jamais été. Elle n'allait pas se rasseoir. Elle n'allait pas obéir. « Vous. » La matriarche interpella un des servants. « Giflez-la. » « Pardon ? » La tante et la nièce se foudroyaient du regard. « J’ai dit : Giflez-la. » ordonna-t-elle plus sèchement. Le servant regardait l’héritière en tremblant. Il servait les Song. Il ne pouvait pas désobéir à celle qui les dirigeait... Il s’approcha de l'héritière et leva la main. Un bruit sec résonna alors. Aylivæ tourna légèrement la tête sous la puissance du choc. Ses cheveux aussi noirs que les abysses tombèrent devant son visage. Il eut un court silence. Même les oiseaux du jardin s’étaient tus. Le son brutal semblait résonner sous le kiosque où était installée la table. La Sirène releva les yeux. « Plus fort. » L’ordre tomba. La main dévouée violenta une nouvelle fois la peau délicate. La lèvre inférieure se fendit. Une perle de sang coula et tomba au sol. Les cheveux de la belle formaient un rideau impénétrable devant son visage. Aylivæ porta son pouce à la peau de sa bouche blessée pour observer le liquide sanglant. Une seconde passa. Elle semblait durer une éternité. Quelque chose s'éveillait en elle. La colère brulait dans son esprit. Elle n'obéirait pas. Elle n'obéirait plus. Relevant la tête, la Sirène offrit à sa tante un sourire effronté. Yolanæ était contrariée au-delà de tous mots. « Encore. » Le servant obligé en avait assez mais l’ordre ne pouvait être déjoué. La main se leva de nouveau avant de fendre l’air. Pourtant, cette fois, il n'eut aucun bruit. Elle n’atteint pas sa cible.

Karsath était finalement intervenu. Sa main retenait le bras violent. Le sourire d’Aylivæ s’agrandit. Tandis que son Mur la protégeait, elle s’éloignait de la table. « Aylivæ ! » aboya la tante, loin de trouver cette situation plaisante. « Reviens tout de suite ou tu peux dire adieu à ton nom et tes privilèges... » La jeune sirène se retournait. « Karsath, prépare mes valises. Nous partons. » Ses yeux dardaient ensuite la matriarche. Elle ne sera pas déshéritée. Yolanæ tenait trop à la pureté de son sang pour cela. « Où iras-tu, ma fille ? » Le ton du père semblait laisser penser que l’héritière ne possédait rien d’autre que ce manoir. C’était faux. « Ailleurs. Loin de votre toxicité. » Karsath revenait vers elle. La sirène commençait à se détourner. « Nous nous reverrons à mon mariage. » Elle s’éloignait.

Sa vie était devenue un cauchemar. Il était temps de le fuir.

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