Penché au dessus de son bureau, le front légèrement plissé, la langue sortie, coincée entre les dents et les lèvres, Uldoric était concentré sur le pliage qu'il était en train d'effectuer. La période des fêtes commençant, il avait décidé qu'il joindrait un petit quelques choses dans les quelques lettres qu'il enverrait. Il ne fallait que que cela soit quelque chose de trop volumineux ni encombrant. Et puis, comme il n'avait aucune idée de qui était ses lecteurs, ses cadeaux devaient rester assez neutre et simple. Il avait donc décidé de faire un origami qu'il enchanterait. Il n'était pas certain de si cela fonctionnerait ou pas, mais il avait envie de tenter. C'était l'occasion pour lui d'essayer quelque chose de nouveau et de s'entraîner à la magie et aux enchantements. Et puis, s'il rencontrait quelques problèmes pour la réalisation du sort, il pourrait toujours demander conseil à Wildric ou encore à ses parents. Et c'était très certainement ce qu'il ferait parce qu'on ne pouvait pas dire qu'il était puissant. Sur le principe, cela ne le dérangeait pas plus que ça mais il se rendait compte à présent que cela pouvait servir, même pour des choses simples.

Depuis que cette idée lui était venue en tête, il n'avait pas arrêté de tergiverser sur ce que le moreau de papier plié allait représenter. Il s'était posé beaucoup de questions. Et si ce qu'il décidait d'envoyer était mal pris chez le peuple de la personne qui recevrait la lettre ? … Même lorsqu'il écrivait, il ne se torturait pas autant l'esprit avec des « et si ». Après maints revirement, il s'était enfin arrêté sur un animal. S'il n'y avait pas eu Wildric pour le pousser, il serait certainement encore avec ses « oui mais peut être que ». Une fois le choix fait – ce qui n'avait pas une mince affaire – Uldori avait pu commencer à proprement parlé à faire les pliages. Toutefois il s'était rapidement rendu compte que ce n'était pas aussi facile que ce qu'il imaginait. En même temps il n'avait jamais fait quelque chose d'aussi compliqué. Les seules fois où il avait fait du pliage papier, il s'était contenté de faire des oiseaux simples, basiques. Là, il fallait reconnaître qu'il s'attaquait à quelque chose d'un peu plus complexe. Mais en même temps, c'était là un défi qu'il était prêt à relever.

Le jeune magicien se redressa, faisant craquer son dos par la même occasion, ce dernier étant resté courbé toute l'après midi. Même si Uldoric n'était pas un grand sportif, son corps avait tout de même besoin d'un peu d'exercices, d'où ses protestations. La bonne odeur de biscuit à la cannelle fraîchement sortis du four à pain monta jusqu'aux narines du disciple blanc. Il gagna la porte de sa chambre, la main sur la poignet, avant de se figer.. La peur, tel un serpent vicieux, venait de se resserrer au creux de son ventre. Et si, lorsqu'il ouvrirait la porte, tous ses frères étaient là, présent en même temps ? Sa respiration se faisait déjà plus saccadée, plus difficile rien qu'à l'idée. Il ferma un instant les yeux, prenant une profonde inspiration, tentant de calmer les battements de son cœur et de réfléchir. On était encore en pleine journée. Ils étaient tous ou presque encore à l'école. Il n'avait rien à craindre. Et puis, ce n'était pas de parfais inconnus. C'était sa famille. Il rouvrit les yeux, déterminé, avant de sortir. Il n'y avait presque pas un bruit dans la maison, à part les craquements naturels du bois et les bruits de vaisselles que faisait sa mère dans la cuisine.

Lorsqu'il franchit le seuil, sa mère se retourna et lui sourit.

Viens t'asseoir, j'en ai mis quelques uns de côté pour toi.

Uldoric ne put faire autrement que de lui rendre son sourire et de venir sagement s'asseoir à la table de la cuisine comme elle l'avait demandé. Il la regarda presque religieusement se déplacer dans la cuisine, s'affairer d'un fourneau à l'autre. Ce qu'il aimait chez sa mère, parmi tant d'autres choses, c'était qu'elle ne montrait jamais sa surprise de le voir apparaître. Comme si c'était naturel de le voir tous les jours attablé dans cette pièce, comme s'il n'y avait aucun problème chez lui, que tout était normal. Elle ne lui avait jamais fait ressentir le fait qu'il était différent, consciemment ou pas, qu'il y avait chez lui quelque chose qui clochait. Elle lui tendit un biscuit et il le grignota avec plaisir. En plus, elle était bonne cuisinière.

Tu as fini ton cadeau ?

Il ne me reste plus qu'à faire l'enchantement.

Il reprit une bouchée avant d'ajouter.

C'est délicieux Maman.

Le silence se réinstalla entre eux, le jeune garçon regardant tranquillement sa mère en train de cuisiner jusqu'à ce que la porte d'entrée claque et qu'une discussion se fasse entendre. Instinctivement, son corps se raidit. C'était la fin de l'école et ses frères allaient tous revenir les uns après les autres. Il était temps pour lui de regagner sa chambre. De toute façon, il l'avait dit à sa mère, il avait encore l'enchantement à faire pour finaliser son cadeau. Il se leva, déposa un bisou sur la joue de sa mère et regagna sa chambre. Dans le couloir, il croisa deux de ses frères. Deux, ça allait encore. Ils échangèrent quelques banalités avant de chacun continuer son chemin de son côté. Il était plus proche de certains que d'autres et ceux là n'en faisaient pas parti malheureusement.

Une fois revenu dans sa chambre, il replongea toute son attention sur le pliage qui l'attendait sagement sur son bureau. L'origami n'avait pas été une mince affaire mais maintenant, il lui restait peut être le plus complexe. Il s'y attela, perdant la notion du temps, totalement plongé sur son travail. Evidemment, il ne réussit pas du premier coup, ni même du deuxième ou du troisième. Mais alors que la nuit était tombée depuis longtemps – on était en hiver, elle tombait assez tôt – il se redressa brusquement, avant de se mettre à sautiller sur place, tout content, en criant des « J'ai réussi » joyeux. Quelqu'un toqua à sa porte avant que cette dernière ne s'entrouvre et ne laisse apparaître Wildric.

Bah alors, qu'est ce qui t'arrive ?

Regarde ! J'y suis arrivé !

Il pointa quelque chose en l'air, tout en continuant à faire une petite danse de la victoire, les cheveux ébouriffé, le front en sueur. Au dessus de sa tête, en train de voler en tournant autour de lui, se trouvait un petit dragon en origami, qui avait pris vie.

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