Intrigue : Kaahl effectue une mission en compagnie de Clermance et d'autres Magiciens afin de débarrasser Volatys de quelques Goled. Pendant ce temps, Alembert contacte la royauté afin de faire son dernier rapport en tant que mentor avant que Kaahl ne devienne Architecte de Lys. Il y écrit les volontés de son élève d'intégrer officiellement l'armée magicienne. À son retour, Kaahl est officiellement nommé.

« Ces épaulières ne sont pas pratiques. » fis-je en attachant mes boutons de manchette. « Ne vous plaignez pas. Je suis déjà bien gentille de vous amener avec nous. Elles sont là pour assurer votre protection. » Je souris. Ma protection… Elle était bien bonne celle-là. Me prenait-elle pour un nouveau-né ? « Elles sont équipées d’un bouclier magique. » « Je croyais que le but était, justement, que je m’entraîne au corps à corps, sans magie ? » Un sourire mutin apparut sur son visage alors qu’elle me dévisageait avec une drôle d’expression. « Vous êtes réellement têtu. Ce n’est pas l’Honorable qu’on devrait vous appeler mais Tête de Mule. » « Vous pouvez toujours soumettre l’idée. » lui répondis-je alors que mon sourire s’agrandissait. Elle n’était pas la seule à me le dire. « J’ai vraiment l’air de me préparer pour une cérémonie… » Leurs vêtements à eux étaient bien plus appropriés. « Peut-être parce que ce sont des vêtements de cérémonie ? » finit-elle par m’avouer. Je le savais bien. « Les autres ne sont pas à l’aise avec l’idée de vous laisser vous battre. Ils préféreraient que vous restiez à l’écart et que vous observiez. Il fallait des habits voyants pour qu’on vous repère facilement si quelque chose tourne mal. » Je devais avoir une tête blasée, puisqu’elle me fit une proposition. « Vous devriez choisir une arme parmi celles-ci. Elles sont difficiles d’utilisation. Ce sont des armes de distance, qui permettent d’enchanter une zone de combat pour faciliter les opérations des troupes de terrain. » « Quels sont leurs effets respectifs ? » « Aucune idée. Nous sommes tous spécialisés en combat rapproché ici, que ce soit physiquement ou magiquement. Elles ont été amenées à Volatys pour être testées. La plupart sont vieilles. » Je passai une main devant ma bouche, réfléchissant. Il y avait un peu de tout. J’avais une préférence pour les armes longues et les sceptres. Peu importait la facilité de maniement puisque ce n’était pas l’objectif de ces objets. J’étais curieux à propos de tous mais je ne pourrais certainement pas tous les prendre. Elle avait dit une. Déjà que je comptais trouver le moyen de me battre d’une manière ou d’une autre… Si je commençais à n’en faire qu’à ma tête pour absolument tout, elle n’allait plus vouloir de moi sur son champ de bataille. Ce n’était pas évident pour moi de laisser quelqu’un d’autre prendre le commandement mais c’était malheureusement nécessaire. Bien que populaire, je ne jouissais pas de la même autorité chez les Mages Blancs que chez les Mages Noirs. Je n’avais pas la même latitude d’action non plus. La frustration était grande. J’étais pourtant conscient que j’étais très loin d’être infaillible et que cette femme, tout comme Alembert l’avait fait jusqu’ici, pouvait m’en apprendre beaucoup.

Je finis par jeter mon dévolu sur une arme. Elle était décorée de fleurs de lys. Dorée, elle était imposante et lourde. Pourtant, après quelques secondes dans ma main, elle se réduisit. Les Sceaux du soleil et de la lune faisaient exactement la même chose. « Hum… » Je reçus un petit coup dans l’épaule. C’était Clermance. Cette femme m’étonnait du fait de son comportement. Elle était globalement très à cheval sur le protocole mais d’un autre côté, il y avait une certaine… Ses gestes étaient parfois un peu déplacés et ses actes rustres. Ça ne la rendait pas moins attachante en un sens. C’était juste très curieux puisque j’avais du mal à savoir à quoi m’attendre venant d’elle : une remontrance ou une tape amicale ? Faites vos jeux. « Vous aurez tout le temps d’apprendre à l’utiliser pendant les hostilités. Je vais juste vous expliquer la mission plus en détails avant de partir. Les pentacles ne sont pas encore prêts de toute façon. » « Faites donc. » « Bon. » fit-elle en s’approchant de la table où trônait une carte grossière de l’île. Tout n’avait pas encore été découvert et il y avait des zones où la magie était en constante mutation, ce qui changeait les reliefs. « Volatys est assez particulière mais de ce qu’on en sait, elle a cette forme. Quelques zones sont dangereuses à cause de la magie. Nous pensions que sa position la protégerait des invasions extérieures mais les Goled sont un vrai fléau. Impossible de s’en débarrasser et s’ils ne sont pas doués de beaucoup de magie, ils sont vraiment tenaces au combat. Leur peau est résistante et ils sont nombreux. On pourrait les laisser vivre là s’ils n’étaient pas connus pour attaquer les villages. Ils pillent, tuent et violent pour se reproduire. Vu leur taille, inutile de préciser grand-chose sur les douleurs ressenties pendant l’acte, en plus du reste. » « Je vois. » Je l’avais dit en grimaçant. « Ils essaieront de s’en prendre aux femmes par cette voie là. Les hommes, ils voudront simplement les tuer. » Elle se tut un moment avant de me questionner. « Ça va aller pour vous ? Ne croyez pas que je vous couve mais vous n’avez jamais vraiment combattu et la guerre peut traumatiser. Vous êtes professeur… » « Je sais. » Je devrais bien me remettre. Les histoires de meurtres et de viols faisaient parties de mon quotidien. J’eus une pensée fugace pour cette Sirène qui avait eu le malheur de croiser ma route à un moment où il ne valait mieux pas. Ça ne m’amusait pas, loin de là. La violence qui dormait en moi m’était défavorable. J’aurais pu penser que peu importait, que j’étais un Sorcier et que répandre la souffrance était naturel. Seulement ce n’était pas le cas. Je voulais semer la douleur que je désirais semer, pas violer une femme par excès de frustration et de rage. Cette perte de contrôle était préjudiciable. Je ne la tolérais plus.

« Le combat risque de ne pas être très long. Nous avons l’avantage tactique et nous sommes plus nombreux. Nous aimerions cependant éviter de les tuer, plus les chasser, mais on ne peut rien décider à l’avance. Si nos vies sont en danger à un moment, nous ne pourrons plus chercher à protéger notre agresseur. » Je faisais beaucoup d’efforts pour que les choses se passent dans l’ordre. Actuellement, je disposais néanmoins d’une force de frappe qui pourrait créer un chaos sans nom. Peut-être n’avais-je même plus besoin de jouer le jeu ? Je persistais pourtant. Il était hors de question que je m’empare de ce que je voulais par la force, ni même que je contraigne Laëth. Je détruirais ce qui me résisterait trop longtemps mais je préférais avancer mes pions doucement. Il y aurait pourtant des dommages collatéraux. « Si jamais vous vous sentez mal, n’hésitez pas à partir. Personne ne vous en voudra. Les combats sont parfois plus horribles que ce que l’on peut imaginer. » Le plan était plutôt évident. Elias prendrait la Terre Blanche aux Démons. La difficulté ne serait pas au rendez-vous. Ils allaient plier. Ils avaient déjà plié. Le territoire aux Sorciers, j’allais avancer chez les Magiciens pour essayer de faire davantage d’alliances avec les Anges. Il fallait que je réfléchisse à cette partie du plan puisque je ne pourrais pas utiliser les Momies, l’objectif étant de redonner le territoire aux Anges. D’un côté, Elias ne pouvait perdre la face et de l’autre, Kaahl devait être au premier plan pour créer l’effet escompté. Confier la Terre Blanche à un Sorcier gênant ? Bonne idée. « Vous m’écoutez ? » demanda Clermance. « Oui. Oui pardon. J’ai la tête ailleurs et… » « Encore cette Ange ? » « On peut dire ça. » « Restez concentré. Ça peut dégénérer. » Je soupirai. « Écoutez, je sais que vous vous inquiétez pour moi mais, sincèrement, vous voir inquiète me fait me sentir encore plus mal. Je veux juste qu’on y aille. Promis, je resterai en retrait en essayant de comprendre comment marche l’arme. Je ne vous gênerai pas et si je ne me sens pas bien face à la vue du sang ou autre, je partirai. » « Bien. » J’avais envie de lever les yeux au ciel mais m’abstins. Il était normal qu’elle se comporte ainsi. Je n’étais pas un combattant. J’avais pourtant vécu la guerre des Dieux. Ce n’était pas rien, même si le territoire magicien avait été plus épargné que d’autres lieux et que mon combat personnel avait été bien plus idéologique et philosophique qu’autre chose. Dans tous les cas, je devrais penser plus en détails cette histoire concernant la Terre Blanche. Je n’étais pas assez renseigné sur les actions des Anges mais j’imaginais sans mal que si les Magiciens ne venaient pas les aider, ce serait compliqué pour eux de récupérer quoi que ce soit. Je devais faire pression et pour faire pression, je devais devenir plus important et convaincre le peuple avant de convaincre le gouvernement. J’étais doué en propagande, ça tombait bien. Je voyais sans mal les chemins se dessiner devant moi. À la fin, non seulement j’aurais la légitimité nécessaire pour devenir le Nylmord voire l’Empereur Blanc, mais en plus ce serait difficile de me dire non. J’espérais tout de même réussir à convaincre Laëth d’ici là, en y allant doucement. « Vous êtes encore dans la lune… » « Je suis anxieux. » lui dis-je. Elle avait essayé de lire en moi. Elle s’était heurtée à un mur.

« Vous protégez votre esprit ? » me dit-elle tout en me faisant signe de la suivre. « Oui, c’est une habitude que j’ai prise. » lui répondis-je sans détour. « Pourquoi ? » « Je n’aime pas que l’on puisse avoir accès à des choses que je ne dis pas tout haut. Les pensées ne sont pas censées appartenir à un autre qu’à celui qui les formule, consciemment ou inconsciemment d’ailleurs. » Je n’hésitais jamais à violer l’intimité des autres. « Je ne voulais pas vous… » « Je sais que vous vous inquiétez et que c’est pour ça que vous avez voulu le faire. » « Oui. Je m’inquiète. Mon premier combat ne s’est pas bien déroulé pour tout vous avouer, je n'aimerais pas que ça vous arrive. » « Ah oui ? » Les confidences… J’étais plutôt habitué à les recueillir. Parfois, elles étaient utiles. D’autres fois absolument pas. « Je devais faire comme vous, c’est-à-dire rester sur le côté avec les autres élèves pour regarder. Ça devait être quelque chose de simple et, finalement, l’ennemi était beaucoup plus préparé qu’on ne le pensait. Ça a été un carnage et nous avons dû rejoindre les troupes, ne serait-ce que pour survivre. » « Et vous avez survécu. » « Pas sans mal. » dit-elle. Elle s’arrêta. « Vous savez, le monde est plutôt en paix actuellement. Chaque peuple vit de son côté mais ça pourrait repartir à n’importe quel moment. Ce qu’il s’est passé avec les Anges a calmé les ardeurs, surtout après la précédente guerre mais… la situation reste tendue. » Elle me fixa. « Ce que je veux dire c’est que si vous vous engagez dans l’armée et que ça explose, vous devrez défendre notre peuple et les autres pour essayer de rétablir la paix. Jusqu’ici vous ne risquiez rien ou peu de choses. Votre rôle consistait, et consiste encore aujourd’hui, à enseigner et à rassurer la population. Si vous changez de voie, ce ne sera pas sans conséquence. Si cette Ange en vient à vous aimer, que vous vous mariiez et que vous adoptiez des enfants, vous ne pourrez pas rester avec eux dans ce genre de cas. Vous devez le comprendre. Ce n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Si elle doit vous aimer, elle vous aimera que vous combattiez ou non pour la cause de son peuple. Si elle ne vous aime pas, elle ne vous aimera pas plus pour ça. Je veux juste m’assurer que vous ne commettiez pas une erreur que vous regretterez plus tard. Le cœur parfois est fou… »

1989 mots

« Je t’assure, c’était… » « Tu n’y étais même pas. » « Nan mais j’en ai entendu parler ! » La jeune femme était insistante devant le scepticisme de son amie. Cela faisait plusieurs jours que l’opération concernant les Goled avait été menée à bien et les bruits n’avaient été que crescendo sur Volatys. J’étais moi-même conscient de la chance qui avait été la mienne. J’avais choisi l’arme parce qu’elle m’avait plu. Je n’étais alors pas conscient de la magie qu’elle renfermait. J’avais éprouvé la chose lorsque j’avais compris comment la faire fonctionner, au beau milieu d’un combat qui ne se passait pas pour le mieux. « C’est un Ange ! » « N’importe quoi ! » Une troisième jeune femme se joignit à la conversation. « Ne me demandez pas comment je le sais mais… Non on m’a dit de ne pas le dire. » se ravisa-t-elle. « Zéliette ! Tu en as déjà trop dit ! Raconte, on ne le répétera pas. » « Je ne sais pas les filles… J’ai vraiment envie de le dire mais j’ai promis… » « Tu ne peux pas nous faire ça. Dis-le, on gardera le secret. » « Bon… Mais interdiction de le répéter ! » « Promis. » « On m’a dit qu’il était amoureux d’une Ange et que c’était pour ça que… » « N’importe quoi. Tout le monde sait qu’il est amoureux de l’Ultimage ! » « Il peut pas l’aimer toute sa vie non plus ! » « Ben… » Il y eut un silence. « Une Ange ? T’es sûre ? » « Oui. Elle s’appellerait Maëlle Visegrád. » « Ça ne fait pas très Ange ça… » « Elle viendrait de chez les Réprouvés. » « Quoi ? Mais elle doit être rustre ! » « C’est ce que je me suis dit… » « C’est peu probable qu’il soit tombé amoureux d’une femme rustre… Il a l’air trop gentil… Elle doit le manipuler ! » « Mais n’importe quoi… C’est une Ange ! Les Anges ça ne manipule pas les gens. Peut-être qu’elle a quitté les Réprouvés parce qu’elle n’était pas rustre, justement. » « Elle a quitté les Réprouvés ? » « T’es bête ! Il l’aurait rencontré comment sinon ? » « Tu sais comment ils se sont rencontrés ? » Elle ne le savait pas mais était trop heureuse que l’attention de ses deux amies soient portées sur elle pour se contenter de répondre négativement. « Oui mais je ne sais pas si je dois le dire… » « Parle, par Sympan ! » « Ne jure pas Waltrude ! » « Pardon mais… Dis-nous ! » « Bon d’accord. » Elle baissa la voix. « En fait, on m’a dit que le Baron était en train de ramasser du bois mort dans la forêt pour l’apporter aux orphelins du Lac Bleu. Il devait donner un cours le lendemain mais il a tenu à rester tard, après la tombée de la nuit, pour en avoir le plus possible. Les autres sont tous rentrés et le temps s’est dégradé. Il a continué et la foudre s’est abattue sur un arbre qui lui est tombé dessus. » « Nan ! » « Pas possible ! Et après ? » « Il aurait pu s’en sortir tout seul mais comme il était fatigué il s’est évanoui. C’est Maëlle qui l’a trouvé ! Elle vient de chez les Réprouvés alors elle a pris l’arbre à deux mains et l’a soulevé pour le libérer ! Elle l’a soigné et quand il s’est réveillé… » « Il est tombé amoureux d’elle. » « C’est ça. » « Ils vont se marier ? » « C’est trop tôt pour le dire mais il paraît que… » « Que quoi ? » « Qu’elle est enceinte. » « Mais les Anges ne peuvent pas avoir de bébés… » « C’est la force de l’amour. » « Tu crois que ce serait possible ? » Entre temps, Hilarias les avait rejointes. « Qu’est ce que c’est que cette histoire à dormir debout ? Pourquoi le Baron serait-il allé couper du bois pour les orphelins ? » « Parce qu’il est généreux, contrairement à toi ! » dit Zéliette en fronçant les sourcils. « Les orphelinats sont dotés de foyers qui s’allument par magie. On n’est pas chez les Humains. » « T’en sais rien ! Et si ça se trouve ce n’était pas pour allumer un feu mais pour faire des activités ! » « Et personne ne soulève un tronc d’arbre à mains nues… » « Les Réprouvés si ! » Le garçon soupira. « Vous les filles, vous êtes vraiment des nunuches. Quel âge avez-vous hein ? Treize ans ? Parce qu’on dirait à vous entendre. » « T’es juste jaloux ! » « Jaloux de quoi ? » « Du Baron ! » Il se mit à rire. « Je crois pas non. Il a l’air aussi intéressant que Zéliette lorsqu’elle se met à raconter n’importe quoi pour attirer l’attention. » « Mais quand même, Hilarias, tu ne peux pas nier que c’était un vrai miracle ce qu’il s’est passé… » « Quoi ? Il a utilisé un objet magique. Je ne vois pas ce qu’il y a de si spectaculaire. » Hilarias était le roi de la mauvaise foi. « Mais toutes ces plumes blanches qui sont tombées du ciel comme par magie… Et ses ailes à lui ! » « Les rumeurs ont sans doute déformé ce qu’il s’est réellement passé. » « Et les Goled ont disparu ! » « Oui bon… » « Et il avait des ailes bleues ! » Il y eut un silence avant que Hilarias ne reprenne. « Et alors quoi ? Vous pensez que la force de son amour pour cette Maëlle quelque chose l’a fait muter et qu’il est devenu une sorte d’Ange-Magicien ? C’est ridicule. » Zéliette soupira. « Ce n’est pas ce qu’on dit mais c’est quand même curieux qu’il tombe amoureux d’une Ange et qu’il tombe pile poil sur une arme qui est liée de près ou de loin aux Anges… » « Il n’y a pas que les Anges qui ont des ailes ! » « Elles étaient blanches, les plumes ! Tu connais d’autres races avec des plumes blanches ? »

« Les filles… C’est lui ! » « Où ? » « Là-bas ! » Les jeunes femmes se dirigèrent à la fenêtre pour me contempler. Hilarias leva les yeux au ciel, visiblement agacé. « Au marché ce matin ils l’appelaient tous l’Ange de Volatys… » « L’Ange de Volatys ? » « Ça lui va bien. » Je levai les yeux vers elles. La discrétion n’était jamais le fort des Magiciennes. L’une d’elle eut un mouvement qui la poussa à s’écarter de la fenêtre, ce qui fit rire les deux autres. Je leur souris en haussant les épaules. « Vous êtes devenu populaire… » me souffla Clermance. « Oui c’est assez… gênant, pour tout avouer. » Je changeai de sujet, comme si j’étais réellement embarrassé. En réalité, je me régalais de la situation. L’action s’était déroulée d’une façon si parfaite que je n’aurais pu la prévoir à l’avance. Ma chance lors de ce combat était incroyable, tellement que je me questionnais sur quel Æther il serait le plus opportun de remercier. « Vous avez pu retrouver la trace de ces Goled ? » « Non pas du tout. Nous avons organisé des patrouilles autour des villages et de la zone où nous avons combattu mais il n’y a rien. » « Cette arme est plutôt efficace… » « Si elle élimine les ennemis sans besoin de combattre, en effet… » « Je ne sais pas. Elle n’aurait pas été reléguée comme elle l’a été, si ça avait été le cas. » « Vous l’avez un peu étudié depuis ? » « Oui mais elle n’a plus fonctionné. Enfin, si, mais juste pour les plumes. Il n’y a pas eu d’autres effets donc j’imagine qu’elle ne marche que sur un champ de bataille, lorsqu’il y a des adversaires. »  « Peut-être qu’elle a été mise de côté parce que personne n’arrivait à l’utiliser ? » « Non, je ne pense pas. Je m’en sors en magie mais tout de même, il y a des mages beaucoup plus performants que moi. » « Vous pensez qu’il y a des effets secondaires que nous n’avons pas encore trouvé ? » « C’est bien possible. » Elle se tut un instant, lorsqu’un gloussement attira notre attention. « L’Ange de Volatys… ça me désole. » Je souris. « Je persiste à dire que Tête de Mule vous irait tellement mieux. Vous n’avez rien écouté. Vous n’en avez fait qu’à votre tête. » « Vous étiez en difficulté. » lui rappelai-je. Je n’étais peut-être pas innocent là-dedans cependant. « Je préférerais Tête de Mule aussi, si vous voulez tout savoir. Si ça peut vous rassurer, j’ai un ami qui trouve aussi que ce qualificatif me va bien. » « Alembert ? » « Non, un ami d’un autre peuple. » Plus qu’un ami. « C’est un homme plein de bon sens votre ami alors. » me dit-elle en riant.

Nous continuâmes notre chemin. Nous avions été au marché afin d’acheter de quoi célébrer ce combat gagné. Alembert m’avait même fabriqué des fausses ailes que j’aurais l’obligation de porter le soir même. « Vous pensez qu’il peut s’agir d’une relique angélique ? » me questionna-t-elle. « Sincèrement je ne sais pas. Je ne pense pas mais mes connaissances en reliques ne sont pas étendues. C’est vrai qu’avec l’apparition des plumes blanches on peut se demander… » « Baron ! » cria une voix depuis une autre fenêtre. Je levai les yeux et souris. « Vous êtes sûr que vous voulez vous marier avec cette Ange ? » « Certain. » confirmai-je avant de reprendre le cours de la conversation comme si de rien n’était. « Je pense qu’elles sont là pour l’effet… » « On ne voyait plus rien du tout. » « Oui, même moi je ne voyais plus rien. » « Même si je n’aime pas l’avouer, la scène était belle lorsque les plumes ont commencé à se disperser. Vous au milieu de rien, avec vos deux ailes bleues déployées, ça faisait vraiment apparition mystique. » Je ris. « N’exagérons rien. J’ai simplement volé jusqu’au champ de bataille et ait utilisé l’arme. » « Oh pas la peine d’être modeste : je sais que vous n’y êtes pour rien. C’était la première fois que vous l’aviez entre les mains. Mais admettez quand même que l’enchainement entre vos ailes et les plumes qui ont emporté nos ennemis était parfait. » Je souris. « C’est vrai. Ça devait faire son petit effet vu de l’extérieur. » « Vous allez en avoir pour un bout de temps avec cette histoire. » « Je crois bien que oui. » Elle me regarda des pieds à la tête. « C’est vrai que vous avez une tête d’Ange. » Je laissai un temps passé. « Je ne… » Elle rit et me donna un coup de coude. « Faites attention, Kaahl, si vous commencez à vous rebiffer contre ce surnom en protestant que vous n’avez rien d’un Ange, votre dulcinée pourrait mal le prendre. » « Je n’ai rien d’un Ange. » dis-je avec un grand sourire. Vrai. « Si si. Vous serez vierge jusqu’au mariage ! » Je haussai les sourcils. Nous devenions proches, même si elle continuait de prendre un air autoritaire, voire maternelle, lorsqu’il s’agissait de parler de combat. « C’est pour ça que je compte sur vous pour m’exercer à manier l’épée. » lui dis-je. « Voyons ! Baron ! » fit-elle, faussement outrée, en comprenant mon sous-entendu. « Hum ? » relevai-je innocemment. « Je suis un Ange, Clermance. Jamais je n’aurais pensé à ce que vous êtes en train de penser. »

1990 mots

À l’Archimage Nylmord.

Comme mon devoir m’y oblige, je vous envoie un rapport sur mon élève, le Baron Kaahl Paiberym. Je pense que ce sera d’ailleurs le dernier me concernant. En effet, il me semble prêt à prendre davantage d’importance au sein de notre peuple. L’acquisition du rang d’Architecte de Lys me paraît opportune afin de lui permettre d’exercer les compétences qu’il a acquises depuis qu’il est devenu Enchanteur d’Albâtre. Étant issu d’une famille de Sorciers, et bien que beaucoup de Paiberym semblent trahir les rangs des Mages Noirs de façon générale d’après mes recherches, il faudra sans doute surveiller plus consciencieusement ses faits et gestes. Il n’a jamais montré en ma présence de comportements qui pourraient laisser penser qu’il ne serait pas bénéfique mais l’épreuve du temple de Lyre sera décisive. Mon ressenti personnel, puisqu’il m’est demandé, est qu’il reste méfiant vis-à-vis de ses relations. Une amie m’a rapporté le fait qu’il bloquait l’accès à son esprit. Elle n’a pas pu percer sa magie. J’ai essayé à mon tour pour le même résultat. Ce n’est pas préoccupant mais indique clairement qu’il possède une magie et une force au-delà de ce que j’aurais pu imaginer venant de lui. Sans doute mon sentiment est-il dû à sa modestie. Il n’aime pas parler de ses réussites et semble se focaliser sur ses échecs et le chemin qu'il lui reste à parcourir pour atteindre une sorte de perfection. Cette volonté d’aller loin pourrait devenir handicapante si jamais il ne réussissait pas à atteindre ses objectifs. Je pense qu’il a besoin d’être entouré. Vous n’êtes sans doute pas sans savoir que s’il a rejoint les rangs des Magiciens et est professeur alternativement aux Palais de Coelya et à Basphel depuis de nombreuses décennies, il doit retourner fréquemment chez les Sorciers afin de s’occuper des affaires qui concernent sa famille. Après plusieurs discussions, il semble que ce soit un poids qui pèse sur ses épaules, ses proches le rejetant systématiquement et refusant le dialogue. Ce n’est pas une situation facile à vivre d’être considéré comme un traître, d’où mon sentiment qu’il faudrait veiller à ce qu’il ne se retrouve pas seul. Son intérêt pour l’Ultimage était jusqu’ici une faille insurmontable mais il semble que sa situation ait évolué récemment. Depuis quelques temps, il parle beaucoup d’une Ange du nom de Laëth Belegad. Les rumeurs ont d’ailleurs envahi Volatys la concernant suite à un fait d’armes spectaculaire de la part de Kaahl. Elles devraient atteindre le continent d’ici peu. Cette Ange pourrait sans doute réduire sa méfiance et son mal-être. Encore faudrait-il qu’elle l’aime. La situation ne me semble pas claire. Un mariage arrangé pourrait peut-être être envisagé s’il s’avère que la situation n’évolue pas favorablement mais il ne me paraît pas opportun vu la situation. Kaahl m’a déjà confié désirer être père. En conclusion, concernant sa personnalité, je ne pense pas qu’il y ait un risque de retour en arrière possible malgré les traumatismes liés à la disparition de sa mère et les différentes fragilités dues à une période de son adolescence où il a dû faire face au rejet de ses proches. Il a des facilités à nouer le contact et à se faire des amis mais garde une partie de lui inaccessible. J’imagine qu’il doit avoir peur de s’attacher profondément et d’être rejeté ensuite, même s’il ne le laisse pas filtrer. Il reste délicat pour moi de tirer ce genre de conclusions et je répète que ce n’est que mon ressenti personnel.

Si mon dernier rapport vous est adressé plus particulièrement c’est parce que le Baron souhaite intégrer l’armée. La cause angélique l’intéresse plus particulièrement, intérêt qui semble daté du jour de sa rencontre avec Laëth Belegad. Son Mindwim ne va pas en ce sens et les tests sur ses compétences en combat physique indiquent de grandes lacunes. Ces lacunes sont néanmoins totalement comblées par l’étendue de sa magie. Il est particulièrement rapide pour former les pentacles et son intelligence l’aide à agir rapidement, voire parfois inconsciemment. Dès qu’il est mis en difficulté physiquement, sa magie prend le relai. Il a également été capable de faire fonctionner l’un des artefacts amenés sur Volatys pour des tests et le capitaine lui a donné l’arme en question. Vous entendrez sans nul doute parler rapidement de cette histoire. Clermance et moi-même pensons qu’il aurait sa place dans le détachement stratégique de l’armée bien plus que sur le champ de bataille directement, même si Kaahl a été clair sur sa volonté d’apprendre à se battre sans magie. Il est en bonne forme physique. Ses réflexes sont bons. Le seul souci, comme évoqué précédemment, est qu’il est bien trop habitué à se reposer sur sa seule magie pour être compétent sans elle. Clermance lui a conseillé de s’exercer dans une zone dénuée de magie où il pourrait faire de nombreux progrès. Elle est d’ailleurs convaincue qu’il ne lui faudrait que très peu de temps pour s’adapter et pour devenir bon. Son tempérament l’y aiderait. Encore une fois, ce n’est que mon avis mais, étant donné sa volonté de rejoindre l’armée et son parcours exemplaire jusqu’ici, je pense qu’il a tout pour devenir Architecte de Lys dans le domaine en question. Sans doute serait-il préférable d’y aller par étapes puisque, jusqu’ici, il n’a jamais été détaché pour combattre, mais je suis convaincu qu’il sera un atout formidable côté stratégie. Combattre magiquement ne sera pas un souci non plus, si tant est qu’il ait une préparation psychologique suffisante. Pour le moment, l’armée s’occupe principalement des causes humanitaires et je pense qu’il serait intéressant de l’y envoyer avant de penser l’affecter à des combats plus sanglants. Je serais aussi rassuré s’il pouvait s’exercer dans une réalité créée par magie pour voir ses réactions face à l’adversité, même si elle ne serait que fictive. Compte tenu de son histoire familiale, il ne faudrait pas que la mort ravive le mal en lui.

Je me tiens à votre disposition si vous voulez en savoir davantage. Comme dit, je pense que ma mission concernant le Baron est terminée et qu’il est apte à évoluer et à prendre en charge un Magicien à son tour.

Alembert Cédric Horas Vaughan.

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« Archimage Ashiril. » Je me trouvais devant l’entrée du Temple de Lyre. « Baron Paiberym. » Je lui souris, légèrement distant. « Vous verrez, ce n’est qu’une formalité. Rien de bien difficile. Tout ce que vous avez à faire est de venir avec moi à l’intérieur du temple pour que je puisse déterminer de quelle couleur est l’aura qui vous entoure. » Il me fit un geste de la main. « Je vous en prie, après vous. » Je m’avançai.

Alister,

J’ai testé le Baron Kaahl Paiberym comme demandé. Le bleu de son aura n’est pas le plus pur jamais décelé mais il est bleu. Je confirme donc son alignement. C’est un Magicien.

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« Vous trouvez toujours les épaulières encombrantes ? » Clermance était appuyée contre l’embrasure de la porte et me regardait avec un sourire moqueur. Je n’eus pas besoin de me retourner pour l’apercevoir puisque son reflet apparaissait dans la glace. « On ne vous a pas appris à frapper ? J’aurais pu être nu. » lui envoyai-je. Elle rit et fit un pas pour entrer à l’intérieur de la pièce. « J’espérais secrètement que vous le soyez. Alembert m’a dit que vous étiez tatoué et ça m’a étonnée. J’aurais voulu voir ça. » Je lui souris. « Demandez ça à Maëlle Visegrád, je le lui ai montré. » Elle se pinça les lèvres. « Je suis désolée d’avoir parlé de Laëth. » Je me retournai. « Heureusement, elle est partie en expédition et les ragots ne devraient pas lui parvenir. J’ai bien peur qu’elle ne vive pas très bien la nouvelle de sa grossesse. » Je souris. Bien sûr qu’elle allait l’apprendre, un jour ou l’autre. Il faudrait simplement que je puisse expliquer le cheminement qui avait amené à cette situation. Pas évident. « Je ne vous en veux pas. J’aurais mieux fait de garder ça pour moi. C’est ce qu’il est plus sage de faire avec les secrets. » « Vous avez raison mais il n’empêche que j’ai manqué de délicatesse. » « C’est vrai. Elle comme moi ne sommes pas étrangers à la foule et, forcément… » « La foule trouve que vous feriez un beau couple. » « La foule pense que nous en sommes déjà un. » Les choses étaient allées bien plus loin que ce que j’avais souhaité. Moi qui voulais simplement faire circuler une histoire d’amoureux transi, voilà que dans la plus innocente des configurations, nous nous étions promis l’un à l’autre. Certains la disaient même morte et me voyaient déjà veuf, après avoir procédé à un mariage secret. Les versions divergeaient, se contredisaient et se chevauchaient. Le quart des rumeurs la disaient enceinte, raison pour laquelle elle s’était engagée dans les expéditions, pour fuir le courroux de son frère ou de son roi. Un autre quart me plaignait d’avoir épousé une Ange qui ne pourrait pas me donner de descendance et j’avais déjà reçu la visite d’un officier royal qui avait insisté sur le fait que ce serait un plaisir de me compter parmi les parents d’adoption des Magiciens Nilsson. Il fallait que je rende visite à Gustine dans les prochains jours, afin de rétablir la vérité aux yeux de la vieille femme. Je pourrais sans doute lui avouer que Laëth et moi avions échangé un baiser mais rien de plus. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs.

Après un moment de silence, Clermance s’approcha davantage. « Je voulais vous féliciter pour votre entrée dans l’armée. » « Ce n’est pas encore fait. » lui dis-je, nerveux. « Officiellement non mais officieusement c’est déjà le cas. » Je souris. « Merci. » « Encore la cérémonie à passer et vous serez Architecte de Lys et membre de l’armée. Ce n’est pas rien. » Je déglutis et fixai de nouveau mon reflet. « J’espère me montrer à la hauteur. » « Il n’y a pas de raison. Vous l’avez été jusqu’ici. Alembert ne tarit pas d’éloges sur vous. » « Je vous ai déjà dit qu’il m’aimait trop pour son propre bien. Il me croit plus sensible que je ne le suis. » « Peut-être qu’il n’a pas tort ? » Je passai ma main sur ma nuque et la regardai à travers le miroir. « Je ne sais pas quoi vous répondre en toute franchise. Mon histoire est particulière mais je ne pense pas être plus à plaindre qu’un autre. J’ai trouvé chez les Magiciens tout ce que je pouvais espérer. Maintenant que mes actions vont pouvoir réellement compter, je ne peux que remercier les Dieux pour la chance qu’ils m’ont offert de pouvoir ouvrir les yeux. Pour rien au monde je ne souhaiterais être encore un Sorcier. » Je me retournai. « Je combattrai le mal autant que je le pourrai. » Elle sourit et acquiesça. « À la paix. » dit-elle. « À la paix. »

Quelques longues minutes plus tard, je sortis de la pièce pour me diriger vers la salle de cérémonie. J’allais y rencontrer la Reine et le Nylmord et, ensemble, ils me nommeraient Architecte de Lys en me faisant promettre de préserver la paix et de me battre pour elle. Je le ferai.

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