Partenaire - Solo
Intrigue - Après une longue absence, Mancinia recherche Neah dans les Jardins et fait la rencontre de Chÿsam, ainsi que d'autres membres de la Compagnie de Yüerell qui la guide vers son Ange Gardien. Il est temps pour elle d'en apprendre plus sur le monde qu'elle a quitté.

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La lumière du matin dardait à travers les volets mal fermés. Délabrés serait plutôt le bon mot. Mancinia ouvrit les yeux, cette manière se réveiller ne la dérangeait guère, vu que la clarté y était moins vive que dans le Désert. Elle avait fait escale dans cet endroit, mais l'établissement n'avait pas très bonne réputation, même en territoire Magicien. Il faut dire qu'elle se baladait avec le strict nécessaire, y compris au niveau de ses économies, même si Ritsuka avait tenu des livres de comptes très précis qui l'avait laissée bouche bée. Elle était aisée, même plus encore. C'était littéralement de la richesse. Cela la mettait un peu mal à l'aise d'ailleurs. Jamais l'Humaine n'avait vécu dans le luxe, mais les choses risquaient fortement de changer à l'avenir et elle n'était pas certaine d'y être préparer, cela lui faisait un peu tourner la tête. Heureusement qu'elle n'était pas retourné en territoire Humain tout de suite, le choc l'aurait probablement replongé dans le coma. En nouant les boutons de sa chemise, Mancinia soupirait bruyamment, agacée. Ces derniers jours, ses pas et ses gestes étaient devenus moins maladroits, mais elle avait l'impression que courir ou combattre la tuerait. Aussi, elle passait son temps à soulever son arme pour remettre du muscle dans ses poignets. Dix ans de sommeil avaient eu de quoi assassiner lentement son corps. Elle avait l'impression d'être une ombre, un reflet. Est-ce qu'elle pouvait vraiment se présenter devant Neah dans ces conditions ?

L'Humaine avait pris un grand soin de sa tenue ce matin, elle restait modeste avec un pantalon et une chemise, ses cheveux rehaussés en une longue queue de cheval, mais c'était une tenue convenable pour une voyageuse qui parvenait aux Jardins de Jhēn. Cet endroit était le dernier où les Anges pouvaient désormais vivre. Son coeur était noué, regrettant de ne pas avoir vu la Terre Blanche dans sa vie, imaginant aisément la plaie béante dans l'esprit des survivants. Le Génocide Angélique faisait écho dans son esprit comme celui ayant frappé les Humains. En traversant les portes de cet endroit, elle se surprit à retrouver l'ambiance du territoire Magicien, mais grandement diminué et changer par rapport à d'habitude, vu que le lieu était consacré aux Ailes Blanches. Mancinia aurait bien eu du mal à les distinguer si elle ne savait pas qu'ils étaient ici. À croire que se cacher était nécessaire pour survivre. Et probablement était-ce le cas, car le Malin n'était jamais loin. L'Humaine fini par s'arrêter devant quelques personnes ou marchands pour leur demander des renseignements. Neah Katzuta ? Probablement à la Caserne de la Compagnie de Yüerell. Prévisible. Il s'était enrôlé à leurs côtés peu de temps avant la Guerre. Visiblement, elle avait désormais une réputation très haute et semblait très respectée. La politique pacifique ayant échouée, ce n'était guère étonnant qu'on accorde plus d'importance à la valeur des armes et de l'art guerrier. Elle n'était pas difficile à trouver, mais sa discrétion semblait néanmoins surprendre les deux surveillants.

— Qui va là ? demanda l'un des hommes, armé d'une lance.
— Excusez-moi, dit-elle d'une voix douce en souriant. Je souhaiterais voir Neah Katzuta.

Ils échangèrent un regard. Cela ne l'étonnait guère, au final.

— Nous sommes navrés, madame, mais personne n'entre au sein de la Caserne sans autorisation, à moins que vous ayez reçu une missive vous disant le contraire ?
— Non, mais c'est assez important. Est-ce que vous pouvez au moins aller le chercher ? Cela fait...Longtemps, que je n'ai pas revu Neah.

Chÿsam était un peu surprit de l'entendre parler aussi familièrement de ce dernier.

— Le Capitaine Katzuta est actuellement mission.
— Oh, se reprit-elle. Capitaine. Il est vraiment devenu quelqu'un, alors, hum.

L'Ange fronçait les sourcils. Il y avait très peu de femmes qui le demandaient, voire aucune. Surtout venue d'une étrangère qui n'était ni d'ici, ni issu du peuple angélique. Il le ressentait très bien. Cela le surprenait assez d'ailleurs. Peut-être que son supérieur et ami avait simplement discuté avec elle une fois et qu'elle s'était imaginée des choses ? Non, ce n'était pas son genre et l'étrangère devant eux semblait être maîtresse de ses émotions. Alors... ?

— Puis-je vous demander qui vous êtes ?

L'Humaine acquiesçait. En enlevant sa capuche, Mancinia vit le regard de l'Ange changer complètement, son visage se déformant tandis qu'il lâchait un hoquet de surprise alors que le plus jeune le dévisageait, fort surprit de sa réaction.

— Par Ahena ! C'est un véritable miracle !
— Chÿsam ?

Sa réaction étonnait encore plus le cadet qui ne semblait plus être certain de la marche à suivre. Mancinia jouissait d'une réputation éclatante au sein de ce peuple. Elle avait aussi tendance à l'oublier.

— Dame Leenhardt ! Vous...Vous êtes... !
— Je suis bien là, oui, sourit-elle.

L'homme fit son salut militaire, visiblement honoré.

— Je suis Chÿsam, un membre de la Compagnie de Yüerell. Je suis sous les ordres du Capitaine Katzuta.
— Eh bien...Chÿsam, comme vous le savez, Neah est mon Ange Gardien. D'où ma demande impromptue.
— Oui, il nous a beaucoup parlé de vous. Malheureusement, il est en mission en extérieur en ce moment. Nous pouvons l'avertir dès qu'il sera rentré que quelqu'un demande à le voir !
— Oh, s'il vous plaît, ne lui dites pas que je suis là. J'aimerai lui faire la surprise.
— Heu...Oui, évidemment.

L'Humaine lui souriait vraiment chaleureusement, lui exposant un peu son plan sans être certaine de le voir aboutir. Peu importait. Ils étaient d'accord.

— Merci ! Je ne vous dérange pas plus longtemps durant vos heures de service ! Bon courage et bonne journée !
— Que la vôtre le soit également.

A n'en point douter, elle le serait. Alors que Mancinia remettait sa capuche et que sa silhouette disparaissait, la recrue restée en retrait paru perplexe.

— Je ne comprends pas. C'est qui ?
— Ah là là, tu es si jeune encore... ! dit Chÿsam en lui ébouriffant les cheveux.
— Hey !

Absent. Elle aurait dû le deviner. Tout le monde semblait connaître Neah dans les environs. Elle avait peut-être dormi une décennie, mais cela ne signifiait pas que le monde avait arrêté de tourner définitivement. Neah avait continué dans la voie qu'il avait choisie et semblait faire honneur à son nom et aux siens. Cela l'amusait assez. Capitaine. Que de chemin parcouru par le petit Ange maladroit et innocent, mais ce n'était guère une surprise, la guerre changeait les gens. Mancinia se demandait bien comme lui, il avait évolué. Etait-il devenu fort, aigri, sinistre ? Elle n'aurait pas la réponse tout de suite et c'est à une autre porte qu'elle frappait. La femme qui venait lui ouvrir avait un regard sérieux, ambré et étincelant, ainsi qu'une longue chevelure sombre. Pourtant, son lien de parenté avec le guerrier ne faisait aucun doute. De son côté, elle ne l'avait absolument pas reconnue malgré sa capuche retombée. Il faut dire qu'elle ne l'avait jamais vue et ce, malgré toutes les descriptions possibles qu'on lui avait faite de l'Humaine.

— Bonjour... ?
— Oh ! se reprit-elle. Veuillez me pardonnez, Madame. Je me nomme Mancinia, je suis...
— Mancinia Leenhardt ? dit-elle, surprise, en ouvrant grand la porte.
— Hum. Oui.

Sans doute que Neah avait parlé d'elle à ses parents, comme elle-même en avait parlé à sa mère. Cette dernière la regardait de haut en bas, puis de bas en haut, les yeux écarquillés de surprise.

— Vous êtes éveillée !
— Oui, Madame. J'ai fait le chemin pour...
— Voir Neah, n'est-ce pas ?

Mancinia eu à peine le temps de confirmer ses propos qu'elle tendit ses bras pour mettre une main sur chacune de ses épaules.

— Soyez la bienvenue chez nous, Mancinia !

Cette attention la touchait beaucoup. Elle n'était pas très au fait de ce qu'était un Gardien chez les Anges, mais elle imaginait mal ces derniers renvoyer les Humains concernés comme des malpropres. De là à être accueillie à bras ouverts dans sa famille, par contre, elle ne l'aurait pas vraiment cru.

— Vous avez dû faire une longue route ! Entrez ! Neah ne devrait pas tarder à rentrer !

Mancinia allait d'abord refusée, ne souhaitant pas déranger, seulement avertir d'où elle était, mais cela aurait été faire preuve d'impolitesse et il y avait mieux comme première rencontre. Elle estimait qu'une entrevue ne dérangerait personne et elle entrait dans la demeure, tout en enlevant sa cape de voyage tout en remerciant la femme.

— Ah ! reprit celle-ci. Je manque cruellement de politesse ! Je ne me suis même pas présentée. Je suis Suna et voici mon mari, Mitsuya.

Ce dernier était assis sur l'une des chaises de la cuisine, relevant son regard vers les deux femmes, surprit de la visite impromptue, se demandant certainement qui était cette étrangère. Elle le vit dans ses yeux qui scrutaient son épouse.

— Mon Ange, voici Mancinia.
— Ça alors !

Ce dernier avait les yeux ronds derrière ses lunettes, il se levait ensuite pour l'accueillir et lui offrit une poignée de main chaleureuse. Ils l'invitèrent à s'installer, lui servant du thé et des biscuits, ne lui laissant pas le choix quant au fait qu'elle devait rester pour le repas. Ils étaient vraiment adorables. Mancinia était plutôt silencieuse, ce qui ne faisait en aucun cas partie des traits de caractère de cette bavarde. Relativement gênée de faire face aux parents de son Ange Gardien, aussi gentils soient-ils. Durant une grande partie de leur entretien, elle s'était contentée de les écouter, souriante et très attentive au moindre mot que leurs lèvres pouvaient prononcer. Ils essaient d'éviter les sujets fâcheux, se contentant de lui raconter les dernières nouvelles des différents territoires. Il y avait des noms qui lui échappaient totalement, comme d'autres étaient des souvenirs vivaces. De quoi lui donner le tournis, d'une certaine manière. C'est alors qu'elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir. La voix qui en émergeait failli faire cesser de battre son coeur.

— Père ! Mère ! On m'a dit que vous deviez me v...

Sa phrase restait suspendue dans les airs lorsque son regard se posait vers elle. Mancinia s'était retournée, souriante. Finalement, la surprise n'en serait que plus belle. L'Ange ne semblait absolument pas réalisé. Ou, au contraire, croyait que ses yeux lui mentaient. Il était bouche bée.

— Neah.

Sa voix ne pouvait mentir. Il s'était rapproché tandis qu'elle se relevait, mais c'était Mancinia qui avait tendu ses bras pour le l'enlacer. Elle sentait clairement son corps trembler et quelques larmes furent échanger, celle du bonheur, en quelque sorte. Ce que l'Humaine était émotive depuis son réveil. À croire que son esprit mesurait le temps passant et savait que les années d'absence avaient été longues.

— Kahnsykah ! dit Kamiya.
— Oh, Kamiya, c'est donc ici que tu étais !

Son corbeau était sur l'épaule de son compagnon, volait désormais sur le sien. À sa place. Il se frottait contre sa joue et cela l'amusait. Son vieil ami lui avait tellement manqué. D'un autre côté, lui avait appris que Neah était quelqu'un de bien et ça l'amusait de le lui laisser un peu de place.

— Vous devez avoir beaucoup de choses à vous dire, dit Suna. Neah, que dirais-tu de lui faire faire un tour avant de manger ?
— C'est que...J'ai encore des obligations et...
— Je peux attendre ! l'interrompit. Mancinia. Je peux vraiment attendre...

Quelques heures ne changeraient plus rien, désormais.

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Neah avait longuement profiter de sa présence durant les quelques minutes de leurs retrouvailles, mais son rapport ne pouvait guère attendre plus longtemps et Mancinia comprenait fort bien les restrictions qu'imposait sa condition de soldat au sein d'une armée. La guerrière attendrait son retour chez lui, comme il le lui avait demandé et devant l'insistance de Suna et Mitsuya pour qu'elle reste en leur compagnie. Il était rapidement reparti, sans Kamiya, qui était rester sur son épaule pour lui raconter bien des choses, essayer de voir comment elle se portait, remarquant rapidement qu'elle ne disait pas toute la vérité, mais que pouvait-il y faire ? Mancinia était ainsi faite. Jamais elle n'admettrait une quelconque faiblesse physique, surtout qu'elle ne souhaitait pas qu'on la prenne par la main après son éveil. Seulement, ces retrouvailles avaient dénoué sa langue et l'Humaine avait raconté un peu son enfance et son adolescence aux parents de son Gardien. Ils l'avaient écoutée, ayant de l'empathie pour son vécu et ils avaient même émis l'idée que sa mère puisse être soignée par la magie angélique. Mancinia avait secoué négativement la tête, sa mère ne voulait plus avoir rien à faire avec la magie et, déjà, elle avait essayé, mais la blessure était trop ancienne et trop grande. Tout avait ses limites. Et le mal des Sorciers était grand. Évidemment, elle taisait son envie de revanche sur les Mages Noirs, surtout qu'elle n'avait désormais plus la force nécessaire à ses grandes ambitions.

Il lui fallait désormais tout recommencer depuis le début, mais pour lui changer les idées, Mitsuya racontait sa vie en tant que Magicien, sur les Terres du Lac Bleue, pour lui, revenir ici était aussi synonyme de côtoyer son passé. Suna, elle, n'avait connu que la Citadelle Blanche. Ils taisaient tout deux soigneusement les faits lors du Génocide. Mancinia était curieuse, mais certainement pas irrespectueuse. Elle était consciente que Neah lui en parlerait. Ainsi s'écoulèrent de longues heures, avant que ce dernier ne revienne à sa rencontre, exceptionnellement. Ils échangèrent un repas tous les quatre, voilà des journées entières où elle n'avait pas eu un vrai repas chaud, celui-ci lui plaisait assez. Malgré leur amitié, les longs regards de son Ange la déstabilisèrent plus d'une fois. Mais bon, outre ce que cela pouvait signifier, elle était bien trop lasse sur le moment pour avoir les idées claires. Comment sa mère le lui avait glissé un peu plus tôt dans la soirée, Neah avait entreprit de faire visiter leur nouveau chez eux. Provisoire, certainement. Être à ses côtés, ça lui faisait un bien fou. Elle avait eu tellement envie de le revoir qu'elle se sentait soulagée. L'Ange, quant à lui, ne savait expliquer exactement ce qu'il ressentait. C'était énorme. Comme si leur Lien, en suspend dans les airs, s'était subitement reformer pour devenir plus fort que jamais. Ça le chamboulait presque et en vérité, même si sa Protégé ne le voyait pas, il avait bien du mal à contrôler ses émotions. La nui était tombée doucement sur la cité et ils s'étaient assis sur un banc, devant une grande fontaine, regarder l'eau et le bruit de retombée l'apaisait grandement.

— Tu n'es pas trop perdue avec tous ces changements ? l'interrogea Neah. Ce doit être compliqué...
— Pas vraiment, reprit-elle. On m'a expliquée dans les grandes lignes ce qu'il s'était passé pour nous peuples respectifs, mais j'étais tellement sous le choc que...Que c'est bien la seule chose que j'ignore.

Neah relâchait un léger soupir. Ce ne devait pas être facile. Elle était partie au plus fort du Conflit et, maintenant, les Aetheri avaient perdus, les Anges avaient été exterminés, son peuple s'était disloqué en plusieurs Royaumes pour éviter des représailles suite à leur disparition. D'autres peuples avaient prospérés, conquis ou dévastés des territoires entiers, chamboulant les frontières établies depuis longtemps. De quoi faire tourner la tête à n'importe qui.

— On a eu énormément de mal à réparer les dégâts causés par l'Impératrice des Abysses, sans parler que nous devions guérir nos propres blessures, cela lui a de nouveau laissé le temps de se renforcer et de se remettre en avant sur la scène politique.
— Vanille Deslyce ? s'étonnait Mancinia. Mais...N'avait-elle pas quittée le trône ? C'était les dernières nouvelles avant mon Sommeil. Bien que l'état des Mers et des Océans étaient loin de mes préoccupations, pour tout te dire.
— Hum, songeait Neah, essayant de se rappeler de cette annonce. L'Empereur Nastaé a été remplacé par une personne nommée Lilween, mais elle est partie volontairement lorsque la Khaeleesi est revenue.

L'Humaine eu un sourire à l'idée.

— Ce retour a été grandement apprécié des Sorciers, je présume ?
— Énormément, sourit Neah. Les conflits sont fréquents.

Il y avait bien une bonne nouvelle là-dedans, c'est que les Sorciers s'étaient faits laminés par les forces armées des Sirènes. Mancinia appréciait grandement la politique du peuple des Mers et des Océans sur ce point, même si leur Impératrice avait causé des dégâts partout dans le monde.

— Personne ne lui a fait payer ses crimes ?
— Qui aurait osé ? Seul un fou ou un dément essayait de protester. Nous l'aurions bien châtié si nous en avions la force, mais à croire qu'elle a fait un Pacte avec le Diable également pour éviter toutes les représailles.
— C'est là que tu te trompes. C'est le Diable qui s'assied à sa table pour prendre des leçons.

Neah l'observait, sourcils rehaussés.

— Tu as une haute estime d'elle, cela m'étonne.
— Elle n'a jamais eu rien contre nos peuples dans leur globalité. À l'inverse des Diables qui l'ont gagné en exterminant nos peuples respectifs. Oh, je pense qu'elle n'aurait aucun problème à le faire, ce n'est seulement pas dans son intérêt. De toute manière, tout le monde se met à genoux pour la vénérer, alors pourquoi s'en priverait-elle, au final ?
— Les gens comme Deslyce et Azmog n'ont juste personne pour leur tenir tête et ils agissent comme des gosses capricieux. Il faudrait seulement les remettre à leur place.

Cela fit rire Mancinia. En un sens, il n'avait pas tort. Pourquoi se priverait-il de faire le Mal ou de servir leurs intérêts si personne ne les en empêchaient réellement ? Même l'Ultimage, que l'on disait redoutable, ne réagissait en rien devant eux. Neah reprit la parole.

— De ce que je sais des rumeurs, c'est que Nausicaa, la compagne du Roi Mikhail, était sa fille.
— Oh. C'est pour ça qu'elle est repartie après son abdication.
— Tu ne penses pas qu'elle l'a mangé ? rit-il. On ne sait jamais, avec les Sirènes.
— ...Il a pris de mauvaises décisions, mais je n'espère pas pour lui. C'était quand même un bon souverain.

Même s'il avait lâchement abandonné les Anges après des siècles et des siècles de protection de leur part.

— Et les autres ? Les Evershas, par exemple ?

Mancinia se souvenait de Sullivan, l'enfant ayant perdue sa peluche au sein d'Utopia, de ses parents venus commercer. Elle se demandait comment elle était, plusieurs années après ces événements. Certainement une jeune femme, peut-être que des peluches, elle en possédait encore, pour ses enfants.

— Chez les Evershas, la situation est...Elle est aussi instable que nous, à mes yeux.
— Comment ça ?
— La Reine Mélinda a été assassinée et son successeur est responsable de sa disparition.
— Quoi ? s'étranglait Mancinia. Mais... ! Impossible ! Comment les Evershas ont-ils pu l'autorisé ?
— La Reine Ava est...Redoutable. Je te conseille d'éviter leurs territoires désormais, Mancinia. Ils ne sont plus neutres, comme auparavant. Je crois qu'ils veulent réparer les affronts qu'ils ont subis et les Humains...

Un regard lui suffit à comprendre qu'il ne devait pas aller plus loin.

— Au moins, c'est un peuple qui a choisi de reprendre ses droits et de ne plus se laisser faire.
— En effet, surtout qu'ils sont en guerre avec les Vampires.
— Ces derniers se sont largement étendus, de ce que tu m'as dit.
— A croire que nos futures guerres seront toutes territoriales.
— L'expansion est l'avenir, en effet. Rien que chez les miens, nous avons cinq Royaumes. Et vous ?
— On y réfléchit.

Ce n'était pas illogique. Les Anges vivaient sur un territoire allié, le leur ayant sombré entre les mains des Cornus. Sûrement aspiraient-ils à une meilleure indépendance.

— Ah, reprit-il. En parlant d'expansion, les Réprouvés ne sont pas mal non plus.
— J'ai du mal à imaginer Düst attaquer quelqu'un.
— Il est mort. C'est Erza Stark qui a pris sa succession.

Ainsi, cette femme était devenue Reine ? Elle avait l'étoffe d'être une chef, mais certainement pas une Reine. Elle qui laissait parler plus vite sa hache que sa langue risquait fort de faire éclater des conflits si elle n'y prenait pas garde.

— Elle a sûrement tuée Düst.
— Je ne crois pas. Ce n'est pas son genre. En tout cas, pas dans le dos.
— Tu crois ? Elle a épousée le Daedalus...A eux deux, ils sont capables du pire.
— Vraiment ?

Son ton ravi lui valut le regard dur de Neah.

— Entre sales engeances, ils doivent se comprendre.
— Neah ! protesta-t-elle.
— Dans ces peuples barbares et mauvais, rien de bon ne peut naître.
— Certains Déchus étaient Anges auparavant.
— Ils ne le sont plus parce qu'ils ne le méritaient pas. De toute manière, ils ne sont pas mieux lotis que nous. On nous accuse de vouloir reprendre notre territoire, mais les Réprouvés veulent guerroyer pour un oui et pour un non sans réelles raisons.

S'engager sur ce terrain-là était glissant et elle n'avait guère envie de se disputer si peu de temps après leurs retrouvailles. Elle était consciente que la rancoeur de Neah envers des races qu'il estimait nocives, ayant même l'impression que sa parole était plus libre et moins contestée. Elle le comprenait, autant que cela la surprenait. Elle essayerait d'en savoir plus le moment venu, mais mieux valait détourner la conversation vers d'autres sujets, d'autres régents. Ils dérivèrent ensuite sur ces derniers, découvrant que la politique agressive des Vampires lui avait valu la création d'une force armée impressionnante. Cela lui nouait l'estomac. Heureusement qu'ils étaient occupés avec les Evershas, parce qu'elle était certaine qu'à l'instar des Démons, ils auraient pu esclavager les Humains. Ils étaient une vraie menace pour eux, silencieuse et discrète, certes, mais une redoutable. Il fallait rééquilibrer les forces. Marcus Araé gouvernait toujours les Orines, après avoir repris la succession de Lily-Lune, mais cela ne semblait pas réellement avoir tout chamboulé. Gabriela...Était toujours en place, à sa grande surprise. Les Élémentaux, ou plutôt, les Lyrienns, avaient visiblement du mal à s'en défaire et les tensions étaient explosives. Quant aux autres races, elles poursuivaient leur existence avec une politique différente. Neah prit son temps de lui raconter les diverses progressions, mais la situation qui le préoccupait le plus, c'était celle des Anges. Nombreux étaient ceux esclavagés sur la Terre Blanche, à la construction d'édifices, à l'amélioration du territoire. Certains devaient probablement servir les Démons pour des choses affreuses. Il lui en parlait uniquement parce qu'elle était sa Protégée et que les rumeurs avaient atteints la Compagnie de Yüerell, où il avait été promu Capitaine depuis peu. Ce dernier point l'intéressait énormément. À raison.

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Neah lui rappelait d'une voix douce et nostalgique son entrée parmi eux, cela s'était déroulé peu de temps après leur séparation douloureuse dans le Désert, où elle avait été furieuse contre lui, lorsqu'il avait failli provoquer son trépas. Mancinia s'en souvenait fort bien et trouvait, désormais, que sa colère avait été exagérée. Il avait réellement tenté de la protéger de Maître Dâ et non pas lui faire du mal, comme lui aurait souhaité lui en faire. Sans doute était-ce son impulsivité et sa méchanceté qui avait contraint son Ange Gardien à revenir chez lui et à chercher de l'aide là où il pouvait en trouver. Et sans doute que la personne concernée avait vu là une superbe opportunité d'embrigader quelqu'un, même si elle se doutait que Neah n'était pas un enfant ignare. Il avait embrasé cette cause et cette voie de sa propre volonté. Pour elle. Cela la peinait comme cela la rendait fière, d'une certaine manière. C'était confus. Il lui racontait sa rencontre avec Gilgamesh, un soldat, comme bien d'autres à l'époque, simplement rattaché aux tâches de surveillance et à la prévention quant au Mal qui sévissait sur les terres du Yin et du Yang, celui qui s'immisçait partout et revenait à la charge durant l'ère trouble qu'était la renaissance du Dieu-Roi. Il était venu en aide à Neah, il l'avait aidé à manier plusieurs armes, allant de l'épée à l'arc et de la lance aux poings, supervisant ses entraînements pour améliorer son endurance, lui offrant des ouvrages destinés à lui faire découvrir des stratégies et tous les éléments nécessaires à sa survie.

C'était sa détermination et son sens de la loyauté qui avait attiré la Compagnie de Yüerell, dans l'ombre depuis longtemps, de ceux qu'on traitait de fous et d'arrogants, mais il avait naturellement choisi de se joindre à eux et dès lors, les choses n'avaient cessées de se dégrader et de leur donner raison et les remettre au-devant de la scène. Son origine ne laissait aucun doute à ses yeux lorsque l'Ange mentionnait Delix. Ce dernier était le modèle, voire le fer de lance de leurs convictions. Il avait réussi à annihiler le Mal en grande partie, mais cette fracture des forces de manière malsaine avait littéralement failli exterminer la vie sur ces terres. S'y était-il mal prit avec l'instauration de ces piliers ? Probablement. Ce chaos avait contraint bien des gens à se dissimuler pour éviter d'être chassé, ou pire. Seule la Compagnie avait tenu et sans doute avait-on vu là un bon moyen pour les canaliser en un seul endroit. Ils n'étaient pas idiots, seulement patients. Et cela avait payé avec le Génocide Angélique, que Neah appelait le Czirnùma. Mancinia en avait seulement eu vent parce que Neah lui en avait parlé, mais les Humains étaient rarement autant dans les confidences. C'est parce que son Ange lui faisait confiance, qu'ils formaient un tout, une équipe et que s'il pouvait la convaincre elle, sans doute serait-il capable d'en convaincre beaucoup d'autres d'embrasser la voie des armes pour assurer la protection et rétablir l'équilibre en exterminant les Démons, ou, vu leurs forces actuelles, les amoindrir petit à petit.

— Tu sais, Mancinia, nombreux sont ceux à critiquer nos convictions. Elles seraient relativement trop violentes et directes, faisant de nous la partie extrémiste des Anges. C'est même ainsi qu'on nous pointe du doigt et en le disant, en disant simplement que nous sommes là, nous, les Extrémistes.

Il lui sourit, fixant un point perdu un peu plus loin. Elle ressentait probablement l'amertume dans ses paroles.

— C'est mon choix que de croire que les Vertus ont de l'impact en ce monde et que mon devoir est de défendre les populations méritantes en exterminant celles qui sont nuisibles.

Sa manière de le dire avait de quoi dérouté, mais en quoi sa manière de pensée était différente ? Elle-même pensait que certaines races étaient au-dessus des autres, classant les plus néfastes au plus bas d'une longue liste. Quelques noms à barrer aurait probablement été intéressant, mais avaient-ils la force pour ça ? N'était-ce pas une mauvaise chose ?

— Je crois que, malheureusement, avec tous ces Pacifistes au sein de nos rangs, nous n'y arriverons pas. Ils sont encore ancré dans leur idéologie positive quant au fait que nous devons maintenir l'équilibre, à vivre en paix, mais cet équilibre est rompu depuis longtemps. Je ne comprends pas pourquoi ils ne le voient pas ? A partir de quel moment sommes-nous obligés d'excuser les anciens massacres ?
— Les Anges ont massacrées les Déchus, l'interrompit Mancinia. Tu estimes que c'était une bonne chose, ça aussi ?
— Oui. Les Déchus sont des erreurs engendrées par les Anges et nous devons nous en charger.
— Mais, Neah, les Déchus, erreurs ou non, ont su évoluer vers le bon chemin, certains redeviennent des Anges, à terme.
— Raison pour laquelle nous les laissons de côté, tant qu'ils ne font rien de mal.
— Et après ?
— Nous aviserons.
— Tu es vraiment buté, soupira-t-elle.
— Tu es à mon image, tu sais ?

Cela les fit sourire, alors qu'ils se regardaient et que la conversation dérapait à nouveau. Elle ne pouvait pas se taire, les Déchus et les Réprouvés étaient des aberrations pour lui, mais incarnait l'idéal d'une excellente nation ou d'une meilleure armée pour elle. Les fréquenter sur le champ de bataille ou sur des missions périlleuses l'en avait convaincue, même si des souvenirs néfastes imprégnaient sa chair depuis un passage sur les terres de Bouton d'Or. Cependant, cette complicité retrouvée lui faisait tellement de bien. Sans parler de son interlocuteur. L'Ange avait l'impression d'avoir retrouvé une partie de lui. Mancinia interrompit le silence, un léger sourire aux lèvres.

— Probablement.
— Tu es la seule à me comprendre, Mancinia. Il n'y a que les Humains qui peuvent comprendre ce qu'était la grandeur, la chute et la douleur de rebâtir à partir de rien, sur les milliers de corps de ses semblables, coincés, sans savoir réagir à l'affront, pendant que les autres peuples regardent et n'agissent en rien pour punir les responsables des grands maux de ce monde.

Mancinia prit une longue inspiration, détournant le regard. Oui, elle savait. N'avait-elle pas grandit dans un lieu improvisé ? Détruit par des Sorciers, lui ayant arraché sa mère ? Une vie d'errance, de maltraitances et de critiques ? Méprisée, traînée dans la boue. La grandeur aurait pu être sienne si ses ancêtres n'avaient pas eu l'arrogance et la faiblesse. Vanille Deslyce. Lord. Zane Azmog. Lochlann Deslyce. Tous les autres. Voire peut-être Edwina Nilsson, qui sait ? Est-ce qu'elle se figurait être une bonne personne en conservant sa rancoeur au fond de son âme, prête à anéantir ses adversaires dès qu'ils feraient un faux pas tout en donnant l'impression d'être une personne vertueuse. Peut-être était-elle comme Neah, mais elle avait du mal à l'admettre, parce que ce mode de penser n'était pas répandu. Il suffisait qu'il le soit, non ? Mais dès lors, ne deviendraient-ils pas les monstres qu'ils aspiraient à combattre ? Elle était un peu perdue, que ce soit dans ses sentiments ou ses idéaux. Dix ans ne se balayaient pas facilement.

— Les Pacifistes sont convaincus que tout ceci est un bien nécessaire aux Anges. Je crois qu'ils sont un danger, autant pour notre Compagnie que notre peuple. Nous avons peut-être un but commun, mais cela ne durera pas éternellement. Les Vils, jamais, ne cesserons de vouloir nous exterminer complètement. Et tout le monde semble si passif. C'est à en pleurer.

Mancinia regardait Neah, leurs regards se croisèrent à nouveau, ne se décrochèrent pas.

— Personne n'est au-dessus de la Justice, n'est-ce pas ?

Drejtësi. Elle était probablement l'un des fers de lance de ce qu'ils défendaient tous les deux, mais ces paroles ne reflétaient-elles pas l'envie de vengeance dissimulée sous une noble cause ? Comme la sienne ? Luftë. Au final, les deux Aetheri étaient intimement liée. C'était devenu de plus en plus complexe.

— Je comprends, sourit-elle. Merci de m'avoir expliqué tout ça.
— D'autres fléaux sont apparus au fil de cette décennie, des choses que nous ne pouvons pas maîtriser. Des créatures dont nous avons bien du mal à nous débarrasser et qui sont dangereuses pour des frontières mal gardées. Les Goleds, les Zihaags ...

Mancinia en avait vaguement entendus parler, on l'avait mise en garde avant son départ du Désert. Les Goleds étaient des guerriers, affreux et sans honneur, dangereux pour les femmes seules. Fort heureusement, elle n'en avait pas croisé un seul, le Continent devait être protégé et le Désert, malgré son isolement, pouvait en décourager plus d'un et elle doutait qu'un peuple pareil maîtrise l'art de la navigation pour les attaquer par le Nord. Les Zihaags, eux, lui faisait froid dans le dos. Ils étaient grands, cannibales, mais heureusement peu nombreux. Ils sont attirés par le bruit et sont dotés d'une force impressionnante, la nuit était leur plus grande alliée. À croire que les Aetheri avaient envie d'exterminer les vivants de ces terres. Heureusement, pour ces créatures-là, des membres d'un Empire récent, le spectre de la Dame, travaillait sur leur élimination. Et les Goleds avaient comme ennemis directs les Réprouvés.

— Dans tous les cas, les Démons restent la menace principale. Une chose à la fois.
— Je me sens un peu responsable de...
— Non.

Neah l'avait interrompue, se souvenant aisément de la raison pour laquelle elle s'en voulait. Celle d'avoir soigner le Soldat Azmog, celui qui était destiné à devenir le Monarque Démoniaque, en croyant en une éventuelle aide quelconque de sa part. Si elle avait su que lui rendre son bras l'aurait conduit à exterminer les siens, sans doute l'aurait-elle massacrée sur cette place de marché recouverte de sang.

— C'est vrai que c'était une erreur que d'accorder ta confiance à un Démon.
— Ce n'était pas de la confiance. J'ai cru qu'il serait un atout de poids pour gagner la guerre et...J'ai vu quelque chose que je voulais voir. Quelle naïve j'ai fait.
— Tu avais néanmoins raison sur un point, Mancinia.
— Lequel ?
— La Reine Edwina n'était pas le monstre que les fanatiques religieux ont voulu nous faire croire qu'elle était. Je te dois.

Mancinia prit la main de Neah, reconnaissante.

— Je pense que ce qui est fait est fait. Il faut absolument que nous nous concentrions vers l'avenir. Seulement, les Forces du Mal causent tellement de dommages...Il faudrait vraiment les exterminer.
— C'est vrai ?! dit-il en se relevant à moitié, ravi de l'entendre prononcer ses mots. Tu penses ce que tu dis ?
— Évidemment.

Neah se rassit, ravi. Ça l'amusait aussi, dans un sens.

— Ensemble, alors ?
— Ensemble.

Neah sourit à son tour et la prit dans ses bras. Il était bon de revoir une aussi vieille connaissance, une amie. La femme qu'il aimait. C'était quelque chose qu'il ne pouvait admettre, pas maintenant. Une chose à la fois, pas à pas. Mancinia regardait le ciel, tout en le serrant dans ses bras, étincelant désormais d'étoiles, essayant de repérer les constellations. Non, personne n'était au-dessus de la Justice. Pas même les Dieux.

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