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 [Événement réservé] - Il n’y a pas besoin de sang pour connaître la douleur

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Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

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Isiode et Isley
Lun 04 Mai 2020, 03:35

Il n’y a pas besoin de sang pour connaître la douleur



Musique

Sous un même commandement, les hommes du Général Vaughan entrèrent en trombe à l’intérieur de la grotte. Tout était silencieux désormais, le tremblement de terre causé par l’équipe de l’Archevêque ayant cessé ses activités depuis peu pour rejoindre le troisième groupe afin de leur porter assistance et protection, si besoin est. Désormais, il ne restait plus que l’Imperio et ses alliés sur la Pointe des Plaines et ces derniers avaient pour mission de ratisser l’ensemble de la grotte pour tuer toute menace qui aurait potentiellement persisté au guet-apens des Anges. Plusieurs de ces fameuses menaces, cependant, jonchaient actuellement le sol, victimes des assauts et fracas perpétrés par les Ailés alors qu’elles fuyaient, en vrac et paniquées, l’enceinte de leur domaine de pierre. Celui-ci avait donné l’impression de s’effondrer sur leur tête, de gros morceaux de roc se détachant du plafond pour exploser une fois au sol. Leur unique pensée fut de s'en aller pour éviter la Colère soudaine de la Nature, la fête à laquelle ils venaient de s’adonner n’ayant soudainement plus aucune importance à leurs yeux. Ils avaient dû fuir, se protéger, se préserver.

Cependant, tous ceux qui avaient eu le malheur de sortir le bout de leur nez avait rapidement compris que leur fin les attendait à l’entrée de ce qui leur était apparu comme leur unique salut. Ramiel, par le haut des airs, avait observé l’action se dérouler devant ses yeux, dirigeant les attaques de ses hommes par sa pensée en leur soufflant les failles à exploiter, les membres à briser pour empêcher l'ennemi de riposter. Un à un, les Goled étaient tombés, plusieurs ayant résisté, cela dit, aux assauts répétés de ses subordonnés et, à ces derniers, l’Imperio s’était aussitôt employé à embrouiller leur psyché, causant des maux de tête à certains alors que d’autres se figeaient tout bonnement en plein milieu de leur course : des latences aussi diverses que variées pour ouvrir leur défense et permettre à ses hommes de foncer et d’abattre leur épée. Cela lui avait semblé durer des heures, une fine couche d’eau s’effondrant depuis le ciel, alourdissant incontestablement la masse de ses plumes et vêtements.

Et si l’adrénaline avait su le garder éveillé et concentré, maintenant que la tension était tombée et qu’il savait toutes ses troupes rentrées, il ne pouvait plus décemment ignorer le poids qui écrasait sa propre conscience et qui avait drainé une bonne partie de son énergie au cours de l’attaque. Pourtant, il gardait un faciès serein, un regard perçant, alors qu’il contournait le cadavre d’un énième monstre. Mais à peine venait-il de dépasser sa hauteur qu’il suspendit son pas, pivotant son visage en direction du Goled. Ce dernier émettait un drôle de grognement, une sorte de sifflement : il respirait encore malgré le sang qu’il avait perdu. Le Général s’abaissa jusqu’au bestiau et se mit à l’observer longuement, sans parler, comme s’il n’avait besoin de paroles vocalisées pour communiquer.

Mais après quelques secondes seulement, le Goled échappa son dernier râle et l’Ange se redressa pour continuer son travail.



L'Immaculé aux cheveux pâles s’approcha de sa patiente. Elle s’était réveillée tout récemment et il s’était aussitôt déplacé pour connaître son état. Si les autres captives des Goled étaient mal en point et subissaient les contrecoups des mauvaises conditions sanitaires et alimentaires de leur réclusion, le chef de l’Unité médicale ne s’en faisait pas pour leur vie : elles étaient entre de bonnes mains auprès des autres professionnels de l’unité et le contact des leurs devaient également beaucoup les apaiser.

Cependant, l’histoire n’était pas la même pour la mère Lemingway, qui avait connu un violent traumatisme après s’être cognée à l’une des parois rocheuses de la grotte. Selon les témoignages, elle avait voulu s’attaquer à la bête qui s’en était prise à Hena, mais avait été balayée sans ménagement par ladite créature, ce qui avait résulté en un vol plané qui lui avait valu un choc particulièrement puissant entre sa tête et le mur de leur prison de pierre : sans surprise, elle s’était évanouie sur le coup et elle ne s’était réveillée que quelques fois depuis le retour des équipes de sauvetage au campement pour mieux s'endormir à nouveau.

« Bonsoir Nawen », s’introduit-il tout en lui adressant un sourire.

Un calme rassurant et apaisant entourait le médecin d’apparence jeune alors qu’il s’asseyait auprès de l'Aile Blanche.

« Comment vous sentez-vous? Poursuivit le chef de l’Unité médicale tout en prenant ses signes vitaux afin de s’assurer qu’elle allait bien. C’est normal, vous avez subis un sacré choc. Penchez un peu votre tête sur le côté… Oui, comme ça. Je vais prendre votre pouls, quelques secondes. »

Doucement, il glissa ses doigts jusqu’à la gorge de la blonde, un peu plus bas que le menton, afin de capter la pulsation du flux sanguin dans son artère. Lorsqu’il finit d’évaluer celui-ci, il réitéra son examen en plaquant, cette fois-ci, ses doigts à la hauteur d’un de ses poignets.

« Toutes les filles ont été sauvées et sont présentement auprès de mes collègues. Elles sont particulièrement maigres et ont d’importantes carences alimentaires, mais avec de la patience et du temps, elles retrouveront une excellente santé », positiva le médecin en prenant, cette fois-ci, la température de sa patiente.

Cependant, à un instant, son sourire se crispa et il finit par baisser les yeux en secouant la tête, l'air sombre.

« La soldate Lilayel n’a pas survécu… »

Il émit une courte pause.

« Un Goled lui a broyé la cage thoracique et plusieurs fragments d’os ont percé ses poumons. »

Il savait qu’en tant que médecin, elle comprendrait d'elle-même les conséquences d’une telle action sur le corps de la victime. Hémorragie interne, problèmes respiratoires… Le sang s'était mis à envahir les poumons de la guerrière et Hena avait dû manquer d’air avant de s’évanouir dans le poing du monstre. Et de mourir.

« Ses funérailles se tiendront demain soir. »

Il finit de prendre les signes vitaux de la jeune femme avant de se redresser.

« Bien. Vous semblez vous portez mieux maintenant. Nous vous apporterons de la nourriture sous peu… Il hésita quelques secondes en voyant son visage et reprit : Mais si vous voulez parler de ce qui s’est produit, je peux rest– »

Doucement, son visage s’était détourné de sa patiente pour observer la haute silhouette d’un homme aux cheveux d’argent, qui venait de traverser la toile pour pénétrer dans la chambre de convalescence de Nawen. À sa vue, le chef d’Unité cligna quelques secondes des yeux, incapable de deviner la raison d’une telle rage qu’il pouvait voir briller dans le regard de son allié. Et pour détendre l’atmosphère, l’Ange étendit doucement le Sanctuaire d’Ahena en sa direction, espérant calmer l’impulsion soudaine et furieuse qui semblaient battre au plus profond de sa poitrine.

« Oreste, bonsoir. Elle vient tout juste de se réveiller. »

Céodore Brigg reporta son attention vers la jeune femme.

« Je vous laisse. Reposez-vous bien et si vous ressentez quelques vertiges, n’hésitez pas à nous appeler, moi ou un autre soignant. Nous sommes juste à côté. »

Et quitta la chambre.



La milicienne parcourait une dernière fois le campement. Partout où son cercueil circulait, des prières et de légères mélodies suivaient pour lui rendre hommage. La petite procession avançait machinalement, au rythme des chants, jusqu’à sortir des portes du campement. Elle continuait son chemin jusqu'à atteindre le bord de la falaise qui se jetait au cœur de la jungle, en contrebas de la plaine. Un trou, non loin, avait été creusé, dans la journée, en l’attente de cet instant, et le cercueil de la défunte fut déposée à quelques centimètres de sa tombe.

Dès lors, un silence total et respectueux s’était abattu au milieu du rassemblement tandis que l'Archevêque Yöl s’avançait et pencha la tête au-dessus du visage de la disparue. Il tenait un chapelet dans sa paume et, alors qu’il récitait une prière à l’endroit d’Ezechyel et des sept Vertueux, sa seconde main dessinait d’étranges et mystiques arabesques sur le front de la défunte, marquant ainsi l’Oliviera. À la fin, il ouvrit les yeux, embrassa le chapelet et le laissa glisser tout près du visage de la soldate Lilayel.

« Suwón ni alaafia. (Dormez en paix.) »

Enfin, il recula de quelques pas et gonfla sa poitrine, expirant alors la mélodie de l’Amēllia.


1 391 mots

Explications


Voici, comme promis, un petit Événement réservé pour conclure le chapitre des Goled! La suite, dans le RP de groupe! ♪

Déroulement : La première partie traite simplement de la fin des combats avec les Goled. Les équipes reviennent de leur assaut avec la dizaine de rescapés Orishas sauvées.

La seconde partie traite des soins et des services qui ont été apportés à toutes les rescapées et je me suis particulièrement concentrée sur Nawen. Elle et Hena ont été ramenées au campement, mais la dernière n’a pas survécu et a succombé à ses blessures. Concernant le site médical, c’est une sorte de chapiteau avec, à l’intérieur, plusieurs « chambres » séparées par des toiles les unes des autres.

La troisième partie traite, ainsi, des funérailles de la guerrière, qui se déroulent le lendemain, en soirée. Pour honorer sa mémoire, la cérémonie angélique a été réalisée au mieux et Hena a fini enterrée avec son arme de prédilection non loin du campement, où une petite pierre tombale a été dressée. Selon la coutume angélique, au cours du Lāura, un membre de la famille du défunt offre des fleurs de coquelicot à toute la procession : Laëth, si tu veux, peut avoir été désignée pour faire cela =)

Concernant la cérémonie funéraire angélique, je vous dirige vers ce lien. Certains aspects de la cérémonie n’ont pu être respectés (Pour les coquelicots, les Elfes ont pu en faire pousser pour le coup xD). Bref, modelez la cérémonie selon ce qui aurait pu être accompli ou non. Vous êtes tous les trois inviter à y participer, si vous le désirer

À tenir compte : Il a plu toute la journée de l’attaque; une fine pluie. Le lendemain, aux funérailles, le ciel est particulièrement clair.

Participants PJs : Laëth Belegad, Anya Eorgor et Aramis Borghild.

Deadline : vous avez jusqu’au 14 mai 2020, 23h59 (heure française) pour poster. Je vous laisse dix jours, mais je peux toujours rallonger pour deux semaines si vous le désirez ^^

Si vous avez des questions, vous savez où me trouver nastae

Bonne écriture! ♪

Gains

Vous devez faire 720 mots au minimum dans un message unique.

Pour 900 mots :
✠ Un bouclier non-magique de type Aasà ou un bouclier non-magique de type Agbo
(Pour la description des boucliers, allez lire ce post)

Pour 450 mots de plus (donc, pour 1 350 mots minimum) :
✠ 1 point de spécialité au choix
OU
✠ Une boîte d’Æraes et d’Æries (respectivement les feuilles et les fruits de l’Æia) qui permettent soit de confectionner un thé sucré, soit de fabriquer l’ambroisie, une boisson pétillante pouvant revigorer le corps et l’esprit.
OU
✠ Un chapelet, confectionné et béni par l’Archevêque de la Compagnie de Yüerell, Hangelos Yöl, qui augmente relativement la chance de votre personnage et lui insuffle la confiance qu’il a perdu.



Pour 1 350 mots :
✠ Un bouclier magique de type Idaabe, un bouclier magique de type Othelto ou un bouclier magique de type Iṣẹlẹ
(Même chose, allez lire ce post)

Pour 450 mots de plus (donc, pour 1 800 mots minimum) :
✠ 1 point de spécialité au choix
OU
✠ Une boîte d’Æraes et d’Æries (respectivement les feuilles et les fruits de l’Æia) qui permettent soit de confectionner un thé sucré, soit de fabriquer l’ambroisie, une boisson pétillante pouvant revigorer le corps et l’esprit.
OU
✠ Un chapelet, confectionné et béni par l’Archevêque de la Compagnie de Yüerell, Hangelos Yöl, qui augmente relativement la chance de votre personnage et lui insuffle la confiance qu’il a perdu.



It's a little price to pay for salvation
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Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
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Priam et Laëth
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Priam et Laëth
Mar 05 Mai 2020, 11:16



Old sword by Egor Poskryakov (artstation.com)

Il n’y a pas besoin de sang pour connaître la douleur

Evénement | Laëth



C’était la question qui résonnait dans le silence, pénible et douloureuse. L’effet cauchemardesque s’en était retourné au néant. Il ne demeurait que les aspérités de la réalité, trop coupantes. Elles étaient pires. Elles perçaient tout le corps, jusqu’à inciser le palpitant.

Laëth avait appris le deuil comme une période de fêtes. On célébrait la Dilon au rythme des chants et de la descente des bières, car ce n’était jamais qu’un passage d’un état à l’autre. Les Zaahin accueillaient à leur table les guerriers trépassés. On ne pleurait pas des pertes. On acclamait des vainqueurs. Les Ætheri n’étaient pas les Zaahin. Les Anges n’étaient pas les Réprouvés. Laëth n’était plus Laëth. Elle avait changé, et ce qu’il y avait dans sa bouche, le goût qui pesait sur son cœur, c’était celui de la douleur. Elle avait surgi du chaos émotionnel et abattu violemment sa lame sur sa nuque.

Les images tournaient en boucle, comme si sa mémoire était cassée. Le sang sur ses jambes, le sang sur son torse. La pâleur de son visage, la raideur de ses membres. Quoi qu’elle fixât, c’était tout ce que l’Ange voyait. Même les larmes, qui voulaient bien tout noyer dans un flou humide, ne l’aveuglaient pas. Même la colère ne savait plus poser son voile rouge pour livrer le monde à ses flammes. Tout était à la fois trop fade et trop fort. Tout bouillonnait, tout se mélangeait, pour donner à la vie une saveur indicible et détestable.

Le déni voulait reprendre le dessus. Il voulait temporiser et enfermer la souffrance dans sa boîte pour qu’elle ne pût causer aucun mal. Mais tous les regards, tous les mots, tous les soupirs le renvoyaient au loin, car ils traduisaient tous la même chose. Hier, Hena Lilayel est morte. Laëth marchait, et elle en voulait au monde entier. Elle en voulait aux autres de frapper sans ambages le marteau de la vérité sur son crâne. Elle en voulait aux soldats de n’avoir pas réussi à la sauver, à Adriel de l’avoir laissée mourir. Elle en voulait aux Dieux de jalonner son chemin d’épreuves. Elle en voulait à ce cercueil qui serpentait entre les tentes, devant elle. Elle en voulait à Hena d’être morte. C’était trop tôt. C’était trop dur. Elle n’avait pas le droit de l’abandonner. Elle s’en voulait de ne pas avoir été à la hauteur.




La veille, au retour.

Elle avançait en silence, mécaniquement, les prunelles fixées sur l’horizon grisé par les nuages et la pluie. Les émotions tombaient une à une, comme des couperets. Tout ce qu’elle avait refusé de ressentir revenait la broyer. La peur, la panique, l’angoisse. La surprise, l’effroi, la peine. Elles la traversaient sans discontinuer. Adriel marchait près d’elle, muet, les yeux rougis et les dents serrées. La jeune Ange lui accorda un regard ; et face à ce qui peignait sa figure, elle sentit la petite main revenir entraver son œsophage. Ses cornées la brûlèrent, son cœur se serra et ses mains tremblèrent. Elle se mit à pleurer et tourna aussitôt le visage de l’autre côté. Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas. Réaliser, assumer, supporter. Elle essaya de tout cadenasser, une fois de plus, mais elle était épuisée. Son énergie se concentrait dans ses muscles. Les masques ne pouvaient plus tenir. Adriel eut un geste vers elle, de ces gestes timides, de ceux que l’on veut faire sans hésitation mais qui sont retenus par la peur de la réaction. Elle secoua la tête et s’écarta. Elle voulait rester seule. La peine n’a pas d’ami.

Parvenue au campement, son regard tomba sur la tente sous laquelle résidait normalement sa mentor. Elle s’arrêta. Les poings refermés, elle essuya ses larmes. Le milicien de Kahena, devant elle, avait aussi cessé de marcher. Il s’était tourné et l’observait. Dans ces moments, les silences charriaient plus que toutes les paroles. Il n’y avait rien à dire, ou tout ce qu’il y avait à dire résonnait avec un tel décalage que le mutisme l’emportait. Lorsqu’elle croisa ses yeux bleus, Laëth sentit sa poitrine se craqueler. Un hoquet lui échappa ; et alors qu’elle s’écroulait, elle se rapprocha pour se blottir dans ses bras. Elle subit un premier sanglot. D’autres lui déchirèrent le dos, avec cette répétitivité cinglante. Ils étaient comme des coups de fouet. Adriel glissa une main dans ses cheveux. Sa queue de cheval était déjà à moitié défaite. Ça ne pourrait pas être pire. Il caressa doucement son crâne. Il pleurait, lui aussi. Plus qu’une collègue ou une partenaire, il avait perdu une amie. Comme Laëth, il avait été mis face à son impuissance à contrer des forces qui le dépassaient, et c’était difficile. Il avait déjà connu la mort, la souffrance et le deuil. Le Rimkalàri ne l’avait pas épargné. Pourtant, quand ils revenaient toquer à sa porte, il les accueillait toujours avec la même amertume. Il serra la Recrue contre lui, puis déposa un baiser sur son front. « Viens. » Il défit son étreinte, mais garda un bras autour de ses épaules. Il la guida à travers le campement. La peine ne s’endure pas dans la solitude.



La veille, au campement.

« Adriel. » Elle se retourna subitement et revint vers sa tente. « Je ne veux pas dormir toute seule. » souffla-t-elle, à nouveau devant son ami alors que, quelques secondes plus tôt, elle s’apprêtait à partir. Sous les draps de la nuit, le paysage paraissait étonnamment calme. Pas un bruit ne venait troubler le sommeil des explorateurs. Personne ne s’était couché avec l’esprit apaisé. Il y avait du soulagement, forcément. Nawen allait bien. Les filles orishas s’en sortiraient. Mais il y avait Hena. Le blond scruta les iris émeraude de la jeune femme. Il y lisait tout ce qu’il aurait préféré ne pas y voir. Ils avaient passé la soirée à jouer à des jeux de société. Ils n’avaient pas parlé de ce qu’il s’était passé plus tôt, comme si formuler leurs maux avait pu empirer leur effet. Il esquissa une moue désolée. « Va chercher tes affaires, si tu veux. » Elle lui fit un sourire triste et fila en direction de son habitation de fortune. Lorsqu’elle revint, ses bras étaient chargés de ses effets.

L’Ailée avait déplié son lit de camp à quelques centimètres du sien. Même sous la tente, elle devinait sa silhouette sous sa couverture. Elle s’était enroulée dans la sienne, ne laissant dépasser qu’un bout de son visage. Elle sentait le Sanctuaire d’Ahena que le militaire déployait autour d’eux. Elle inspira. « Adriel ? » - « Oui ? » Silence. « Est-ce que… Est-ce que tu crois qu’elle a souffert ? Je veux dire, beaucoup ? » C’était une question d’enfant. La réponse était évidente, car qui n’aurait pas souffert d’un viol ? Qui n’aurait pas souffert de sentir ses côtes ployer jusqu’à briser ? Qui n’aurait pas souffert de voir ses poumons trahis par ses propres os ? Elle savait qu’elle avait souffert. Beaucoup. Ce n’était pas la vraie interrogation. « Elle a forcément souffert, Laëth… mais elle a dû… je ne sais pas. Elle es-était pleine de bravoure. Elle a affronté l’épreuve qui s’est imposée à elle. Elle n’aurait jamais baissé les bras. » Les doigts de la brune se resserrèrent sur sa couette, et le froissement du tissu lui indiqua qu’elle avait bougé. Elle s’était recroquevillée. « Oui, elle était courageuse. » chuchota-t-elle. Elle renifla. Elle avait envie de rentrer chez elle. Elle avait envie de se lover dans les bras de son frère et de tout oublier. De faire comme si Hena n’était jamais morte, comme si elle-même n’était jamais partie en explorations, comme si elle n’avait jamais intégré Yüerell, comme si elle n’avait jamais voulu vivre aux Jardins de Jhēn. Elle aurait aimé s’entourer des bras de ses parents. L’odeur de la terre et du fumier, du bois brûlé et des peaux de bêtes, du lait de bicorne et du ragoût de cerfeuil. Elle ne regrettait rien, pourtant. C’était la douleur qui parlait, qui voulait tout effacer.

Elle ferma les paupières ; mais dans la cécité, le monde n’apparaissait pas plus tendre. Elle les rouvrit. « Pourquoi elle ? » Elle se redressa, en appui sur un coude. « Pourquoi elle et pourquoi moi ? » A son tour, il se releva à demi et la regarda. « Je ne sais pas. Il n’y a pas toujours d’explication. C’est juste… comme ça. » Elle serra les dents tandis qu’une pointe de colère perçait son buste. « Comment est-ce que tu peux dire ça ? » La hargne affleurait. « Parce que c’est ce que je crois. » répondit-il doucement. « Tout n’a pas une raison d’être ou d’arriver. » - « Et les Ætheri ? » Il battit des cils. « C’est un peu présomptueux de croire qu’ils se soucient de destins de gens comme toi et moi, tu ne crois pas ? » - « Je ne sais pas. Ce n’est pas ce qu’ils sont censés faire ? S’occuper des mortels ? C’est pour ça qu’on les prie, non ? » - « Mais leurs desseins nous dépassent, Laëth. Les voies des Dieux sont impénétrables. Hena n’est pas décédée au profit d’un but plus grand qu’elle-même. C’est simplement… comme une main qui s’abat. C’est un peu aléatoire, c’est… » Il s’interrompit. Sa voix tremblait. Son discours rappelait à sa mémoire des souvenirs qu’il aurait préféré enterrer à tout jamais. Elle baissa les yeux. Ce n’était pas satisfaisant. Pire, c’était insupportable. C’était injuste. « Ce n’est pas juste. » - « Non, je sais. » Encore, elle renifla. « Alors les Ætheri ne valent pas mieux que les humains. » Elle se retourna et s’emmitoufla à nouveau sous ses couvertures. Adriel soupira et se laissa retomber contre le tissu du lit de camp. Ce n’était pas ce qu’il pensait, et ce n’était sûrement pas ce qu’elle croyait non plus. Mais on ne raisonne pas les cœurs qui souffrent.

Le silence dura. Pendant un temps, il crut même qu’elle dormait. Malgré tout, le Sanctuaire d’Ahena la tranquillisait. Les tranquillisait. Il souffla doucement. « J’aurais dû… » Il sursauta presque. « J’aurais dû rester plus près d’elle pendant les combats. Si on ne s’était pas perdues de vue, elle serait peut-être encore là. Et dans la grotte, j’aurais dû essayer de lui trancher le bras, j’aurais dû- » - « Laëth. Arrête. Ça ne sert à rien d’imaginer d’autres scénarios. Ce qui est fait est fait. Et ce n’est de la faute de personne. » - « Mais si on avait- » - « Non. » trancha-t-il fermement. Elle roula à nouveau sur le matelas de fortune pour pouvoir discerner sa silhouette. A l’aide de son index et de son majeur, elle essuya délicatement ses larmes. Puis, sans lâcher sa couette, la fille de Réprouvés se leva. Peut-être que ça ne se faisait pas : elle s’en moquait. Il y avait des besoins qu’elle ne pouvait pas taire, des volontés d’enfant qui devaient être exaucées. Elle se glissa à côté d’Adriel et l’enlaça, posant sa tête contre son torse. S’il fut surpris, il n’en dit rien. Elle ne voulait pas dormir toute seule.




La falaise s’arrêtait et à ses pieds la jungle s’étendait. Laëth la parcourut des yeux. Le ciel jetait ses feux sur la verdure. Les nuages se gorgeaient de couleurs chaudes qui rehaussaient les derniers camaïeux de bleu avant la nuit. Une sensation de beauté profonde envahit l’Aile Blanche. Sa colère hésita : devait-elle s’effacer au profit de la quiétude distillée par ce spectacle ou s’énerver de voir le monde continuer à vivre sans douleur ? Elle se rongea elle-même, comme le serpent qui se mord la queue. Elle grondait si fort que, dans le silence religieux établi, l’enfant de Réprouvés songea que l’on devait l’entendre. Elle battait à ses tempes des tambours de guerre.

Lorsque l’Amēllia monta du groupe d’Anges, la brune sentit son ire balayée par une tristesse viscérale. Elle serra ses bras autour de son torse, tandis que les pleurs l’assaillaient une fois de plus. Dès les premières notes, sa propre voix se serait brisée. Ses jambes lui semblaient faiblir sous le poids qui l’accablait, et elle se demanda si elle serait capable d’offrir les coquelicots quand le Lāura débuterait. Le panier qui les contenait tenait entre ses pieds. Les Ygdraës les avaient fait pousser. Elle renifla et se frotta le nez, puis chassa quelques larmes de ses pommettes. Un souffle haché s’extirpa de ses poumons. Il fallait pouvoir le faire. Pour Hena. Au moment où la procession débuta la prière communément réalisée par les proches, elle se pencha pour récupérer le panier. Elle s’approcha d’abord d’Adriel. Elle lui tendit un coquelicot, qu’il prit en la remerciant. Comme elle se tournait vers le reste de l’assemblée, elle eut un moment d’arrêt. Depuis la mort de sa mentor, elle se sentait suspendue entre deux mondes. La Recrue déglutit, puis entama la distribution de fleurs rouges. Ils passèrent de ses mains à celles des endeuillés, qui les déposèrent délicatement dans le cercueil, un à un.

Elle s’avança vers l’ouvrage de bois, presque chancelante. L’épée de Hena avait été polie ; sous les derniers rayons du soleil, elle étincelait. Leur chaleur semblait donner vie à la figure figée de la blonde. Ses lèvres tremblèrent : elle les pinça. Elle tendit le bras et posa le coquelicot sur la poitrine de la défunte. Dans le vert de ses yeux, il y avait cette question suspendue : pourquoi ?



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Mitsu
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Mitsu
Ven 15 Mai 2020, 00:00



Nawen observa le médecin. « Bonsoir. » souffla-t-elle, doucement. Anya se sentait instable dans ce corps qui n’était pas le sien. Pourtant, elle avait tenue jusqu’ici. La dame aux cheveux blonds l’aidait dans cette épreuve. Elle ne pouvait pas révéler son identité véritable. Sans doute ne comprendraient-ils pas. Elle n’avait aucune idée de comment s’était terminée la communication avec Ramiel. Avait-il pu pénétrer son esprit en profitant du fait qu’elle fût inconsciente ? Elle en doutait. Le combat avait dû être rude. « Hum… J’ai l’impression de m’être fait piétiner par un cheval pour être franche. » Elle ne se sentait pas bien. Elle venait tout juste de se réveiller et sa tête lui tournait un peu. Elle n’aimait pas qu’on la touchât. Elle préférait garder son corps loin de celui des autres, pour une obscure raison. Sentir les doigts du médecin sur elle lui rappela ses propres faiblesses, physiques mais également psychologiques. Elle n’avait pu faire face à la situation qui s’était présentée à elle et la blonde, Edelwyn, avait un point de vue très différent de celui de son frère sur sa propre condition. Dans ses phases de sommeil et au creux de ses demi-réveils, elle s’était entretenue avec elle. Elle n’était pas d’accord sur cette procédure. Elle le lui avait dit plusieurs fois : peu importe la personnalité qu’Anya construisait de toutes pièces, en piochant dans ses souvenirs à elle qui plus est, elle restait une enfant. Une enfant n’avait pas à être plongée au milieu de massacres, d’intrigues politiques violentes et destructrices. Pourtant, cette femme, adulte, n’avait aucun pouvoir véritable. Elle était simplement dans sa tête, à essayer de trouver une solution pour reprendre le contrôle de son existence.

Nawen écouta les dires du médecin, sur les Orishas. « Tant mieux. » murmura-t-elle, sentant une boule étrange se former dans son estomac. Il allait ajouter quelque chose d’autre, une chose qui allait être douloureuse. Elle ne voulait pas la ressentir, cette chose. Non. Elle devait tout bloquer. La douleur était tellement atroce. Elle avait le pouvoir de submerger tout ce qui l’entourait, de détruire les remparts de la raison au profit de la folie et de la rancœur due aux injustices les plus affreuses. Elle n’avait simplement pas envie de s’impliquer émotionnellement. Elle le refusait. La blonde, elle, savait prendre une position de totale indifférence. Son cœur avait déjà été de glace. « Oh. » émit-elle. Que dire ? Que faire ? Le deuil était une notion trop délicate. Edelwyn refusait de la laisser puiser dans ses ressources. Anya se retrouva démunie, incapable d’articuler le moindre mot supplémentaire. Elle se sentit triste, tellement triste. Ses yeux brillèrent, alors qu’elle gardait la tête baissée. Elle n’avait pas côtoyé Hena tant que cela mais elle la connaissait, lui avait parlé. Elles avaient voyagé ensemble, traversé des épreuves ensemble au sein du navire et en arrivant à Iyora. Elle s’était tenue à côté d’elle dans cette grotte et la question que l’enfant déguisée en adulte se posa fut celle-ci : pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’elle avait survécu alors que ça n’avait pas été le cas de l’Ange ? Qu’est-ce qui faisait que les Ætheri avaient choisi de l’épargner, elle, et pas l’Ange ? Elle trouvait les choses tellement injustes. Le Monde est injuste, raisonna une petite voix dans sa tête. Elle l’entendait, s’agacer de l’obstination de l’enfant à garder son rôle. Elle y était résolue. « D’accord… » murmura-t-elle, avant de relever les yeux lorsque le médecin ne termina pas sa phrase. Elle croisa le regard assombri de l’Ygdraë. Il la fit frissonner. « Oui, merci docteur. » Elle l’avait dit sans quitter l’Elfe des yeux. Celui-ci attendit que le médecin fût parti et s’approcha. « Excuse-moi. » souffla-t-il à son oreille après l’avoir entourée de ses bras. Anya ne comprenait pas. Edelwyn, elle, si.




Oreste se tenait derrière Nawen. L’une de ses mains était posée sur l’épaule de l’Ange, en soutien. Celle-ci regardait Laëth. Il savait que l’enfant culpabilisait de n’avoir pas pu sauver Hena, de s’être trouvée au même endroit qu’elle et de ne pas avoir été à la hauteur, affaiblie par ses émotions, par ses peurs, par un désavantage physique qu’elle ne pouvait cacher bien longtemps. Et lui, lui… Il ressentait toujours cette haine farouche envers Luftë et l’abruti qui l’avait accompagnée dans sa tâche. Ils n’étaient personne pour se mêler de ses affaires. Ils n’étaient pas détenteurs des Lois de l’Univers. Ils n’étaient pas Juges. Ils avaient agi d’une façon qu’il ne pouvait pas pardonner.

Sa main bougea légèrement, en une caresse douce et chaude. Nawen prit conscience qu’un coquelicot lui était tendu. Oreste referma ses doigts sur la fleur si fragile. Il savait qu’Anya comprenait la peine de celle qui avait perdu son guide. L’enfant était une éponge. Elle ne savait comment gérer le flot des sentiments qui l’envahissait. Il la surveillait, la sauvegardait. Il l’épargnait, retirant le trop plein de son esprit pour l’empêcher de s’effondrer. D’un geste tendre, il la poussa à avancer vers le cercueil afin d’y déposer la plante aux pétales rouges. Il l’imita et la rejoignit. Lui, voyait les Morts. Un bruit d’ailes se fit entendre. Un corbeau se posa non loin du bord de la falaise et croassa. Il fixa l’assemblée d’un œil curieux et affuté, avant de s’envoler.

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[Événement réservé] - Il n’y a pas besoin de sang pour connaître la douleur

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