« Tu n’as pas à avoir peur Dalcina. Ce n’est vraiment qu’une formalité. » « Mais accompagnez moi quand même… » La jeune femme avait terminé ses études aux Palais de Coelya. Elle était une adulte depuis un certain temps déjà mais la perspective du Mindwim l’effrayait. C’était une Magicienne douce et légèrement introvertie que j’avais eu comme élève, des années plus tôt. Elle continuait à me vouvoyer malgré tout. Typiquement, elle était toute destinée pour faire une épouse parfaite pour moi. Il m’aurait suffi de manipuler imperceptiblement ses sentiments pour qu’elle finisse par m’aimer. L’amour n’était pas si difficile à créer dans un esprit faible. J’aurais sans doute pu essayer de me rapprocher d’elle sans user d’artifices. Malheureusement, j’avais d’autres idées en tête. J’avais beau vouloir vivre de façon saine et tout faire pour chasser mes obsessions, elles revenaient souvent à la charge. « D’accord mais je ne pourrais pas passer les épreuves à ta place. » lui dis-je pour la taquiner. Elle sourit timidement avant de se confier. « J’ai vraiment peur que l’on découvre que je ne suis bonne à rien… Et si je n’avais aucun talent ? Et si personne ne pouvait être mon mentor ? » Je m’arrêtai de marcher pour la regarder et posai mes deux mains sur ses épaules pour qu’elle plonge ses yeux dans les miens. « Dalcina. Ne dis pas ça. C’est vraiment te dévaloriser. » C’était le cas. Elle n’avait aucun talent pour le combat, par exemple, mais elle était particulièrement douée dans le domaine scientifique, en particulier pour tout ce qui concernait les mathématiques et les pentacles. Elle était, en plus de ça, très précise et habile. Ses doigts étaient fins. J’étais sûr qu’elle serait très douée en musique, si elle prenait confiance en elle. Enfin, sa timidité la poussait à observer autrui et elle avait une empathie développée au naturel, sans avoir à faire usage de magie. Elle serait à sa place dans tous les métiers liés au soin. « Tu as beaucoup de talent. La seule chose qui t’empêche de le constater est ta manie quasi-obsessionnelle à te dévaloriser. Arrête, sinon je vais être obligé de sévir. » Ma phrase me rappela l’une des répliques d’Adam. Ce jour-là, les choses avaient légèrement dégénérées.

Je souris, dans le vague. Elle me regarda, ne sachant pas si elle devait y percevoir un sous-entendu ou non. J’étais l’Honorable, ça ne pouvait être possible. Elle baissa les yeux, s’en voulant d’avoir imaginé des choses déplacées. « Comment ça s’est passé pour vous ? » me demanda-t-elle soudainement, pour oublier ses égarements. « Pour moi ? » questionnai-je pour la forme. J’étais en train de réfléchir à ce que j’avais envie de lui révéler. « Ça a été une expérience enrichissante. Le Mindwim te permet vraiment de te connaître davantage et d’approfondir ce que tu sais déjà. C’est comme ça que j’ai connu Alembert. Mon mentor m’a beaucoup apporté. » Je devais avouer que c’était vrai. Il avait pu me guider dans la maîtrise de la magie et passer du temps en sa compagnie avait été plaisant. Ça l’était encore d’ailleurs. Son humour noir m’avait choqué au début, venant de la bouche d’un Magicien, mais j’y avais pris goût. « C’est grâce à lui que j’ai pu confirmer ma voie aussi. Bien sûr, je savais déjà en sortant de Basphel que je voulais devenir professeur mais le fait de passer des tests qui appuient ta vocation a un côté rassurant. Si tu ne sais pas quoi faire, ce n’est pas grave, le Mindwim te donne des pistes et ton mentor est là pour t’épauler. Tu n’as pas à en avoir peur, c’est vraiment fait pour t’aider. » Elle me fixait avec intérêt. En réalité, il avait fallu que je fasse attention en passant le Mindwim, à ne pas me montrer trop stratège. J’avais fait exprès d’être moins bon dans certaines épreuves, justement parce que je ne souhaitais pas que mes capacités puissent être percées à jour. Les tests sportifs m’avaient posé quelques difficultés à l’époque. Je ne m’entraînais pas autant. J’étais tout sauf athlétique et c’était d’ailleurs pour cette raison que mon mentor, Alembert, n’avait jamais eu vocation à renforcer mes capacités dans ce domaine. Il avait surtout été présent à mes côtés pour développer mes habilités magiques qui avaient été jugées prometteuses par les épreuves, à l’instar de mes capacités pédagogiques. Il était aussi apparu que j’étais quelqu’un qui savait instaurer la confiance et qui avait une aisance naturelle en public. « Je sais mais je ne peux pas m’empêcher d’être anxieuse. » Cette femme ressemblait à une enfant mais ce n’était pas forcément un compliment en ce qui la concernait. Elle n’arrêterait pas de douter, jamais, et je commençais à me lasser de lui répéter toujours la même chose. « Ça te dirait de boire un chocolat chaud ? » lui demandai-je alors. « Ça te détendra sans doute avant les épreuves. » Elle acquiesça et je la conduisis dans un endroit que je fréquentais beaucoup. Il se passa exactement ce que j’avais espéré : des connaissances me reconnurent et se joignirent à nous. La conversation devint bien plus intéressante et je me mis à penser, en regardant Dalcina, qu’il était vraiment hors de question que j’épouse une femme pareille.

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