" Si toi tu t’es bien amusé, c’est le principal… " Rumina-t-elle peut-être un peu trop bas. Oh, il était son roi après tout, tant que l’élu divin était satisfait… Pour elle, cette journée présenta autant de bonnes choses que de mauvais augures, comme si on avait tenu à lui faire parcourir le spectre des émotions en un temps record. Léto n’en pouvait clairement plus, ce ne sera pas la première fois qu’elle finisse dans un état aussi lamentable. D’ailleurs, c’était toujours dans ces moments-là qu’elle en profita pour se détacher de son emprise terrestre, afin de s’élever. On soignera son enveloppe, Latone s’en occupera – à sa manière – et chacune ira vaquer à ses occupations respectives. Toujours un bon programme en somme. Néanmoins, pendant encore combien de temps ? La Draugr n’avait clairement pas prévu l’intervention de Senere, du moins pas de sitôt, et pas d’une façon aussi… troublante. Maintenant qu’elle y repensait, à quoi s’attendait-elle ? C’était littéralement un Dieu, encore trop mystérieux à bien des égards. La blonde cendrée se massa le crâne, totalement avachie sur le dos du pachyderme : ces bribes de souvenir ne lui serviront à rien à présent, seule Latone pourra y accéder et les interpréter. Il était temps de céder le flambeau ; et pour elle, de se concentrer pleinement sur ce qui la retenait sur cette île maudite.

Ses oreilles s’agitèrent un brin à la déclaration de défi. Ceci avait toujours la – fâcheuse ? – tendance à embraser son instinct. Puis de la part du Hǫfðingi en personne, la proposition laissait place à une occasion alléchante. Léto s’agrippa aux imposantes oreilles du mammouth et se hissa pour voir Devaraj chevaucher son octopode. " Ma monture est trop lente, j’en suis sûre ! Dès l’annonce du départ, Souw se démena pour motiver le mammouth végétal, en vain. Et voilà… Déçue, une moue boudeuse trôna sur son visage, malgré toute la souffrance que son corps supportait. Telle une enfant trop active qui se plaignait davantage de ne pas pouvoir continuer ses jeux avec ses camarades plutôt que de sa blessure en elle-même. Le Taiji se dirigeait à grande vitesse vers la côte portuaire, évidemment. Avec toutes ces trouvailles sous la main, Souw ne pouvait se permettre de perdre du temps autre part qu’en Souw’Gar. Alors, elle tira gentiment – surtout doucement du fait de son état déplorable – sur le lierre. Nous on va par-là, allez. " Elle devrait lui trouver un nom, tiens. L’animal parût docile, peut-être devrait-elle le garder avec elle ; on dirait bien que les lubies du roi déteignirent sur elle. Enfin, ce n’était qu’un mammouth de la Nature, rien de bien grandiloquent. N’est-ce pas ? En tout cas, il pût prendre son temps pour le trajet ; Léto, elle, s’égarait dans les méandres du Silence.

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" Par Väaramar, qu’est-ce que c’est que ça… ? " La tribu n’était pas habituée à ce genre de démesure de la part de leur cheffe, elle qui était si discrète par rapport à ses propres envies. Finalement, ne serait-ce pas plutôt une bonne chose qu’elle se laisse aller, elle aussi ? Bientôt, la Chamane reprendra l’entièreté du contrôle de son corps, de sa vie. Ceci ne serait qu’un début. La trompe de la monture s’éleva impérieusement sous le regard des Souw’Ni abasourdis, pour finir par s’enrouler autour du ventre de Souw. L’animal la déposa avec lenteur sur ses deux jambes, fort heureusement Lver fut là pour la rattraper ; elle ne tenait plus trop debout. Le bain de sang et la magie de Devaraj l’avaient requinquée durant le voyage, mais jamais les lacérations divines ne s’envoleront. Du mieux qu’elle pût, la Souriante fit éclater sa naturelle positivité aux yeux de ses camarades. Tant de choses devront leur être confier, d’autres non. " J’ai décidé d’en faire le gardien de Souw’Gar. Notre manque de vigilance ne nous a apporté qu’infamie. Plus jamais cela n’arrivera sur nos terres. La guerrière se redressa et fixa le mammouth, cherchant déjà un bon endroit où se terrer. Nos Ætheri décideront de son nom. " Acquiescer en silence fut l’unique option, la tribu Souw ne se remettra de leur échec qu’en partie avec la hargne de leur cheffe et la bonne grâce de leurs divins. Sans doute cet éléphant leur fut envoyé dans un but bien précis…

Chacun de leurs côtés, les Chamans déambulèrent, attendant un signal quelconque. Léto expira longuement, laissant son Souw’Ba, Lver, la guider jusqu’à l’une des bâtisses. Ils savaient déjà, question d’habitude : il fallait la préparer bientôt au Grand Voyage. Quoiqu’avant, elle souhaitait rester encore un peu, peut-être attendre du nouveau de tous les côtés. Les temps seront sombres et Souw se sentit obligée d’être présente en première ligne. Ainsi décida-t-elle de continuer à enquêter dans la Vallée Éthérée. Et puis… quatre-vingt-dix-neuf-mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf Ridere attendaient leur heure.

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