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 [Q] Le chant de la pluie

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Mar 20 Aoû 2019, 00:39

Précédemment : Ils avaient des ailes blanches

Partenaire : X
Intrigue/Objectif : Alors que la Pluie chante sur Valera Morguis, un convoi d'esclaves du Prince Salvatore se prépare à partir en direction d'Amestris. Un événement va survenir et menacer le départ du voyage d'Esmerald.



[Q] Le chant de la pluie Entete10

@Joseph Turner


Les cris ne durèrent pas et se perdirent aussitôt dans la drache survenue que dans la tempête qui se profilait. Le temps était horrible. La pluie griffait les parois rocheuses des habitations, s’infiltrant vicieusement dans les interstices d’une charpente solide. Les plus exténués trouvèrent un repos malgré les plaintes du vent froid tandis que les plus jeunes se concertaient autour d’un petit feu maintenu dans un vieux bol fissuré en porcelaine.

- « C’est quoi un démon ? » s’enquit Alizé, s’adressant au plus âgé des Valciel encore debout. Un jeune homme qu’ils avaient toujours connu, capable de prendre l’apparence d’un hibou. Il n’était pas très doué au vol, selon l’Oie, mais assez têtu pour envisager de l’être un jour.
- « C’est ce qu’on a vu tout à l’heure. Ce sont des coquins. Très intelligents. Mortimer m’a raconté qu’ils ont dominé et tué beaucoup de gens comme Aneskam la Douce. » Gräald s’étira les membres et se recroquevilla presque aussitôt pour garder la chaleur contre son torse.
- « Tu veux dire des gens avec des ailes blanches ? » 
- « J’ai entendu dire que la Dame Mayfair cherchait des Valciel à former pour combattre ces intrus s’ils s’aventuraient à revenir. » avertit Loo, d’un ton bas. Les autres n’y firent pas spécialement attention.
- « Et vous avez vu ses ailes ? Elles étaient totalement déplumées.  C’est étrange. Comme les ailes d’une pipistrelle, mais en plus grandes. Je préfère les ailes d’Aneskam. Vous pensez qu’en perdant nos plumes, on aurait la même allure ? » Alizé imita un oiseau en déployant ses bras pourvus de plumes et les battit dans l’air, observant la réaction des petits appendices au mouvement.
- « Je ne pense pas. Loo, c’est qu’une rumeur. » intervint Esmerald. «  Avec quoi on les combattrait ? Des fourchettes de cuisine ? » Esmerald était adossé à son frère qui lui somnolait.
- « Je ne sais pas. Peut-être qu’ils nous donneraient des armes. »
- « Ou qu’ils affûteraient nos griffes, comme des rapaces. Et ceux qui ne volent pas nous le ferait. » Le plus âgé lança un regard moqueur à la jeune fille aux cheveux de jais.
- « Tu rêves pour que je touche à tes pieds ! Même si ma vie en dépendait, je n’y mettrais pas les pattes ! » s’exclama Loo, détestant l’idée de couper les ongles sales d’un autre manant.

Le feu s’éteignait. Ils n’avaient plus assez de brindilles, de journaux ou de bois pour alimenter l’unique source de lumière. Avec les derniers rires presque silencieux, ils se quittèrent, rejoignant les pièces sans porte dédiées à leur famille respective. Leur mère dormait profondément et en-dessous de ses grandes ailes épaisses on pouvait y voir Ghibli se reposer comme un oisillon. Elle prenait de la place. Son corps lourd rendait chaque poussée de ses frères ou sœurs inutiles. Telle une pierre vivante, la jeune sœur restait dans sa position, protégée par sa chevelure blonde. Ils se résolurent à former un petit groupe pour garder la chaleur intacte. Une heure s’écoula puis un tonnerre gronda. Esmerald crut sentir le sol faillir, il se réveilla en sursaut d’un sommeil à peine commencé. Sa sœur, contre lui, tremblait.

- « Loo, tu dors ? » murmura-t-il. Il leva son nez vers le plafond où tambourinait sans relâche la pluie. Est-ce qu’un jour le plafond s’effondrera ? Un nouveau coup d’œil jeté à sa sœur lui indiqua qu’elle était réveillée. Les yeux grands ouverts, elle le regardait dans la pénombre. Une petite lueur resplendissait, lui signalant qu’elle le regardait.
- « Comment tu fais, Esmerald ? Pour supporter tout ça ? »
- « Tout ça ? » Il ne comprenait pas.
- « La Pluie, les Maîtres, ... » Elle se tut, plantant un silence. « Valera Morguis. » Elle inspira. «  J’ai l’impression de ne pas vivre. Quand je vois les enfants de ma maîtresse, je les envie. » Un nouveau coup de tonnerre retentit juste au-dessus d’eux. Elle sursauta. « Eux n’ont pas à craindre le chant de la Pluie ni les frappes du Ciel dans leur maison forte bleue. » Une goutte atteignit la joue d’Esmerald, il gémit. « Même les bêtes dans les étables sont mieux protégées que nous. »
- « Loo, tu n’as pas bientôt fini de mettre ces idées dans la tête d’Esmerald ? » Zéphyr les avait écoutés, il avait pris son temps pour articuler cette phrase. « Vous deux avez de la chance de travailler de jour comme de nuit à l’abri. Vous êtes bien lotis. Un jour, je finirais comme le vieux Zergaël, le visage creusé. Les Valciel sont toujours Bénis par la Pluie, à un moment ou à un autre. Quelques égratignures ne valent rien. Au moins, nous ne finirons pas comme ces esclaves attachés au pilori. Garde ta salive pour manger. » La jeune sœur tremblait toujours et n’objecta rien.
- « Vous les connaissiez, ces esclaves ? » s’enquit de suite Esmerald. Il frotta son épaule contre celle de sa cadette de quelques minutes.
- « Non, ils venaient d’arriver. On m’a dit qu’ils étaient des pirates. »
- « C’est quoi un pirate ? » Le mot en langage commun sonnait barbare. Le prononcer coûtait de la salive au gosier.
- « Un va-nu-pied, un mendiant. Dans les villes près des mers, ils en pullulent beaucoup. Nous n’avons pas besoin de feignants ici, surtout pas à Valera Morguis. »

Le jeune Valciel qui ne possédait ni plume ni aile se demanda à quoi donc pouvait bien ressembler la mer. On lui avait conté que c’était une grande mare avec un horizon infini, cependant il avait du mal à se l’imaginer. Il n’y avait pas d’arbre, pas de rocher et deux soleils quand le temps était clément. L’un au ciel, le second dans l’eau. Et parfois il y avait des remous, comme lorsqu’on balançait un caillou dans une flaque, sauf que le jet était décidé par Phoebe. Il sombra dans les plumes de son frère, bercé par le battement de l’eau et l’odeur forte de la pluie.



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Mer 21 Aoû 2019, 00:20

Le bâtiment était protégé par la caverne qui surplombait toute l’aile dans laquelle les hauts fonctionnaires et autres dignitaires se trouvaient. Ils ne craignaient ni la tempête, ni le ciel, ni la pluie. Seul le vent était incommodant et obligeait les gens dignes à garder les fenêtres et volets clos. Ils pouvaient vivre sans une once de lumière solaire la journée durant. Les bourrasques glissaient contre les parois caverneuses et frappaient de tout leur soûl les vitres. Des débris balafraient le verre si forts qu’ils n’étaient pas envisageable à longue durée de ne pas avoir d’abattants épais et métalliques, solidement attachés à la pierre bleue des murs. La Dame observait entre chaque missive reçue le feu de la poêle à côté de son lit, une façon qu’elle avait pour  réfléchir et penser à ses réponses. Cela forçait également la pause à être courte, bien qu’éloigné, le feu finissait toujours par lui brûler la rétine de sa lumière vive et forte. Elle se releva et se dirigea vers son bureau d’où elle sortit une lettre datant de la semaine passée, délaissant sur le bois vernis les récents courriers. Un ordre qui lui intimait de préparer les esclaves du Prince Noir pour un voyage en direction d’Amestris. Le billet impliquait d’avertir la Garde de Valera Morguis et d’aviser un Capitaine de la Flotte Noire pour les guider jusqu’au port des côtes de Nementa Corum. Il fallait également préparer des rations pour le voyage. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas quitté ce trou à rat et l’idée de parcourir les rues de la Capitale au nom de celui qui emboîtera les pas de Lord le jour venu la réjouissait. Elle posa son regard sur le dernier billet envoyé par le Prince Noir, se languissant devant les mots et les lettres aux traits droits et justes. La mission qu’elle se donnait à titre personnel attendrait leur retour. Ce démon ailé et blanc était une menace pour la Cité et pour les sorciers. Depuis que le journal avait partagé cette information au détour d’un article gourmand et étrangement proche de la missive qu’elle avait envoyé au Gouverneur ainsi qu'au Prince, Ezaëlle ne doutait pas un seul instant des mesures qui seraient prises en leur absence. Après tout, elle n’était qu’une gouvernante. Certes, elle servait le Prince Noir mais ne figurait pas avoir l’aplomb d'un haut stratège. Cela ne l'empêchait pas d’être fière pour être intervenue dans la protection de la Cité.

- « Valet ! » cria-t-elle. Elle rangea soigneusement chaque missive importante dans un trousseau de cuir qu’elle accrocha à la ceinture. Elle emportait avec elle un buvard, quelques plumes, de l’encre, de la cire et plusieurs feuillets dans une boîte joliment décorée. « Valet ! Ma parole, je n’ai que des génies autour de moi. »
- « Tu pourrais être étonné, maîtresse. » glissa une voix d’outre-monde, flirtant l’oreille de la gouvernante telle une brise. Cela la fit sourire.
- « Valet ! Incroyable, qu’est-ce qu’ils sont longs. Mérédith ! » Quelques secondes s’écoulèrent, elle perdit son sang-froid. « N’y-a-t-il personne ? » Quelqu’un frappa à la porte. « Entrez ! »
- « Désolée, ma Dame… » La domestique était à bout de souffle, ce qui étonna la gouvernante. Le soleil n’était pas encore levé qu’elle était déjà fatiguée ? « Les autres, les... »
- « Prends une grande inspiration, avant que je ne m’énerve vraiment et que je fasse sauter cette porte en éclat. Fais une phrase entière, ne me fais pas perdre mon temps, Mérédith. »
- « Il pleut encore dans le quartier des esclaves, ils sont confinés dans leur baraque. »
- « Qui leur a dit de retourner dans leur quartier, hein ? N’y-t-il pas assez de places ici ? » Elle attendait évidemment aucune réponse de la domestique. C’était inutile. « Je ne tolérerai aucun retard des esclaves du Prince, nous partons demain. Préviens-les, qu’ils se débrouillent pour s’abriter. Ah, également. » Elle lui tendit une liste. Mérédith était une jeune sorcière, elle n’était pas une esclave. Simplement, ses parents n’avaient pas assez travaillé pour atteindre un prestige qui les aurait évalué autrement.
- « Ce sont des noms d’esclaves, madame. »
- « Oui, tu sais bien lire, en effet. Ça me rassure, je te pensais presqu’incompétente. Les noms que tu vois sur cette liste viennent avec nous jusqu’à Amestris. Le Prince a exigé que tous ses esclaves soient présents dans la capitale, nous en prendrons qu’une partie. Les plus présentables, les plus forts et les plus dignes de figurer à nos côtés. Je pense qu’il veut faire une impression de sa fortune, autant ne pas montrer les pommes pourries. Cela fait déjà vingt esclaves à s’occuper et à habiller. Il est hors de question qu’ils se montrent dans des loques ; le Prince est riche, ses esclaves le seront aussi, bien mieux habillés que le citadin lambda de la capitale. Tu comprends que ça fait une certaine somme, seulement pour impressionner, n’est-ce pas ? » Depuis que le génie l’avait revêtit dans des habits de Dame Noire, la sorcière se plaisait à acheter des robes coûteuses, élégantes et sombres. Elle caressa le bout de son tissu de velours avant de poser sa main sur l’épaule de la petite Mérédith, une enfant qui apprenait vite et qui pourrait - si elle persévérait - devenir un jour gouvernante, comme Ezaëlle. « Et par pitié, qu’ils aillent au lavoir se curer le nez et les ongles. Qu’ils se coupent les cheveux. Si il y a un pouilleux dans les rangs qui pense pouvoir se gratter la tignasse à côté du Prince, il perdra la peau de son crâne à la cuillère. » La prise sur la frêle épaule se fit un peu plus forte. « Je te laisse aller prévenir tous les esclaves choisis du sort qui est réservé aux retardataires. Dispose, Mérédith. »




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Mer 21 Aoû 2019, 13:24

Le vent balada les pauvres mèches de cheveux de la Domestique, qui luttait malgré sa petite carrure contre des bourrasques qu’elle pouvait entendre avant de les sentir fouetter son visage au teint de lait. Elle arriva à la limite de la zone protégée par la pluie. Au sol, un arc de cercle au diamètre épais indiquait les endroits mouillés. Certaines gouttes se perdaient plus loin et formaient des fines lignes transcendées par le ciel gris dans l’air. Elle décida à cet instant de bien se couvrir et de revêtir les gants de cuir que lui avaient offert ses parents avant de quitter Nementa Corum, se protégeant à l’aide d’une graisse animale consciencieusement le visage, suivi d’un châle dense et large pour le reste de sa tête. Elle courut aussi vite qu’elle le put dans ses habits incommodants, évitant les énormes flaques qui se transformaient en ruisseau à mesure que la pluie remplissait les crevasses du sol. Le quartier des esclaves étaient dans une bassine plus profonde que les hauts quartiers. On pouvait clairement distinguer des étangs autour de certains bâtiments, emprisonnant les bougres à l’intérieur qui devaient attendre – s’ils ne savaient pas voler – que l’eau gorge la terre meuble. Elle atteignit le mieux lotis des bâtiments, à côté de la place des pendus, qui jonchait les autres de sa fière hauteur. Les Valciel formaient un clan, occupant les plus belles places du quartier des esclaves du fait de leur servitude transmise de génération en génération. Une fois à l’abri dans le petit hall du bâtiment où une dizaine de regards curieux l’observaient, elle sortit sa petite liste. Sa main tremblait. Ils l’effrayaient. Leur nombre était conséquent dans cette pièce et leur physique bien différent des sorciers. Bien qu’elle en côtoyait chaque jour alors qu’elle travaillait, en tant que supérieure, elle n’avait pas pour habitude de s’adresser à des esclaves marqués et très âgés. Un homme aux grandes ailes et au cou plumé s’avança vers elle. Elle recula. Leurs yeux ne se rencontrèrent pas, ce qui la rassura. L’homme regardait les pieds de la domestique pour ne pas l’impressionner plus que ça. Tous avaient senti sa peur. C’était instinctif, de l’ordre animal. Elle découlait de son hésitation et de son tremblement, ici, elle était la maîtresse et d’aucun n’avait le droit de la toucher ni de la blesser. Elle n’avait techniquement aucune raison de les craindre car eux appréhendaient bien plus la place des pendus pour un pas de travers qu’elle d'une attaque de leur part.

- « Pouvons-nous faire quelque chose pour vous, maîtresse ? » s’enquit le vieux monsieur, très certainement un HazValciel. Elle ne comprenait pas tout de leur mode hiérarchique. Elle ne se mélangeait jamais vraiment à eux.
- « Euh… Oui, je recherche, euh… Ces esclaves. J’ignore où ils sont, peut-être pourriez-vous m’aider à les trouver ? C’est urgent. » Elle lui tendit sa liste, l’homme ne la toucha pas. Il semblait incrédule. « Vous -euh… Bon, euh… »
- « Dites-nous et nous les trouverons pour vous. » Sa voix était posée et forte, elle donnait confiance.

La petite Mérédith reprit de son bagou et cita les vingt noms. Quelques emplumés sortirent dehors et volèrent jusqu’aux bâtiments les plus atteints par la pluie, qui s’était calmée. L’action impressionna la jeune fille qui ne comprenait pas comment ils pouvaient ne pas sentir l’eau leur griller la peau. Les premières fois qu’elle avait senti les gouttelettes glissées sur son visage, elle avait cru mourir. L’impression que lui avait procuré la pluie était celle d’un chat qui sort ses griffes et qui s’accrochent de force, laissant sur son chemin des traînées rouges. Les vingts noms arrivèrent et se rangèrent dans le petit hall du bâtiment. Certains se grattaient furieusement le visage et les bras, d’autres ne cillaient pas d’un pouce. Elle leur expliqua le voyage et la destination, ainsi que les conditions au préalable. Tous devaient prendre un bain, se curer et se couper les cheveux. La Dame Ezaëlle avait choisi dix hommes et dix femmes esclaves. Tous, sans exception, devraient se plier à ses exigences esthétiques. Le voyage allait être long et mieux valait pour eux qu’ils ne sentent pas les pieds, sinon le bain, ils allaient le vivre dans la mer. Elle n’oublia évidemment pas les menaces. Cela fit sourire les plus jeunes, tels qu’Esmerald et Zéphyr qui la dépassaient d’une tête. Ils se firent rabrouer silencieusement par l’HazValciel en question tandis que Mérédith lisait. A la fin, la domestique fut raccompagnée par Zergaël le Béni qui utilisa l’une de ses ailes comme un parapluie, la ramenant sauf à l’abri, loin du quartier des esclaves. Le matin commençait à peine, un rayon transperça les nuages, ce qui eut pour conséquence de former un arc-en-ciel juste au-dessus de la cavité. Les esclaves qui se profilèrent en-dehors de leurs bâtiments prirent un temps pour le regarder. C’était beau, c’était un message divin de la part de Phoebe. Trois gardes noirs que les esclaves avaient l'habitude de voir, car ils s’occupaient des potences, arrivèrent à côté du petit groupe. Sans se soucier des ordres qui leurs étaient déjà incombés, ils choisirent deux esclaves qui allaient nettoyer la place des pendus des restes de la nuit. Esmerald plongea son regard abasourdi dans celui de son frère qui fut gracié par l’arc-en-ciel, un grand sourire moqueur aux lèvres.




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Mer 21 Aoû 2019, 16:17

[Q] Le chant de la pluie Jeff_s10

@Jeff Simpson


- «  Tu sais Esmerald, quand on voit un arc-en-ciel, c’est signe de bon présage. Chaque couleur appelle à une prière destinée à Phoebe et quand on en voit assez pour compter, on est certain que quelque chose de bien va nous arriver. »

Le phénomène s'en était allé. Sirocco était une grande sœur d’Esmerald d’une couvée que sa mère avait eu il y a des années. Elle avait hérité d’un nom de vent chaud du désert que leur mère avait parcouru une fois. Esmerald l’écoutait d’une oreille, il maugréait en songeant à son frère qui devait se prélasser dans l’eau tandis que lui ramassait les bouts de corps à la pelle alors qu’il n’avait pas encore mangé. La pluie avait rongé la matière et ternis le sang, ce qu’ils ramassaient à présent ressemblait bien plus à de la boue qu’à d’anciens êtres vivants. Seuls les os immaculés et blancs rappelaient qu’il y avait eu ici des esclaves. Les deux faisaient attention à l’eau qui habitaient encore les corps ; pour cela ils avaient revêtis des gants en cuir et longs, allant jusqu’aux coudes.

- « Maman m’a dit que tous ceux qui meurent ici, sur la place des pendus, ne sont que des impies et qu’ils devraient avoir un peu plus foi en Phoebe. Être béni par la pluie en a sauvé plus d’un, comme le vieux Zergaël ou même Maman. Ceux qui finissent ronger jusqu’aux os ne méritent aucune clémence. Ils ont fauté. » Tandis qu’elle se la jouait pieuse, sans doute pour se rassurer qu’elle ne vivrait jamais le même sort que ces esclaves aux piloris, Esmerald était voûté, au-dessus d’un tas de boue.
- « Jé soui… Mort ! Regarde, je vais te mangeeeeer ! » Il se retourna brutalement, une tête déconfite en avant. Sirocco cria quand elle vit le crâne juste à côté d’elle, elle ne s’y attendait certainement pas. Elle lâcha sa pelle.
- « Mais t’es malade ! »
- « Bla… Bla… Bla ! Jé soui un impie ! Jé m’appelle… Lé Téééérrible ! » Il utilisa son autre main pour bouger la mâchoire squelettique, mimant le parler.
- « Esmerald, arrête ! »
- « Les vieux sorciers m’ont maudiiiiit, jé soui qu’oune tas de merdasse maintenant ! » Sirocco blêmit, les yeux posés non pas sur le crâne ni Esmerald, mais sur l’individu juste derrière lui. Un des deux gardes étaient sur la potence et avait laissé l’esclave faire son manège, presque amusé.
- « Surtout mon garçon, ne bouge pas. » L’adolescent se figea avec son pantin au bout de la main. La mâchoire qu’il tenait jusqu’alors tomba au sol. Une claque retentit, si forte qu’elle tira à l’eversha un cri. Recevoir une fessée d’une main d’acier et généreusement gantelée était pire que tout. Il fut estomaqué, coupé au soufflet. « Bon, maintenant tu vas nettoyer tout ce bordel et en silence. » Le garde se retira, son collègue rit.
- « Ah ouais t’es pas rouillé Gus. »
- « Tu sais avec trois enfants, mieux vaut savoir où viser quand ils font les cons. Celui-là doit avoir l’âge de mon fils. Ils sont tous cons. Ils veulent impressionner les filles. Hop, une fessée et c’est reparti. Je te le dis moi, les bonnes vieilles méthodes requinquent d’un coup. Pas la peine d’avoir une arme ou de la magie. Une bonne main et hop sur le troufion, ça calme même les vieux. Ils savent plus où se mettre après. »
- « Et ta femme, elle en pense quoi ? »

Ils finirent leur tour. Sirocco adressa un dernier regard à son petit frère et ne lui parla plus. Esmerald quant à lui souffrait terriblement. Il avait mal au cul, les yeux bouffis par la colère et par le mal qui chauffait son fessier. Il manquait une tête parmi les six qu’il comptait. Peut-être qu’elle avait roulé jusqu’en-dessous de la potence. Il allait pour parler et rapidement elle lui répondit par un « chut » cinglant, poussant les chairs dévorés par la pluie dans le caniveau rempli d’eau, là où on mettait les ordures. Les os se séparèrent de la chair et furent aspirés dans le néant, tandis que la peau s’aggloméra à la surface. Leur gant était sali par ce qu’ils avaient ramassé. Ils allèrent donc au lavoir. Les esclaves interpellés une heure plus tôt par Mérédith étaient déjà partis, ils ne restaient plus qu’eux. Rares étaient les travailleurs qui se lavaient le matin. Les lavandières ne s’occupaient pas des draps un jour de pluie. L’humidité ambiante empêchait tous les tissus de sécher et la moisissure croissait. La grande sœur d’Esmerald l’ignora royalement, comme si elle avait reçu la fessée à sa place. Or, c’était présentement au jeune garçon à qui il incombait de souffrir, pas à elle.

Le lavoir était un petit bâtiment où coulait en son centre un large ruisseau, peu profond. L’eau était claire et provenait d’une source des cavernes. Il y a avait deux pièces, des bancs et des étendoirs. Le non-plumé eut du mal à s’asseoir. En fait, il n’y arriva pas. Il préféra rester debout tandis qu’il se plaçait au centre du ruisseau une fois qu’il fut tout nu. Il emporta avec lui un pichet de vinaigre de vin rouge pour se laver le corps et les cheveux. Sa sœur était derrière un mur, dans le coin des lavandières. La tension était palpable malgré lui. Il souffla. Qu’avait-il mérité pour qu’elle lui fasse la gueule ? Un cri suivit d’un gros « plouf » lui parut. Il se contint de rire, elle avait du glisser.

- « Bien fait. » marmonna-t-il, avant de penser à aller l’aider. Peut-être qu’elle s’était faite mal. Cela ne pouvait pas être pire que de recevoir une fessée d’un garde noir. « Sirocco ? »

Le garçon posa son pichet de vinaigre et sortit du ruisseau, contournant le mur qui les séparaient. Il se précipita quand il vit sa sœur la tête dans l’eau et la tira en arrière de toutes ses forces. Elle avait du s’évanouir en frappant sa tête contre un rocher, glissant sur la vase qui s’agglutinait lorsqu’aucune lavandière ne prenait le temps de venir nettoyer. Il la secoua en la sortant de l’eau et ne sut pas quoi faire d’autres.

- « A l’aide ! » Il lui donna des claques sans oser y aller trop fort. Et si elle le lui reprochait plus tard ? « Sirocco ! Réveille toi ! C’est un ordre ! » Il changea de langage pour s’adresser à elle en grimwyn.

Elle saignait beaucoup. Sa bouche était dans un sale état, mais ce qu’il remarqua après coup était la ligne fine et sombre qu’elle avait au cou. Alors qu’il la claquait, sa tête partit en arrière et le tracé sur sa peau devint soudainement ample. Sirocco se mit à tousser, prise de convulsion. Elle s’étouffait dans son propre sang. Esmerald remarqua à peine la lame qui lui pressa la gorge tant il était absorbé par le destin de son aînée. Il était trop tard quand il s’aperçut du souffle qui le surplombait.





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Mer 21 Aoû 2019, 19:03



Il n’avait jamais été proche d’elle et le regrettait. Le sang coulait sur ses mains, elle s’agita malgré elle sans qu’il puisse faire quelque chose. Il était accroupi au près de Sirocco qui se mourrait et il le comprenait. L’odeur de la vase et du fer étaient fortes. L’arme se fit plus insistante sur sa trachée. Était-ce un sorcier qui les tuaient ? Qu’avaient-ils fait ? Il ne ressentait plus la douleur de la fessée, ce n’était rien en comparaison à l’adrénaline qui alimentait tout son organisme d’un seul et unique cri « Fuis ! ». Il lâcha sa sœur dont le corps frappa les bordures et se recula entre les jambes de son agresseur. Il était mouillé et glissa sur la pierre. Il reçut des coups qui ne l’immobilisèrent pas assez, il se releva et se mit à courir de tout son soûl. Mourir. Il allait mourir. Etait-il mort ? Mourrait-il ? Un appui sur un pied, une enjambée après l’autre, il crut s’envoler et ne jamais toucher le sol. Les yeux fous, le souffle court, il déploya toute l’énergie qu’il avait pour bondir. Il en oublia sa sœur, tout son corps ne répondait plus à l’esprit. Il n’était en cet instant pas l’adolescent, juste un corps qui voulait vivre. Respirer. Boire. Dormir. Il devenait un tout en étant rien. Il était un esclave qui aurait pu se laisser faire, s’endormir à jamais dans les bras de Phoebe. Or, tout son sang bouillonnait ; il était une chaudière en puissance, un cabri qui fuit. Des ailes d’un reste d’espoir poussèrent dans son dos, si bien que la vitesse qu’il prit le dirigèrent vers le premier abri. Les deux gardes noires qui faisaient le tour du quartier des esclaves en cette heure si matinale se retournèrent après son passage sans l’apercevoir. Il rentra bien trop vite dans le hall du bâtiment, l’air hagard, l’esprit tordu, les pieds trempés. Zergaël le reconnut de suite, il le vit nu. L’alerte passa dans son regard.

- « Viens mon garçon, ne reste pas planter là. » Il lui tendit une main que le jeune fou furieux pris, en crachant toute son âme dans une toux rauque. Il reprenait vie. « Que s’est-il passé ? Viens, ne traîne pas là, les gardes arrivent. » Ils avaient beau ne pas l’avoir vu, ils n’en restaient pas moins aux aguets face au vacarme.
- « Je-je... »
- « Prends ce tissu et enroule toi avec, assis-toi. »
- « Que se passe-t-il là ? » dit la voix forte du garde qui pénétra le rez-de-chaussée ; il vit Esmerald enroulé et l'identifia. « Il a quoi lui ? » Sur le visage du garçon, du sang.
- « Il est tombé dans le lavoir et venait chercher du réconfort ici. » affirma Zergaël, qui s’agenouilla presque.
- « Qu’il retourne à ses tâches ! Il n’y a pas de place pour les attardés ici ! »
- « Qu’est-ce qu’on s’en fout Gus. » glissa le collègue.
- « Ah non mais c’est bientôt fini les cons, moi je te le dis. Si je le vois encore ici dans dix minutes, il connaîtra le bagne Zergaël et crois-moi, aucun des Valciel ne supportent très longtemps le fer. Manque plus qu’on est une pleurnicheuse avec nous. S’il s’est cassé la gueule dans le lavoir, qu’il aille le laver bon sang. » Esmerald n’arrivait plus à parler ni à respirer, il crut suffoquer. Le vieux béni ne savait plus trop où se placer ; il choisit d’apaiser les gardes.
- « Je lui en mettrais une, pour sûr, messieurs s’il ne se dépêche pas. »
- « Bien, c’est ce que j’aime entendre. De la discipline. Maintenant, applique-le, Zergaël. » L’HazValciel dévêtit doucement le garçon jusqu’à ce que les gardes s’aperçoivent de sa nudité.
- « Attends attends. Moi, voir un pénis d’un esclave à huit heures du matin, ça ne me convient pas. Ça me donne la gerbe. En plus, il est en sang ce con. » Le garde se retourna, il n’aimait pas la vue, ça le répugnait. « Hakbel, on revient plus tard, qu’il dégage vite, Zergaël. » Le vieux remit le tissu sur les épaules d’Esmerald qui tremblait.

Les gardes partirent. Ils avaient neuf minutes pour s’expliquer, si ce n’est moins. Il enleva la couverture et prit son temps pour étudier le corps du jeune garçon. Il était tout froid et pour cause, sa température était descendue d’un coup. Les lèvres bleues, les pieds en feu. Il avait couru et sauté dans des flaques de pluie acide pour arriver jusqu’ici, sans s’en soucier. Quelle mouche l’avait-il piqué ? L’eau rongeait les orteils du garçon, si bien qu’il en perdit d’abord les ongles, puis la peau.

- « T’es pas tombé dans le lavoir, toi. » Esmerald avait le regard lointain et creux, il était épuisé. « Esmerald ? Que s’est-il passé ? » Il s’assit à côté de lui tandis que le garçon souffrait. Il gémit.
- « Je-je… Sirocco... »
- « Quoi, Sirocco ? » De nouveau, le garçon fut pris d’une absence. La fatigue s’abattait sur ses paupières, il voulait dormir, dormir et oublier.
- « Sirocco… Sirocco… »
- « Esmerald, prends une grande respiration. Ferme les yeux. » Le bougre l’écouta. « Maintenant, tu vas inspirer et expirer. Voilà, c’est très bien. Doucement. » Il gémit une nouvelle fois, quelque chose l’empêchait de bien le faire. Un immense point de côté entravait sa respiration. « Respire et souffle. Encore. Voilà. Maintenant tu vas répondre à ma question. Que s’est-il passé ? »




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Ven 29 Jan 2021, 22:37



L'enfant Valciel bégayait. Il n'arrivait pas à aligner une phrase sans qu'un sanglot ne fasse trébucher ses mots au gré d'un son plaintif. Ses pieds le brûlaient, il se concentra sur la douleur qui le maintenait à cet instant conscient. La présence du petit groupe l'acculait contre un mur. Zergaël se redressa, effectuant de grands gestes pour lui redonner de l'espace.

- « Allons allons, mon garçon. Inspire, expire. »

Il répéta sa phrase, tout en prenant la main d'Esmerald et mima ce qu'il devait faire. Leurs souffles bruyant s'accordèrent, ce qui finit par calmer l'hère drapé d'une pauvre jute de toile.

- « Sirocco... Elle... Elle-... Elle a été attaqué... Dans-... Dans le... Dans le lavoir... »
- « Par qui, Esmerald ? Elle est toujours là-bas ? »
- « Je... Je-je ne sais pas... On a... J'ai pas eu le temps de voir... Plein de sang... Partout... J'ai... - »

Un souffle laborieux termina la phrase qu'il n'arrivait pas à finir. Il avait fui. Si cela semblait inhérent à sa nature, il en avait profondément honte. Des voix s'élevèrent tout autour d'eux. Le vent faisait claquer les seuls volets qui résistaient aux intempéries. Une des plus grandes sœurs d'Esmerald, qu'il n'avait jamais vraiment considéré jusqu'alors, s'approcha et l'HazValciel s'écarta. Issue d'une couvée plus lointaine, leurs points communs se limitaient à leurs parents.

- « Si ce qu'il dit est vrai, nous devons aller vérifier par nous-même avant que les gardes ne reviennent,  peut-être que c'est encore un jeu de nos Maîtres. »
- « Peut-être. Mäuriz, Dazielle, Klamp, faites diversion. Les autres, venez avec moi. Esmerald, mon grand, je sais que c'est dur mais... Il faut que tu nous accompagnes pour nous montrer ce qui est arrivé à ta sœur. On doit la retrouver et la soigner. »

Esmerald ne bougea pas, il était comme figé. Dazielle se pencha et d'une poigne forte lui prit l'épaule.

- « Frère, ne fais pas honte à notre mère. Sirocco a besoin de toi. Vite ! Dépêche toi. Ils seront occupés avec nous. »

Son corps se releva mollement, Zergaël lui prit l'aisselle. L'une des particularités d'être enfant de Valciel résidait dans cette communauté. Ils vivraient ensemble et mourraient, bénis par la Pluie. Ils avaient alors intérêt de se souder, face aux éléments,  grâce d Phoebe ou devant la tumultueuse Ethelba et ses enfants. Ils rebroussèrent le chemin que le pauvre garçon avait traversé. Derrière, on entendit un "humpf", puis un "slash". Dazielle, la grand soeur d'Esmerald, se secoua la main. Elle venait de cogner son compagnon avec le consentement de ce dernier et comptait continuer jusqu'à l'arrivée des deux gardes.



Le vieil esclave portait sur son dos musclé et large le blessé, tandis que ce dernier indiquait d'une main fébrile le chemin parcouru. Ils arrivèrent devant la longue bâtisse en bois et contournèrent le seuil de l'entrée. Esmerald préféra attendre, il avait trop peur de se rendre à l'intérieur de nouveau. L'eversha aux cheveux blancs, suivis par deux autres de ses semblables rentrèrent. Quelques secondes plus tard, les pas se pressèrent et des voix s'élevèrent à l'intérieur sans qu'Esmerald ne puisse rien comprendre. Ses mains se pressèrent contre la pierre qu'il griffait, tout son être tremblait. Il n'avait pas envie d'être ici et, à dire vrai, ne pensait plus à sa sœur. La peur lui était viscérale et garder son calme était terriblement énergivore. Si les conseils sur la respiration du vieil HazValciel avaient d'ores et déjà fonctionné, il n'arrivait pas à les appliquer. Soudain, c'est comme si toute sa chair ne lui répondait plus. Ses fesses quittèrent l'assise, ses bras commencèrent à aller en avant puis en arrière, en intimant aux pieds de faire pareil. Aucun de ses mouvements n'était rapide, chaque muscle souffrait. L'adrénaline qui l'avait tantôt sauvé ne sillonnait plus ses veines. A l'instar, un immense poids le parcourait, comme s'il était ivre de vivre encore. Franchir la boue imbibée de ce poison venu du ciel était impossible sans chaussure. Il n'avait plus assez de peau pour prétendre pouvoir s'enfuir, de nouveau. Zergaël le rattrapa, affolé. Il avait du sang plein les mains.

- « Esmerald, que fais-tu ? »

Le garçon commença à se débattre, il ne voulait pas rester ici. Il n'était pas question qu'il s'en aille. L'HazValciel n'eut aucun mal à le traîner jusqu'à l'intérieur, cette fois, pour qu'il retrouve sa soeur. Il ne fit pas attention à l'adolescent qui n'avait plus son mot à dire. L'un des esclaves qui les avaient accompagné était penché sur Sirocco, étendue au sol et tenait dans sa main un coutelas. Une grande mare de sang recouvrait les dalles. On entendait l'eversha suffoquer.




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Sam 30 Jan 2021, 00:49

[Q] Le chant de la pluie Entete10

@Joseph Turner


Ils avaient trouvé l’arme du crime, une dague de la taille d'un index, extrêmement coupant. D’autres Valciel étaient venus en renfort pour les aider à porter l’adolescente meurtrie, ainsi que son frère complètement tétanisé. Leur discrétion était absolue. Nul ne voulait alerter les maîtres de la Cité sorcière, en dépit du besoin de matériel pour sauver Sirocco qui étouffait à chaque respiration. Esmerald ne revit pas Dazielle car pour attirer l'attention des gardes sur leurs activités plutôt que sur Zergaël durement surveillé, elle avait du battre un preux confrère. Une simple prise de bec n'aurait pas retenu aussi longtemps les gardes Gus et Hakbel. Il leur fallait du spectacle. Le dernier né de l'Oie était recroquevillé dans un coin. Ses sœurs issues de la même couvée que lui l'avaient débarbouillé puis habillé. Ceux qui ne partageaient pas son sang éprouvaient désormais une certaine méfiance. Sirocco n'était pas encore morte et pourtant, tout le monde la veillait. Loo lui tenait la main tandis qu'Alizé lui épongeait le front. Esmerald observait cette scène de loin. Ghibli, quant à elle, restait à ses activités. Elle tricotait non loin de sa fratrie, l'ouïe alerte. Les adultes parlaient vivement dans leur coin. Certains émettaient l'hypothèse d'une attaque d'un sorcier, d'autres voix accusaient l'adolescent d'avoir poignardé sa soeur. L'eversha n'était pas sourd, seulement ailleurs.

- « Ils ont dû se disputer. »
- « T'as vu dans quel état il est arrivé ? Et dans quel état il est maintenant ? Tu penses vraiment qu'il a pu attaquer sa soeur, pour une dispute ? »
- « A cette âge, on ne sait jamais vraiment ce qu'il leur passe par la tête. Il suffit que son totem soit celui d'un carnivore, d'un félin... Ou d'un chien. Cela ne me surprendrait pas. La prédation a pu l'étreindre, sa soeur était là et... »
- « Il n'a pas encore passé l'ashara nashalaeta kora. »
- « Tu sais aussi bien que moi que nous n'avons pas besoin de passer cette épreuve pour voir notre totem s'éveiller. »
- « Passe moi l'arme. » Zergaël réfléchissait, il n'avait pas encore pris la parole. Il inspecta l'arme sous tous les angles et fit mine de poignarder le vent par deux fois, puis il le redonna. « Impossible que ce soit Esmerald. » affirma-t-il. « Regardez le couteau. »

A première vue, le manche n'avait rien d'extraordinaire. Un bout de bois à moitié verni, d'aspect brun, avec des traces d'usure contrairement à la lame longue finement travaillée, joliment recourbée mais comportant quelques fêlures.

- « Que Phoebe m'entende, si Esmerald est possédé par un animal friand de viande, il a à son âge un contrôle de lui hors du commun. Prémédité la mort de sa soeur, tout en usant de cette lame qu'il aurait volé à nos maîtres, révèle un génie qu'il faudrait écarté de nos nids. »

- « Alors, il l'a tué ? »
- « Bougre de pigeon. Regarde Esmerald. Regarde ses pieds et dis-moi pourquoi se serait-il précipité tout en s'estropiant alors qu'il aurait pu feindre à une autre activité ? »
- « Pour baisser notre vigilance ! » dit un autre eversha, « C'est ce que j'aurais fait. Ou peut-être qu'il avait des remords. »

Brusquement Esmerald sentit tout autour de lui de la chaleur. Quelqu'un le prenait dans ses bras et, à première sensation, il ne pouvait s'agir que de son frère, Zéphyr. Complètement déboussolé, le bougre se trompait. C'était sa mère, qu'on avait prévenu immédiatement. Quand elle aperçut enfin sa fille, elle lâcha son dernier né pour la rejoindre. Elle écria son prénom, lui embrassa le visage, ausculta la peau pour déceler la mésaventure qui l'avait conduit sur son lit de mort. La respiration de l'adolescente devenait de plus en plus pénible, Sirocco ne parlait pas et n'était plus présente.

- « Phoebe est en train de l'accueillir dans ses bras... »

On lui expliqua comment Esmerald était venu les trouver et comment ils avaient découvert la jeune fille, étendue dans une flaque de sang. Loo échangea la serviette imbibée de liquide rouge pour une autre. Immédiatement, Brune l'Oie se chargea de son fils. Elle lui prit les mains. Lui qui était à moitié dans ce monde et à moitié ailleurs dut se forcer à ne pas sombrer. Il était à deux doigts de s'endormir, complétement exténué.

- « Tu seras toujours mon fils. » Evidemment qu'il le serait, puisque c'était sa mère. Pourquoi lui disait-elle ça ? « As-tu poignardé ta soeur ? » La question était restée trop longtemps en suspend dans la pièce ; tout le monde écoutait. Que penserait-elle si il commençait par une voyelle ?





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Dim 31 Jan 2021, 01:26

[Q] Le chant de la pluie Entete10

@Joseph Turner


Les yeux dans le vague, à peine tiré de son cauchemar, Esmerald inclina la tête. Manquant de patience, sa mère se mit à le secouer. Des larmes coulèrent. La question sonnait comme une aberration à ses oreilles, il ignorât qu'on eût pu être aussi méfiant à son égard. N'étaient-ils pas une grande famille ? Autant lui demander s'il était bien né à Valera Morguis dans un oeuf et d'une Valciel. La dimension qui l'encadrait rendait impopulaire tout meurtre et il ne comprenait pas qu'on puisse en avoir l'envie. Loo et Alizé s'agitèrent car sous leurs regards d'adolescentes attristées, s'en allait l'une de leur sœur. Atteinte au cou et aux poumons, Sirocco émit son dernier souffle, accompagné de sa fratrie qui veillait sur son corps.

- « Puisse-tu... snif... rejoindre... snif... Phoebe. »

Brune abandonna son fils sans recevoir la réponse qu'elle attendait tant. Des cris mêlés à des sifflements, des battements d'ailes et des prières fusèrent. La veillée devint bien trop bruyante pour Zergaël et ses compagnons qui discutaient toujours du cas d'Esmerald en l'épiant du coin de l'œil. Ce dernier se rapprocha du bougre qui étourdi et n'ayant toujours pas saisi l'importance de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Pourtant, Esmerald avait été témoin de ses blessures, sans pour autant voir l'auteur.

- « Apporte tes condoléances à ta soeur, ne reste pas dans ton coin. Je sais que tu ne lui as rien fait, j'en suis persuadé. Il suffirait que tu parles pour que nous t'écoutions. »

L'eversha acquiesça et se mit à ramper doucement au sol. Il le fit par étape, car ses jambes ne lui répondaient plus vraiment. S'il pensait pouvoir marcher, c'était peine perdue, le garçon avait bien trop mal pour cela. Il arriva derrière sa famille. Zéphyr, le seul frère proche d'Esmerald, survint dans la pièce et accourut aussitôt. Le mot entre chaque baraque était passé. Les yeux de l'adolescent plumé qu'était Zéphyr prit un éclat vif. Tel un furet, il bondit sur le lapin et l'étala au sol. Esmerald croula sous son poids et riposta sans vaillance, ses bras répondaient pour lui. Il se protégea comme il put le visagejusqu'à ce qu'on vienne les séparer. Les filles crièrent et leur mère était bien trop absorbée par le sort spirituel de sa benjamine.

- « Je vais te tuer ! Je vais... »
- « Ca suffit ! » s'écria Brune, leur mère.
- « Je... J'ai... J'ai... »
- « Tu as quoi ? Tu l'as tué, c'est ça ? Lâchez-moi !!! Je vais lui faire la peau !!! »

Esmerald était à bout. L'eau en ébullition à l'intérieur de son cœur jaillit de tout ses forces, joignant le raz de sanglots qu'il réprimait.

- « Je ne l'ai pas... Je ne l'ai pas tué !!! Je... J'étais là... Je ne l'ai pas tué... Il y avait... Pas tué... »

Il respirait si mal que les phrases qu'il prononçait s'avalaient. Il inspirait et expirait, ses narines se dilataient. Loo l'épaula, ce qui lui permit, entre autre, de voir le corps de sa soeur étendu. Il ne retint pas davantage ses sanglots. Zéphyr n'en fut pas moins apaisé. Sa tristesse à lui portait l'apparât de la colère et en résultante de l'énergie qui l'habitait, il n'avait d'autre moyen que de l'exprimer. L'adolescent plumé qui allait s'enfuir pour exprimer ses sentiments fut très vite rattrapé par sa mère.

- « C'est en famille qu'on veille Sirocco et c'est en famille qu'on restera. »

A l'image d'un vent qui chasse les nuages noircis par le temps, les paroles de l'Oie calmèrent l'esprit aveuglé de Zéphyr qui avait subi un choc, tout comme le reste de la fratrie. Personne n'était réellement prêt à voir l'un des leurs partir, même à Nementa Corum. Vivre sa journée en songeant toujours au crépuscule, n'est pas vivre et bien que leur vie ne leur appartienne point, aucun maître n'aurait intérêt à leur montrer la fin. Ils étaient au dernier étage de la baraque d'esclaves. La pièce s'était remplie. Dazielle dans un coin les observait, accompagnée de ses frères et soeurs de couvée. Son compagnon se tenait à côté d'elle. Les deux avaient de sérieux gonflements au visage, ce qui ne les empêchèrent en aucun cas d'exprimer leurs émotions.

- « L'esprit va à Phoebe, le corps appartient à Ethelba. » psalmodièrent les croyants.




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Dim 31 Jan 2021, 02:29

[Q] Le chant de la pluie Entete10

@Joseph Turner

L'endroit n'était pas aussi sombre que dans ses souvenirs. Le jeune homme observait son interlocuteur qui sortait plusieurs manuscrits d'un petit classeur. Il n'avait jamais croisé ce sorcier auparavant. Il portait des petites lunettes rondes, ses cheveux étaient noués dans le dos d'une étrange façon et il était vêtu d'une robe aussi propre que beige. Au petit matin, deux gardes étaient venus chercher Esmerald dans le quartier des esclaves. Ils ne l'avaient pas tiré de son sommeil, fort heureusement. Un réseau de serviteurs et d'esclaves permettait l'échange bref d'informations. Puisque les esclaves faisaient partis de la vie inhérente des sorciers, ces derniers ne prenaient pas toujours leur garde quant aux discussions. Si d'aventures des poules en cuisine entendaient leurs maîtres palabrer, le secret était tout aussi vite partagé. Les yeux boursouflés, les pieds en feu, l'adolescent était alors une loque. Le sorcier lui donna un verre d'eau que l'esclave but. Le goût salé de la boisson donna l'impression à Esmerald de boire de la neige sur un lit de charbon.

- « Je vois qu'on s'est déjà bien occupé de toi. » exprima le sorcier, en indiquant du bout de sa longue plume les pieds et les mains de l'esclave. « Vois-tu, vous nous appartenez. Et quand un des vôtres disparait sans que nous l'ayons décidé, la conséquence peut-être fâcheux. Aussi bien pour nous, que pour vous. »

A l'entendre parler avec cet accent d'outre-Nashalæta, Esmerald n'eut pas l'ombre d'un doute. Celui-là était nouveau dans le paysage de Valera Morguis. Les arrivants se montraient toujours plus dangereux que les sorciers déjà présents, il fallait donc mieux qu'il s'en méfie. Contrairement à Hakbel et Gus qui économisaient leur force dans cet endroit très capricieux et préféraient laisser vivre les esclaves qui seraient de toute façon bénis par la pluie, les nouveaux parvenus optaient généralement pour un spectacle rapide, démonstratif et onéreux. Ce qu'ils ignoraient, la plupart du temps, est qu'ici les vivres étaient comptées, à la moindre graine. Récupérer l'énergie perdue à coup de magie prendrait plus de temps que dans un climat plus avantageux. Souvent, se savoir dans une ville perdue au milieu de nulle part éveillait en eux l'impression d'être dans l'infini moyen de leur possession. En conclusion, il valait mieux ne rien lui dire sur la pluie et ses maux qui avaient causé ces dommages à mains et pieds. Si le sorcier n'était pas au courant, il l'apprendrait à ses dépens.

Il prit une chaise et se rapprocha de l'eversha pour l'observer davantage puis lui dévoila le couteau que Zergaël avait tenu la veille. Il joua un peu avec, Esmerald parut hypnotisé. Brusquement, il le pointa sous le menton poilu de l'adolescent qui le releva par réflexe. La lame descendit lentement sur la trachée. La peur d'un animal acculée immobilise ce dernier ; ainsi, l'eversha ne bougea pas d'un poils. L'inconnu éprouva un plaisir peu dissimulé. La journée d'hier était encore bien trop présente dans l'esprit du fils Valciel pour qu'il reste infiniment immobile, il finit tout de même par reculer.

- « Tu as une belle blessure au niveau du cou. C'est ta soeur qui te l'a causé avant de crever ? » Le sorcier à lunettes déposa le couteau sur sa table de bureau. Visiblement, il avait déjà réussi à glaner quelques informations. « C'est la seule arme qui a, apparemment été retrouvée. M'enfin, les esclaves nous disent pas toujours tout. C'est pour ça que je t'ai fait venir à moi. Vois-tu, l'esclave qui est morte hier appartenait à quelqu'un, qui demande qu'on la rembourse. Je suis ici pour m'assurer de la cause de la mort et des inculpations possibles. Tu ne comprends peut-être rien à l'argent mais... Un sou est un sou. Si un de mes semblables l'a tué, il devra rembourser la propriétaire et je suis là pour m'assurer qu'il le fasse. Si c'est l'un de vous autres, esclaves, hum... Eh bien, ce n'est pas à moi d'en décider. Je suis présent pour déceler la vérité. Je vais maintenant te poser des questions et tu vas gentiment y répondre. As-tu volé cette dague ? As-tu planté Sirocco Valciel ? »

Sans qu'Esmerald n'ait eu le temps de choisir ses mots, sa bouche et sa langue se délièrent, comme s'il s'adressât à un comparse, alors qu'il n'en était rien. Son traumatisme ne le fit point bégayé. Un flot continu de réponses factuels survint, dévoilant ce qu'il n'avait pas dit plus tôt.





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[Q] Le chant de la pluie

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