[Q] – Le marché

Partenaire : Aucun
Intrigue/Objectif : Maintenant que Dhavala a décidé de son avenir, il doit maintenant acquérir les moyens de ses ambitions. Enrichie des expériences de son pèlerinage, la priorité est donnée à des chaussures dignes d’un explorateur.

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Première partie – le marché

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Dhavala se réveilla en douceur, en ce chaud matin de Tayza. Il était encore repu du festin de la veille, alors que sous lui, de nombreuses fourrures empilées formaient un lit des plus confortable. Non loin, divers tas d’os, nettoyé et trié, atteignaient une hauteur presque précaire. Quelques morceaux de cuirs à diverses étapes de leur tannage trainaient également ici et là.

Le principal avantage d’une saison aussi chaude et aride que le Tayza était que les animaux se rassemblaient autour des points d’eau. Il était alors bien plus facile de réussir sa chasse. Le principal désavantage d’une telle saison restait la chaleur accablante, même à l’ombre des basses plaines du Rocher au Clair de Lune.

Il est essentiel de profiter des premiers jours de la saison, puisque vers la fin, d’imposantes sècheresses sont à prévoir. Même les plaines, pourtant à l’ombre des hauts plateaux, ne peuvent échapper à une forte hausse de la chaleur et à la raréfaction de l’eau.

Si d’habitude Dhavala est fidèle à la tradition, cette année est différente. Cette année, l’Evergrim a décidé qu’il allait se préparer pour son départ du Rocher au Clair de Lune. Le jeune homme avait d’abord pensé à partir dès qu’il se serait remis de son pèlerinage, mais le temps passé à attendre de guérir de ses blessures lui porta à la réflexion. Pour cause, le chasseur s’était parfaitement adapté à la vie au Rocher au Clair de Lune, mais tel était l’étendue de ses connaissances et de ses possessions.

Cette année, l’Eversha vivrait son vingtième Neeha, la Saison des Neiges. S’il voulait vivre jusqu’au vingt-et-unième, Dhavala devait se montrer patient et méthodique. Pour devenir l’explorateur qu’il désirait être, il était primordial d’acquérir la capacité de survivre jusqu’à son retour en terrain connu. Le plus simple et le plus rapide étaient d’acquérir un équipement de voyage, ainsi que la connaissance nécessaire à son utilisation. Bref, l’Eversha devait aller au marché et échanger les biens et services désirés avec quelque chose de tout aussi désirable.

Dhavala ne trainait jamais de monnaie avec lui. À quoi bon? Son mode de vie de chasseur ne nécessitait qu’un minimum de troc et de la débrouillardise. Et encore, il s’accordait un peu de luxe, sous la forme de vêtements tissés, une petite tente et des flèches avec pointes en métal. En cas de besoin, il pouvait faire fi de ces articles et prendre la forme de son Totem. Alors, il n’aurait besoin de rien, puisqu’il vivrait telle une bête. L’explorateur qui hantait les rêves du jeune homme était bien plus que ça. C’était un homme fier, brave et d’apparence soignée.

C’était ce désir… besoin d’être propre et soigné, qui allait être le plus difficile à satisfaire. Dhavala était du Totem du tigre, il ne tolérait pas être plus sale que de raison. Rares étaient les jours où il ne prenait pas le temps de faire sa toilette. Donc, il fallait de l’équipement qui permet de rester propre, en plus d’un équipement adapté aux longs voyages. Bref, il fallait des Lears, beaucoup de pierres de Lear.


Dhavala avait encore trop mangé. Dans sa quête de ressources à échanger, le jeune homme chassait plus que nécessaire et puisqu’il ne voulait rien gaspiller, il se nourrissait également plus que de raison. Il ne fallut pas longtemps avant que l’Evergrim retrouve le poids qu’il avait perdu lors du jeûne de son pèlerinage et même un peu plus.

Entre la chaleur accablante et une digestion incessante, le jeune homme n’avait ni l’énergie ni la motivation pour accomplir quoi que ce soit ce jour-là. Se délaissant de projet de tannages et du nettoyage d’os, l’Eversha choisit de passer la journée à se baigner, éloignant de sa tête les trop nombreuses tâches qu’il s’était fixées ce jour-là.

Le jeune homme se coucha donc avec l’esprit tranquille, sans plus d’égard pour son avenir.


Sans plus d’écart de conduite, Dhavala réussit tant bien que mal à rattraper sa journée de congé dans les jours qui suivirent, sans trop endommager les produits finaux. Maintenant qu’il avait une quantité conséquente de fourrure, de cuir et d’os, il était temps de transporter le tout au marché.

La prochaine étape pour le jeune homme consistait maintenant en l’élaboration d’un traineau rudimentaire. Il y avait un poids conséquent à trainer, alors la structure devait être aussi légère que possible, tout en sécurisant son contenu. Il était d’ailleurs probable que Dhavala ne soit pas en mesure de tout trainer, alors il fallait aussi ajouter le temps nécessaire au tri des meilleurs articles.

Le temps était maintenant un facteur important. Le marché des basses plaines allait compter bon nombre de participants pendant la saison de Tayza, mais il se viderait progressivement à l’approche de la saison de Kram. Dhavala était assez éloigné du lieu du marché, alors la route serait longue et laborieuse sur un temps.

Ce choix n’était pas sans raison. Plus près du marché, il y aurait une très grande quantité de camps et des représentants de diverses meutes. Il fallait donc s’attendre à ce que tout ce qui avait de la valeur autour du marché ait déjà été ramasser par d’autres Evershas opportunistes. C’était d’ailleurs pourquoi il n’avait d’autre choix que de se placer sous la protection d’une meute, en échange d’une grande part de ses profits.

C’était pourquoi le jeune homme avait besoin d’autant de ressources. Jamais il ne réussirait à défendre ses biens seuls, alors la coutume voulait qu’il s’acquitte du droit de protection. Ainsi, on ne lui volerait pas tous ses biens avant qu’il ait atteint le marché.

Bien que ce serait sa première visite au marché en solitaire, Dhavala y venait chaque année avec le clan Himsaru dans sa jeunesse. Dans ses dernières années, le clan n’avait plus la force nécessaire pour s’imposer et il fut forcé de s’acquitter du droit de protection, précipitant du coup la dissolution de la meute. Le droit de protection était la cause de nombreux conflits et il n’était pas rare que les chemins menant au marché se couvrent de sang.

Grâce à cette expérience, le jeune homme avait une bonne idée de quel chemin emprunté. Les meutes affiliées à la Dynastie des Shell étaient reconnues pour leur agressivité dans l’application du droit de protection, mais ils étaient également parmi les plus susceptibles d’honorer leurs engagements. Avec le soutien d’une dynastie, ils avaient la capacité de superviser quelques chemins, s’assurant que nul ne passe sans leur accord.


La réputation de la Dynastie des Shell n’était pas usurpée et Dhavala et son chargement furent interceptés avant même d’apercevoir le chemin menant au marché. Les Evershas qui vinrent à la rencontre de l’Evergrim étaient tous plus imposants les uns que les autres et visiblement rompus aux arts martiaux.

Puisque Dhavala était issue du clan Himsaru, il reçut un traitement de faveur, en quelque sorte. Il n’eut pas à négocier le droit de protection, mais fut forcé d’accepter les termes imposés à son ancienne meute. Cet accord pouvait difficilement être pire, mais elle avait quelques avantages. D’abord, ce n’était pas Dhavala qui vendrait lui-même ses biens, mais les habitués de la meute. Si la qualité des biens était suffisante pour être vendue, le jeune Evergrim recevrait sa part, sinon, la meute conservait les biens et Dhavala n’aurait rien. Ensuite, les biens allaient être chargés dans la charrette de cette meute, par les gros bras de ceux-ci, libérant Dhavala de son fardeau.

Il n’y avait aucune garantie que Dhavala reçoive quoi que ce soit de la vente de ses biens, mais en général, les représentants de la Dynastie de Shell aimaient se rendre indispensables. En permettant un minimum de profit aux passants de leurs chemins, ceux-ci avaient plus de chance de revenir l’an prochain avec encore d’autres biens.


Si Dhavala avait un traineau rempli de biens d’apparence précieuse, il fallait encore évaluer leurs véritables valeurs. Sitôt arrivé au marché, le jeune homme fut entrainé jusqu’à la section occupée par les Shell. Maintenant que Dhavala était adulte, le jeune homme fut entrainé dans un traditionnel défi de lutte en attendant le résultat de l’estimation par des anciens compétents.

On n’y échappait pas avec les Shell. Ce défi « amical » avait pour but de démontrer la supériorité des membres affiliés à la dynastie. Les Shell se trouvaient un représentant de gabarit similaire à leur invité et ils en démontraient l’adresse grâce à leur entrainement particulier. La rumeur voulait que ceux qui impressionnaient les Shell lors de leur épreuve de lutte se vît inviter dans la dynastie. Évidemment, toujours selon la rumeur, personne n’est jamais invité.

Dhavala s’en sortit assez bien contre le jeune homme que les Shell désignèrent pour être son adversaire. Un peu plus lourd et un peu plus âgé, Dhavala n’était pas totalement désavantagé en comparaison avec son adversaire. C’était probablement voulu ainsi, puisque si Dhavala se retrouva quand même rapidement immobilisé et plaqué visage contre terre, encore et encore. C’est toutefois en réussissant quelques bons coups que le nouvel invité des Shell s’attira la colère de son rival, qui ne tolérait visiblement pas que sa supériorité soit contestée.

Fort heureusement, le combat prit fin avant que Dhavala ne subisse des dommages permanents. Trop fier pour se laisser dominer, Dhavala n’avait de cesse de répliquer aux coups de son adversaire, ce qui ne manquait pas d’amuser la petite foule qui s’était accumulée autour de l’air du duel. Le jeune Shell, s’attendant à une victoire sans conteste, n’en était que plus frustré et impatient. Perdant la discipline qui lui avait été enseignée, il se laissa ouvert par abus de confiance, ce qui permit à Dhavala de renverser pour la première fois celui-ci.

Le Shell s’égratigna l’arcade sourcilière lors de sa chute. Une blessure superficielle, mais particulièrement sanglante. La vue de son sang et d’un adversaire debout alors qu’il était au sol acheva le peu de discipline encore présent dans cet Eversha et il se serait jeté sur son adversaire pour le tuer s’il n’avait pas été interrompu par ses pairs. C’était un défi amical, après tout.

Couvert d’ecchymoses, Dhavala était à bout de souffle et il dû s’assoir pour récupérer. Le score final était de dix à un, en la faveur de son adversaire. Toutefois, l’invité des Shell avait marqué un point, ce qui lui valut quelques applaudissements.


Après l’évaluation de ses biens, on révéla que les cuirs tannés par Dhavala étaient de qualité médiocre, que les fourrures étaient passables et qu’il y avait quelques os de forme assez intéressante. En gros, c’était des biens qui allaient probablement se vendre à bas prix, mais ils se vendraient.

À ce stade de la journée, et après l’intense défit de lutte qui venait de se terminer, Dhavala ne pouvait faire guère mieux que de hocher la tête. En tant qu’invité, l’Evergrim reçut une place dans une tente et une part des repas, le temps que ses biens se vendent au marché.

La domination des Shell était totale, du début à la fin de leur engagement au droit de protection.


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Deuxième partie – le marchandage

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Le lendemain, Dhavala se leva de peine et de misère, le corps endolori dans son entier. Le jeune homme fut interrompu lors de sa toilette matinale par son rival de la veille, qui venait s’excuser de son comportement. Visiblement ennuyé par une telle platitude, il était évident qu’il était forcé de s’exécuter par ses pairs. C’est avec un intérêt similaire que l’invité de Shell accepta les excuses. Les deux Evershas s’en retournèrent alors à leurs occupations sans dire un mot de plus.

Malgré la douleur, Dhavala eut tôt fait de sortir de sa tente, qui devenait beaucoup trop chaude sous le soleil intense de Tayza. Même la nuit, cet abri bloque inutilement le vent ambiant, mais l’on ne dort pas à la belle étoile au marché. L’invité des Shell a tôt fait d’être convoqué pour être informé de l’état de ses biens. Les articles de qualités moindres, mais à prix abordables de Dhavala, connurent un certain succès et furent rapidement acheté.

C’était une bonne nouvelle pour Dhavala, qui, en vertu du droit de protection, allait bénéficier d’une partie des bénéfices de cette vente. Le jeune homme reçut alors un modeste, mais tout de même généreux sac de pierres de Lear. Maintenant qu’il avait de quoi payer la raison de sa venue au marché, Dhavala voulut prendre congé des Shell, mais la question du retour restait en suspens.

La coutume voulait que lorsqu’on s’acquittait du droit de protection, il fallût être protégé à l’aller comme au retour du marché. Or, s’il est à l’avantage des protecteurs d’atteindre le marché le plus tôt possible, le retour est bien plus libre. Certaines meutes en profitent donc pour se prendre une autre part des profits de leurs protégés.

Puisque Dhavala était seul, il pouvait soit se payer un départ hâtif, soit attendre qu’il y ait un groupe plus consistant prêt à partir. D’un cas comme de l’autre, il y aurait un cout conséquent. Il était donc important que l’invité de Shell s’assure qu’il se garde suffisamment de Lears pour s’assurer des services de ses protecteurs. Après un décompte des avoirs de Dhavala, on lui assura que le tiers de ses pierres de Lear suffirait pour compenser son hébergement jusqu’à ce que le prochain groupe soit prêt pour quitter le marché. Si Dhavala voulait partir dans la journée, alors la moitié de ses avoirs seraient requis.

Puisque Dhavala ne disposait que de relativement peu de Lears pour profiter du marché après que les Shell eurent pris leur part de la vente de ses biens, l’Evergrim ne pouvait pas se permettre de perdre autant de ses gains pour si peu. Les bottes de voyage qu’il désirait tant depuis son pèlerinage allaient déjà lui couter une bonne partie de ses gains, ne laissant presque rien pour quoi que ce soit d’autre après avoir payé les accommodations pour son retour. Toutefois, si les Shell pouvaient se négocier des parts supplémentaires du profit de la vente des biens de Dhavala, Dhavala pouvait lui aussi négocier les termes de son retour. Du moins, il pouvait essayer.

À court d’une meilleure idée, Dhavala proposa d’échanger la moitié de ses avoirs pour bénéficier d’un l’entrainement au combat pour la durée de son hébergement chez les Shell. Les anciens en présence du jeune Evergrim se consultèrent du regard. Incertains de la valeur d’une telle demande.

L’entrainement martial Shell était reconnu de part et d’autre du Rocher au Clair de Lune, mais que valaient quelques semaines, tout au plus, de ce genre d’enseignement ? Il fallait des années de pratique pour réellement tirer des bénéfices concrets d’un entrainement martial. À première vue, la proposition de Dhavala était à l’avantage des Shell, mais les anciens devaient consulter leur chef avant de prendre position.

Voyant l’un des anciens se lever et partir soulagea Dhavala. Son offre avait probablement du mérite pour ne pas recevoir un refus net. En d’autres mots, il ne sortirait pas gagnant d’un tel accord, mais dans l’optique où ces Lears seraient autrement gaspillés, le jeune homme améliorait quelque peu sa situation. Au moins, il devrait lui rester suffisamment de monnaie pour une paire de bottes, alors sa visite au marché n’aurait pas totalement été une perte de temps.


Après un assez long moment à attendre, l’ancien revint en compagnie de son chef, afin de discuter plus en détail de la proposition de Dhavala. Après avoir jaugé le jeune homme du regard, ainsi que la quantité de pierres de Lear promise, l’Eversha permit à Dhavala de se joindre à leurs entrainements pendant son séjour. Toutefois, il n’aurait ni traitement de faveur ni explication. C’était à lui de tenir le rythme et de comprendre ce qu’on attendait de lui. Sous ces conditions, le chef permit à ses anciens d’accepter la proposition de leur protégé et repartit vaquer à ses occupations.

Puisque les deux parties s’entendirent sur les conditions du séjour de Dhavala, celui-ci remit la moitié de ses pierres, pourtant tout juste acquis. Il était trop tard aujourd’hui pour se joindre à l’entrainement, mais l’invité des Shell était formellement invité à rejoindre les combattants dès le lendemain.


Prenant congé des anciens des Shell, Dhavala profita de sa journée pour parcourir le marché. Il y avait longtemps que le jeune homme ne s’était pas retrouvé entouré autant des siens. Il devait y avoir facilement deux, voire même trois-cents Eversha au marché.

Le marché des basses plaines était assez modeste en superficie. Aucune des installations qui s’y trouvaient n’était permanente. De plus, il se trouvait profondément enfoui dans le territoire des Evershas. De ces faits, il n’était fréquenté que par les Evershas nomades. La sélection de bien était donc plutôt restreinte et la majorité de ce qui s’y était échangé ou acheté avait une utilité immédiate.

Malgré la faible diversité des articles vendue au marché, il fallut à Dhavala une bonne partie de la journée avant d’enfin trouver un vieil homme disposé à lui fournir la paire de bottes tant désirée. Il faisait chaud et il y avait beaucoup de monde alors tout prenait plus de temps. C’est donc en fin de journée que l’Evergrim trouva enfin son bonheur.

Le vieux cordonnier avait quelques bottes sur son étalage, mais son produit n’était pas particulièrement populaire. Dû au travail et à la quantité de matériaux nécessaires à la confection de bottes, il s’agissait d’un article assez cher pour son utilité. Bien utile lors de la Saison des Neiges, les bottes étaient jugées un encombrement, surtout lors de la Saison du Soleil Rouge. Quoi qu’en pensent les autres, Dhavala avait attendu des semaines pour ce moment.


Soulager d’avoir enfin un client avec de quoi payer, le cordonnier fut des plus heureux de répondre aux nombreuses questions de Dhavala. Puisqu’il voulait devenir explorateur, il avait besoin de bottes capables de protéger ses pieds des surfaces dures, comme la pierre. Elles devaient également être résistantes, pour ne pas s’effriter rapidement, comme les feutres.

Malheureusement pour le jeune homme, sa bourse n’était plus très garnie après que les Shell eurent prirent leur part de la vente de ses biens… deux fois. Dhavala n’avait pas de quoi se payer l’impressionnante paire de bottes que lui recommandait le marchand. Heureusement, si Dhavala ne pouvait pas payer ces bottes-là, il avait tout de même de quoi se payer des bottes plus quelconques. C’était tout ce qu’il achèterait au marché, mais c’était l’article principal souhaité.

Ses nouvelles bottes en main, Dhavala se garda de les chausser. D’abord, il faisait très chaud et il était bien plus confortable d’être nu-pied. Ensuite, il ne voulait pas les user avant d’en avoir besoin. Comme lui avait averti le cordonnier, si les bottes étaient plus durables que le feutre, elles se brisaient elles aussi avec le temps et l’usure et elles étaient bien plus difficiles à réparer.

L’unique achat de l’invité des Shell ne manqua pas d’attirer l’attention de ces derniers. Il était plutôt particulier pour un chasseur solitaire de faire tant d’effort pour n’en retirer qu’une paire de bottes, inutiles pour encore une demi-année.


Même deux jours après son défi à la lutte, Dhavala ressentait toujours les contrecoups de sa « détermination. » Par chance, cet inconvénient joua en sa faveur lorsqu’il vint rejoindre les autres membres des Shell pour leur entrainement matinal. Ils étaient nombreux à vouloir se mesurer à Dhavala, simplement pour avoir la chance d’exercer leurs compétences sur un nouvel adversaire. À force de s’entrainer tout le temps ensemble, les Shell se connaissaient par cœur. Dhavala, lui, était un étranger, qui plus est un étranger qui était capable de prendre quelques coups.

Forcément, à force de côtoyer et de combattre d’autres Evershas, Dhavala fut entrainé dans de nombreuses conversations. Il fut éventuellement découvert que le nouveau était du Totem du tigre et dès lors, il y eu une certaine camaraderie avec quelques jeunes, eux aussi de ce Totem.

Le temps passa plutôt rapidement en compagnie des Shell. Dhavala ne savait plus quoi faire des trop nombreux défis. Chaque jour, il semblait découvrir un nouveau muscle, ou de nouvelles parties de son corps, juste en suivant la douleur qui suivait ces entrainements. Il n’osait pas non plus décliner la majorité de ces duels, puisqu’il avait sacrifié la moitié de ses Lears pour avoir cette chance.

Au bout d’un moment, et au grand malheur de Dhavala, ce sont des adultes qui s’intéressèrent à leur invité. Ce jeune tigre suivait de peine et de misère les entrainements, mais il démontrait quelques réussites. On le jugea alors comme tel, ce qui attira la convoitise de ces combattants d’expérience. Prenant « pitié » de leur frère de Totem, plusieurs voulaient lui apprendre quelques tours.

Après un jour de cette torture, Dhavala mordit la poussière, au sens propre et figuré, plus souvent qu’il ne puisse compter. Or, puisqu’il était apparemment trop orgueilleux pour rester à terre, il se relevait… et c’était reparti pour un tour. Si c’était ça qui arrivait quand ces fauves voulaient jouer, que pouvaient-ils réserver à leurs ennemis ?


Il ne va sans dire que Dhavala n’apprit aucune technique de combat durant son séjour chez les Shell. Il eut tôt fait de découvrir les limites de ses compétences et subséquemment, n’eut de cesse de se faire rappeler ces dites limites.

Ironiquement, c’est son vocabulaire qui reçut le plus grand gain. Certains Shell étaient plutôt bavards une fois qu’il s’attachait à un autre. Bien des mots furent dits entre deux coups, ce qui força Dhavala à parler à son tour, si ce n’était que pour retarder le prochain coup de quelques secondes.

Quand, enfin, il fut temps pour Dhavala de quitter le marché, le jeune homme avait apparemment plusieurs amis parmi les Shell. L’Evergrim n’en était pas encore au stade de leur retourné la pareille, trop habituée à la solitude, mais il commençait à comprendre l’intérêt et le mérite d’un groupe.

Un jour, quand il reviendrait de ses expéditions, ce serait probablement une bonne idée de rejoindre une meute…


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