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 [C] - La Marche Terne : L'art de l'abdication

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Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

~ Orisha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 2292
◈ YinYanisé(e) le : 24/05/2014
◈ Activité : Horticultrice
Latone
Dim 16 Juin 2019, 14:55



Catégorie de quête : C. Empire
Partenaire(s) : Solo
Intrigue/Objectif : Suite à leur cuisante défaite, Latone enrage à l'idée de prendre sa revanche sur le Bleu Roi. Elle reçoit l'aide ponctuelle d'une alliée de poids afin de sauver l'une de leur Guide, lors de cette nouvelle et courte descente en Linos.

~~~


Les mots tus, Charras contempla alors le ciel, empli d'une intensité comme elle n'en avait jamais vu auparavant. Un éclat qui transcendait les étoiles, une lueur quasi turquoise contrastant avec les ombres nocturnes. Un à un, les endeuillés laissèrent leurs défunts cueillir le repos éternel. Le Colisée se vida peu à peu sous le regard attristé de Koe. Les Imbrûlées prirent finalement le relais pour animer les chants funèbres, dissiper les implacables songes que le Bleu Roi avait distillé dans leurs esprits. Pendant tout ce temps solennel, Charras peina à détacher son regard de ce trait céleste qui grandissait, encore et encore, pour finir par devenir réellement un objet pour elle. À la fois ardent et fugace, ce message de l'Au-delà termina sa course droit dans les quartiers de Léto Sùlfr. Le verre brisé s'éparpilla selon la volonté de la brise glaciale sur le plancher, en partie cabossé par la chute de cet Esprit bouillonnant. Assise en tailleur sur le bord du lit, la Chamane fixa avec une certaine appréhension la jeune femme qui partageait toute sa vie. Latone vit enfin clair tout autour d'elle, ses tourments comme canalisés par son voyage. Pourtant, elle ressentait encore la marque de la défaite enserrer son essence ; un sentiment inconcevable et pourtant bien réel. Ce n'était point une douleur comme elle aurait pu ressentir lorsqu'elle devenait la Souriante, pas une affliction qu'un être de son acabit pouvait imaginer et subir d'ordinaire. "D'ordinaire", mais rien de toute cette histoire n'avait d'ordinaire : Linos semblait naturellement défier toutes leurs lois, tous leurs mécanismes. Latone aurait pu continuer de frémir face à toutes les perspectives de cette chimère…

Quelques vibrations parcoururent le corps de Léto, afin de contrer l'impétueux assaut de Faugmi au dehors. Ses dragons – souhaitant trouver enfin un sommeil convenable – s'empressèrent de franchir l'ajour, les rideaux suivirent leurs courses pour contenir le vent. La pièce profita d'un calme guère tenace tant les tensions furent palpables. La Chamane remonta une couverture pour se prémunir du froid, le temps de converser avec son acolyte. L'Esprit quitta son cratère et fit le tour de cette chambre qu'elle avait fini par connaître par cœur, par considérer comme son chez soi ; finalement, elle se rapprocha pour la confronter.


" Laisse-moi ton corps. Léto sourit enfin, autant piquée à vif par la révolte de son amie que par sa requête.
- Viens le chercher. " Pour la toute première fois depuis sa naissance, la colère de Latone ne se dirigea plus vers leurs démons, mais vers Léto en personne. Il n'y avait point besoin d'autres mots, de longs discours pour qu'elles se comprennent : parfois, il suffisait d'une simple étincelle et l'explosion se produisait.

Le reliquat désiré chuta, à moitié étalé par terre, abandonné par la Séparation de l'Esprit. Sa propriétaire accentua son espièglerie par un geste de la main, une invitation à ouvrir le bal, comme la furie en avait toujours été capable avec brio. " C'est comme ça que tu veux jouer ?! " Elle se rua sur elle et tomba aisément dans la clé de bras de l'Esprit souriant. La bleue grinça des dents et poussa suffisamment fort sur ses jambes pour se dégager. À peine tirée d'affaire, son acolyte profita de ce court moment de répit pour reprendre l'avantage par un coup de genou dans la mâchoire. Les roulés-boulés entraînèrent Latone de l'autre côté de la pièce ; la vigueur dans les coups de la Chamane l'épatait une nouvelle fois. L'Hozro se releva sans qu'on ne l'interrompe cette fois ; elle darda la Draugr et hésita un instant à employer la magie spectrale. Léto se rapprocha prudemment d'elle, silencieuse, une barrière entre son adversaire et son corps dépourvu de vie. Le pied de Latone glissa tout doucement en arrière, se remémorant rapidement d'une position de combat à employer ; le souvenir retrouvé, l'Esprit s'employa à le répliquer avant que Léto ne daigne reprendre la main. Plutôt satisfaite de cette initiative, la Chamane lui offrit un hochement approbateur face à cette garde bien solide. En réponse, elle aussi se plaça de manière à accueillir le moindre assaut de sa part. Un duel de volonté signé entre les deux femmes aux destins symbiotiques. Pour le coup, Latone ne céda pas et fut ravi que ce soit Léto qui rouvrit les hostilités. Le poignet de celle-ci rencontra celui de la bleue, l'autre main de cette dernière enserrant son bras pour la faire voltiger derrière elle. Léto accompagna le geste pour emporter Latone avec elle et enchaîna directement avec un autre coup dans l'abdomen. La Conservatrice encaissa tant bien que mal et releva en hâte son crâne pour cogner le menton de sa partenaire. Le recul obligatoire de la Chamane lui fit perdre son avantage stratégique sur cette bataille : Latone était à présent celle qui avait la main mise sur la fameuse enveloppe charnelle. Simplement, la possession nécessitait une nouvelle distraction pour qu'elle en sorte victorieuse. Crier victoire trop vite… Peut-être fût-ce là sa plus terrible erreur ? La Souriante ne lui laissa guère le temps de se relâcher, car elle aussi dévorait allégrement la victoire. Elle enchaîna une multitude de coups, féroces, afin de la faire plier une bonne fois pour toute. Latone résista, tenta à plusieurs reprises de contre-attaquer, malgré tous ses efforts elle lâcha prise. Un coup en particulier la rapprocha du bord du lit ; son œil avisé repéra l'occasion rêvée et son bras se tendit en direction du corps inanimé. Une minime seconde aurait suffi, mais Léto ne la laissa point faire : son pied dégagea l'Hozro d'un bon coup dans les gencives. Dépitée, la furie capitula piteusement, alors que la Chamane reprit le contrôle de sa dépouille. " Je t'ai entendu hurler jusque dans l'Au-delà, où est passé ta persévérance ? Un silence. Tu te fais renvoyer de ce monde, et tu te contentes de faire un vacarme à Zterbiuh'Oshi ? " Un autre…

Léto lui tendit une main amicale, une aide que Latone ne pouvait pas refuser. Depuis son intronisation en ce bas-monde, elle se raccrochait à toutes les chaînes qui la liaient à cette guerrière. L'Hozro se borna dans son mutisme, déjà bien trop défaite par la raclée qu'elle venait de prendre. Pourtant, la Sùlfr n'en rajouta pas, comme si elle attendait que sa camarade sorte de sa torpeur. " J'ai perdu… Son index scella les lèvres de l'Esprit.
- À plate couture. Mais tu as fait de ton mieux, je le sais. Sa main se saisit de la sienne et elle l'entraîna vers la fenêtre. La Vigilante offrait une vue imprenable sur tout Ciel-Ouvert. Non loin, le Colisée continuait de grouiller de quelques âmes, éclairées par les obsèques de leurs héros. Les adieux chantonnant leur parvinrent jusqu'ici, limpides comme de l'eau de roche. Ce soir, elles étaient seules, livrées aux choix que leur cédait le Bleu Roi. Tu te braques sur une erreur et tu y restes coincée. Tu n'as pas gagné à cause de cette illusion. Les yeux dans les yeux. Je te fais offrande de mon essence, Latone, mais tu n'es pas moi. Tu ne peux pas… compter sur moi lorsque tu es livrée à toi-même.
- Quel est l'intérêt de tout ça, alors ? Que suis-je censé faire ici ?!
- Rien de plus.
La réponse la décontenança. Et si tu te poses encore la question, alors… Pense à leurs sentiments. Elle désigna d'un mouvement de main tout le paysage sous leur joug. Qu'attendent-ils de toi ? Que tu sois toi-même. À leurs yeux, je ne suis plus rien, mais toi…
- Mais je ne suis rien sans toi ! On était censé être la plus forte, la guerrière rêvée !
- Ça, ça n'a pas changé. Mais ce que "eux" veulent, ce n'est pas ma contribution, c'est la tienne.
La Chamane s'accouda au rebord, les idées braquées vers les cieux. Je ne pourrais pas récupérer Prune sans toi. Cette révélation lui fit retrouver des couleurs, quoi que ça veuille dire pour une morte.
- Comment tu…
- Je suis arrivée à temps, ce ne sont pas les Marcheurs qui ont ramené mon corps. J'ai pu m'approcher, lui parler… Et j'ai fini par le convaincre de te laisser un peu de temps pour lui prouver qu'il n'est pas invincible.
En se redressant, fière, la Chamane démontra toute sa confiance envers son compagnon de toujours. Tu es une artiste, Latone, à toi de l'épater. C'est de cette manière que tu le vaincras, pas autrement. L'Hozro songea à ces mots, gorgés d'un sens tout particulier pour une résidente de Ciel-Ouvert. Bon, allons chercher ma fille. "

~~~

Ce pan de Linos, en particulier, n'avait point de nom connu. Pourtant, il lui inspirait des milliers d'histoires, des rencontres riches en émotions, un retour au bercail inespéré, des départs larmoyants… Ils ignoraient tout du passé de cet endroit, mais celui-ci était inexplicablement chargé en fables. La connexion d'une cité creusée à même la montagne avec le reste de la surface. Chacun de ses mots ne parvenaient pas aux oreilles sourdes de l'entité : il se refusait de se livrer à une simple étrangère. C'était comme si tout cela semblait inutile, seul l'instant parlait pour eux. Prune entrevoyait des idylles magnifiques, des cantiques qui lui faisaient oublier à la fois sa faim et son sommeil. Deux jours s'étaient écoulés depuis leur défaite, prisonnière ainsi de la volonté du Bleu Roi.

Au loin, soudain, un rythme régulier coupa court à cette lente agonie. Elle reconnut le pas frénétique et déterminé de l'envahisseur, de ses camarades promis par sa mère en personne. L'Orisha sortit de son cocon et assista à l'arrivée quasi-théâtrale de Léto ; en tant que sa chair et son sang, elle comprit aisément que ce n'était pas l'Hozro de présente. Le Bleu Roi daigna se retourner et faire face à cette intruse. Il fixa à tour de rôle la Chamane et la Porte d'où elle venait, avec une lenteur si pesante.
" Comme promis, nous sommes revenus. Dans son ombre, le spectre de Latone apparut. La colère se lisait en chacun de ses traits, il lui était pénible de se contenir.
- Pourquoi les vôtres sont-ils si loin ? La blonde lui accorda un sourire tout naturel, comme si la situation était entièrement sous son contrôle.
- J'ai pris la peine de les devancer. Sous peu, cela risque de secouer, je préférerais leur épargner cet interlude, avant qu'ils n'assistent à votre chute. L'entité ne sembla guère touchée par les propos de la mortelle. Qu'importe, tout ceci n'était qu'un début. À moins que vous ne décidiez d'éviter les effusions de sang ? Elle tendit la main en direction de sa progéniture, son euphorie effacée. Rendez-moi ma fille. Un chœur instantané s'éleva et Prune se retrouva quelques mètres plus loin derrière lui ; une réponse qui ne seyait pas à sa mère. D'un geste lourd, Léto fit retomber son bras le long de son corps. Elle prit une grande inspiration avant de se résoudre à l'inévitable. Je ne pardonne que rarement lorsque l'on ose me défier. Et plus que tout, je ne pardonne jamais lorsque l'on ose s'attaquer aux miens. Ma fille pourra vivre nombre de supplices si telle est la décision des Ætheri, cependant ses tortionnaires subiront d'autant plus de souffrances. Elle serra les poings. Savez-vous pourquoi, souverain de Linos ? Latone fronça les sourcils, fin prête à ses côtés. Car personne… Enroulée autour de ses bras, les chaînes de Léto se fondirent en un brouhaha métallique, en rythme avec les tremblements de la Chamane. Personne… Ses dents se resserrèrent, s'époumonant dans sa rage. Personne ne survit à ma colère ! Son regard en biais s'attarda sur sa sœur d'arme, sa poigne tendue en sa direction. Allons-y, Latone ! L'Hozro se noya dans cette hystérie en saisissant sa main.
- Et comment ! " La fusion des deux Esprits se produisit, l'Éclat détona.


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Latone
Dim 16 Juin 2019, 14:56



Une poignée de débris ralentirent leur avancée à mesure que les secousses s'amplifièrent, précédée par une intense et vive source lumineuse, au loin. Se remémorant les instructions de Latone, Koe Zìyóu invita ses camarades à accélérer le pas. La troupe ne devrait en aucun cas rater un tel spectacle. L'Orine et les artistes franchirent la Porte juste au moment où les vibrations se concentrèrent en un unique point, leur origine. Aussitôt, ils se ruèrent sur leurs calepins, d'autres entamèrent leur prestation musicale, incités par le souhait de leur Guide à graver cette scène dans leur Histoire.

Était-ce réellement Latone, cette femme qui osait faire face au Bleu Roi ? Pour tous, elle semblait différente, et pourtant si proche de l'incarnation de son nom. Sa crinière sombrait dans les affres d'une colère noire, tandis que ses pupilles luisaient à travers ce léger brouillard mordant. L'entité-maîtresse de Linos fixa les "spectateurs" et comprit aussitôt la supercherie : " Ce ne sont pas des soldats. Ses orbites, vides, contemplèrent à nouveau cette femme qui unissait la force de deux volontés. Vous dépassez les limites de ma tolérance, Marche Terne… La Chamane sous fusion s'avança insolemment vers lui, une marche aussi ferme que confiante. Vos saltimbanques ne seront pas témoins de votre conquête, mais de ma légitime consécration. Alors qu'elle n'était qu'à quelques mètres de lui, ses sorcelleries symphoniques reprirent. Périssez. "

Prune demeura paralysée par cette atrocité inévitable. Pourtant, la jeune femme comprenait tout juste que ce n'était plus l'emprise du Bleu Roi qui l'enserrait, mais la présence même de sa mère, associée à son acolyte. Enhardie par l'audace de Latone, Koe invita ses apprentis à redoubler d'effort et à ne jamais s'arrêter. Sinon, nous perdrons. Les mots de leur Guide. Cette dernière les confirma avec le geste le plus naturel pour une battante de son acabit : le poing de Latone fit fi des nuisances de son adversaire et lui fracassa la joue. L'ultime barrière de Linos se retrouva à genoux, emportée par l'impact soudain. L'incompréhension le traversa, alors qu'il entendait toujours les pas de cette dissidente. " Debout. Il se releva et, une fois de plus, ce poing fila à sa rencontre ; plus fort encore, il l'accompagna jusque dans sa chute à terre. Latone rabattit sa main gauche suite à cette attaque et se redressa. Enfin, ce fut elle qui le regardait de haut. Debout. La coalescence dégaina sa claymore, Silencieuse. Le Bleu Roi se remettait à peine de cet assaut. Ce n'est que le début. " Sa lame grinça sur le sol, alors qu'elle se rapprochait peu à peu pour en découdre. La chimère de Linos sembla retrouver un second souffle, ou une partie de sa dignité, pour se tenir debout et lui faire face. Il brûlait d'une rage si palpable. Les chœurs s'élevèrent.

Latone anticipa la riposte en adoptant une posture défensive. La ville reprit vie sous les clameurs de son dirigeant, des fissures serpentèrent la zone tandis que leur environnement se tordit selon son bon vouloir. La fusion hurla fort en guise d'offensive. Le Bleu Roi tressaillit un instant ; comme animé par une soudaine frayeur, la distance entre eux se rallongea. La guerrière le poursuivit en vain, elle redoubla néanmoins d'effort en usant de sa chaîne pour le happer et l'attirer. Il se dégagea bien vite de l'étreinte mais trop lentement pour conserver l'écart avec elle. Cette dernière abattit, sans sommation, son arme sur lui.


Sentence, le pénitent clame ;
Ton inquisiteur enserre cette lame !

La Silencieuse rencontra une épée nouvellement formée entre les doigts du souverain. Cette fois, sa poigne était ferme et rivalisait tant bien que mal avec celle de la Chamane. Au fond, elle sentait qu'elle était à présent prisonnière de son jeu. Cependant, la coalescence laissa sa lame magique reprendre l'avantage en produisant une onde-de-choc entre eux. Ils bondirent chacun de leur côté ; le Bleu Roi leva les bras en l'air, les chœurs environnants reprirent de plus belle et déformèrent le terrain. Latone cria telle une furie et virevolta autour de lui pour éviter les secousses et gravats nouvellement formés. Durant la bataille, Prune fut libérée par le trouble de son ravisseur et s'accrocha maladroitement pour ne pas choir dans les abysses insoupçonnés de Linos, ni être broyée par le cataclysme. Le champ-de-bataille se mouvait selon les actions des combattants, sans tenir compte des dommages et victimes collatéraux. Comme l'odyssée d'un face-à-face mythique, à la fois réel et inconcevable. L'Orisha parvint à saisir la main de Koe à temps, celle-ci lui offrit une brève accolade. " Elle l'a fait… Souffla-t-elle avec béatitude. Elle l'a touché. La Númendil se retourna vers l'affrontement romanesque qui s'offrait à eux. Elle outrepasse son règne. " Peu aux faits des véritables pouvoirs de l'entité adverse, l'Orine se contenta de s'assurer de la sécurité de sa troupe, bercée par l'espoir naissant qui gagnait la fille de Léto. Les fameux artistes prirent suffisamment de distance pour continuer leur prestation, tandis que leur sensibilité interne frémissait à chacun de leur haro.

Le spectre de Linos tournoya tout autour de la fusion, désemparée par la maîtrise totale que possédait l'hôte de ces lieux. Pour autant, lorsque la situation semblait tourner en sa défaveur, la hardiesse combinée des deux femmes leur fit pousser des ailes ; la Chamane en transe n'hésita pas à bondir sur les "marches" qui s'offraient à elle, à s'extirper de peu des pièges minutieusement déposés par le Bleu Roi, afin de se rapprocher de lui. Quand sa lame touchait enfin la sienne, ce fut toujours à son tour de reprendre la danse. Le Bleu Roi était un formidable envoûteur, mais un piètre guerrier face à elle. L'unique avantage de Latone sur ce terrain maudit, c'était sa brutalité. Suite à une parade de la part de l'ennemi, elle profita de sa propre charge pour glisser encore vers lui, sa main libre alla choper sa tunique et elle la tira de toutes ses forces. L'entité fut emportée par la prise et amenée à embrasser la terre. Le choc réduisit l'intensité des chœurs de Linos – permettant aux musiciens de Ciel-Ouvert de s'imposer – et leur champ-de-bataille cessa de danser. Un bref instant, la montagne menaça de les engloutir. Malgré tout, les impertinents s'isolèrent dans leur frénésie, leur insatiable soif de vaincre. La poigne de Latone alla saisir les tignasses mesmériques du Bleu Roi et lui écrasa le faciès sur le parterre, puis le visage de sa victime se retourna et le menaça encore de sa voix impérieuse.


À genoux, intruse !
Succombe à la splendeur de ma muse !

L'enveloppe de Léto ressentit une force la traverser, une onde loin d'être innocente, et pourtant si insignifiante pour elle, au grand dam de son incantateur. Les chœurs de Linos reprirent soudainement et sa proie lui échappa par l'imprévisibilité du terrain. La coalescence réalisa quelques pas intelligents pour ne pas perdre équilibre et demeura attentive au moindre signe de l'ennemi. Des murmures furent perceptibles, mais le vacarme des voix ne l'aida pas à le localiser. L'imminent souverain la prit soudainement par surprise en lui empoignant le visage, mimant son geste de tantôt. Son épée lui glissa entre les doigts pendant la volée, et le Bleu Roi la plaqua contre un obstacle nouvellement levé. La fusion encaissa du mieux qu'elle pût, et dût se laisser choir sur le côté pour se reprendre ; en vain, car la lame de l'entité lui sectionna la cheville. Elle gémit certes, néanmoins il ne vit pas arriver ce vif coup en direction de son poignet pour le désarmer. L'épée glissa plus loin, avalée par les lézardes ponctuelles. Latone se réceptionna avec son autre main, avant que le Bleu Roi – de par sa grandeur – ne lui attrapât sa jambe blessée pour la jeter plus loin. La guerrière entreprit une roulade pour se stabiliser et se confronta au spectre prêt à se salir les mains. Ses longs doigts crochus firent offices de griffes qui lui mordirent la joue et les bras, son instinct combattif lui fit répliquer aussitôt par un violent coup dans les hanches. Le Bleu Roi se tordit et la saisit aussitôt par le cou, la souleva aisément. Latone se débattit tant bien que mal et subit des chants directement implantés dans son Âme, des voix qui lui évoquèrent l'épouvante et le chaos. Les iris disparates de la Chamane fixèrent le monstre pour lui renvoyer cette Vague de peur en pleine face. Il la relâcha et recula, déboussolé par l'extrême magie de cette prêtresse. Sans perdre une seule once d'opportunité, la fusion sauta pour être à sa hauteur et lui infligea une Correction avec la force de ses deux mains réunies ; cette attaque, accompagnée de son cri de guerre digne d'une Chamane, le renvoya au centre de leur terrain de jeu. Les chants de Linos avaient beau continuer de l'assaillir, Latone persistait à le rouer de coups, lui briser les articulations, à ne jamais lui laisser une chance de se relever sans accroc. L'attraper pour le soulever, et pour mieux le broyer sur son propre territoire.

Quelque peu essoufflé par sa course depuis Ciel-Ouvert, le vaillant Orisha, Blarorkh Wren, rejoignit à temps la troupe. Prune remarqua avec étonnement qu'il transportait avec lui une petite caisse en bois, parsemée de petits trous. Malgré sa réputation de délicatesse défaillante, le maître-geôlier sembla faire attention à ce qu'il trimballait avec lui. Muet comme une tombe, il fit des signes à Latone pour notifier sa présence. De son côté, la Chamane asséna un coup de tête au Bleu Roi, le retint par le bras pour le lui déboîter enfin, avant de le laisser filer. Tandis qu'il se remettait à peine de toute cette torture, ils ressentirent tous la perte d'intensité dans les voix du chœur. Le corps de Léto ne souffrait que de minimes atteintes, cependant ses chaînes commencèrent à tinter dangereusement. Il fallait en finir. La coalescence se redressa, son sang ne coulant guère plus.
" Tu es censé être l'ultime symbole de ton royaume et la main armée de ton glorieux règne, mais tu es incapable de me maîtriser, moi, un simple sujet ? Le spectre de Linos se morfondit dans un mutisme bien trop long à son goût, se contentant de se relever impérieusement. Le visage de Léto témoigna de sa rancœur, son agitation à son paroxysme. Je vais t'envoyer dans un monde défini par le tourment ! Ses mains entreprirent deux tapes, un court applaudissement qui marquait le bouquet final. Blarorkh souleva le contenant et l'envoya dans les bras de la Guide. Latone tendit la cage face à elle et l'ouvrit : Chô, son lapin de compagnie, fixait avec prestance le Bleu Roi. Tandis que le souverain se questionnait sur la nature de cette immonde créature, la boule de poils bondit sur son visage et lui provoqua milles afflictions. Chô finit par laisser sa victime respirer et partit se blottir contre Prune, tout aussi ahurie que leur ennemi. Un tintamarre métallique couvrait les chants de Linos, le Bleu Roi sentit alors le froid des maillons serpenter le long de son corps ; ces chaînes le contraignaient, et le liaient à son adversaire quelques mètres plus loin. Le monstre vit alors cette femme briller, son essence magique s'emballer à grande vitesse. Toute cette pression lui collait à la peau et l'empêchait de s'échapper. Prends ça ! Se débattre serait inutile, il ressentait l'outro s'abattre progressivement. Les fers s'enroulaient avec fermeté autour des bras de la Chamane, ils vibraient à mesure que sa magie se manifestait. Des arcs électriques léchèrent la terre autour d'elle et se multiplièrent, le fer conduisant naturellement cette puissance, cette hargne. L'Éclat agrippa les maillons et les tendit en direction de sa proie. Et salue L'Œil de ma part ! " L'Esprit de l'Hozro se déchaîna et fusionna avec la chaîne : la foudre s'abattit sur l'entité. Le désastre provoqué ne leur accorda point de répit pour leurs yeux tant le feu du ciel était vorace. Linos tremblait avec l'abdication de son Tout-puissant, le chœur s'éteignait peu à peu alors que le Bleu Roi disparaissait. Un smog de poussières mêlé à quelques arcs bleutés se formait sur la tombe du souverain, les fers se reposant doucement. Latone fusionna à nouveau avec sa camarade, ne laissant qu'une unique survivante à ce combat. Ciel-Ouvert fut enfin témoin de leur fer de lance.

La coalescence conserva toutefois un air grave, un sentiment qui commença à animer également la troupe des Marcheurs. En hauteur trônait la chimère de Linos, les séquelles de la précédente attaque affligeaient son enveloppe. Les pupilles de Latone s'illuminèrent par instinct, mais son étrange passivité la dissuada de répliquer quoi que ce soit.
" Ce n'est que le début. " Il concéda cette affirmation de la guerrière, avant de fondre dans les abîmes de la cité. Ce pan de Linos ne cultivait plus la force du Bleu Roi, ils étaient à présent tous capables de ressentir la légèreté de la ville au cœur de la montagne. Les muscles de Latone se détendirent peu à peu et elle se retourna vers ses compagnons. La Marche Terne devait poursuivre.



2258 mots ~



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