Badaboum dans la gadoue

Intrigue : Sol se fait poursuivre par un gros méchant dans une piscine avec une famille de scarabées.

Sól ferma les yeux et inspira profondément par le nez, essayant de faire abstraction de ce qui la gênait. « Ouvre les yeux, Sól. » ordonna Graelf d'une voix rude. La petite ange s'exécuta, se mordant la lèvre inférieur et gonflant ses narines pour essayer de garder le contrôle. Le guerrier tourna autour de son élève, posant sur elle un œil critique. « Rester immobile est la base. Si tu n'es même pas capable de cela... » Il ne termina pas sa phrase. L'homme apporta quelques modifications à la posture de la gamine : il lui redressa le dos, l'obligeant à se tenir droite, lui fit écarter et baisser les genoux, releva ses bras qui tenaient à bout de main la lourde épée en bois qu'elle utilisait pour s’entraîner. La blonde parvint à maintenir cette position quelques secondes avant de se mettre à trembler sous l'effort. Cette vision fit soupirer l'enseignant, déjà las d'avoir accepté d'entraîner cette gamine qui, de toute évidence, n'était bonne qu'à entretenir les champs de son père. « Qu'est ce qu'il faut que je fasse pour que tu parviennes à m'obéir et à faire tes exercices correctement ? » questionna-t-il d'un air bourru tout en se grattant l'arrière du crâne. L'ange garda le silence une seconde avant de fixer son regard céruléen dans celui de son professeur. « C'est que... J'ai b'soin d'pisser, monsieur. » répondit-elle d'une voix incertaine. Voilà ce qui la dérangeait depuis tout à l'heure et qui expliquait pourquoi elle n'arrêtait pas de gigoter. Lorsque le bipolaire s'était aperçut de l'agitation de son apprentie, il avait exigé d'elle qu'elle exécute un exercice demandant concentration et contrôle de soi. Trop effrayée pour expliquer la cause de son mal-être, Sól s'était exécutée et avait fait du mieux qu'elle avait pu, mais à ne plus bouger, il était devenu compliqué de penser à autre chose. La sensation de brûlure avait commencé à se faire sentir et il était presque devenu impossible pour l'ailée de rester impassible. Graelf observa sa disciple avec un air désabusé. « Et tu crois que sur un champ de bataille, tu auras le temps de faire une pause pour te vider la vessie, peut-être ? Réfléchie, demie portion ! Lorsque tu es ici, avec moi, c'est comme si tu étais en guerre ! Pas de pause pipi ! Pas de pause pour recoudre les petits bobos ! C'est compris ?! » L'ancien militaire s'apprêtait à lui faire un long discours sur l'importance de se contrôler et d'être fort, mais il lu dans le regard de l'enfant qu'elle ne l'écouterait pas. Avec un soupir las, il fit signe à la gosse de déguerpir. « Bon, ça suffit pour aujourd'hui, dégage de là. On se revoit demain. » Il n'eut pas à le redire deux fois : la fille des champs avait aussitôt disparu.

Sól courut aussi vite que possible pour gagner le couvert d'un arbre, n'attendant pas d'y être tout à fait arrivée pour défaire sa ceinture et descendre son pantalon. Lorsqu'elle fut appuyée contre l'écorce et qu'elle laissa enfin s'en aller la douleur dans son ventre, un soupire de soulagement s'échappa de ses lèvres. « Il était temps... Une minute de plus et je mouillais mon pantalon... » murmura l'ange tout en baissant la tête pour s'assurer que son jet d'urine n'arrosait pas ses vêtements. Il y a quelques années encore, Sól n'aurait pas pris la peine de trouver un arbre pour se soulager, mais depuis que son aîné lui avait raconté que la pisse était aussi bonne pour les arbres que la bière pour les réprouvées, la blondinette se faisait un devoir de toujours se lâcher au dessus de racines ! Il aurait après tout été égoïste de priver un arbre d'un tel plaisir, n'est ce pas ?

Une fois qu'elle eut terminé son affaire, Sól remonta son pantalon et accrocha d'un air distrait la ficelle qui lui servait de ceinture. Son regard s'était posé sur l'étrange trou qui était apparu à quelques mètres d'elle. Un trou qui, quelques heures encore auparavant, n'existait pas. Curieuse, la blonde s'approcha du cratère circulaire de plusieurs mètres de diamètre. « Qu'est ce que c'est que cette merde ? » demanda tout bas l'apprentie guerrière. Elle ne s'attendait pas à ce qu'une voix dans son dos lui réponde. « C'est une piscine ! » déclara fièrement Pird, trimbalant derrière lui une brouette remplie d'eau. Il avait attaché à son dos une bassine elle aussi remplie de liquide. « Pi-quoi ? » redemanda l'enfant en penchant la tête sur le côté. Sans qu'elle ne comprenne, elle observa le bipolaire verser l'eau au fond du trou, se mélangeant à la gadoue qui était déjà là. A présent, le niveau était à mi-hauteur de la profondeur initiale, c'est à dire bien plus grand qu'il ne le semblait. « Une pi-scine. » répéta le réprouvé. « C'est ma nouvelle invention. » expliqua-t-il. Sól leva un sourcil, visiblement peu convaincue par cette idée. « Est ce que c'est... Un bain pour les cochons ? C'est idiots, y'en a pas assez pour un trou aussi profond, et puis ils se noieraient. » déclara l'agricultrice. « Non, c'est pour nous ! Pour nous rafraîchir lorsqu'on aura trop chaud. » Cette fois-ci, Sól esquissa une grimace franche, fixant Pird comme s'il avait perdu la raison. « Tu sais, si tu cherches juste une excuse pour pas travailler, t'as qu'à aller prendre un vrai bain au lac, plutôt que d'essayer d'inventer des trucs. T'es pas très doué pour ça. » déclara innocemment l'ange. « Et puis, vu ton odeur et ton hygiène corporelle, personne t'en voudra de te laver dans de l'eau claire plutôt que d'imiter les porcs. » continua-t-elle sans se rendre compte que ses propos vexaient outrageusement celui à qui ils étaient destinés. Lorsqu'elle releva les yeux sur son visage colérique, il était déjà trop tard : le grognon s'apprêtait à la frapper pour se venger de son honneur bafouer.

Avec un cri qui n'avait rien de glorieux, la demoiselle exécuta une roulade maladroite en avant. Déséquilibrée, elle ne parvint pas à se lever et à la place, elle se sentit glisser dangereusement. Sans qu'elle ne puisse rien faire, elle dégringola le long du trou et termina sa course dans l'eau trouble. Elle fut totalement immergée et dû fermer les yeux pour que ceux-ci ne lui piquent pas. Avec toute cette terre, elle choperait sans aucun doute une cochonnerie si elle s'entêtait à les garder ouvert pour essayer de voir quelque chose. Tentative veine puisqu'elle n'aurait de toute façon pas pu y voir à plus de dix centimètres devant elle. Sans perdre de temps, la blonde poussa de toute ses forces pour regagner la surface. Elle eut à peine le temps de percer l'eau pour reprendre son souffle qu'une ombre la recouvrit.  La fillette ne mit pas longtemps à comprendre qu'il s'agissait de Pird, s'apprêtant à lui sauter dessus pour poursuivre sa vengeance. « Tu vas l'payer, merdeuse ! » rugit le bipolaire. Sól ne put éviter le boulet que de quelques centimètres, replongeant pour cela sous l'eau tout en battant des jambes pour se maintenir hors de l'eau. A nouveau, elle sortit la tête de l'eau, passant sa main sur ses yeux pour essayer de voir ce qu'il se passait autour d'elle. Son bourreau se jeta sur elle pour essayer de la noyer. Il ne réussit qu'à l'attraper par la cheville et, à force de donner des coups de pieds, Sól parvint à lui écraser les doigts et à lui faire lâcher prise. Paniquée, elle replongea quelques secondes, afin de se concentrer, et fit apparaître deux illusions ayant son apparence approximative, de deux côtés différents, afin de déstabiliser son poursuivant. Profitant de la confusion du méchant, Sól remonta à la surface, nagea de toute ses forces vers le rebord et, déployant ses ailes, elle se propulsa juste assez pour regagner la terre ferme. Se dandinant comme elle le pouvait, elle roula sur le dos puis se remit debout et commença à courir. Malheureusement, elle était petite et sa diversion n'avait pas duré longtemps. L'inventeur de pacotille ne tarda pas à sortir de sa pi-machin-chose et à la poursuivre à toute vitesse. Elle ne fit pas plus de quelques mètres avant qu'il ne la rattrape et ne la plaque au sol. La gamine en eut le souffle coupé, tellement le contact fut brutal. Paniquée, l'ange attrapa un tas de terre qu'elle écrasa contre la joue du plus fort. Celui-ci fut surpris et lâcha sa prisonnière quelques secondes, qui lui permirent de se faufiler hors de sa prise.

Désespérée, Sól se remit à courir le plus vite qu'elle le put, aussi loin du danger que  ce que ses poumons lui permettaient. Mais, alors qu'elle s'attendait à entendre le souffle rauque de son chasseur derrière elle, ce fut un bourdonnement sourd qui la suivit. Inquiète, elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Un essaim de scarabées lui collait aux talons. Sól écarquilla les yeux et redoubla de vitesse pour échapper à l'attaque d'insectes. Elle avait oublié que l'idiot était capable de commander aux insectes. Voilà qu'il lui avait envoyé tout une famille de scarabées ! Hurlant presque de terreur, la gamine sentit les scarabées s'écraser un à un contre l'arrière de sa tête, lui donnant trop d'élan et la faisant trébucher. L'enfant partit en roulés-boulés sur plusieurs mètres, jusqu'à se faire arrêter par la botte de Graelf. Le guerrier, les bras croisés sur la poitrine, toisa sa disciple depuis toute sa hauteur. « Qu'est ce que tu crois être en train de faire, gamine ? » dit-il d'une voix indifférente. L'air féroce, il toisa le bourreau qui fit aussitôt demi-tour et retourna à son activité initiale. « Tu vois, c'est pour ça qu'il faut davantage compter sur sa force que sur sa tête ou sa magie. » Sol, essoufflée, se contenta de hocher de la tête sans rien ajouter. « Bien... va te débarbouiller, avant de rentrer. Tes parents vont croire que tu as bien travaillée s'ils te voient arriver comme ça. » déclara le retraité. Sans rien dire de plus, il observa sa protégé partir au pas de course pour regagner le puis le plus proche. La fillette ne s'en rendit pas compte, mais dès qu'elle eut le dos tourné, un sourire amusé se dessina sur le faciès de son entraîneur.

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