Ezechyel ~ Ygdraë ~ Niveau IV ~ ◈ Parchemins usagés : 838 ◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee ◈ Activité : Stratège
Ven 14 Déc 2018, 06:05
Catégorie de quête : XIX. Enquête Partenaire : X Intrigue/Objectif : Après s’être fait téléporter sur Asgösth, Elyot est de retour à Melohorë. Cependant, il se rendra vite compte que ce qu’il a vécu n’était pas qu’un cauchemar et tentera de comprendre ce qui lui est arrivé.
L’Ygdraë était encore secoué lorsqu’il se leva debout. Bien que plusieurs minutes se soient passées depuis qu’il s’était réveillé de ce mauvais rêve, ses jambes continuaient de vaciller sous le poids de son corps qui lui semblait horriblement lourd. Et fatigué. Pourtant, il avait dormi : d’un sommeil agité, oui, mais d’un sommeil qui aurait dû lui permettre de se reposer, même s'il n’en ressentait définitivement pas les bienfaits en ce moment. Dans un soupir résigné, l’Eblaë porte intuitivement le blâme sur M. Caäheliel qui, au cours de leur entraînement, n’avait montré aucune pitié à son pauvre égard. Il avait simplement sous-estimé le choc que cet échange à l’épée avait causé sur lui, – ironiquement – en dépit de la douleur physique qu’il avait ressenti. Ses muscles étaient toujours en feu, mais ce n’était rien comparé à l’engourdissement qui pesait sur son esprit en lui causant un affreux de mal de tête. Le garçon se mit à se frotter les tempes alors que la lumière du soleil, qui l’avait tant rassuré au début, le rendait à présent encore plus nauséeux. Le sol semblait tanguer sous la plante de ses pieds, mais il parvint à se convaincre de bouger en pensant à la nourriture qui l’attendait chez lui : il n'y avait pas porté attention avant, mais il mourrait de faim. Et de soif. Étrangement, il n’avait pas le souvenir d’avoir dormi aussi longtemps pour justifier qu’il ouvre les yeux dans un état pareil ou du moins, il n’en avait pas eu l’impression. Entre le moment où il s’était probablement assoupi et maintenant, le jeune Elfe assumait que quelques heures, tout au plus, devaient s’être écoulées. Cependant, il n’avait aucun moyen d’en être sûr et de ce fait, il tassa rapidement son pressentiment dans un coin de sa tête, accusant son cauchemar de lui avoir fait perdre le fil du temps. Malgré tout, il y avait un doute qui persistait à le rendre incertain de sa propre conclusion, sans pouvoir y mettre le doigt dessus. L’enfant secoua la tête pour remettre de l’ordre dans ses pensées nébuleuses en se dirigeant vers un étroit chemin de terre. Son tracé menait vers l’Est, dans la même direction que Thalyä, son village. L’Ygdraë n’était pas vraiment familier avec les environs, mais il espérait que cette route puisse le guider là où il le désirait. Il priait également Phoebe pour que la marche ne soit pas trop longue, alors que, silencieusement, il questionnait les raisons ayant pu l’inciter à prendre une sieste dans le lieu qui lui était autant méconnu.
« Elyot ?! » Cela faisait plus d’une quinzaine de minutes que l’Eblaë suivait cette route, mais ça ne faisait que depuis quelques secondes qu’il apercevait enfin les toits de Thalyä apparaître à l’horizon. Il était épuisé, mais en voyant les habitations de si près, ses pas s’étaient automatiquement accélérés. Il avait hâte de rentrer et bien que l’astre du jour était toujours haut dans le ciel, le garçon avait sérieusement envie de dormir – encore. Cependant, Caäheliel, qui passait dans le coin, l’avait interpellé sur un ton si autoritaire que l’Ygdraë se sentit obligé de se retourner. Il s’arrêta donc en soupirant, laissant le soin à son tuteur de venir à lui. « M. Caäheliel. », répondit-il simplement une fois que le Braskä arriva à sa hauteur. Néanmoins, la réaction de ce dernier le prit par surprise, alors qu’il lui empoignait brutalement les épaules pour forcer son élève à le regarder dans le blanc des yeux. « Où étais-tu passé bon sang ?! » Confus, l’Elfe resta muet, ne sachant comment réagir devant la fureur du mastodonte. Il ne l’avait pas remarqué de loin, mais le visage du guerrier était déformé par une expression étrange qui mélangeait à la fois de la colère, de l’incompréhension et du soulagement. « Elyot ! » Le concerné sursauta, avant de se mettre balbutier des propos sans queue ni tête, essayant désespérément de trouver sur quel pied danser. Avait-il commis une bêtise sans s'en rendre compte? Déboussolé, le blond s’éclaircit la voix pour reprendre correctement le fil de la conversation en ordonnant ses pensées confuses. « Je dormais. Sur un arbre. », finit-il par répliquer en rougissant. « Dis-moi que je n’ai pas manqué un cours... » Ce fut au tour du Braskä de paraître interloqué. Visiblement, ce n’était pas la réponse qu’il s’était préparé à entendre. « Tu dormais ? Vraiment ? » Son ton était étonnamment sinistre. « Ne te moque pas de moi ! Ça fait presque deux jours que tu t’es volatilisé ! »
L’Eblaë reçut ses paroles comme une gifle, choqué. Deux jours? Volatilisé? Deux jours? Mais de quoi parlait-il? Nerveux, un rire s'échappa de ses lèvres. « Tu trouves ça drôle ? », siffla le professeur en grinçant des dents. « NON ! Je… ce que vous dîtes ne fait pas de sens, c’est tout ! Je ne me suis jamais " volatilisé ", c’est impossible ! » - « Ah oui ? Alors comment tu justifies la boue sur tes cheveux ? Et sur tes vêtements ? » Le visage de l’Elfe perdit aussitôt ses couleurs, alors qu'il baissait les yeux vers sa tunique maculée de crasse noirâtre séchée. « Je… je suis tombé en chemin. », souffla-t-il dans un murmure, les images de son rêve revenant défiler dans son esprit. « Cesse de raconter n’importe quoi ! Il n’a pas plu ici depuis des jours. » - « Mais… » - « Es-tu sorti de Melohorë ? » Un vent de panique s’empara de l’Ygdraë et pendant quelques secondes, il fut incapable de respirer. Toutefois, Caäheliel prit son silence comme un aveu, insistant sur l’accusation qu’il venait de proférer : « Comment es-tu parvenu à déjouer la surveillance des gardes ? Où es-tu allé ? » Le garçon avait soudainement chaud. Son cœur battait à tout rompre et son souffle devenait plus en plus court. De la sueur dégoulinait de son front, froide, alors que sa vision s’obstruait de points noirs dansants. « Elyot ? » Aveuglé par sa colère, le Braskä n’avait pas immédiatement remarqué le malaise de son élève. Cependant, lorsqu’il en prit conscience, il était déjà trop tard. L’Ygdraë s’était évanoui.
Lorsque l’Elfe ouvrit les yeux, il aperçut aussitôt la forme indistincte d’un visage penché au-dessus de lui. Pourtant, ses premières pensées furent de réaliser qu’il ne se trouvait plus à l’extérieur plutôt que de questionner l’identité de la personne assise à ses côtés. On l’avait couché sur un lit en le drapant de plusieurs couvertures soyeuses, mais chaudes, à la présence réconfortante. Elles étaient nimbées par une odeur familière qui lui arracha un sourire de soulagement, alors que ses doigts venaient serrer leur tissu autour de son corps. Ce ne fut qu’à cet instant où le garçon réalisa qu’il était nu en-dessous de tout ce textile. « Elyot ? » Bien que ses iris ne se fussent pas tout à fait habitués à l’éclairage de la pièce pour distinguer les traits de son interlocuteur, il reconnût immédiatement la voix mélodieuse de sa mère. Son ton était déformé par l’inquiétude certes, mais l’entendre fut amplement suffisant pour qu’il se mette à verser des larmes. Elle ne savait pas comment il était heureux de la revoir, de la savoir si près de lui dans un lieu familier et accueillant. « Je suis là maman. » Mircella se jeta sur lui à bras ouverts, enlaçant son fils contre sa poitrine avec une force qu’il ne lui aurait jamais soupçonné de posséder, comme s’il risquait à tout instant de disparaître à nouveau si elle ne le tenait pas assez fermement. La Cyraliel ne pouvait même pas exprimer en mots cohérents toute l’appréhension qui l’avait enserrée le cœur lorsqu’on lui avait fait part de la nouvelle. Elle s’était rongé les sangs en s’imaginant le pire, en songeant à ce qu’elle devrait dire à son mari qui n’était plus à Melohorë si leur fils ne revenait jamais. Ça l’avait tourmentée jour et nuit, bien qu’elle ait déployé toutes ses ressources pour retrouver sa trace. À présent, elle voulait comprendre ce qui lui était arrivé, comment il a fait pour s’envoler sous le nez des gardes et revenir sans qu’ils ne l’aperçoivent également. Néanmoins, ses interrogations n’étaient pas aussi importantes que le fait de savoir que son garçon allait bien malgré tout. Les cheveux de l’Aslak tombaient sur Elyot comme un rideau doré : ils étaient si doux qu’ils lui chatouillaient le bout du nez, mais c’était à peine si l’enfant s’en souciait réellement. Il était imprégné dans un confort qu’il a désiré depuis ce qui lui avait semblé durer une éternité. Il était enfin rentré à la maison.
« Que s’est-il passé exactement ? » Mircella avait fini de préparer un repas après qu’Elyot lui ait admis avoir faim en s'habillant, quelques minutes plus tôt. Posant une assiette contenant une miche de pain, du fromage, et quelques fruits sur la table, l’ancienne Souveraine s’était assise à côté de l’Eblaë avant de finalement poser la question qui la tracassait depuis que Caäheliel l’avait ramené dans ses bras, inconscient. Naturellement, la jeune femme avait pris le soin de tout raconté à son fils : du moment où ils avaient noté son absence jusqu’aux recherches qu’ils avaient effectués jusqu’à ce qu’il ne réapparaisse, par miracle, devant l’entrée de Thalyä recouvert de boue. Le jeune Ygdraë était encore sous le choc de constater que son « cauchemar » n’en avait pas été un, mais que tout ce qu’il a vu, senti et touché dans cet endroit macabre avait été réel. Il but une gorgée d’eau pour apaiser les tremblements de ses mains en serrant son verre entre ses doigts blanchis. « Je ne sais pas. » finit-il par avouer sur un ton presque coupable. Il n’osait même pas regarder sa mère en face tellement il avait honte de… de quoi? D’avoir enfreint les lois de Melohorë sans l’avoir voulu? En vérité, par « jamais voulu », il entendait surtout par « pas de cette manière », quoique cela importait peu maintenant. Il était terrifié de devoir se confronter à des conséquences, mais il tenait également à vouloir comprendre le cours des événements auquel on l’avait mêlé sans son consentement. Était-ce l’œuvre d’une Divinité? Après tout, on lui avait toujours appris à craindre la puissance des Aetheri et par conséquent, c’était la seule conclusion qui semblait avoir du sens pour lui. Accuser les Dieux de choses qui surpassaient notre compréhension était l’échappatoire la plus facile, car elle possédait le pouvoir de balayer tous les doutes qui seraient susceptibles de naître de cette ignorance. C’était un argument irréfutable, puisque toutes les réponses étaient déjà données sur le magnifique plateau d’argent qu’était l’omniscience des Divins. De plus, aux yeux du jeune Elfe, les Terres de Melohorë étaient semblables à un sanctuaire imprenable, inviolable, et si quelque chose était capable d’y pénétrer en bafouant une de ses lois sans répercussions, il devait forcément s’agir d’une force supérieure. « Et même si je te le disais, tu ne me croirais pas. », rajouta-t-il après un bref délai. Un sourire apparût sur les lèvres de sa mère, amusé. Pourtant, son regard était distant, alors qu’elle se remémorait une multitude de souvenirs qui traînait l’excuse de son fils dans la poussière. Son raisonnement était trop enfantin. Ou innocent. « Peut-être, mais ce sera à moi d’en juger. » Convaincu, il céda à sa demande.
« Je venais de terminer mon entraînement avec M. Caäheliel quand ça s’est passé. » Le jeune Elfe venait de terminer son repas quand il osa enfin délier sa langue. Un peu plus tôt, il avait demandé à sa mère s’il pouvait finir de manger avant de se lancer au cœur de son récit et bien évidemment, cette dernière avait accepté. Un soulagement démesuré avait aussitôt envahi l’esprit du garçon, comme une brise fraîche de printemps. D’une part, bien que son appétit eût été réel, il avait surtout cherché à retarder ce moment précis, car il n’est pas certain d’apprécier ce qui risquait d’en découler. D’après l’histoire que l’Aslak lui avait raconté, on l’avait bel et bien enlevé des Terres de Melohorë alors qu’il lui était formellement interdit d’en sortir. Pourtant, ce n’était pas de sa faute et il essaie de se convaincre qu’à lui seul, ce fait le protégerait d’une punition trop sévère. Cependant, une petite voix anxieuse ne cessait de lui répéter qu’il n’aurait jamais droit à un traitement de faveur pour autant. La faute commise était trop importante pour qu’il s’en sorte sans aucune répercussion, il en était persuadé. Combien de fois lui avait-on dit de ne jamais quitter les frontières ygdraë avant qu’il subisse le regard des Enelyë? L’Eblaë en avait perdu le compte en vérité, mais cette règle était ancrée si profondément dans sa tête qu’il n’avait jamais arrêté d’imaginer les pires horreurs qui se produiraient s’il venait à l’enfreindre. Qui aurait cru qu’il se retrouverait, un jour, prisonnier dans l’un de ses scénarios catastrophiques? Il en avait des frissons. « C’est ce qu’il a dit, effectivement. confirma la Cyraliel en débarrassant la table. Mais tu n’es jamais rentré. » - « Je voulais aller voir les cygnes dans le lac, mais je suis tombé en chemin et… » Elyot s’interrompit, les sourcils froncés. Il ignorait comment introduire la suite, étant lui-même incapable de la comprendre. « Et ? » - « Je… je ne sais pas. J’ai déboulé sur une pente et la seconde d’après, je n’étais plus ici. » L’expression de Mircella devint pensive, mais elle ne semblait pas impressionnée par les mots de son fils. À l’inverse, elle paraissait plutôt intriguée. Ses longues mèches dorées camouflaient son regard inquiet aux yeux confus du jeune Ygdraë qui refusaient de se détacher de son visage. Le pauvre enfant était suffisamment troublé pour qu’elle veuille l’épargner d’un stress supplémentaire, consciente de la difficulté qu’il ressentait à parler d’une situation aussi inhabituelle que délicate. Pourtant, la blonde ne tenait pas à le punir d’une quelconque faute avant d’avoir entendu et démêler la vérité à travers ce brouillard de mystère. « Où es-tu dans ce cas-là ? Reconnaissais-tu l’endroit ? » posa-t-elle calmement. L’Elfe haussa des épaules. « Non. Ça ressemblait à un marécage et puis, il y avait des bruits bizarres. Je crois que c’était des animaux, mais je ne les ai pas reconnus. » Il en connaissait assez sur la faune de Melohorë pour l’affirmer avec une telle confiance. « Je ne les ai jamais vu d’ailleurs, mais je t’assure qu’ils devaient être là ! » s’empressa-t-il de préciser. Après tout, il n’oublierait jamais leurs cris terrifiants ou cette sensation ignoble de se faire épier constamment par ces bêtes invisibles. « Ça puait aussi, comme… comme s’il y avait de la matière en décomposition, mais partout. Et en grande quantité. » La meilleure comparaison qu’il pouvait faire était avec les restes d’un animal qu’on avait laissé trop longtemps à l’air libre, mais cette analogie le rend mal à l’aise. Elle lui faisait imaginer un si grand tas d’horreurs qu’il préfère encore demeurer vague là-dessus.
Néanmoins, il fut sincèrement étonné par la réaction de Mircella : son corps entier s’était figé comme une statue de glace, tandis que son visage perdait rapidement ses couleurs. Aussitôt, Elyot sentit son ventre se serrer. Qu’est-ce qui venait de lui traverser l’esprit exactement? « Un marécage ? En es-tu bien sûr ? » Sa voix était plus aigüe que la normale. S’accrochant au bord de la table, les doigts de l’ancienne Reine devinrent blancs tant la pression qu’elle exerçait était forte. Le jeune Eblaë hocha de la tête. « Pourquoi ? » osa-t-il rajouter d’un ton nerveux. « Parce que je connais l’endroit que tu m’as décrit ou du moins, ça lui ressemble énormément. T’a-t-on déjà parlé de l’Antre des Marais ? » Non, et honnêtement, il n’était pas certain de vouloir en connaître davantage après avoir observé la tension de sa mère. Juste le nom était inquiétant avec sa sonorité sinistre. Pourtant, il était possible que cet Antre puisse détenir la clé de ce qu’il recherchait, s’il avérait que sa disparition n’ait rien à voir avec l’œuvre d’un Dieu. Enfin, l’un n’éliminait pas l’autre, mais sait-on jamais. L’Ygdraë prit une grande inspiration. Il devait cesser de se comporter comme un froussard à chaque fois qu’on lui faisait peur avec des propos. S’il souhaitait en apprendre plus sur le monde en dehors de Melohorë, il devait accepter de se confronter à la réalité au lieu de se perdre dans les méandres de sa propre imagination.
« Jamais. » avoua-t-il après un silence. La Cyraliel soupira. « Il se trouve sur un autre continent. » - « Lequel ? » - « Le continent dévasté. » Le nom ne lui était pas inconnu : son professeur de géographie l’avait déjà mentionné à quelques reprises, mais sans trop s’y attarder. Il était surtout occupé à montrer le continent naturel à ses élèves en vérité. Néanmoins, le jeune garçon écarquilla les yeux, choqué. « Je me suis fait téléporter sur un autre continent ?! » Au moins, il pouvait comprendre ça. « Peut-être. Je n’en sais rien. Je n’ai aucune preuve. » Le fait qu’il s’en soit sorti vivant après deux jours environ, seul et sans ressources, était beaucoup trop suspect. La jeune femme était heureuse que son fils s’en soit aussi bien tiré bien sûr, et elle en remercierait éternellement les Dieux. Cependant, le doute avait déjà germé et à présent, elle était convaincue de manquer une pièce importante à ce puzzle singulier.
Se frayant doucement un passage à travers la végétation, Elyot finit par atteindre le bord de l’étang où quelques cygnes y flottaient avec paresse. Leur chant s’harmonisait gracieusement aux sons des petites vagues qui s’écrasaient timidement sur la terre noire de la forêt. Le garçon se retourna vers Caäheliel qui l’avait suivi jusqu’ici, sur les lieux même où son élève avait subitement disparu, alors que ce dernier pointait du bout de son doigt la pente qu’ils venaient tout juste de descendre. « C’est ici que je suis tombé. » affirma le jeune Eblaë d’un air confiant, certain. Au moins, ses souvenirs étaient clairs sur ce point. Toutefois, c’était uniquement la suite qui était digne de leur intérêt pour essayer de résoudre l’impasse à laquelle ils se confrontaient depuis que l’Ygdraë avait été retrouvé. Après avoir discuté des événements avec sa mère, celle-ci avait finalement cédé à sa requête d’aller investiguer l’endroit où il s’était volatilisé, nourissant l’espoir qu’il y trouverait peut-être des indices qui les rapprocheraient de la vérité. Évidemment, ils avaient établi un compromis qui avait obligé l’enfant à prendre le reste de sa journée en repos et à laisser le Braskä l’accompagner où qu’il aille, pour rester prudent. De plus, l’expérience de ce dernier lui serait certainement d’une aide précieuse pour tenter de démêler tous les fils nébuleux de cette histoire qui soulevait plus de questions qu’elle en apportait de réponses. « Hum… » Le guerrier observa l’inclinaison de la colline d’un œil inquisiteur avant de se pencher devant le petit tracé de terre qu’ils avaient emprunté pour arriver ici. « Tu es sûr que c’est le bon chemin ? » L’Elfe confirma d’un signe de tête. « C’est celui que m’a montré Elyë. Je le prends tout le temps. » - « Il n’y a aucune trace de chute pourtant, et comme je l’ai dit hier, il n’a pas plu depuis longtemps. Le sol est sec. » - « Les traces se sont peut-être juste effacées. », tenta-t-il d’argumenter, mais le géant le réfuta immédiatement. « Personne n’est passé ici depuis un bon moment. Regarde, il n’y a que nos empruntes qui soient visibles. » Caäheliel se redressa en soupirant. « Tu dois t’être fait téléporter en chute libre. » - « Oui mais… pourquoi ? » L’homme demeura silencieux : s’il avait détenu la solution au problème, il ne serait pas là à tâter le terrain avec son étudiant. Cependant, peu importe qui – voire quoi – était responsable de ce tour de magie, il possédait assez de puissance pour échapper au regard vigilant des gardes qui patrouillaient le secteur. Les yeux du Braskä s’assombrirent. À chaque information qu’il collectait en plus, l’affaire devenait encore plus louche et complexe, car elle remettait en question l’efficacité de la surveillance de Melohorë. Bien que cet incident semblât être isolé, c’était surtout le statut d’Elyot qui causait autant de complications. Dans d’autres circonstances, un truc pareil aurait, certes, soulevé quelques questionnements, mais sans le même degré de tension. Et si le jeune Ygdraë était un Löth? Le peuple elfe auraient pu perdre un être précieux, irremplaçable, à cause de cet étrange enlèvement et de ce fait, il ne pouvait que mieux respirer en le sachant sain et sauf. Néanmoins, il y avait trop de part d’ombres qui s’agglutinaient autour de cette histoire pour que le Braskä en soit pleinement satisfait. Ou rassuré.
« Tu es réapparu plus à l’Ouest, c’est ça ? » s’enquit-il en changeant de sujet. « Oui, juste à côté de l’arbre que je vous ai montré. » L’enfant avait eu le temps de réorganiser calmement ses pensées hier, lorsque Mircella l’avait obligé à aller se reposer. Bien qu’il se soit rapidement laissé tomber dans les bras d’Harabella, il avait quand même pris le temps de réfléchir un peu à ce qui lui était arrivé. Outre la chair de poule qui avait recouvert son épiderme, il avait également remarqué les détails incohérents dans ses souvenirs qui lui étaient complètement passés sous le nez : l’un d’entre eux était l’endroit où il était tombé et celui dans lequel il était réapparu. « Bon. » Caäheliel croisa les bras. Il ignorait quoi penser ou quoi dire de ce détail particulier. Était-il important? Honnêtement, il n’en savait rien, mais cette ignorance l’irritait. C’était au-dessus de ses forces de seulement prétendre connaître la vérité, car il ne voyait aucune cohérence dans ces événements, que cela soit en termes de but ou de cause. Peut-être que l’Ygdraë avait eu raison de clamer qu’il s’agissait d’une machination orchestrée par les Dieux pour une raison qui était propre à leur logique céleste. Après tout, il n’y avait que les prêtres qui pouvaient deviner les pensées qui traversaient ces êtres omniscients. Peut-être était-elle là la solution : aller voir les messagers des Aetheri pour éclaircir ce mystère une bonne fois pour toute. « Nous avons eu la confirmation de ce que nous soupçonnions déjà, mais à savoir qui ou quoi t’as entraîner là-dedans… » Le regard du Braskä s’ancra dans celui de l’Elfe. « Je propose que nous retournions à Thalyä pour le moment. J’ai besoin de m’organiser pour trouver une solution. » Elyot baissa les yeux au sol. Il semblait inquiet. « Tu crois que je vais avoir une punition ? » Caäheliel fut obligé d’admettre qu’il l’ignorait. Cependant, selon la finalité de sa solution désespérée, les choses ne seraient sans doute plus jamais les mêmes pour lui.
