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 [A] La Brume du lac

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Mer 28 Nov 2018, 22:03


67 réalisée par denys-tsiperko



Catégorie de quête : A. Intrigue de race
Partenaire : /
Intrigue/Objectif : Après son suicide, Aesira connait l'état de dépression et de souffrance qui sera dès lors son pain quotidien en tant qu'Ombre.

Des milliers de couleurs chatoyaient sur le miroir de l'eau. Le reflet des faisceaux du soleil sur la surface était tout ce qu'il fallait pour montrer la beauté qu'un simple rayon de l'astre pouvait cacher en lui. Des oiseaux chantaient, voletant, certains venant frôler la surface gelée pour attraper les moucherons et autres insectes qui n'étaient pas encore partie se cacher pendant Eliël. Plus loin, sur les bords du lac, de jeunes gens étaient venus avec des patins pour s'amuser dans la glace. Leurs rires et leur bonne humeur rebondissaient dans l'espace, propagés par l'air cristallin. La scène avait quelque chose de serein, de posé. Une espèce d'havre de paix perdu au milieu de la verdure. Ce n'était pas souvent que de la vie humanoïde venait dans le coin. C'était généralement un lieu livré à lui-même, à la nature. Et pourtant, il y avait toujours ici une âme perdue, invisible, qui hantait les lieux, pauvre hère en peine.

Les couleurs chatoyantes lui agressaient les rétines, l'aveuglant. Les rires n'étaient que cris discordants et grinçants tout comme le bruit crissant des patins sur la glace. L'âme leur criait dessus, leur hurlait au visage, essayait d'attraper entre ses mains ses oiseaux trop guillerets, mais rien n'y faisait. La vie continuait autour d'elle, malgré elle, indifférente à sa présence. Parce qu'elle était invisible, qu'elle n'était plus de ce monde et qu'elle reniait la vie qui lui avait été offerte, se spoliant ainsi elle-même. A présent, elle n'avait même plus ses yeux pour pleurer. Elle n'était plus que l'Ombre d'elle-même. Voir cette vie qui continuait de battre son plein alors que son monde s'était écroulée et qu'elle n'arrivait pas à s'en défaire, à passer outre et à trouver un repos quel qu'il soit. Lorsque les eaux du lac lui avaient tendu les bras, elle avait pensé que ce serait là la fin. Que dans le pire des cas, elle ne serait juste plus. Que dans la meilleure version, elle retrouverait ceux qu'elle aimait.

Seulement voilà, elle avait commis un acte irréparable et elle en payait à présent le prix. Le repos éternel n'était pas admis pour de tels crimes. Et à présent, elle aurait la mort devant elle pour souffrir du péché qu'elle avait perpétré. Elle revoyait dans le reflet de l'eau, les contours du visage de son cher et tendre, l'éclat du sourire qu'il affichait quand il l'observait et qu'il croyait qu'elle ne le voyait pas, l'étincelle d’espièglerie qui habitait le fond de son regard. Puis une ondulation venait perturber l'eau et le visage du bien aimé se mettait à fondre et à grouiller d'asticots se repaissant de sa chair, l'éclat du sourire n'était plus qu'un rictus de souffrance et l'étincelle d'espièglerie s'était transformée en flamme de haine. Il n'y avait plus aucune joie dans ce minois, plus aucune vie. Cela avait beau être les mêmes traits, les sentiments qu'ils laissaient transparaître n'étaient absolument plus les mêmes. Et c'était la même chose pour tout ce dont elle se rappelait.

Les jeunes éclatèrent de rire. Ils rayonnaient de joie de vivre. En réalité, ils étaient tout simplement plein du souffle de l'existence. De ce souffle qui ne sortirait plus jamais de ses bronches, de cette sève qui ne coulerait plus jamais dans ses veines. Ils avaient ceux à quoi elle avait renoncé, ce qu'elle avait renié sans plus de considération qu'une botte a envers la fourmi. Ils s'amusaient, profitaient des derniers rayons de soleil et de l'après-midi de libre qu'ils avaient. Deux d'entre eux, plus aventureux que les autres, s'éloignèrent vers le centre du lac. Il s'agissait d'un jeune couple, de deux tourtereaux. C'était probablement l'envie d'un peu d'intimité plutôt que d'aventure qui avait entraîné les patineurs plus avant sur la glace. Ils riaient, dansant sur l'eau gelée avec insouciance, se lâchant pour mieux se retrouver. L'homme s'empêtra les jambes et chuta sur les fesses, entraînant sa bien aimée avec lui. Ils éclatèrent de rire. Puis l'homme fit un rouler bouler, amenant la femme au dessus de lui.

Le visage collé sous la surface du lac, des torrents de larmes nimbant sa face, Aesira ne ratait rien de ce qui était en train de se passer. Sauf ce que ce n'était pas ce couple d'inconnus qu'elle observait mais elle-même et Atil. Plus d'une fois, ils étaient venus se retirer au bord du lac, que cela soit pendant Aëril, Eliël comme aujourd'hui ou encore Liraën. Ils avaient ri et avaient chu, s'étaient embrassés et cajolaient. Mais les visages se déformèrent. Atil était toujours là, mais il embrassait une autre femme, lui riant au nez à travers la glace. Il se moquait d'elle. L'autre femme se retourna à son tour pour l'observer. Elle-même était hilare. Il lui chuchota quelque chose à l'oreille en observant la morte et ils éclatèrent de rire une nouvelle fois. Les sons ne parvenaient pas jusqu'à elle mais elle le savait, tout comme elle savait ce qu'ils pensaient tous les deux. Elle était d'une pauvre naïve qui avait cru qu'un guerrier comme lui pourrait s'amouracher d'elle. Il s'était juste contenté de jouer avec elle et de passer du bon temps. Et lorsqu'il en avait eu marre, il lui avait fait croire qu'il avait péri tandis qu'il allait se gausser de la situation dans les bras d'une autre femme. A présent, il y avait tout le village autour d'elle, tous les gens qu'elle connaissait. Même sa fille gazouillait moqueusement en pointant le doigt vers elle.

L'Ombre hurla à s'en arracher les cordes vocales. Elle voulut se projeter à travers la glace, telle une furie, mais elle ne pouvait pas. Sa prison était sous l'eau, là où reposait son corps, ou ce qui en restait. Comme s'il avait décidé de la rappeler à lui, elle fut entraînée vers le fond, dans la brume tourbillonnante et grouillante qu'était à présent sa forme. Car c'était au fond que reposait l'acte de son crime. Il était impossible pour elle de s'en débarrasser. Même en fermant les yeux, il s'imposait à sa vue, comme toutes ses visions qui déformaient les joyeux souvenirs qu'elle pouvait se rappeler. Elle n'avait jamais été jolie. Plutôt quelconque à laisser les gens globalement indifférents. Mais à présent, ce n'aurait plus été le cas. Sa dépouille n'était plus qu'une caricature grotesque et horrifique de ce qu'elle avait pu être autrefois. Là où la chair ne s'était pas tout simplement détachée, elle avait gonflée, se déformant et distendant la peau jusqu'à ce que celle-ci craquelle, comme celle d'un fruit trop mûr.

Dans son malheur, elle aurait pu se dire qu'elle permettait la vie et la sauvegarde d'une partie de la faune du lac. Par ces temps froids, sa dépouille était une mâne pour les poissons et autres crustacés vivants au fond de l'eau. Par petits coups, presque avec douceur, ils venaient prendre leur part sur la carcasse. Parfois, quand ils tiraient pour arracher leur pitance, des morceaux se détachaient et flottaient paresseusement. Certains êtres avaient même préféré faire une percée au cœur du corps pour savourer les organes internes et faire leurs emplettes et leur repas tranquillement installé. Parcelle par parcelle, morceau par morceau, ils étaient en train de déstructurer ce qui avait fait d'elle un être humanoïde, de répandre aux quatre vents, ou plutôt aux quatre courants ses restes. Jour après jour, ce qu'elle avait été se délitait. Bientôt, il ne resterait plus rien. Il n'y aurait plus de tout formant une masse cohérente mais juste des restes éparpillés, abandonnés, dérivant et elle, masse brumeuse informe remplie de peine et de douleur, plus morte que vive dans cette non-mort qui était à présent la sienne.

Elle n'avait plus de corps mais elle avait l'impression de ressentir chaque pression qu'exerçaient les poissons quand ils attrapaient un morceau de chair. Elle tressaillait à chaque fois qu'une partie se détachait. La sensation du membre fantôme aurait pu la rendre folle si cela n'était pas déjà arrivé. Folle de douleur et de chagrin, rongée par des souvenirs heureux en train de pulluler et de se transformer en un miasme nauséabond, pervertis par la malédiction qui touche chaque personne mettant fin à ses jours. Où que se posait son regard, elle ne voyait que tourment et déchirement, désespoir et consternation, tout simplement parce qu'à présent, elle était incapable de voir et de ressentir autre chose. Chaque molécule composant sa forme éthéré, chaque parcelle de ce qu'elle pouvait à peine considérer comme un corps n'était composé que dans un seul et unique but : la faire souffrir. La punir pour l'éternité du sacrilège qu'elle avait commis envers les Dieux, envers Edel et Ezechyel.

Elle leur avait pris ce qui leur revenait de droit et à présent, il ne lui restait plus que la dépression, la boite de Pandore ayant laissé échapper tous les bons côtés pour ne retenir que le pire. C'était son quotidien, son pain et son eau, l'air qu'elle croyait encore respirer, le sang qu'elle pensait sentir couler dans ses veines. Tout ceci n'était que des mirages que son esprit entretenait, comme une façon de lutter désespéramment contre ce qu'il se refusait d'admettre. Qu'il était seul, hanté à tout jamais par des sentiments funestes, enfermé dans cette prison de noirceur, délimitée par ses propres limites. Il ne pourrait jamais s'échapper, ne pourrait jamais mettre fin à la souffrance. Il avait déjà essayé une fois. Sans grand succès. Cela n'avait même fait qu'empirer les choses. Plus aucun repère ne pouvait le guider à présent. Plus aucune ancre à laquelle se rattacher. Il ne pouvait être que ballotté par sa nouvelle condition. Même si son destin n'avait jamais réellement été entre ses mains - car après tout, il était déjà tout tracé - à présent, même sa propre mort lui échappait. L'esprit savait une seule chose à présent, malgré l'affliction qui l'habitait. Une unique certitude. C'était que la jeune femme n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle était une Ombre.


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