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 [XXII ; V] - Qui nous sommes

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Ezechyel
~ Ygdraë ~ Niveau IV ~

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◈ Parchemins usagés : 838
◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014
◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee
◈ Activité : Stratège
Ezechyel
Sam 09 Fév 2019, 22:54

[XXII ; V] - Qui nous sommes 1423bf10
Catégorie de quête : XXII. Escorte & V. Capture
Partenaire(s) : X
Intrigue/Objectif : Ceci se déroule après l’Équinoxe d’Estella. Suite aux tests des Ildra pour les répartir dans les différentes branches, le verdict des Cyraliel est tombé en défaveur de certains. Forcés à l’exil, ces Isäth devront être escortés hors de Melohorë par Ezechyel et deux autres Enök sur un territoire où ils seront en sécurité. Cependant, l’un d'entre eux va tenter de fuir son sort peu enviable en retournant dans son village natal, situé en Terres Elfiques. Le soldat devra donc se lancer à sa poursuite pour le ramener.


La tension était palpable. Le calme avait repris ses droits parmi le petit regroupement qui patientait au centre d’une pièce immense, de forme circulaire, soutenue par le tronc large d’arbres tout autant gigantesques qui en délimitaient le pourtour. Leurs branches, d’une douce couleur ivoirienne unique à leur espèce, s’entrelaçaient pour créer une ravissante série d’arabesques s’élevant jusqu’à la grande ouverture du toit qui s’encombrait légèrement de feuilles et de fleurs. La pigmentation azurée de ces dernières s’harmonisait gracieusement au blanc de l’écorce des végétaux. Lorsque la lumière du jour se projetait à l’intérieur de ce lieu sacré, des éclats céruléens se mettaient aussitôt à danser contre les murs de la salle, générant une ambiance à la fois mystique et captivante. Une grande arche, maintenue par une paire de statue jumelles représentant l’Aether de la Connaissance, enjambait le socle d’une élévation modeste où trônait fièrement un imposant obélisque. Sa surface ébène et lisse était gravée de symboles à l’éclatante teinte bleutée, provenant d’une écriture ancienne – de l’Hyriël ancien – que seule une élite fermée arrivait encore à déchiffrer.

Un vent humide souffla au-dessus des têtes de l’assemblée. Cela eût pour effet de composer une nouvelle mélodie qui vint se joindre au son léger du crépitement des torches installés aux quatre coins du site. Les échos des tissus qui claquaient les un contre les autres s’élevèrent abruptement en résonnant au creux de chaque oreille. Néanmoins, l’atmosphère n’en devint pas moins lourde, toujours prisonnière des entraves de la solennité et du respect générés par l’importance de l’événement. Resté en retrait de la foule, je pouvais malgré tout apercevoir les traces fugaces d’impatience qui se dessinaient sur les visages présents. Certains réussissaient à les dissimuler mieux que d’autres en conservant une expression neutre, et pourtant, nous étions tous conscients des enjeux qui se jouaient. La cérémonie qui marquait officiellement la fin des festivités de l’Yndris était décisive pour le futur des Ildra, ces derniers ayant été réunis devant l’arche et le jugement de Raanu qui les toisait de son regard implacable de pierre. Ceux-ci guettaient nerveusement le retour des Cyraliel et des Enelyë, agenouillés sur un long tapis tout en faisant face aux sculptures de la Déesse. La discussion entre les membres des deux branches s’échafaudait depuis plus d’une quinzaine de minutes. Terrés à l’intérieur d’une pièce protégée par une porte volumineuse ainsi qu’un duo d’Enök, ces Ygdraë s’étaient arrangés pour débattre hors de la vue et de l’ouïe du reste de leurs pairs. C’était une mesure qu’ils avaient mise en place dans le but de contrer la possibilité qu’une interférence vienne jouer sur l’objectivité de leur décision finale. De plus, une Magie particulière faisant office de défense supplémentaire œuvrait également. Le peuple elfe était pourtant assez sage et raisonnable pour comprendre que le désir de vouloir altérer le Destin était peu éclairé. Tous les choix que nous réalisions s’accompagnaient inévitablement de leur part de conséquences. Cela étant dit, nous ne pouvions jamais être trop prudents : les verdicts qui se prononçaient en ce lieu n’étaient pas là pour plaire aux expectations que nous nous bâtissions, exigeant de notre part une volonté inflexible pour arriver à accepter l'inévitable. Toutefois, aucun d’entre nous ne désirait sérieusement goûter à l’amertume de la déception. Même les consciences les plus rationnelles n’étaient pas à l’abri de la tentation désespérée de vouloir à tout prix restaurer un honneur ou réaliser un rêve. Ce n’était pas forcément qu’une pure question d’orgueil et d’ego, mais du statut que nous souhaitions si ardemment détenir au sein de la société, car le rejet ne se tenait jamais loin de nos erreurs.

Mes supérieurs m’avaient précisément assigné en poste au cas où le Yi de l’un de ces Ildra se révélerait corrompu et maudit. Les causes à l’origine du phénomène restaient toujours nébuleuses pour la plupart d'entre nous. Néanmoins, les superstitions s’avéraient, sur ce point uniquement, plus fortes que la raison pourtant si prépondérante au cœur de nos mœurs. L’inconnu ne nous terrifiait jamais autant qu’il nous fascinait, mais les croyances disposaient d’un poids considérable dans la balance qui voilait, parfois, notre sagesse au profit de l’approbation de nos Divinités. D’un autre côté, peut-être que ces décisions reposaient bien sur des fondements très réfléchis qui échappaient à la compréhension de la majorité. Tout était lié à la façon dont nous voulions aborder cette situation pouvant, de toute évidence, s’analyser sous plusieurs angles différents. Rien n’était véritablement en mesure de nous confirmer que la sentence de ces exceptions, de ces cas rarissimes mais appréhendés, était juste, tout comme elle était incapable de nous révéler sa malice. Après tout, qui pouvait prétendre savoir la nature exacte de cette solution que nous prenions tous à l’unanimité, sans réellement la remettre en question? Là encore, il n'existait aucune réponse sûre, quoique certains principes que nous avions adoptés au tournant de la nouvelle Ère me paraissaient plutôt questionnables. Cela dit, je respectais les jugements qui se prenaient ici, en observant leur exécution d’un regard légèrement dubitatif. Il était sans doute préférable que je garde, pour le moment, mes pensées sceptiques à moi-même.

Un homme de haute stature aux cheveux dorés finit par quitter le couvert de la salle dans laquelle il s’était réfugié. Ce dernier marcha jusqu’au socle devant lequel le groupe d’Ildra se prosternait, s’attirant tous les regards des Ygdraë rassemblés. Gravissant les quelques marches de la petite élévation immaculée, le nouvel arrivant se plaça dos à l’obélisque pour fixer les gens réunis à ses pieds. Sa prestance remarquable, écrasante, imposait l’ampleur de son autorité, dominant chaque individu présent qui se sentit obligé de le contempler. Les iris d’acier de cet Elfe parcoururent lentement les traits des anciens voyageurs qui se redressèrent presque à l’unisson. Puis, quelques secondes plus tard, il fut rejoint par le reste de ses congénères, au nombre total de cinq : deux autres Cyraliel et trois Enelyë précisément, comme l’exigeait la tradition. Ces Elfes se réunirent tous autour de la grande sculpture, baignés sous la lumière blanchâtre de la Lune. Si, à l’instant qui avait précédé leur venue, quelques murmures avaient résonné, doucement, ici et là, leur apparition à elle seule suffit à faire taire les dernières traces de cette clameur discrète. La salle était, dorénavant, entièrement plongée au cœur du silence. Je pouvais presque entendre les battements de mon cœur se répercuter vigoureusement contre ma cage thoracique.

Dépassant la hauteur de ses collègues, une femme effectua un pas en avant. Elle s’arrêta exactement sur l’extrémité de la première marche de l’escalier, entre les deux statues de l’Aether de la Mémoire. Ses cheveux clairs étaient laissés aux caprices des bourrasques imprévisibles, et malgré tout, aucun d’eux ne semblait toucher son visage blafard, se balançant derrière ses épaules à travers des mouvements gracieux. Alors que ses yeux laiteux dévisageaient la petite foule, ses lèvres s’ouvrirent, délicatement, articulant de sa voix mélodieuse les mots que nous attendions tous : « Nos choix sont faits. » Commença-t-elle sans détour. « Il est à présent temps de révéler les résultats des tests, sous le regard protecteur, mais juste, de Phoebe et Raanu. » Les traits des Ildra se contractèrent tous l’un à la suite de l’autre, mélangeant une grande variété d’expressions : la nervosité, la confiance, l’incertitude et parfois même la peur. Pour autant, l’Ygdraë qui s’adressait à eux ne se laissa guère impressionner par cette diversité d’émotions, poursuivant le cours de son monologue comme si de rien n’était. Elle commença à entamer une lecture – qu’elle avait apprise du bout des doigts – d’une liste de noms, noms auquel les concernés réagissaient en exécutant un pas dans sa direction, se discernant par le fait même de leurs semblables qui demeuraient en retrait. Une dizaine de minutes s’écoula environ, avant que la jeune femme achève finalement sa récitation. Elle se tut pendant un très court laps de temps, s’assurant que tous ceux qu’elle avait appelé s’étaient bien avancé jusqu’à elle grâce aux révélations de la Main du Divin. La Magie enveloppait chacun des Elfes, rajoutant des lueurs d’argent qui allaient se fusionner au bleu des pétales de jacinthes suspendues aux branches de la végétation. Puis, sur un ton solennel, l'Enelyë émit sa première déclaration qui tomba comme une sentence – ou, plutôt, comme un soulagement – dans l’esprit des Ildra. « Notre décision a été unanime. » Annonça-t-elle. « Votre branche est, sans conteste, la suivante : Eorbeth. » La tension qui s’était accumulée au-dessus des épaules des concernés sembla retomber d’un coup, s’évaporant de leur corps aussi vite qu’une illusion. Les sourires qui étiraient à présent leurs traits étaient tout simplement éblouissants.

D’un élégant geste de main, la servante des Dieux invita les nouveaux Eorbeth à reculer, reprenant l’énumération de prénoms supplémentaires qu’elle articulait de son Hyriël harmonieux et raffiné. Suivant l’exemple de leurs prédécesseurs qui avaient ouvert la voie, les nommés avançaient chacun leur tour d’un seul pas, guettant la fin de la lecture avec une nervosité à peine refoulée. « Pour vous, votre branche est la suivante : Erëla. » Et la femme poursuivit ainsi durant plusieurs minutes, annonçant respectivement ceux qui intégreraient le clan des Enelyë, des Enök et des Cyraliel, avant de conclure sur l’identité des Isäth. Étrangement, aucun Löth ne fut repéré parmi le groupe, abandonnant les exilés, seuls, devant le regard intransigeant des statues, en proie au choc, au déni, voire même les deux pour certains. Cependant, malgré leurs sentiments, les six individus demeuraient muets et immobiles. Aucun d’entre eux ne tenta de contester la décision ayant été prise contre leur épanouissement au sein de leurs Terres natales également. Tandis que la salle se vidait progressivement de ses occupants, je rompis ma position statique dans le but de me rapprocher de ces Ygdraë, adoptant par habitude une démarche militaire. Rapidement, je finis par atteindre leur hauteur, accompagné de deux autres Enök à l'aura opprimante. « Vous les escorterez en dehors de Melohorë dans deux jours. » Déclara le Cyraliel qui s'était manifesté en premier. « Avisez-nous lorsque vous aurez choisi leur destination. » Rajouta-t-il, avant de couler un œil froid sur les Isäth. « Ça vous laisse amplement le temps de vous préparez à partir, non? » Ce n'était qu'une simple question rhétorique, car nous savions tous que leur voyage était à sens unique. Ils ne retrouveraient plus jamais le confort de vivre sur les territoires de leur propre patrie.

1831 mots – Post I
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Ezechyel
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Ezechyel
Ven 15 Fév 2019, 22:45

[XXII ; V] - Qui nous sommes 1423bf10
« Les Terres du Lac Bleu seraient une destination idéale. Le lieu est bien sécurisé et nous savons que les Magiciens se montreront accueillants. » - « Et pourquoi pas les Terres d’Émeraudes ? Les Isäth n’oseront jamais s’en prendre aux Orines, encore moins à la Nature. Ils s’y sentiront à l’aise. » Poussant un soupir, je laissai mon menton tomber sur mes doigts que j’avais croisés devant mon visage. Je fermai mes paupières quelques secondes, alors qu’un second soupir s’extirpait de la commissure de mes lèvres. L’Yndris ayant officiellement pris fin à Melohorë, le cas des Isäth avait été placé parmi les affaires prioritaires à régler. Ce n’était pas tant que leur problématique était urgente ou délicate. Plutôt, on souhaitait rapidement tourner la page sur une situation qui ne concernerait plus – bientôt – les Ygdraë. Sous le joug de cet empressement, mes supérieurs avaient exigé l’organisation d’une brève réunion dont le but était de déterminer l’endroit idéal où ces exilés seraient amenés en imposant quelques critères spécifiques. Le statut de ces Elfes était sans conteste déplorable aux yeux de la majorité des nôtres, mais celui-ci ne devait en aucune manière justifier que l’on bafoue les lois en vigueur sur nos propres Terres. Il était impératif que les Isäth puissent bénéficier des mêmes droits que n’importe quel autre de leurs semblables, c’est-à-dire le droit à la sécurité et le droit à la vie notamment. De ce fait, le territoire où ils seraient expatriés nécessitait un niveau de dangerosité faible, voire inexistant, pour leur permettre de repartir sainement sur les bases d’une nouvelle existence. Les Terres de races alliées s’octroyaient toujours une mention d'honneur bien entendu, et parfois des territoires neutres jugés sûrs se voyaient aussi offrir une opportunité de se mériter notre attention. C’était là où se concentrait toute la complexité de l’enjeu, car nous voulions tous s'assurer de prendre la meilleure décision à l’égard de nos congénères dont le Destin avait refusé de jouer en leur faveur. Une pincée de consolation, en somme, voire tout simplement un élan d’altruisme que nous étions incapables de rejeter malgré la perception néfaste que nous nous faisions au sujet de nos exilés. Beaucoup de choses avaient changé depuis la fin de la Guerre, mais la plupart semblait immuniser contre les effets du changement.

Les Cyraliel m’avaient nommé à la tête d’un petit regroupement, composé de deux Braskä ainsi que de deux Enök pour les aider à trancher sur un choix définitif. Par la suite, on m’avait ordonné de reporter la décision jusqu’aux oreilles d’un individu ayant spécialement été désigné pour la faire approuver. Un travail qui, en apparence, paraissait assez simple et peu complexe. Seulement, la réalité s’était vite empressée de me rattraper, tombant sur mes épaules de tout son poids lourd, désagréable à supporter. J’avais convoqué quatre collègues faisant également parti de l’Armée ygdraë, dont deux qui avaient été présent durant la cérémonie de clôture de l’Équinoxe d'Estella présidée par les Enelyë. Notre groupe s’était rassemblé dans une salle située au cœur du quartier militaire de Dhrosca, entre les murs du bâtiment principal. Derrière les épaisses parois de pierre barricadant la pièce, nous pouvions malgré tout entendre les bruits étouffés d’une troupe qui s’entraînait à l'extérieur. Le son du métal qui s'entrechoquait dehors ainsi que le chant de la Nature résonnant à l’intérieur de la bâtisse se confrontaient durement l’un à l’autre : la violence contre la sérénité. La beauté de l'art d'Haziel contre la paix envoûtante de l'oeuvre de Phoebe. Pourtant, en dépit de leur affrontement, chacun d'eux se soumettait au rythme d’une harmonie permettant de concevoir leur équilibre inattendu. Ce qui était tout l'inverse des opinions qui s’échangeaient ici. Nous avions engagé la conversation que depuis une douzaine de minutes, certes, mais personne ne semblait vouloir se mettre d’accord sur un seul avis. Les opinions se partageaient entre les Terres d’Émeraude, les Terres du Lac Bleu et Caelum principalement. Néanmoins, le nom des Côtes de Maübee était sorti une fois, tout comme celui de Ciel-Ouvert. Cela dit, bien que ces dernières suggestions eussent été écartées, l’indécision entre les trois restantes demeuraient intacte. Le problème était qu’elles se révélaient toutes parfaites pour accueillir six Elfes en exil, offrant chacune les conditions particulières qui nous avaient été demandées : de la sécurité et des peuples en affinité avec le nôtre pour y résider. Que ce soit auprès des Mages Bleus ou des ravissantes filles de Mère-Nature, les personnes que nous devions escorter n’avaient absolument rien à craindre de leurs hôtes. Toutefois, je restais curieux de connaître les aboutissements de notre discussion. J’avais cessé d’en jouer l’un des participants actifs depuis un bout de temps déjà, prêtant que l’oreille aux propos qui fusaient dans tous les sens. L’ambiance ne recélait rien de mauvais – au contraire même – mais je guettais simplement la venue d’un argument qui ferait pencher la balance en faveur d’un des camps. Pour le moment, aucun n’était parvenu à se démarquer du lot, mais si le débat s’entêtait à se poursuivre sans fin, je me promettais d’y mettre rapidement terme.

« Sur les Terres d’Émeraude, insista l’un des Ygdraë, ils pourront profiter d’un environnement plus familier en étant proche de la Nature, de Phoebe. » - « Tout comme au Lac Bleu. Crois-moi, je peux te garantir qu’ils y seront à leur place. » Nous tournions en rond. « Ça suffit. » Intervins-je en haussant légèrement le ton. Toutes les voix s’éteignirent au même instant, tandis que les regards convergeaient dans ma direction. Le calme ne tarda pas à s’importer au sein de notre modeste assemblée, avant que je le brise en reprenant sur une intonation normale : « Nous devons prendre une décision. Maintenant. » Déclarai-je en mettant de l’emphase sur le dernier mot. « Ce n’est qu’un emplacement temporaire. Les Isäth seront libres de se rendre où qu’ils le souhaitent une fois que nous aurons fini de jouer notre rôle. » Je me levai de ma chaise, les paumes appuyées à plat contre le bois de la table. « Pour rendre les choses plus faciles, je propose que nous commencions par éliminer un territoire. Nous trancherons ensuite entre les deux qui vont rester. » Les soldats hochèrent de la tête presque à l’unisson. Quant à eux, les Braskä ne bougèrent pas un muscle. Néanmoins, je savais que leur mutisme sous entendait leur approbation. Autrement, ils n'aurait pas hésité à s'exprimer s’ils désiraient s’opposer au bien-fondé de mes paroles. « Bien. Je propose de rejeter Caelum. Quelqu'un a-t-il une objection ? » Silence. Un vague sourire vint s’arquer sur mes lèvres, satisfait. Il n’y avait aucune raison particulière qui m’eut incité à écarter cette ville magicienne plus que l’autre, mais la réunion avait besoin de progresser – et de s'achever. « Il reste que les Terres du Lac Bleu et les Terres d’Émeraude maintenant. » Marmonna un guerrier elfe. « Je prends pour les Magiciens. » Le duo de Braskä se joignirent à lui, alors que l’Enök restant orienta son affection en faveur des grandes plaines orines. De mon côté, je gardai une position neutre. En dépit de mon absence de vote, le résultat demeurait irrévocable. Trois voix contre une. « Ce sera le Lac Bleu donc. » Annonçai-je sur un ton formel. « Ayraë, Daneth, je vous laisse prévenir les principaux concernés de notre décision finale. » Les Aslak acquiescèrent. « Pour ma part, je me charge d’en informer Sven. Nous nous reverrons demain, au point de rendez-vous. Ne soyez pas en retard. » Sous mon ordre, nous nous dispersâmes aussitôt, vidant la salle de l’ensemble de ses occupants.

______________

« C’est donc là où ils iront. » L'ancien Elfe n’avait pas levé les yeux de ses papiers lorsque j’avais pénétré à l’intérieur de son bureau, répondant d’un ton désintéressé à la courtoisie de mon annonce. Malgré le silence qui avait suivi de près, l’homme avait poursuivi sa lecture comme si de rien n’était, avant de finalement daigner parler. « Effectivement. Nous partirons demain, un peu après l’aube. » Confirmai-je sereinement. J’avais côtoyé assez de Cyraliel au courant des dernières années pour que leur froideur ne m’affectât plus désormais. À mes yeux, c’était presque devenu naturel de me confronter à une attitude réservée en leur présence, et c’était d’autant plus vrai lorsqu’il s’agissait d’un Borghild. En toute sincérité, je m’étais même préparé à recevoir un accueil plus rigide de sa part, mais à ma chance inestimable, j’avais eu droit de profiter de ses salutations convenables. En revanche, suite à ses mots, son nez s’était immédiatement replongé à travers les pages de son dossier, comme si je n’eus jamais existé. « Le voyage ne devrait pas être long. » Continuai-je.« Si vous le dîtes. » Second silence. « Quelque chose ne va pas ? Vous me semblez... préoccupé. » L’Ygdraë laissa un soupir franchir ses lèvres en déposant son ouvrage sur le bureau. Ses yeux orageux s’ancrèrent dans les miens. « Il y a des choses plus importantes qui se passent ici que l’avenir de six moins que rien. » Évidemment. À quoi bon vouloir s’attarder sur leur sort? Ce n’étaient que des Isäth après tout, des gens à qui nous arrachions toutes les racines les liaient à leurs congénères pour éviter de nous prendre la tête avec leur Yi malsain. Nous n’étions même plus contraints de les considérer comme des Ygdraë. Une part de moi souhaitait dénoncer le traitement que nous leur imposions. Je me laissais bercer par la réminiscence des valeurs du passé, protestant intérieurement contre ce mode de vie qui nous avait radicalement transformé. Pourtant, j’avais conscience que me rattacher aux souvenirs d’un temps révolu ne constituait pas les bases d’une véritable solution. Si le monde décidait de changer, c’était à moi de m’y adapter et d’agir en conséquence. Mais le désirais-je vraiment? La réponse à cette question était déterminante. À elle seule, elle était en mesure de délimiter la frontière entre l’idée et l’acte concret, le dernier étant la preuve incontestable de l’ampleur de notre ambition. Le désir était bien une chose, mais la prise d'initiative en était toute une autre. C’était ce qui faisait la différence entre un rêveur et un révolutionnaire. Je n’étais pas certain de posséder tout ce qu’il fallait.

« D’autres questions ? » Demanda sèchement Sven en remarquant que je n’avais toujours pas bougé. Sorti de ma torpeur, je chassai mes pensées en plantant, à mon tour, mon regard dans le sien. Je dissimulai sans aucune peine l’éclat de mon agacement. J’aurais dû m’attendre à ce que le Cyraliel finisse par interrompre ma réflexion en vérité, car ce n’était ni le moment ni l’endroit pour commencer à remettre en question des principes. « Non. Veuillez m’excuser, j’ai largement abusé de votre temps. Mon rapport est terminé. » Je fis une courte révérence, avant de reculer. « Attendez. » Obéissant à l’ordre de mon supérieur, je m’immobilisai aussitôt sur le seuil de la porte. « J’aurais quelque chose à vous demander dès votre retour. Vous savez où me trouver maintenant, alors ne me faites pas trop attendre. » J’hochai de la tête, avant de m’éclipser hors de la pièce.


1837 mots – Post II
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Ezechyel
Sam 16 Fév 2019, 20:55

[XXII ; V] - Qui nous sommes 1423bf10
« Vous êtes prêts ? » Les six concernés hochèrent de la tête. La lumière du jour s’était glissée au travers du feuillage neuf de cette seconde journée suivant l’éveil du Printemps. Caressées par le délicat souffle d’une brise fraîche, les fleurs nouvellement écloses chatoyaient le splendide paysage de Dhrosca en égayant sa fine architecture de pigments clairs. Comme à toutes les célébrations de l’Yndris, les bâtiments de la Cité se confondaient plus que jamais aux ornementation de la Nature dont ils avaient toujours fait part intégrante. Pourtant, le renouveau de la saison venait indéniablement apporter sa touche supplémentaire de beauté dans son sillage, et façonnait à chaque occasion un portrait original au visage de la capitale elfique. Les Isäth approuvaient bel et bien leur sort sans émettre de plainte, mais la mélancolie qui valsait au creux de leur regard trahissait l’ampleur de leurs véritables sentiments. Forcés à contempler une dernière fois la sublimité de Melohorë, leur cœur s’alourdissait de la peine de leur connaissance. Ils se savaient condamné à l’exil de toutes les Terres qui eussent été les leurs, et devaient, à présent, supporter le poids de la réalité qui, à partir des quelques minutes à venir, les rendraient pour toujours aveugles à l’éblouissement de ces merveilles. Lorsque leur dos se tournerait, ils abandonneraient leurs rêves de se construire un avenir auprès des siens – des rêves qui, depuis la sentence des deux clans dominants, s’étaient cruellement brisés. Et quand leur corps aurait quitté le sol de l’enceinte de ce lieu, ils rompraient leurs liens officiels avec leur peuple – les mêmes liens qui, autrefois, auraient pu leur garantir une place stable dans la société. Cependant, la Destinée ne leur avait guère octroyés le partage d’une part de sa générosité, et les bannis subissaient sévèrement les conséquences de ce vide insondable. Leur histoire en tant que fiers représentants du Savoir touchait à sa fin, alors qu’un nouveau chapitre encore incertain s’ouvrait devant leurs yeux chagrinés.

En effet, l’un d’entre eux déployait toute son ardeur à retenir ses larmes, ayant céder à la volonté de son être de vouloir trembler. C’était surprenant qu’il parvienne encore à tenir sur la plante de ses pieds, pour illustrer la portée de sa détresse. Ses doigts étaient si crispés en poing que leur jointure avait perdu toute trace de couleur, ne laissant plus qu’un blanc livide pigmenter son épiderme. Tant de souffrance se reflétait au cœur de ses iris ambrés, comme un homme désespéré dont on avait arraché des mains des ambitions qu’il n’avait jamais eu la chance de concrétiser. J’admettais que scruter ses traits ravagés avait un quelque chose de plutôt émouvant. Il ne s’agissait ni de culpabilité ou de regret quelconque, mais d’une vague émotion apparentée à la frustration qui me donnait l’impression de me faire bourreau du châtiment d’un innocent. Ces gens méritaient-ils leur jugement comme j’essayais tant de m’en persuader? Peut-être : le doute semblait légitime au fond de mon esprit. La vision de ceux qui ne s’intégraient pas au sein d’une branche était voilée par des couches de superstitions que j’osais clamer d’infondées. Que les Aetheri me punissent de ma déviance si ces croyances étaient honorablement justifiées, mais peut-être – je disais bien peut-être – que l’existence des Isäth n’était pas forcément lié à la perdition de notre race. Plus qu’un entêtement à désirer me raccrocher à nos valeurs d’antan, je tentais de me montrer rationnel face aux implications de ces cas rarissimes. Est-ce que le présage de malheur et de destruction était l’unique addition que ces individus pouvaient offrir aux leurs? J’hésitais encore à formuler une réponse sans ambiguïté. Néanmoins, quand mes yeux déchiffraient l’accablement figée dans l’expression de cet homme, une part de moi voulait se convaincre qu’il n’y avait rien de mal à douter.

Me raclant la gorge, je poursuivis ma lancée après m’être confronté au mutisme approbateur des exilés. « Comme vous en avez déjà été informés hier, nous allons vous conduire aux Terres du Lac Bleu, jusqu’à Vervallée pour être exact. » Je marquai une pause. « De là, vous serez libres de vous rendre où vous le désirez, en tenant compte que Melohorë et Ynys Sailanen ne vous ouvriront plus jamais leurs portes. En cas de non-respect de ces règles, vous serez immédiatement expulsés de ces territoires et le cirthë vous sera imposé. » Bien qu’Ynys Sailanen soient des Terres partagées entre les Faes et les Elfes, ces derniers restaient soumis aux lois en vigueur à la Cité-Mère ygdraë, qui prévalaient sur la certaine nonchalance des résidents du lieu faerique devant les décisions prises à la capitale. Quant au cirthë, il s’agissait simplement d’un mot elfique désignant une Magie particulière, la meilleure traduction en langage commun étant « la marque des maudits », faute de sa limitation de termes adéquats. Le cirthë n’était qu’une mesure fataliste, de dernier recours, qui s’appliquait uniquement pour des cas très spécifiques de transgression juridiques, entre autres concernant les Isäth qui osaient braver leur interdit. Comme l’appellation le suggérait, cette marque était gravée grâce à un sort contre la nuque du fautif, le dépouillant ainsi de toutes ses protections lorsqu’il foulait le sol appartenant à ceux qui l’avaient banni. Globalement, l’ancien Ygdraë se voyait traiter comme n’importe quel étranger indésirable, et se faisait opposer la résistance des défenses du territoire elfe qu’il pénétrait.

Cette peine pouvait paraître impitoyable, voire même cruelle, mais les mentalités étaient orientées vers la prospérité des meilleurs éléments de notre société, au détriment de ceux qui ne se révélaient pas à la hauteur des expectations. De plus, les Isäth étaient souvent assez éclairés pour éviter de prendre des risques inutiles. Également, ils comprenaient les enjeux liés à leur statut, et en dépit de ce que nous leur réservions, ils continuaient de se laisser porter au gré de leurs anciennes valeurs. La sagesse leur dictait d’accepter leur sentence, et c’était ce qu’ils accomplissaient tous, de par ma propre expérience. De ce que je savais, le cirthë n’avait jamais été placé sur un quelconque Elfe expatrié qui aurait ressenti la folie de revenir. Après tout, il existait toujours des alternatives permettant à des familles, des couples ou encore des amitiés déchirés, brisés, de pouvoir se réunir à nouveau. Les Terres étrangères n’étaient guère soumises à nos lois par exemple, tout comme il n’y avait aucun interdit qui stipulait aux résidents de Melohorë ou d’Ynys Sailanen de rencontrer des exilés en dehors de ces endroits. Comme quoi, à une échelle personnelle, leur récit était loin de s’achever aux côtés de leurs semblables malgré tout. Et puis, le monde était vaste, recelant toutes sortes de joyaux cachés au travers de sa cruauté et de ses horreurs. Il suffisait de bien vouloir les chercher. « Bien. » Déclarai-je en m’assurant que les six personnes m’avaient compris. « J’espère pour vous que vous n’oubliez rien, car nous partons à l’instant. » Ces Elfes ne me paraissaient plus aussi terrifiés maintenant. Au contraire, ils m’apparaissaient même déterminés. Sans doute qu’il n’y avait rien de surprenant, quand on songeait au fait qu’ils avaient sûrement prévu la finalité de leurs tests. Les épreuves des branches étaient, certes, très exigeantes, mais il était très peu d’Ygdraë à les échouer en réalité. Par conséquent, la perspective de l’échec se remarquait aisément aux yeux des participants. Certains pouvaient ainsi de larmoyer en avance, jusqu’à l’attente de la confirmation officieuse qui scellait définitivement leur Destin. Parfois, les réactions s’interrompaient au stade de l’indifférence avant même que les Enelyë ou les Cyraliel eussent fini de trancher sur leur décision finale.

D’un mouvement de tête, j’invitai Daneth et Ayraë à se préparer. Puis, à peine une poignée de secondes plus tard, nous fûmes tous téléporter aux Terres Magiciennes. Bien que nous eussions prévu le changement brusque de température en nous habillant de tenues chaudes, le froid de la saison des neiges parvint à nous arracher des frissons. Le vent soufflait assez fort pour arriver à déstabiliser la rapidité de notre adaptation. D’un œil distrait, je fixai l’air quitter mes poumons en se condensant en fine buée au-dessus de mon nez. « Adieu la chaleur de Dhrosca… » Entendis-je l’un des bannis – une femme – grommeler. « Si tu veux un conseil, fais-toi rapidement à cette idée. Il faut encore que nous atteignions Vervallée. » - « De mieux en mieux. » Le climat chaud et réconfortant de Liraën n’était plus que le souvenir d’une chimère, telle une douce illusion envolée. Nos faciès avaient légèrement rougi sous la morsure répétée des bourrasques, tandis que les épais tissus qui recouvraient nos épaules frissonnantes se teignaient de tons ivoires. En effet, la neige tombait en gros flocons sur les champs et les rizières des Mages Bleus qui, par Magie, protégeaient leurs récoltes contre les caprices des intempéries hivernales. Cela étant dit, le ciel demeurait plus ou moins dégagé, malgré la présence de son voile blanc. Le travail des routes était impeccable, et ces dernières restaient visibles parmi les couches glacées qui s’étaient accumulées aux alentours. « Ne perdons pas de temps dans ce cas-là. Plus vite nous arriverons à destination, mieux ce sera pour nous tous. » - « La cité est loin ? Mon dernier voyage ici remonte à des années. » - « Non. » Confirmai-je en pivotant la tête vers l’Elfe qui s’interrogeait. « Nous n’avons qu’à traverser de l’autre côté du plateau, et nous serons rendus. » Puis, mon regard se délogea de son visage, glissant en direction d’un point à l’horizon. C’était des toits d’habitation que je toisais. Complètement couverts de neige, ceux-ci se camouflaient au décor immaculé de leur environnement. Néanmoins, je savais que ces maisons se situaient plus proches de nous qu’il y apparaissait à première vue, exigeant que quelques minutes avant que nous puissions parvenir à les atteindre.

« Il y a un village pas très loin d’ici où nous pourrions se réchauffer un peu. Ça nous donnerait l’occasion d’habituer nos corps au changement de température, avant de poursuivre notre chemin. » Personne n’émit d’objection à l’encontre de ma proposition. Vu la manière dont ils retenaient tous les pans de leurs vêtements, cette suggestion arrivait – au contraire – à point donné. Le choc thermique n’avait laissé personne indifférent à la puissance des vents qui nous giflait sans pitié au visage. J’applaudissais également ma décision d’avoir troquer les pièces métalliques et lourdes de mon armure au profit d’un second uniforme, largement plus adapté aux environnements froids et, bien trop souvent, inhospitaliers. Ce n’était pas le cas, heureusement, du territoire qui bordait l’immense Lac d’azur des Magiciens. Toutefois, après avoir passé quelques jours à nous prélasser des temps chaleureux que les Erëla avaient fait renaître, il était normal que nous n’en percevions aucune véritable distinction. « Allons-y. » Ordonnai-je donc face à leur accord silencieux. Je coulai un dernier coup d’œil à l’Isäth qui avait failli pleurer, dévisageant ses airs sombres et désespérés, avant de me retourner.

1805 mots – Post III
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Ezechyel
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Ezechyel
Dim 17 Fév 2019, 01:37

[XXII ; V] - Qui nous sommes 1423bf10
« Vous savez, je me suis toujours sentie… oppressée à Dhrosca. Notre cité est merveilleuse, ne vous méprenez pas, mais depuis que nous avons abandonné Earudien, j’ai l’impression de ne plus reconnaître notre peuple. Les Cyraliel sont insupportables, les Enelyë agissent en opportunistes et je… » L’Elfe soupira, coupant le cours de ses mots. Nous étions arrivés au village magicien depuis un certain temps déjà. Suite aux demandes de la majorité, nous avions convenu de profiter de l’occasion pour se ravitailler un peu, que ce soit en provisions ou en chaleur dans le but d’oublier le froid qui régnait à l’extérieur. Étant neuf invididus au total, j’avais ordonné de séparer le groupe pour répondre équitablement aux exigences de chacun : deux Isäth pour un Enök. J’avais suivi le pas de ceux qui désiraient détendre leurs muscles transis légèrement par les caprices de la saison des neiges, et faute d’avoir mieux trouver à faire pour passer le temps avant l’heure de notre rendez-vous, nous avions choisi d’engager la conversation. La femme du nom de Kaelyë avait sauté sur l’opportunité pour pouvoir s’exprimer en premier et depuis, sa langue ne s’était pas encore – à notre étonnement général – asséchée à force de parler. « Disons que je me sens mieux hors de la politique elfique et de tous les engagements qu’elle nous impose. Certains voient mon statut comme une malédiction, mais pour moi, c’est, au contraire, une véritable libération ! Peut-être que les Dieux me puniront d’avouer une telle chose avec autant de légèreté, mais ce n’est que la vérité qui sort de ma bouche. J’ai toujours su que ma place n’était pas à Melohorë lorsque nous nous y sommes installés pour la première fois. » - « Et ça ne vous fait rien de savoir que notre peuple justement nous a abandonné ? » La concernée haussa des épaules. « Un peu, mais le monde ne cesse pas de tourner pour autant. Cela dit, pour être honnête, je crois que ce qui va le plus me manquer, ce sont nos festivités. Pas celles que les Cyraliel s’approprient pour se pavaner bien sûr, mais celles qui nous ont suivi de notre ancienne cité jusqu’à la nouvelle. Et puis, l’architecture elfe est incomparable à tout ce que j’ai vu, quoique les Sirènes et les Orines ne s’en sortent pas mal en la matière. » C’était une autre façon d’admettre son émerveillement à l’égard de ces deux races. « Ce qui fait le plus mal, intervint mon second interlocuteur en profitant sans impunité de la pause de Kaelyë, c’est de voir nos proches nous tourner le dos comme si nous n’existions plus. Peut-être méritions-nous notre sort à juste titre, mais de là, à être traité comme des fantômes…  » Il secoua la tête. « Tout ce que je veux, c’est me sentir à ma place. Aussi accueillant que soit un peuple, je resterai à jamais étiqueter en étranger. » - « Seulement si tu veux t’en convaincre. » Répliquai-je d’un ton impassible.

Un sourire sans joie s’arqua immédiatement sur ses lèvres, gorgé d’ironie. « Peut-être bien. Mais si je ne parviens pas à en persuader les autres, ça ne sert strictement à rien. » Il ancra ses yeux au fond des miens, comme en appel de provocation, de défi. « Par contre, je suis plutôt curieux de connaître votre avis. Est-ce que vous vous sentez dégoûter de nous avoir dans les pattes ? Allez-vous performer un rituel de purification dès votre retour à Dhrosca ? Je dis ça comme ça, mais se coltiner des Isäth trop longtemps doit forcément laisser des traces. » - « Cìandän. » Mes paupières se plissèrent, tandis que je maintenais le contact visuel avec l’homme. Ce dernier ne guettait pas une répartie cinglante de ma part, en dépit de l’intonation de ses paroles. Il souhaitait la vérité, une vérité dépouillée des artifices courtois de mes bonnes manières et des règles de convenances. Il m’incitait à exposer mon point de vue, loin de la présence des élites de Melohorë pour me forcer à me réfugier dans les tréfonds de l’autocensure. J’étais libre de prononcer à haute voix les doutes, les hésitations ainsi que les incertitudes obsédant mes pensées inavouées, secrètes Devais-je tirer avantage de cette opportunité présentée sur un plateau d’argent? Toutefois, avant même que je puisse esquisser le moindre mouvement avec mes lèvres, Daneth apparut à travers mon champ de vision, alors qu’il se précipitait à toute vitesse dans ma direction. L’Enök était visiblement affolé : ses prunelles osaient à peine toiser mon faciès. Pressentant d’avance la venue d’une nouvelle qui ne serait pas appréciée, je m’octroyai le droit de questionner l’Ygdraë sur un ton grave, en tentant malgré tout de paraître calme, posé. « Que se passe-t-il ? » J’inspectai brièvement les environs derrière le dos du combattant. « Où sont les Isäth que j’ai laissé à ta surveillance ? » - « Avec Ayraë… Enfin, l’un d’entre eux est avec lui. » Ses traits étaient considérablement livides, et mon instinct me disait que ce n’était pas du tout lié au froid du dehors. « Et pour l’autre ? » Mon expression était devenue sinistre. Je prévoyais déjà la suite. « Il est parti : il s’est téléporté. » Silence. « Par « il », tu veux dire Aeglos ? » S’enquit Kaelyë en brisant le mutisme collectif. Elle paraissait étrangement nerveuse. L’Ygdraë acquiesça d’un hochement de tête. « Ça s’est passé si vite que j’ai à peine eu le temps de réagir. » - « Sais-tu où il est allé ? » Le coupai-je abruptement. « Non. »- « Moi je sais. » Déclara la femme d’un air absent. « Il est retourné à Melohorë. » - « Comment… » - « Il me l’a dit. Enfin, de manière implicite. » Je laissai échapper un soupir dans le but de détendre mon agacement grandissant. « Et vous n’avez pas cru bon de nous le dire parce que ? » - « Je ne l’ai pas pris au sérieux. » - « Vous mentez. » Ses doigts se crispèrent sur le bois de la table. Lentement, je me redressai de ma chaise en lorgnant la sylvestre d’une expression presque menaçante. Je me refusais à employer la force, évidemment, mais je désirais m’assurer qu’elle comprenne que j’étais prêt à toutes éventualités pour lui soutirer des réponses. « D’accord. » Céda-t-elle finalement. « J’admets ma faute. Il voulait juste passer plus de temps avec ses filles, c’est tout. » - « Il a brisé un interdit. » - « Elles viennent juste de naître ! » Protesta l’Isäth en me défiant du regard. « Sûrement que tu dois comprendre ses sentiments, Ezechyel. » Je ne répondis pas. Pourtant, nous savions tous les deux qu’elle avait raison, mais je préférai me garder de révéler mes avis personnels à propos du sujet. J’avais des priorités à respecter, et, assurément, son petit jeu de provocation n’en faisait pas parti.

Daneth avait baissé la tête et contemplait à présent le bout de ses bottes. « Je suis désolé. » Murmura-t-il en dessinant une moue dépitée. Bien qu’inutile, son intervention me permit de détourner mon attention de l’Elfe pour me concentrer entièrement à échafauder les prémisses d’un plan. « Je verrai pour ta punition plus tard. L’important est de ramener Aeglos ici, le plus vite possible. » Même si les gardes des Terres elfiques étaient tous autant compétents pour se charger du travail, je demeurai responsable de l’erreur de l’Aslak, en tant que supérieur direct. Le jeune Ygdraë recevrait sa sanction comme il se devait, en temps et en heure, bien entendu. Néanmoins, j’avais besoin de sauver les apparences avant qu’il ne soit, définitivement, trop tard. Les joues de l’Enök étaient empourprées de honte. Cela dit, il accepta la conséquence sans en souffler un mot de protestation. « Dîtes-moi où le retrouver. » Contrairement à Kaelyë, je n’avais pas encore abandonné le vouvoiement à son encontre au profit d’une pincée provocatrice. « Iräel. Demande à voir les Voroymë. Les habitants sauront t’indiquer la bonne voie. » - « Tu en connais des masses sur cet Aeglos, dis donc. » Pointa narquoisement son congénère. Je m’étais fait exactement la même réflexion. « Normal, il s’agit de mon frère. » C’était donc ça. « Nous avons suffisamment perdu de temps. Daneth, va dire à Ayraë de nous rejoindre. » Le concerné s’exécuta aussitôt. Il quitta l’enceinte de la petite auberge magicienne, suivant scrupuleusement son objectif d’avertir sa camarade de mon ordre. Les deux soldats revinrent quelques instants plus tard, en compagnie des trois Isäth restants. Dès leur arrivée, je pris les membres de l’Armée à part, en gardant toutefois le groupe d’exilés à la portée de mon champ de vision. Puis, j’énonçai rapidement mes nouvelles instructions : « Ayraë, je veux que tu gardes un œil sur ces cinq-là, le temps que Daneth puisse me téléporter jusqu’à Iräel et revenir. Dès son retour, vous vous rendrez immédiatement à Vervallée. Je vous y rejoindrai une fois que j’aurai retrouvé Aeglos. Me suis-je bien fait comprendre ? » Ils acquiescèrent. « Allons-y. » Ordonnai-je au concerné et moins d’une seconde, nous fûmes de nouveau sur les Terres de Melohorë. L’astre du jour baignait la forêt à son plus haut niveau, et les flocons de neige suspendus à mes habits commençaient à fondre lentement. « Bonne chance. » L’Enök réalisa une courte révérence, puis repartit aussi hâtivement qu’il était venu.

Debout devant l’arche d’entrée de la modeste cité, mes tympans percevaient les bruits de l’activité humaine ainsi que les aboiements des canidés des élevages environnants. Sans plus m’attarder, je dépassai le seuil de l’ornementation d’accueil, déambulant au travers des ruelles, à la recherche d’un interlocuteur potentiel. Mes vêtements me donnaient à présent chaud, et pourtant, c’était à peine si mes pas ralentissaient en foulant la terre sous mes pieds. « Excusez-moi ! » Je venais d’interpeller une marchande de miroirs qui cessa aussitôt de se mouvoir à mon approche. « Que me vaut la charmante visite d’un garde ? L’époux de l’ancienne Reine qui plus est. » Si l’eau dégoulinant des tissus denses de mon uniforme ne l’intriguaient guère, mon identité semblait – à tout l’inverse – la ravir. « Je cherche une famille du nom de Voroymë. » - « Les mêmes qui ont donné naissance à des jumelles tout récemment ? C’est une peine terrible que leur père soit un Isäth. » - « J’ai juste besoin de savoir où ils se trouvent. » - « Pourquoi ? » - « C’est à propos du père. » Je finis par recevoir l’information que je désirais et à la suite de quelques salutations brèves, je poursuivis mon chemin.

__________

Trouver Aeglos se révéla moins compliqué que je l’eus songé. L’homme se dressait face à la porte d’un domaine modeste, dont les murs de roches s’alliaient finement aux teintes neuves de la forêt. Même vue de proche, la maison semblait presque invisible dans cette toile peinte des mains de l’Aether de la Nature, tel un élément complémentaire au tableau. Cependant, je ne m’étais pas déplacé jusqu’ici pour m’extasier devant l’architecture, et de ce fait, mes pieds me guidèrent tout naturellement en direction du fugitif. Ce dernier paraissait envoûté sous le charme d’une vision que son dos obstruait à mes iris, inconscient de mon approche. Profitant de sa distraction, je me servis sans hésiter du Tracé d’Haziel dans l’objectif de l’immobiliser. Puis, j’observai ses jambes céder sous le choc de son brusque engourdissement, tandis que ma victime essayait toujours de comprendre ce qui lui arrivait. Lorsque son corps s’écroula à travers un léger nuage de terre et de poussière, ses yeux se dirigèrent vers les traits de son agresseur. Il me reconnut aussitôt, extirpant un rire d’entre ses lèvres. Pourtant, l’expression qui défigurait son faciès renvoyaient un tout autre message, s’opposant diamétralement au sarcasme de son hilarité. « Je suppose que c’est Kaelyë qui vous a vendu la mèche. » - « Je ne lui pas donné d’autre choix que de coopérer. » Durant une poignée de secondes, les souffrances qui défilèrent au travers des iris de l’Ygdraë me déroutèrent – bien que mon visage demeurât impartial. Aussi perturbante que sa contemplation puisse être, j’avais un devoir à terminer. Cela dit, il y avait bel et bien un détail qui m’intriguait assez pour que je daigne prendre le temps de le questionner.

« Il y a une chose que je ne comprends pas. » Avouai-je en me penchant à sa hauteur. « Pourquoi n’êtes-vous pas entré ? » Terminai-je en désignant la demeure de la pointe du menton. De notre position, nous étions capables d’entendre le labeur de la nouvelle mère ainsi que les cris de ses deux nourrissons. Tous les êtres qu’Aeglos chérissait avaient été à sa portée. Il eut un silence, avant que le concerné n’ose finir par souffler : « Je ne sais pas. » Son corps tremblait, mais je savais que ma Magie n’y était en aucun cas fautive. « J’ai bien voulu le faire, c’est vrai, mais je…je me suis figé à la dernière minute. » Il se mit à rire, sans joie. « Je me suis demandé si ce que je faisais était juste pour elles et puis… » Les mots s’étranglèrent au fond de sa gorge. Doucement, des larmes commencèrent à se verser de ses iris ambrées, tel le flot intarissable d’une rivière. « Je me suis dit : « et si c’était vrai » ? Et si j'étais destiné à semer le malheur auprès des nôtres ? Je me suis posé cette question tant de fois, sans jamais trouver de réponse, mais dans le doute, je n’ai pas osé me rendre jusqu’au bout. Qui suis-je pour prendre le risque de maudire ma famille ? Seuls les Dieux le savent, et pourtant, ça ne les a pas empêchés de me punir ! Peut-être que je suis qu’un égoïste, mais elles me manquent déjà. Vous ne savez pas à quel point elles me manquent ! C’en est presque insupportable ! » - « Je le conçois. Cela dit, il vous suffit d’attendre que vos enfants grandissent et quittent Melohorë pour les revoir. » - « Et je dois patienter combien d’années ? Dix ? Quinze ? Dix-huit ? Avez-vous pensé à la possibilité qu’elles soient des Löth ? Qu’elles finissent par me détester ? Je… je ne peux pas. J’ai essayé, mais je ne peux pas accepter ça ! »

Je soupirai. Néanmoins, j’étais incapable de prétendre que je ne compatissais guère à ses sentiments. J’avais également un enfant après tout, et la seule perspective que je puisse le perdre lacérait mon cœur. Puis, il y avait Mircella. L’amour que nous nous partagions m’avait plus d’une fois fait perdre le pied, à cette époque où la maladie elfique touchait encore l’ensemble de notre race. Ce temps était révolu depuis longtemps certes, mais les cicatrices qu’elles avaient gravées ne s’oubliaient pas aussi aisément. « Rien de tout ça ne justifie le crime que vous avez commis. » Je ne le croyais pas sincèrement. Malgré tout, je m'interdisais farouchement de laisser mon point de vue de père de famille influencer mon jugement au détriment de celui de soldat : comme l’Ygdraë l’avait si finement exprimé, je ne le pouvais pas. « Et conformément à la loi, je dois vous appliquer le cirthë. » D’un mouvement vif, j’extirpai de ma besace un objet semblable à une étampe. C’était à s’y méprendre, car l’outil était bel et bien enchanté par Magie. Il m’avait été confié par les mains du Cyraliel de la cérémonie ; le même qui m’avait ordonné de mener ces six Isäth à l’exil en bonne et due forme. Par conséquent, ce fut sans l’once d’une hésitation que je marquai le cou du fugitif du symbole infâme. Puis, en inversant les effets du Tracé d’Haziel pour permettre à l’Ygdraë de bouger, je lui soufflai à l’oreille : « Il vous reste un peu de temps avant que la Magie fasse effet. Je vous conseillerais de vous dépêcher : téléportez-nous à Vervallée. » Et le banni s’exécuta, les larmes aux yeux.

2543 mots – Post IV
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[XXII ; V] - Qui nous sommes

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