« Il suffit, tes lamentations incessantes m’indisposent fortement ! »

Aaliah marchait d’un pas décidé, malgré les protestations du chaman qui peinait à la suivre et quémandait à maintes reprises un repos largement mérité. Une partie du chemin avait été effectué à cheval pour soulager les pieds sensibles du chaman qui contrairement à l’Ombre ne pouvait ignorer la fatigue et la douleur d’une longue marche. Cependant, les montures réclamaient du repos et la jeune femme le leur avait accordé aussitôt et confier au bon soin d’un palefrenier dans les écuries d’une taverne. Refusant de perdre du temps, l’Ombre avait repris la route.

« Nous aurions pu rester près des chevaux nous sustenter un peu, continua le Chaman en ignorant l’énervement de la jeune femme. Ou en emprunter d’autres, il y a en avait !
— Parle moins et marche plus, nous avancerions plus vite !
— Aaliah, sérieusement… Nous allons écumer toutes les terres du Yin et du Yang ? Pour des ivrognes de taverne ? »

L’Ombre s’arrêta, soupirant un instant avant de se retourner et dévisager le Chaman. C’était un homme insupportable, désespérément éprit d’elle, mais Aaliah avait besoin de lui comme de tant d’autre gens dont elle s’entourait progressivement. Il lui fallait donc apprendre à vivre désormais en communauté et à écouter leurs avis. Si elle était plus aimable avec ses autres alliés, Zachariah attisait souvent sa colère… et il appréciait cela, au grand dam de l’Ombre.

« Ces ivrognes, comme tu dis, ont eu vent de mes intentions à cause de ton indiscrétion ! J’dois je te rappeler les faits ? »

Le Chaman fit un rapide signe négatif de la tête. Fier d’avoir pu passer la bague au doigt d’Aaliah, même sous une fausse idée, il n’avait pu s’empêcher de fêter cela. L’Ombre n’était pas du genre tactile, aussi, il avait cherché à consommer son mariage dans l’alcool et l’herbe chamanique. Ivre et sous influence, il avait parlé à tort et à travers. Si beaucoup n’avait pas fait attention à ce qu’ils prenaient pour des divagations, certains pousser par un instinct cupide avait cherché à en savoir plus. Leur recherche les avait conduits vers Aaliah pour connaître la mystérieuse Padischah et profiter de sa richesse pour taire les informations en leur possession. L’Ombre n’avait guère les menaces et n’avait donc nullement l’attention de répondre positivement à leur requête. Cependant, d’autres impondérables plus importants à gérer l’avait obligé à lâcher du lest pour calmer les ardeurs de ses ivrognes profiteurs. Ils s’étaient tus depuis, mais l’Ombre n’était pas dupe. Un jour ou l’autre, ils reviendraient vers elle pour réclamé plus. Aussi, puisqu’elle avait un peu de temps libre, elle avait décidé de se charger enfin de leur cas ; pour qu’ils se taisent à jamais.

« J’ai dérapé un peu, je te l’accord, mais je me suis excusé depuis et puis, cela fait combien de temps maintenant qu’ils ne sont plus revenu à la charge ? Ils ont certainement trouvé des informations bien plus intéressante à revendre !
— Je ne veux prendre aucun risque ! Donc, tu fais ce que je te dis, séparons-nous, nous aurions peut-être plus de chance de retrouver leur trace. Je vais à la prison, voir si certains ne se seraient pas fait arrêter. Et ne t’avise pas de te reposer dans une taverne durant ce temps. Précisa l’Ombre en fronçant les sourcils
— Même mourant, je serais toujours à ton service.
— N’en fait pas trop non plus !»

Aaliah lui remis une liste de nom qu’elle avait pris soin de recopier pour toujours garder un œil attentif à ses hommes dans l’éventualité où le hasard les aurait fait se rencontrer. Le Chaman prit un malin plaisir à se lamenter une dernière fois avant de prendre le chemin opposé à celui de la jeune femme. Malgré sa fatigue, elle savait qu’elle pouvait compter sur lui pour continuer les recherches avec attention. Elle le regarda s’éloigner un instant puis, se tourna vers la route qui l’amènerait vers la prison, domaine des sorciers. L’Ombre n’appréciait pas vraiment cet endroit, mais il lui fallait confirmation sur la présence ou non en ce lieu des ivrognes imprudents qui avait eu l’audace de jouer à pile ou face avec sa fortune.

Une fois à l’entrée de la forteresse, elle montra patte blanche ; préférant éviter de s’y retrouver enfermé. Son droit de passage lui permet de rassurer les gardes qui lui libérèrent le passage. C’était le plus aisée, car la liste des prisonniers étaient aussi complexe que la prison en elle-même. Toutes les personnes qui arrivaient en ce lieu n’étaient pas toujours en état de prononcer leur prénom… Et à la manière dont le garde prononça ses mots, elle devina aisément  que les sorciers n’étaient pas étrangers à ce fait. Restait la solution de passer devant chaque cellule pour dévisager les prisonniers entassés pour vérifier leur identité. Un travail titanesque dans un tel labyrinthe dont les cris de douleur de ses occupants raisonnaient désagréablement à ses oreilles.

« Si les gars que vous cherchez ne sont pas trop méchants, ils doivent être en haut, sinon, faut descendre dans les entrailles de notre prison. La sécurité y est particulièrement renforcée…
— Je n’ai pas l’attention de libérer des prisonniers si c’est ce que vous sous-entendez.»

De toute façon, l’Ombre doutait de la présence des hommes qu’elle recherchait dans les étages gardé ; ils étaient fourbes, mais pas assez méchant pour mériter un tel traitement. Malgré l’élimination des sous-sols, cela faisait un nombre effroyable de cellules et son temps était limité. Pour une fois, elle espérait que le destin tournerait en sa faveur… En attendant, il lui faudrait se coltiner des gardes durant son séjour. Ils étaient méfiants, mais s'accommoda de leur présence. Sa mission avant tout et elle préféra ne pas faire de vague.