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 [ IV ] À ces démons d'inimitié, oppose ta douceur sereine. | Solo

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Lun 24 Déc 2018, 16:27

Catégorie de quête : IV. Espionnage
Partenaire : Solo
Intrigue : De passage en ville, Pavélia cherche à améliorer ses talents de sculptrice et fait halte dans une taverne où elle improvise un atelier. Un soir, elle découvre par hasard un complot visant à assassiner son maître et décide de le déjouer par ses propres moyens.


Le regard de la jeune femme coulait sur l’argile, intriguée de sa splendeur brute. Ses phalanges flottaient au-dessus de l’oeuvre, interrompues dans leur élan par la crainte de briser sa pureté. Une telle beauté échappait à sa compréhension. Ses prunelles saisissaient les mouvements saccadés du rifloir envelopper la pierre. Derrière ses paupières, chaque trait reflétait la perfection. L’éternité de l’image éclatait de clarté et de douceur. L’amener à la vie dénaturait toujours sa valeur. Quelque chose lui faisait cruellement défaut, réduisant son rêve à l’état de chimère. Les tremblements de ses doigts témoignaient de son manque d’assurance, et lorsqu’elle releva la tête de son ouvrage, le dépit fut de mise. Sa pièce était loin de faire le poids face aux élégantes formes de sa consoeur. Tu t’améliores de jour en jour, Pavélia. La blonde haussa les épaules, déçue de sa performance. En silence, elle rangea les outils. Être à la hauteur de ses congénères lui paraissait impossible ; néanmoins, sa fierté refusait l’abandon. « Je te remercie pour ton accueil. Puisse Kennocha combler chacun de tes désirs. » Son hôtesse hocha la tête, se parant d’un sourire d’adieu et la reconduisit sans plus tarder à la porte. Chacune des siennes avait sa propre manière de servir. Amasser une fortune par ses créations demeurait la méthode favorite de Lysandre. Devenue muette dans des circonstances fâcheuses, l’Orine tirait profit de ses mains avec habileté, et son talent ne laissait personne indifférent. En l’occurrence, le marché noir lui permettait de briller dans l’anonymat le plus complet, et son maître exigeait la discrétion. D’une certaine manière, Pavélia trouvait tout ceci admirable. Ses recherches portaient leurs fruits, et elle songeait désormais à de nouvelles idées afin de mener à bien sa mission.

Égarée dans ses pensées, elle franchit le seuil de la bâtisse sans prêter attention à l’homme qui se tenait dans l’ombre. Quelques minutes passèrent sans qu’elle ne lève les yeux des pavés. Il fallait reconnaître que son aversion pour la cité ne connaissait pas de limites. Bâtiments et hommes lui semblaient rongés par une même perversion qu’elle ne pouvait tolérer. Indifférente à l’ordre, Sceptelinôst exhalait le chaos, un chaos tapageur et brouillon dont elle n’appréciait guère les subtilités. Cela lui déplaisait profondément ; elle se réjouissait cependant d’être loin des murs qui la retenaient. Son coeur rata un battement lorsqu’elle sentit une main se poser sur son épaule. Le visage sévère de Konaghan s’imposa à elle. « Je vous ai déjà dit d’être plus attentive. Rentrons. » Malgré son imprudence, la blonde ne se sentait pas d’humeur à retrouver la moiteur de leur chambre. Il lui fallait se changer les idées, et avoir été à son rendez-vous n’impliquait pas un retour immédiat au manoir. Affectueusement, elle passa son bras autour de celui de son protecteur. « Je voudrais sortir, ce soir. Je pourrais trouver des modèles ici, et rien ne vaut la pratique. M’exercer est une priorité. Peut-être pourrions-nous rester quelques jours de plus. » Trouver un prétexte pour convaincre Callidora ne serait pas de tout repos, mais la propriétaire s’absentait régulièrement ces derniers temps, et elle ne se rendrait sans doute même pas compte de leur absence. Le Vampire se dégagea de son étreinte et secoua la tête. « Vous savez comme moi qu’elle n’aime pas qu’on abuse de sa générosité. » Aucun des deux ne tenait à subir les foudres de la maîtresse de maison. Néanmoins, excédée par sa réponse, Pavélia leva les yeux au ciel. Certains jours, les insectes utilisaient davantage leur cervelle que les descendants de la brune. C’était à se demander si elle ne leur subtilisait pas toute volonté par un processus insoupçonné. D’un ton sec, elle lui emboîta le pas. « J’oubliais à quel point lui obéir était la seule chose importante en ce monde. »

Un capharnaüm tonitruant salua la performance de la musicienne. Ravie du spectacle, la jeune femme applaudissait avec ferveur. Il avait suffi d’une remarque pour convaincre Konaghan. Enjouée par son succès, elle savourait sa victoire dans l’une des innombrables tavernes de la ville. Délestée de quelques pièces d’or, elle se délectait d’une liqueur étonnamment raffinée. L’enseigne se vantait de choisir soigneusement ses fournisseurs, et elle devait reconnaître que la boisson révélait des arômes délicats. Avoir remporté un sursis loin du manoir améliorait considérablement son humeur. La silhouette sombre de son chaperon dans un coin de la pièce ne l’agaçait même plus, et le brouhaha se muait en une mélodie vivace. Repérer de potentiels acheteurs pour ses sculptures lui étant impossible, elle ne renonçait pas pour autant à son projet. Sans réputation, elle ne parviendrait pas à effectuer la moindre prestation, et sa maladresse ne jouerait pas en sa faveur. Il lui fallait approcher ses cibles avec précaution. En pleine réflexion, elle finit par choisir l’option la plus raisonnable. Travailler pour le seul plaisir de manier le rifloir ne paraîtrait pas incongru de la part d’une Orine, et se confronter à la nouveauté lui offrirait de précieux enseignements. Son regard se promena sur l’assemblée, essayant de deviner lequel trouverait un quelconque intérêt à sa proposition. Elle se rappelait les conseils vénéneux de Saül. L’orgueil des hommes les poussait souvent à se complaire dans l’inutile. Si la chance lui souriait, elle pouvait exploiter cette faille à son avantage. À force de scruter les autres, elle repéra un joueur qui ajustait les plis de son manteau sitôt son tour passé. Peut-être s’agissait-il d’un indice tout à fait différent : novice en la matière, elle se fia à sa première impression.

Souriante, elle défit soigneusement son capuchon et s’installa aux côtés de sa cible. L’homme ne broncha pas, tout entier happé par la valse de ses dés. La blonde s’offusqua de son franc désintérêt et garda le silence quelques instants. À quel moment devait-elle prendre la parole ? Quels mots fallait-il prononcer pour parvenir à ses fins ? Son hésitation la plongea dans un mutisme inattendu. Pendant de longues minutes, elle observa le jeu sans en comprendre les règles. « Vous voulez faire une partie ? » La voix de l’autre résonna à ses oreilles sans qu’elle ne s’y attende. Surprise, elle secoua la tête sans réfléchir. Ces distractions lui paraissaient dépourvues de toute élégance, et elle ne comptait pas gaspiller son temps à jouer. De plus nobles préoccupations emplissaient son esprit. Les yeux baissés, elle chuchota d’une voix fluette. « À vrai dire, messire, je souhaitais vous proposer mes services. » D’un air vaguement intéressé, l’homme la détailla de bas en haut. Ses yeux s’arrêtèrent grossièrement sur les courbes de la jeune femme avant qu’il ne tourne la tête, riant aux éclats. « Je ne voudrais pas vous vexer, mais vous n’êtes franchement pas mon genre. » Sa déclaration provoqua l’hilarité de la tablée. Abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre, les joues de l’artiste virèrent au cramoisi. Lorsqu’elle comprit la méprise, elle se leva promptement. La sécheresse de son ton n’en dissimulait guère le mépris. « Je voulais simplement vous fabriquer une sculpture pour m’entraîner à créer pour de futurs acheteurs. Je pensais que vous étiez suffisamment distingué pour le comprendre. » Profondément vexée d’avoir été confondue avec une danseuse, elle retourna à sa place sans se soucier de sa réaction et poussa un soupir. La tâche se révélait plus complexe que prévu.

Découragée par sa performance, l’Orine commanda à nouveau de la liqueur. À défaut de la réconforter, la brûlure de l’alcool aurait au moins le mérite de la distraire de ses idées noires. Ses ongles tapotant la surface du verre, elle songea que Lucius n’avait jamais rien trouvé à redire à son apparence. Peut-être avait-il préféré lui épargner ce souci, lui qui aimait la protéger. Contrariée, elle s’imagina que sa peau se couvrait d’imperfections imaginaires et que sa chevelure perdait son éclat. Sans doute ne prenait-elle pas assez le temps de s’occuper d’elle. Il lui fallait y remédier au plus vite. Une femme se glissa sur la chaise à ses côtés. « Pardon, ma petite dame. Z’avez parlé de sculptures, tout à l’heure. J’ai pas beaucoup de sous mais je voudrais acheter des jouets de bois à mes enfants. Pourriez peut-être m’aider ? » La blonde battit des cils un instant. L’allure de son interlocutrice en disait long sur le peu de moyens dont elle disposait, et à en juger par la crasse qui couvrait ses vêtements, elle ne devait pas avoir souvent l’occasion de les changer. Faisant fi de son dégoût, elle acquiesça sans tarder. « Le bois n’est pas mon matériau de prédilection, mais je peux toujours essayer. Le temps pour moi de réunir mes outils, où pourrions-nous nous retrouver ? » Le visage de l’autre s’éclaira aussitôt. L’Orine ne se doutait pas qu’une telle générosité n’était pas monnaie courante dans la cité. « Ça alors ! Z’êtes bien bonne. Pourriez voir avec le grand là-bas, faire un atelier ici demain soir. Comme ça, faites votre travail et z’attirez des clients. Je suis pas très maligne moi mais j’ai été vendeuse. » Une certaine fierté dans la voix, elle hocha la tête pour appuyer ses propos, et une discussion inattendue ne tarda pas à s'engager.

C’est ainsi qu’au grand désespoir de son protecteur, Pavélia passa les nuits suivantes à sculpter à la taverne. Moyennant une bouchée de pain qui retournait au propriétaire des lieux, elle s’attablait avec son matériel et s’attelait à la tâche, profitant des spectacles et de la visibilité étonnante que cela lui offrait. Sa précieuse conseillère eut droit à une panoplie de jouets pour laquelle elle ne déboursa pas un centime. De nouveaux clients firent leur apparition, manifestant leur approbation face à cette innovation à grands renforts de rires et de cris. Une semaine s’écoula, peut-être davantage. Dévouée à son art, l’Orine ignorait la fatigue et ne se souciait guère de sa clientèle, seulement satisfaite de les voir repartir avec ses ouvrages sous le bras. Pierre et bois connaissaient tour à tour la douceur de ses outils, et l’ambiance lui insufflait une inspiration étonnante. Gagnée par la gaieté, il semblait à la jeune femme que le manoir s’évanouissait peu à peu et son souvenir ne suscitait plus le moindre effroi. Un soir cependant, sa quiétude s’envola. Alors que ses phalanges tourmentaient une fleur à naître, des bribes d’une conversation lui parvinrent. Malgré son apprentissage chaotique, elle reconnut clairement le dialecte des Démons. Les compères bavardaient d’un meurtre à venir. L’un d’eux avait manifestement des affaires à régler en ville avant que leur plan ne soit mis à exécution. Baissant les yeux vers sa sculpture, elle tendit l’oreille. L’affaire concernait le fils de la Bête. Son sang se glaça. Maladroite, elle s’écorcha la main. Cela ne pouvait concerner que Lucius. Le coeur battant, elle s’efforça de comprendre le reste. La fluidité de la discussion l’empêcha de saisir de nouvelles informations. Sans qu’elle ne puisse en apprendre davantage, les futurs assassins s’éclipsèrent. « Veuillez m’excuser, je ne me sens pas bien. Je terminerais demain. » Affolée, elle abandonna ses clients et se dirigea vers la porte en toute hâte. Les mains tremblantes, elle eut tout juste le temps d’apercevoir deux silhouettes disparaître et se lança à leur poursuite. Elle devait les arrêter, quel qu'en soit le prix.

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Sam 29 Déc 2018, 22:25





Égarée dans un dédale de pavés, la jeune femme ne savait même plus où elle se trouvait. Ses pas la guidaient vers ses cibles, ignorant les vociférations grossières des passants et le martèlement de la pluie. Son capuchon fermement rabattu, elle grimaçait : elle avait beau se retourner les méninges, elle ne voyait pas de quelle manière les arrêter sans y perdre la vie, et elle se doutait bien que si les compères la découvraient, elle ne ferait pas long feu. Il fallait se montrer habile, et sa maladresse risquait de lui jouer un tour fatal. À un croisement, elle hésita. l’une des silhouettes disparut de son champ de vision. Où avait-elle la tête ? Sa candeur la mettait en danger. À l’approche d’une ruelle, elle se sentit brutalement tirée en arrière. Effrayée, elle voulut crier. Une main se referma sur ses lèvres tandis qu’une autre enserrait sa gorge avec délicatesse. « Je n’aime pas me répéter, mais vous devriez vous montrer plus prudente. » Soulagée, l’Orine reconnut le timbre de voix de son chaperon. S’il se montrait coopératif, elle parviendrait sans doute à arrêter les malfrats. Trouver un moyen de le convaincre devenait subitement sa priorité ; la tâche ne serait pas aisée. « Cet homme veut s’en prendre à mon maître. » Libérée de son étreinte, elle peinait à contenir la rage qu’une telle perspective induisait en elle. Ses poings se crispèrent. Le Vampire secoua la tête. « Je comprends votre colère. Mais perdre la vie prématurément ne l’aidera pas plus. » Le mépris qu’il lui portait ne faisait pas le moindre doute. Sans doute souhaitait-il se venger de son effronterie de la veille : il était rare que quelqu’un le fasse changer d’avis.

Seulement, le moment était mal choisi pour de tels enfantillages, et elle n’aurait pas d’autre opportunité de mettre un terme à ces manigances. En dépit de la méfiance qu'elle conservait à son égard, elle devait le rallier à sa cause avant que la chance ne lui file entre les doigts. « Vous savez vous battre. Aidez-moi. » Elle détestait devoir l’admettre, mais elle avait besoin de lui pour parvenir à ses fins. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne possédait pas encore la force nécessaire pour s’en sortir seule. Son protecteur ne paraissait néanmoins pas d’humeur à lui rendre service, et sa clémence des derniers jours ne s’éternisait malheureusement pas. « Non. » D’un ton glacé, il se planta devant elle. Craignant de perdre de vue sa cible, la jeune femme fit quelques pas sur le côté pour le maintenir à portée de vue. Un tel refus la contrariait profondément. Évanouie de ses entrailles, la peur ne l’alarmait plus du danger. « Je me débrouillerais, alors. Je ne suis pas si fragile que j’en ai l’air. » Sans attendre la réponse de Konaghan, l’Orine avança ; elle venait d’apercevoir l’homme entrer dans une auberge. Il fallait agir vite avant que l’autre ne revienne. Face à un unique adversaire, elle pouvait espérer rester en vie. Envahi par de sombres pensées auxquelles elle ne savait pas résister, son esprit oubliait toute précaution. Soudain, elle sentit quelque chose s’abattre violemment contre sa joue. Désorientée, elle tomba à genoux, son capuchon découvrant son visage. Le regard froid du Vampire la toisait. « Vous êtes fragile. » Sous le choc, la vue de Pavélia se brouilla.

Lorsque sa conscience s’éveilla à nouveau, la blonde sentit la dureté du plancher mordre ses muscles. La moiteur de la pièce lui chatouillait les narines. Que s’était-il passé ? Nauséeuse, elle se redressa précautionneusement et croisa les iris ébènes de son chaperon. Des bribes confuses lui revinrent en mémoire. Furieuse de sa réaction, elle envisagea de se jeter sur lui pour le défigurer. Comment osait-il ? Négligemment installé sur une chaise, il se pencha pour la relever. Une telle douceur ne lui ressemblait pas. « Je suis prêt à vous aider, mais je veux votre sang. » L’Orine frissonna et retira sa main comme si un serpent venait de refermer sa mâchoire sur ses phalanges. Au fil de leurs discussions, elle en était venue à oublier la véritable nature de son protecteur. Sa proposition la laissait de marbre. « Non. » Catégorique, elle s’éloigna pour faire quelques pas à travers la chambre. La façon dont il la traitait ne méritait pas qu’elle fasse le moindre effort, et son orgueil piqué à vif lui interdisait d’accepter. Des images désagréables lui revenaient en tête. « Vous êtes têtue. » Son interlocuteur ne semblait éprouver aucune honte à profiter de sa détresse. Sans doute s’agissait-il de l’essence des Vampires de duper leurs proies avant de les soumettre à leur joug. Malheureusement pour lui, elle refusait de plier. « Vous en demandez trop. » Imperturbable, l’homme se releva et se dirigea vers la mansarde pour observer les lueurs nocturnes faire place aux rayons solaires.

Il fallait reconnaître que la position conférée par sa créatrice lui octroyait des avantages qu’il aurait dû apprivoiser avec le temps, et il ne comptait pas en rester là. « J’oubliais qu’aider votre maître n’en valait pas la peine. » Un sourire torve se dessina sur ses lèvres. La jeune femme ouvrit la bouche pour répliquer et ne trouva rien à redire. Retrouver l’assassin sans son aide lui serait impossible ; elle ne pouvait pas courir le risque que quelque chose arrive à Lucius. Naïve, elle n’imaginait pas que les tentatives de meurtre faisaient pâle figure à côté des risques que son maître encourrait au quotidien. À contrecœur, elle s’approcha de lui, le visage fermé. « Une seule gorgée, ou vous le regretterez. » Sa phrase venait à peine de mourir qu’une main se glissait le long de sa taille. Dégoûtée par la situation, elle eut un frisson. Avec délicatesse, le Vampire pencha la tête de l’Orine sur le côté. La fraîcheur de ses doigts s’attarda sur son cou pour y tracer une ligne imaginaire. Il lui semblait que son coeur battait plus fort. Inquiète, elle ferma les yeux. Le bleuté sous sa peau s’animait d’une volonté propre, cherchant à fuir son assaillant. La jeune femme se retint de crier lorsqu’elle sentit des canines se poser contre elle. Son bourreau prenait son temps ; son souffle lui caressait tendrement l’épiderme. Il fallait aider Lucius. Les crocs se refermèrent sur elle. Une goutte carmine s’échappa d’abord. Ses congénères défilèrent en un ballet impromptu entre les lèvres de son tortionnaire. La blonde se crispa. Une multitude d’aiguilles perçait sa gorge, fouillait la chair à la recherche de sa vie. La douleur cependant se diluait à d’étranges sensations. En proie à la panique, elle le repoussa brutalement. C’en était assez. Il ne pouvait se nourrir d’elle comme d’un vulgaire animal.

Lorsque le soleil s’éteignit à l’horizon, la jeune femme retrouva son atelier à la taverne. L’appréhension lui nouait le ventre. Konaghan lui avait offert de précieuses informations. Une conversation instructive avec le propriétaire des lieux plus tard, elle s’apprêtait à mettre la main sur sa cible. Le reste n’appartenait qu’à elle. Récolter le maximum d’informations sur sa proie constituait un avantage non négligeable, particulièrement lorsque l’on ignorait sa force. La blonde n’oublierait pas la leçon de sitôt. Le prix à payer avait été bien trop élevé. Portant une main à sa gorge, elle se promit qu’une telle atrocité ne se reproduirait pas. S’efforçant de se détendre, elle se remit à l’ouvrage sans tarder. Le contact de la pierre contre sa peau apaisait ses craintes, et le sourire de ses clients lui redonna courage. Malgré leurs habitudes grossières, ils appréciaient ses sculptures, et cette raison suffisait amplement pour qu’elle les apprécie à son tour. La porte de la salle s’ouvrit en douceur. De sa position, Pavélia reconnut aisément la silhouette de l’assassin. Il lui fallait jouer finement. Raidie, elle acheva sa sculpture avec maladresse. Les traits du cheval prirent une allure sensiblement moins joviale, et malgré elle, elle insuffla la colère à sa création. Quelques minutes s’écoulèrent sans qu’elle ne fasse le moindre geste suspect. Les yeux rivés sur son travail, elle tentait de conserver son calme. La patience représentait un atout précieux pour les chasseurs, et ses intentions ne différaient pas franchement de leurs méthodes.

Quand l’occasion se présenta, l’Orine se leva et profita du tumulte environnant pour se glisser aux côtés de l’homme. D’un air timide, elle riva ses iris au sol et lui adressa un sourire effacé. « Je vous prie de m’excuser, messire. Puis-je m’asseoir à vos côtés ? » L’assassin hocha la tête sans lui prêter davantage d’attention. Manifestement, la compagnie d’une femme ne le troublait pas le moins du monde. S’assurant que la musique couvrait la discussion, elle se pencha vers lui pour s’assurer de son identité. « Est-ce bien vous que la rumeur dote d’une poigne de fer ? J’aurais besoin de vos services. » Vaguement intéressé, l’homme relâcha sans crier gare une gerbe de fumée. Sa pipe dégageait une odeur exécrable, et elle ne tenait pas à en découvrir le contenu. « Quel genre de services ? » La jeune femme n’eut pas à se forcer pour simuler l’inquiétude. Les saccades hésistantes de sa voix témoignaient d’une peur sincère. L’objet seul en différait. D’une main tremblante, elle désigna Konaghan qui dégustait un verre dans un coin. Il ne lui manquait plus qu’à tisser son piège. « Cet homme m’importune depuis quelque temps. Je n’ai pas les moyens d’engager quelqu’un pour m’en débarrasser, mais j’ai pensé que vous pourriez peut-être le dissuader de s’en prendre à moi. En échange, je pourrais vous faire une sculpture. Vous avez un profil élégant. » L’homme fit craquer ses phalanges d’une manière fort peu élégante et ne prit pas la peine de réfléchir à sa proposition. « S’il s’agit de mettre des gifles, je suis toujours partant. » Recevoir une sculpture en guise de paiement lui importait peu ; sur le marché noir, tout se revendait.

La Lune achevait sa course dans le ciel lorsque la jeune femme sortit de l’établissement, sa cible dissimulée dans l’ombre. Le Vampire ne tarda pas à faire son apparition. D’un geste abrupt, il la saisit par le bras pour la ramener à leur chambre. L’assassin dirigea instantanément son poing vers le nez du prétendu agresseur. « Je crois que la petite dame ne veut pas de toi. » Il accompagna sa déclaration d’une salve de coups. Apparemment sonné, Konaghan s’effondra à terre. La blonde constata qu’un liseré ensanglanté marbrait son visage. Une satisfaction malsaine s’empara d’elle. Prendre l’initiative de marteler celui qui avait cru bon de se servir d’elle lui procurait un étrange sentiment de justice. Néanmoins, le buveur de sang jouait la comédie à merveille et ne tarda pas à s’évanouir. Joviale, Pavélia se jeta dans les bras de l’inconnu. Un enthousiasme sincère émanait d’elle. « Pour vous, il faut du marbre, assurément. Vous méritez le meilleur pour vous remercier de votre aide. Un ami à moi saura m’approvisionner : il me doit une faveur. Pourrions-nous nous retrouver quelque part demain soir ? » Toute l’incertitude de la situation demeurait en cet instant. S’il refusait, son protecteur se ferait un plaisir de lui rendre ses coups ; elle préférait cependant qu’il reste à terre. L’homme détailla ses formes d’un air méditatif avant de rendre son verdict. « Je reste encore quelques jours à l’auberge du Marin Bleu. Vous pouvez me retrouver là-bas, mais il faudra faire vite. J’ai un voyage important à faire. » Le minerai possédait une certaine valeur, et la jeune femme se révélait agréable à regarder. Son orgueil se piquait d’avoir une statue à son effigie. Cela lui suffisait, pour le moment. « Je saurais vous faire honneur. » L’Orine s’inclina avant de disparaître au coin d’une ruelle, le sourire aux lèvres. Il ne pouvait plus lui échapper.

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