Il y eut comme un murmure, un souffle, celui du rideau que la brise vint faire onduler d’un geste voluptueux. La caresse du vent vint cueillir la peau de l’endormie. Sur le côté, ses bras étaient unis, ses poignets entrelacés d’une douce étreinte. L’une de ses jambes s’était glissée un passage entre les draps blancs, s’enroulant autour du tissu à la recherche d’une fraîcheur nouvelle. Le chignon qui maintenait sa chevelure avait souffert d’une nuit pourtant calme, quelques mèches reposant sur sa nuque, osant parfois frôler son cou avec égard. Ses lèvres remuèrent, presque imperceptiblement. Ses paupières ne tardèrent pas à suivre le mouvement. Elle rêvait mais ce songe n’était fait que de sensations. Les images s’enlaçaient, réalisée ainsi pour qu’elle ne puisse deviner l’intrigue principale. Elle voyait son dos, nu, admirant la ligne de sa colonne vertébrale se dessiner depuis la base du drap jusqu’aux prémices de sa chevelure. Son regard suivit sa blondeur pour arriver jusqu’à son oreille d’où il dessina le contour avant de se promener sur la courbe de son cou et l’arrondi de son épaule. La vue n’était qu’un outil au service d’une cause plus grande, celle d’un tout autre sens. Elle avait l’impression de pouvoir éprouver chaque parcelle de son corps, d’avoir la possibilité de connaître à la perfection toutes les contrées qu’il recelait. Il suffirait d’un rien, du passage d’un Esprit, pour l’éveiller à mille promesses. Comme un secret défendu et interdit, elle se voyait reposer là, sans saisir la signification de cette apparition.

Sa main bougea sur le matelas avec langueur. Le bout de ses doigts appuya sur le drap et elle apprécia son contact telle une femme qui aurait vécu son existence durant dans un cocon l’empêchant de s’ouvrir à un monde merveilleux. Ce simple frôlement, somme toute banal, ne l’était plus. Il lui sembla se répercuter dans l’ensemble de son corps, enfonçant des portes qui jusqu’ici avaient été soigneusement fermées à clef. Elle vit de nouveau son dos, d’un peu plus près, comme si elle s’était approchée. Elle se sentit sourire, comme si envisager les effets produits par le frisson sur son épiderme la ravissait. Elle se regardait se déplacer, comme si le rêve la poussait à adopter une attitude sensuelle. Il lui semblait devoir être élégante, placer son corps d’une façon telle qu’il en serait magnifié pour le spectateur invisible, pour elle. Elle captura un nouveau sentiment. Cette impression était délicieuse, comme si la peau d’un inconnu venait de glisser sur la sienne, au beau milieu de son cou, avant de descendre sur son bras dans un même rythme. Elle avait l’impression de subir un véritable délice, impuissante et immobile, face à une force mystérieuse qui éveillait sa conscience et sa perception de l’univers tout entier.

Progressivement, elle se tourna, son dos reposant alors sur le matelas. Son bras caressa le tissu et vint se placer peu à peu autour de son visage, tel un arc de cercle, sa main perdue dans sa chevelure. Sa joue frôla sa propre épaule et elle en apprécia la chaleur, trouvant en ce contact interne une nouvelle douceur. La vision réapparut. Il lui semblait être à l’extérieur de son corps, au-dessus d’elle et pourtant si proche. Elle se surprit à ressentir un souffle dans son cou et la tendresse incongrue de doigts invisibles. Personne ne la touchait si ce n’est l’imagination qui la berçait de ses charmes et plaisirs délicats. Un gémissement presque inaudible fit vibrer ses lèvres et ses yeux s’ouvrirent sur le plafond de sa chambre. Elle expira doucement, prenant conscience peu à peu que ce n’était qu’un rêve. Pourtant, elle souhaitait y retourner, continuer d’éprouver cette délectation improbable. Elle se déplaça lentement afin de se dresser contre la tête de lit, les sensations du songe toujours présentes. Assise, sa main maintenait le drap sur sa poitrine. Elle détacha son chignon, laissant ses cheveux prendre possession de sa peau. La Couronne la rendait instable et ce qu’elle avait refoulé des siècles durant s’illustrait de nouveau, bien trop puissamment. Elle devait empêcher quiconque de la toucher dans cet état car le moindre enlacement lui serait probablement fatal. Quant à ce petit plaisir nocturne, elle le garderait secret, espérant subrepticement le vivre de nouveau dans la discrétion des murs protecteurs de sa demeure.