Ces temps-ci, la jeune femme arpentait bien souvent les sentiers qui oscillaient le continent naturel, peut-être trop. A l'entente de rumeurs auxquelles elle avait peiné à croire, la bélua avait décidé de rallier la forêt aux milles clochettes afin d'en vérifier la véracité. Ce n'était que la seconde fois qu'à la suite de commérages, Jaagd décidait d'entamer un périple. Pourtant, cette fois-ci était d'ores et déjà de trop pour la lancière qui ne pouvait s'empêcher de soupirer tandis que ses pas la guidaient d'un rythme monotone vers sa destination. Au moins, ses compagnons étaient-ils présents et pouvaient alors se donner à cœur joie de meubler ses nuits et journée silencieuses. Comme à leur habitude, le volatile et la farceuse se disputaient de toutes les manières l'épaule de la jeune femme, qui réitéra son exaspération par un long soupir. Il fallait dire que l'incompréhension venait égaler sa lassitude tandis ces deux-là poursuivaient leurs émois. Après tout, la bélua était dotée de deux épaules tout comme ses congénères, alors pourquoi ne pouvaient-ils pas siéger chacun sur l'une d'entre-elles ?


D'un geste leste, la lancière se saisit de l'un des nombreux petits sacs qui pendaient à sa ceinture, avant de venir s'appuyer contre un arbre, se laissant glisser avant de chuter lourdement au sol. Elle le déficela pour exposer son contenu, qu'elle ne tarda guère à tendre à Ipiky. Tandis que le geai bleu approchait hâtivement son bec pour s'accommoder des graines que lui tendait Jaagd, celle-ci caressait sa tête avec douceur du bout de ses doigts. Rapidement, Cynah vint se positionner sur le dos de sa main, les poignets dans le dos, la petite fée attendait sagement. Les agissements de ses compagnons d'infortune était probablement la seule chose qui pouvait presque arracher un sourire à la bélua. Enfin, lorsque l'oiseau eut finit de se restaurer, la jeune femme se redressa afin de lever le pas. La route ne serait désormais plus très longue jusqu'à la forêt et bien que l'idée de la parcourir de nuit soit pour le moins séduisante, elle n’effleurait pas même l'esprit de Jaagd, qui se hâta d'autant plus. Après tout, explorer un lieu qui nous est inconnu, quel qu'il soit, était une dangereuse tentation pour les voyageurs en quête de sensations nouvelles.


Le paysage défilait devant les yeux attentifs de la jeune femme. C'était probablement l'une des nombreuses choses qui l'avaient incité à voyager, prendre la route, même si elle est incertaine. Rares sont les fois où elle avait eu une destination concrète en tête lorsqu'elle empruntait les sentiers, ou naviguait sur les eaux. Certes, la lancière avait l'obligation de se ravitailler pour poursuivre son périple, mais elle ne voyait guère cela comme étant un handicap. Au contraire, cela l'obligeait à fréquenter de près ou de loin la populace, même si l'envie ne l'en prenait pas. Ce fait contribuait grandement à ce qu'elle s'habitue à la présence d'autrui, bien qu'elle demeurait toujours plus sur le qui-vive. C'était encré en elle et Jaagd ne parvenait pas à s'en défaire. L'avait-elle réellement voulu au fond ? La bélua ne le savait elle-même et ne saurait y répondre si la question devait être posée. Quoi qu'il en était, l'heure n'était plus à y penser. Tandis que ses pas agréablement rythmés l'entraînaient vers sa destination, la lancière se remémorait les rumeurs qui l'avaient amenée à se rendre en ce lieu. Elle avait bien souvent entendu l'éloge de la beauté de la forêt aux milles clochettes, et la jeune femme peina donc d'autant plus à croire que celle-ci puisse être hantée.


Cela pouvait tout aussi être des paroles de bonnes femmes qui n'avaient rien d'autre à faire que de commérer, et si tel était le cas, la bélua serait alors venue futilement sur la base de rumeurs non avérées. Cette tournure était d'ores et déjà très contrariante. Jaagd remua vivement la tête, chassant ses idées noires afin de se concentrer sur l'environnement auquel elle faisait face. En effet, la jeune femme était arrivée. Elle avait atteint la forêt aux milles clochettes. Sans plus tarder, la lancière s'enfonça alors dans cette sylve qui couvrait toute la lumière que le soleil pouvait lui donner. Désormais, il faisait d'autant plus sombre et seuls quelques rayons parvenaient à percer l'épais feuillage de la forêt. Jaagd pouvait alors s’atteler à la tâche qu'elle s'était donnée. Une interrogation se posa alors rapidement : Par où commencer ? A nouveau la jeune femme soupira, et alors qu'elle s’apprêtait à plonger dans un flot de réflexions, elle entendu soudainement un bruit, semblable à une brindille qui céderait sous les pieds d'un homme, et qui ne manqua guère de lui provoquer un sursaut. Un frisson parcourut alors son échine tandis qu'elle tournait sur elle-même, resserrant son emprise sur la hampe de sa lance qu'elle balançait d'un bout à l'autre.

Mots:

Alors que la jeune femme redoublait d'attention suite au craquement qu'elle avait pu entendre, une silhouette ne tarda guère à sortir de l'ombre que couvraient les imposants arbres de cette sylve, s'exposant ainsi aux mirettes écarlates de la bélua. Il ne fallut guère plus de temps pour découvrir qu'il s'agissait d'un jeune homme. Tandis que son regard parcourait son faciès, Jaagd écarquilla soudainement les yeux lorsqu'elle se rendit compte que cet homme ne lui était pas inconnu. Elle l'avait déjà vu. Peu à peu, une déferlante de souvenirs et de pensées fit crouler son esprit. Si la plupart ne la surprenait pas, un, néanmoins avait le mérite de la prendre au dépourvu. Dans une pièce sombre, un temple, attaqué par les disciples de Sympan, nombre de personnes sont prises au piège, blessées pour la plupart. Un garçon est lui aussi victime de ces mœurs. Il refuse toute nourriture qu'autrui puisse lui offrir. La lancière lui avait tendu la main, une fiole. Quelques bribes lui montraient une jeune femme qui offrit un réconfort des plus chaleureux à ce jeune homme.


Les sensations que Jaagd avait pu ressentir à ce moment là était encore bien présentes, au point d'en être palpables. Une douceur inouïe tandis qu'elle sombrait dans les limbes du sommeil, aux côtés du réprouvé aux ailes déployées, qui vinrent couvrir les deux femmes. A cela, la bélua ne savait que penser. Elle en venait à se demander quelle folie avait bien pu se saisir de son être pour agir ainsi. Était-ce seulement réel ? La jeune femme n'en savait rien. Cependant, elle se surprenait presque à affirmer que, lorsqu'elle regardait cet homme, la lancière ne ressentait nul hostilité. Peut-être était-ce cela qui l'avait poussée à approcher le garçon ce jour-là. Lorsqu'il fit mention du temple, cela ne faisait plus aucun doute. Cette mésaventure n'avait rien d'un songe. Jaagd secoua vivement la tête pour chasser toutes les pensées qui la harcelait tel un marteau qui n'aurait de cesse de frapper contre les parois de son cortex. Un long soupir s'évacua d'entre ses lèvres tandis qu'elle abaissait sa lance d'un geste aussi leste que prudent, afin de ne pas le brusquer, lui, autant qu'elle-même. Puis, elle hocha la tête pour donner confirmation à son interlocuteur. En effet, elle avait bien été présente au sein de temple.


Décidément, une telle rencontre ne pouvait que la surprendre. La bélua ne pensait déjà plus le revoir, et le fait que cela puisse se faire en un tel lieu ne la laissait pas en reste. Ainsi, elle ne pouvait que s'interroger sur le motif de sa venue. Malgré le fait qu'elle ait pu l'approcher de son plein grès, la jeune femme ne parvenait tout de même pas à prononcer ne serait-ce qu'un traître mot. Cela ne pouvait que la frustrer d'autant plus. La masquée croisa les bras sur sa poitrine, enfermant ainsi sa lance contre l'avant de son épaule. A nouveau elle laissa échapper un léger soupir. Les yeux clos l'espace d'un instant, la lancière les rouvrit pour les plonger aussitôt dans ceux de son interlocuteur. « Cela faisait longtemps. » commença-t-elle, légèrement hésitante. Tandis qu'elle laissait ses yeux galoper sur la silhouette du réprouvé, la jeune femme se souvint de la condition dans laquelle il était, lorsqu'elle l'avait rencontré. Lui aussi avait été blessé et ce n'était, ni plus ni moins, la raison pour laquelle elle lui avait offert une flasque, qui renfermait quelques infusions de plantes ayant comme propriété de soulager la douleur et de favoriser le sommeil. « Vous allez mieux ? » demanda-t-elle simplement.


Quoi qu'il en était, une question la taraudait toujours : Qu'est-ce qui pouvait amener ce jeune homme à se rendre en un tel lieu ? Au vu des rumeurs qui couraient en ce moment même sur cette forêt, il était bien imprudent de s'y aventurer. Qui plus est, le garçon ne semblait rien avoir pour se défendre, lui-même l'ayant affirmé un peu plus tôt. Une chose était sûre : S'il voulait traverser cette vaste sylve, il allait devoir redoubler de prudence. Le meilleur choix étant de ne pas s'y essayer. Quelque part, Jaagd ne pouvait se permettre de le laisser partir ainsi, sans aucun moyen de défense. Elle ignorait la raison de son propre ressenti. Bien qu'abandonner quelqu'un à son sort ne faisait pas partie de ses habitudes, la bélua ne parvenait à saisir son raisonnement quant à ce jeune homme. Elle ne pouvait qu'espérer que celui-ci se soit uniquement perdu.

Mots:

Lorsque la jeune femme articula quelques mots, elle ne pu s'empêcher de remarquer qu'ils firent sursauter son interlocuteur. Était-il nerveux, lui aussi ? Lorsqu'il énonça leur rencontre comme étant une bonne chose, la lancière se surprit à approuver d'un signe de tête. Cette réponse avait été aussi instinctive que le fait de respirer pour vivre. Puis, lorsque Jaagd se soucia de l'état de santé du réprouvé, qui n'avait pas été des plus encourageants lors de leur rencontre, le garçon lui assura la guérison de sa blessure avant de lui retourner sa question. Durant un court instant, la bélua arqua un sourcil. Il ne lui fallut guère plus de temps pour se souvenir qu'elle aussi, était mal en point ce jour-là. La jeune femme dirigea ses mirettes écarlates à l'arrière de son épaule droite avant de répondre : « Oui… Elle est complètement guérie à présent. ». La lancière se souvenait de sa guérison. Une longue période de convalescence, durant laquelle on l'avait forcée à rester alitée afin de ménager ses forces. Elle n'avait pas même eut connaissance de l'identité de ses sauveurs, pas même aujourd'hui. La jeune femme marqua une pause, remarquant que son interlocuteur semblait être repassé au vouvoiement. Elle prit une grande inspiration. « Mon nom est Jaagd. Pardonnez-moi de ne me présenter que maintenant. Et vous ? » fit-elle d'un ton qui se voulait aussi calme que rassurant. Ainsi, l'appellation ne dérangerait plus l'homme. Certains préférait la simplicité d'une conversation, après tout.


Enfin, son interlocuteur l'interrogea, supposant qu'elle s'était perdue avant de pointer les hauteurs qui surplombaient la sylve. L'homme semblait d'autant plus nerveux qu'à l'accoutumée, butant sur certains mots. Tout comme le fait qu'il était repassé au vouvoiement, cela n'échappa guère à la bélua. Elle le laissa donc finir avant de répondre à sa question. « Je suis venue ici de mon plein grès. De nombreuses rumeurs circulent sur cet endroit. » déclara-t-elle simplement, préférant ne pas faire référence aux excuses incessantes du jeune réprouvé afin de ne pas le mettre mal à l'aise. Au bout de quelques instants, l'homme parvint à s'expliquer. Cependant, il semblait tout aussi nerveux. Quelques part, la jeune femme s'en inquiétait. Soudain, le réprouva recula de quelques pas, avant de chuter lourdement au sol. La lancière écarquilla les yeux. Elle laissa ses mirettes le parcourir. Force était de constater que la chute du garçon était dû au fait que ses pieds se soient pris dans des racines. Puis, Jaagd déposa sa lance avec précaution contre un arbre avant de s'avançer à son tour, se penchant sur lui en lui tendant la main afin de l'aider à se relever, et ce, dans le plus grand silence. Elle ne préférait pas l'accabler de questions. Pour certains, et il fallait dire que la bélua en faisait partie, le silence était parfois le meilleur des remèdes.


Par ses gestes, la jeune femme se voulait être chaleureuse au possible. Bien qu'il fallait avouer qu'il ne s'agissait guère de son domaine de prédilection. Enfin, elle réfléchissait à ce qu'avait pu dire le jeune homme. Les bras croisés sur sa poitrine, enfermant son arme dans son étreinte contre l'avant de son épaule, la lancière fit un aller-retour du regard entre la vaste forêt et son interlocuteur. « Vous avez dit chercher un endroit où passer la nuit, n'est-ce pas ? » interrogea-t-elle. « Pour ma part, je prévois de traverser cette forêt. Je ne sais pas si un refuge m'attends au bout, mais... » Jaagd marqua une pause, légèrement mal à l'aise. « Si vous le voulez… Je pourrais vous escorter… Jusqu'à ce qu'on trouve un refuge. » finit-elle par suggérer. C'était bien la première fois qu'elle proposait à autrui de s'accommoder de sa présence durant un périple. Jusqu'à maintenant, la bélua n'avait jamais vraiment eut le choix. Parfois, la demande avait émané de son compagnon de voyage potentiel lui-même, parfois, tout deux se pliaient au bon vouloir du hasard. Quoi qu'il en était, l'idée qu'elle puisse laisser ce garçon livré à lui-même en ce lieu ne lui traversait même pas l'esprit, à en devenir inconcevable.


Quoi qu'il en était, Jaagd se devait de vérifier la véracité des rumeurs qu'elle avait pu entendre sur cette sylve. Si elle pouvait, par la même occasion, rendre service à ce jeune réprouvé, soit. La jeune femme n'en serait que d'autant plus satisfaite. De plus, elle n'avait jamais retiré de mauvais souvenirs le concernant. Bien que la situation dans laquelle ils s'étaient rencontrés n'était pas des plus favorables. A vrai dire, le flou était bien plus présent dans son esprit d'autre chose quant à cette période.

Mots:

Alors que la jeune femme se tenait face à son interlocuteur, elle ne pu s'empêcher de remarquer les regards incessants que celui-ci portait sur sa lance. Le réprouvé craignait-il les armes ? La lancière se souvenait l'avoir entendu dire il y a quelques instants de cela qu'il ne les aimait guère. Nombre de personnes s'en retrouvaient lésées, mal à l'aise face à ce type d'objet en vue de leur principal usage. Ce bien plus que Jaagd ne pouvait le croire. Il s'agissait là d'un fait avéré, bien qu'elle ne pouvait l'affirmer, ignorant tout du ressenti que le jeune homme pouvait avoir. Shams accepta tout de même la proposition de la bélua avant de se pencher sur ces fameuses rumeurs. Hélas, à ce sujet-là, la masquée ne saurait trop en dire. Elle se remémora les commérages qu'elle avait pu entendre. « Eh bien… Je n'en sais que peu… J'ai toutefois entendu dire qu'elle était hantée. » répondit-elle simplement. Quoi qu'il en était, quelques instants de pur silence permirent au duo de se décider à lever le pas, incités au départ de la voix du réprouvé.


A peine quelques minutes s'étaient écoulées depuis l'ouverture de la marche, que la jeune femme eut le souffle coupé face à une manifestation pour le moins peu commune en forêt. Un trou béant, d'une taille aussi colossale que non négligeable, sur leur trajectoire qui plus est. Les yeux écarquillés, une légère grimace au visage, Jaagd ne pouvait s'empêcher de toiser ce phénomène. Elle avait effectué nombre de périples, et ce particulièrement en milieu sylvestre, pourtant, jamais il n'avait été donné à la bélua de ne serait-ce qu'entrevoir une telle chose. Un sourcil arqué, la lancière poussa un léger soupir avant d'entreprendre la suite de leur voyage, contournant le faux précipice. Elle guetta néanmoins son compagnon du coin de l’œil afin de vérifier que celui-ci se trouvait bien être à sa suite. Il n'avait pas l'air réjouit et quelque part, Jaagd ne pouvait l'ignorer. Alors qu'elle poursuivait sa démarche, ses remembrances ne manquèrent pas de venir meubler le silence qui régnait en maître au sein de cette tête habituellement pensante, à en frôler l'excès. A nouveau, la jeune femme secouait vivement la tête afin de les chasser. Tout du moins, elle se surprenait à le faire. Ce geste en lui-même incarnait l'un de ses souvenirs, bien qu'il ne comptait guère parmi les plus profonds. Pour cause, étant enfant, Jaagd y avait eu bien souvent recours, et ce, pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui.


Quoi qu'il en était, leur périple se poursuivait dans le plus grand calme, orné du seul silence qu'ils s'offraient l'un à l'autre. De temps à autre, la bélua jetait un regard au ciel qui les surplombait, sans pour autant s'y perdre. Le crépuscule était sûrement le moment de la journée que la lancière préférait. La beauté céleste était au rendez-vous. Cependant, en ce lieu, cela était aussi interprété comme un signe de danger. Après tout, ils ignoraient tout de cette sylve, et la nuit n'était pas une bonne compagne de voyage, ne s'accordant guère à l'inconnu. La masquée ralentissait considérablement son rythme de marche afin de mieux scruter les environs à la recherche d'un lieu approprié pour y passer la nuit. Ce soir, hélas, tous deux devraient s'accommoder de milliers d'étoiles comme unique plafond. Jaagd espérait tout de même que la nuit suivante, elle aurait atteint le refuge dont elle avait parlé plus tôt. Ainsi, la jeune femme n'aurait plus à s'en faire pour son comparse.


Rapidement, ses pensées furent interrompues lorsqu'elle aperçu un arbre plus épais que les autres. Aussitôt, la bélua changea d'itinéraire, ses pas la menant désormais vers celui-ci. Lorsqu'elle en eut enfin atteint le pied, ses mirettes parcoururent son tronc jusqu'à son feuillage qui dissimulait habilement la cime. La lancière évacua tout l'air qui encombrait ses poumons avant de se tourner vers le réprouvé. « Nous allons passer la nuit ici. » annonça-t-elle, marquant par la suite une pause. Jaagd dénoua le long tissu qui ornait sa ceinture avant de le tendre à Shams. « Tenez, ça vous tiendra chaud. » fit-elle. Puis, elle appuya son dos contre le tronc d'un arbre avoisinant, les bras croisés sur sa poitrine, son regard se perdait sur les feuilles qui se balançaient au grès du vent. La masquée ne pouvait qu'espérer que la nuit se passerait sans encombres, la fatigue étant le premier ennemi à vaincre pour mener à bien leur objectif.

Mots:

De même, de même... <3:

Alors que la jeune femme prit la peine d'offrir ce qui pouvait s'apparenter à une couverture, le réprouvé lui retourna aussitôt, la couvrant par la même occasion. La bélua n'eut guère le temps de réagir, surprise du geste de celui-ci, elle demeurait ainsi, silencieuse. Il n'était pas dans les intentions de la lancière de s'accommoder du peu de confort qui lui était offert pour rejoindre les bras de Morphée, au contraire, elle redoublerait de prudence. Là était la raison pour laquelle Jaagd avait offert ce luxe à ce jeune homme. Quoi qu'il en était, la jeune femme finit par s'installer, dos à un arbre face à Shams, qui lui s'était positionné d'une manière qui ne pouvait qu'entraîner une certaine incompréhension chez la bélua. En effet, avec toute la sylve que leur offrait cette forêt, pourquoi le garçon n'avait-il pas fait de même ? S'adosser à l'un de ces arbres aurait contribué à diminuer sa fatigue. Ces interrogations pendaient aux lèvres de la lancière, qui préféra le silence. Peut-être était-ce par choix après tout. Lorsqu'elle aperçu les ailes de celui-ci, elle ne pu s'empêcher de se remémorer leur mésaventure au temple. La jeune femme ignorait où poser ses yeux, qui effectuaient nerveusement des allers-retours.


Finalement, ce fut le réprouvé qui mit fin à ce mutisme déconcertant. Rares étaient les fois où Jaagd avait réellement échangé avec quelqu'un. Cette situation offrait son lot de perturbations, et ce, même lors de mondanités. Ce fait demeurait d'autant plus vrai lorsque la jeune femme prêta une oreille attentive aux paroles de son interlocuteur. Malgré les éloges perpétrées par Shams, la bélua ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain malaise. Elle secoua vivement la tête. « Non, c'est… » la lancière marqua une pause. « Ce n'est rien. » finit-elle par affirmer. Jamais personne n'avait prononcé de telles paroles à son égard. Les occasions lui manquaient, assurément. La distance qu'elle imposait entre sa petite personne et autrui était bien trop grande pour permettre un quelconque approfondissement. De ce fait, la jeune femme ne pouvait qu'ignorer la réponse qu'elle devrait donner à cela. Fort heureusement pour elle, le jeune homme ne semblait guère s'attarder là dessus, passant rapidement à un sujet tout autre.


Il fallait dire que la bélua avait pour habitude de chercher ardemment la raison pour laquelle tel mot avait été utilisé et pas un autre. Cette fois-ci, son entreprise se solda par un échec cuisant, l'incompréhension se saisissant de son esprit. Pourquoi lui avait-il posé une telle question ? Elle l'ignorait. Peut-être en saurait-elle plus en s'aventurent sur ce terrain semé d'embûches que représentait toute interaction sociale. « Eh bien… C'est la première fois que je me rends en ce lieu. Cependant, j'ai déjà arpenté quelques forêts auparavant. » répondit-elle simplement. « Quant aux rumeurs que j'ai pu entendre sur cet endroit… J'ignore si elles sont avérées. C'est pour cette raison que je suis là. » finit-elle par avouer. « Et vous ? » interrogea la bélua. Bien qu'elle n'avait pas pour habitude de faire la conversation à autrui, la lancière avait finit par comprendre d'expérience, que bien souvent, lorsqu'une question était posée, la retourner était accommodé.


Attendant sa réponse, la jeune femme porta ses mirettes écarlates aux ailes de son interlocuteur. Bien que son état n'était guère favorable le jour de leur rencontre, elle se souvenait parfaitement de ce moment qu'ils avaient passé en compagnie d'une autre femme, tout aussi mystérieuse que lui, et ce jusqu'à même la sensation de chaleur lorsque le réprouvé l'avait entouré de ses ailes. Bien que la bélua éprouvait des difficultés à ressasser cet événement, et ce malgré son acharnement à vouloir comprendre ce qui avait pu la pousser à agir ainsi, elle n'en démordait pas. Maintenant encore, Jaagd ne pouvait s'empêcher de penser que ses ailes étaient magnifiques. Elle les aimait. Bien qu'elle en ignorait la raison. En avait-elle réellement besoin ? Encore une chose qui lui échappait. Il fallait dire que cette situation l'agaçait au plus haut point. Sa propre ignorance l'insupportait. La jeune femme se surprit à à nouveau secouer la tête. Pourquoi s'entêtait-elle à conserver ce geste ? Il appartenait à un passé qu'elle préférait oublier, tout du moins pour le moment. Bien souvent, elle bataillait contre elle-même sur de nombreux sujets. A nouveau, elle s'attarda sur les ailes du réprouvé. Un léger soupir glissa entre ses lèvres. Puis, la lancière plongea ses mirettes dans le ciel étoilé, couvert d'un milliers de feuilles qui ornaient cette sylve.

Mots:

HEY ! \o/:

Alors que ses yeux ne voyaient plus que les milles feux qui ornaient ce ciel traverser la sylve, toute l'attention qu'elle pouvait y porter se fit soudainement arracher par la seule voix du jeune réprouvé. Ses paupières s'écarquillaient à mesure que la réflexion de la jeune femme apporta la compréhension à son esprit troublé. Une telle question ne pouvait qu'apporter d'autant plus de confusion. Cependant, la bélua ne s'interrogea guère plus sur le fait que cela puisse être déraisonnable, et plongea aussitôt dans un flot de pensées. Des questions sans réponses pour la plupart. Il fallait croire que Jaagd en faisait une habitude. Hélas, elle ne pouvait ignorer l'importance de cette question. Pourquoi avait-elle aidé ce jeune homme ? La lancière elle-même ne pouvait nier son intérêt pour la réponse qu'elle avait à donner, bien que celle-ci lui soit encore inconnue. Pourtant, la tâche ne lui était guère aisée. Pour une raison qui lui échappait, la jeune femme était tout bonnement incapable d'ignorer Shams. Pour cette même raison, elle lui avait tendu la main lors de leur rencontre au sein du temple d'Edel, alors que celui-ci était assailli de toute part par des adeptes de Sympan. Encore aujourd'hui, l'histoire se répétait.


Jaagd ne parvenait guère à en trouver la raison, et pourtant, elle parvenait à mettre des mots, bien que maladroits, sur son ressenti. Une envie irrépressible de porter secours à ce jeune homme, de le soutenir de tout son être. Pourquoi ? La bélua avait beau se tuer à la tâche, la réponse ne daignait guère apparaître. Celle-ci lui filait-elle entre les doigts lorsqu'elle s'en approchait ? Ou la jeune femme était-elle tout aussi incapable d'écarter son chemin de ce réprouvé que d'en comprendre la raison ? A nouveau cette défaillance la faisait souffrir. Cette unique question en apportait tant d'autres que le seul poids de leur fardeau pourrait bien écraser la lancière. Était-ce après tout la faute du château de cartes sur lequel était bâtie son enfance ? Devait-elle tout de même l'en inculper ? Jaagd empoigna une mèche de ses longs cheveux de jais tombant sur son visage. Le fer rouge qui protégeait le dos de sa main apportait une certaine fraîcheur au contact de sa peau. Si elle ne voyait guère la réponse, la bélua en avait-elle réellement besoin ? Ce vide donnait peut-être sens à une absence totale de vérité ?


Un souffle chaud s'échappa longuement d'entre ses lèvres. La jeune femme releva la tête afin de plonger ses mirettes dans celles de son interlocuteur. Elle hésita un moment. « Ai-je vraiment besoin d'une raison pour vous aider ? » demanda la bélua, autant pour lui que pour elle-même. « Je veux dire... » reprit-elle avant de marquer une pause. Ses mots étaient tout aussi maladroits dans son esprit qu'à l'oral. Un concentré de frustration embrumait sa tête pensante. « Je voulais vous aider… N'est-ce pas suffisant ? » finit-elle par ajouter. La volonté en elle-même lui suffisait. Là était tout ce dont elle avait besoin pour transformer ses souhaits en actes concrets. Bien des gens auraient trouvé ironique qu'une personne aussi froide et distante en apparence renferme en réalité une telle vertu. L'ironie se suffisant à elle-même, la jeune femme était une terre inexplorée, autant pour ceux qui croisaient son chemin, que pour elle-même. La lancière ne pouvait plus supporter cette cacophonie dans laquelle ses pensées essayaient de la noyer.


Bien qu'elle se trouvait en forêt, la jeune femme avait l'impression de manquer d'air. Marcher un peu était bien souvent la solution qu'elle exploitait pour endiguer ce problème. Cependant, Jaagd ne pouvait se permettre de laisser son compagnon livré à lui-même en un lieu dont tout deux ignoraient tout. A nouveau, la bélua évacua toute l'air qui encombrait ses poumons avant de se dresser sur ses deux jambes. Elle réduisit la distance qui la séparait de Shams en deux pas avant de le couvrir d'un geste leste du tissu clair qu'elle lui avait proposé un peu plus tôt. « Le temps s'est rafraîchi. Je vais monter la garde pour que vous puissiez dormir un peu. » annonça-t-elle calmement. Tandis que la jeune femme cherchait un arbre à proximité contre lequel s'appuyer, elle veillait à conserver une certaine distance entre sa lance et le jeune réprouvé afin de ne pas le mettre mal à l'aise.

Mots:

Plop ! \o/: