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 La fée disparue | Solo

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Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

~ Orisha ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1157
◈ YinYanisé(e) le : 20/09/2014
◈ Activité : Traqueur [Corvus Æris] | Marcheur
Miles Köerta
Ven 21 Oct 2016, 23:59

La fée disparue
« Fouille, fouille; et creuse, creuse »

Discrètement, je lançais un regard en biais en direction de Miles, conscient que je venais encore de faire un pépin. L’Orisha me souriait et je fus plutôt soulagé de ne plus apercevoir cet air moqueur sur son visage. Il comprenait que je travaillais de mon mieux pour apprendre cette langue, m’y attelant dès que l’occasion s’y présentait, mais j’avais encore un long chemin à faire avant d’être au point. Même Miles, qui n’était pas particulièrement patient, prenait le temps de me répéter et de me répéter inlassablement les mots que je ne parvenais pas à dire correctement, détachant chacune des syllabes avec soin pour me permettre de relever plus aisément les subtilités de la langue. Hochant doucement de la tête, le blond me fit signe d’essayer à nouveau: il voyait bien que j’en avais plus que marre de fausser les mêmes mots.

« C’est en forgeant que l’on devient forgeron, alors ne désespère pas! M’encouragea-t-il en croisant les bras, son dos s’enfonçant dans le confort du petit divan. Répète encore une fois: Aark shaalbalsh Hakiel akh Aark shäarlsh nënnj shö. »
Traduction:

Pendant de longues secondes, je fermais les yeux, laissant résonner au fond de ma tête la sonorité de ces quelques mots. Ce n’est pas si compliqué que ça, tentais-je de me convaincre, prenant une profonde inspiration avant de me lancer.

« Aark shaabalsher Hakiel akh Aark shäarlsh ninnj shö. »

Tout de suite après, le silence s’abattit sur mes épaules, plus lourd encore que la pire de toutes les tensions. Je me renfrognais subitement, rentrant ma tête dans mes épaules, avant d’ouvrir un œil, incertain. Miles regardait le plafond, comme si de rien n’était, et à son expression, je n’étais même pas capable de savoir s’il réfléchissait ou s’il contemplait vraiment les tuiles du plafond… Il resta dans cette pose pendant une bonne minute avant que je ne me décide à intervenir, toussant volontairement fort dans mon poing pour attirer son attention. L’albinos se pencha alors dans ma direction et j’affrontais son regard avec peine et misère, plus ou moins prêt à essuyer un nouvel échec.

« A-Alors?

- Wraäh? Aark doss shäar ybrikrak. Sxïs ehkir Aark doss hälssj ötke diuërblesh. »
Traduction:

Je me mis à battre rapidement des paupières, surpris. I-Il voulait que je lui réponde en Arshalà?! Mince! Euh, euh, euh…! Concentre-toi! Qu’est-ce qu’il vient de dire?! Je levais les yeux pour éviter de devoir supporter le regard intense de Miles sur moi. Réfléchis, réfléchis… D’accord! Commence par décortiquer chacun des mots… Il y a d’abord dit wraah et je crois avoir compris le mot ydräek ainsi que sxïs et diuërblesh… Quoi joute désolé langue? Mais ça ne veut rien dire!

« Prashjishlsh Darka sudefh? » Balbutiais-je en baissant les yeux jusqu’au visage de l’Orisha, qui me gratifia d’un nouveau sourire encourageant.
Traduction:

Il se mit donc à travailler au détachement des mots et des syllabes pour faciliter ma compréhension et après quelques secondes de réflexion seulement, je parvins à saisir ce qu’il venait de me dire. Les yeux pétillants, sourire aux lèvres, je le questionnais de nouveau sur mon interrogation, plus confiant que précédemment. Cependant, si je m’attendais à avoir enfin une réponse de sa part, la suite me prit de court lorsqu’il tendit brusquement sa main devant moi, sa paume tournée dans ma direction.

« Whyskïelsh oim ehr cönj barbäel! »
Traduction:

Sentant l’optimisme monter en moi suite à cette invitation, je claquais ma main dans celle de l’Orisha, ce dernier m’ébouriffant les cheveux avant de se détacher du dossier sur lequel il était adossé, posant ses avant-bras sur ses genoux pour mieux accrocher son regard au mien.

« Darka mniümlsh evrifh pört shel rürrio shaal udh dsanna « shaalba » akh shal kö « neuf » doss es tismdhelsh ninnj, ehkir weertrolh nënnj. »
Traduction:

- Ni-Nië… Nënnj…?
Traduction:

- Shëer howlvok shöor! Ria-t-il en me tapotant amicalement l’épaule avant de se redresser pour s’étirer. Tu progresses, c’est indéniable, mais bonne chance pour tenir une conversation avec un Orisha! »
Traduction:

Je lui tirais la langue, me fichant bien de ce qu’il pouvait avancer. Je progressais, il avait dit, et seul ses mots comptaient véritablement. J’avais hâte de montrer mes supers exploits à Nimüe! D’ailleurs, je me demandais quand elle et Scott allaient revenir à la maison. Depuis que le garçon s’était fait attaquer par des extrémistes pro-Ætheri et qu’il était revenu à Ciel-Ouvert pour bénéficier des lois de la cité, ces dernières le protégeant, d’une certaine façon, des assassinats qui semblaient tourner au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès, Nimüe n’avait pas arrêté de le coller aux basques! Genre, je ne pouvais même plus m’amuser avec elle sans qu’elle demande à Scott de venir se joindre à nous. C’était agaçant à la fin! Nimüe était mon amie, pas la sienne d’abord!

« Ehkir shëer wraäh shäor xüviche? »
Traduction:

J’analysais l’information en faisant tourner les mots dans mon esprit, tentant de les assembler de manière à ce qu’ils forment quelque chose de plus familier, de compréhensible en somme. J’essayais d’isoler des sonorités particulières, qui auraient tôt fait de faire résonner quelques clochettes dans ma tête, en vain, car plus les secondes s’écoulaient, plus je peinais à décrypter cette petite phrase qu’il m’avait adressé. D’un haussement des épaules, je lui fis signe que je n’avais absolument rien compris à son baragouinage orisha. À ce constat, Miles soupira, reposant sa question en langue commune pour une meilleure compréhension et là, je virais tout de suite au rouge.

« Ah? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas? »

Je grommelais une réponse incompréhensible avant de le bouder, ce qui fit bien rire Miles. Mais oui! Rigole! Ton meilleur ami est en train de voler MA meilleure amie! Et lui? Il s’en fichait de savoir que Scott et Nimüe passaient autant de temps ensemble? Raah! Peu importe! Si je lui posais la question, il allait aussitôt partir sur des conclusions dingos, ce Ducon. Ouais! Mieux valait le laisser se débrouiller tout seul! Après, qu’il ne vienne pas pleurer dans mes bras en comprenant – bien trop tard cependant – que son meilleur ami l’avait remplacé pour Nimüe, voilà! Dans mon cas, je me battrais pour jouer plus souvent avec elle! Il n’avait pas le droit de l’avoir pour lui tout seul, cet égoïste!

« Pfff… J’ai seulement personne avec qui jouer, moi…

- Ah oui, d’accord: Nimüe. »

L’albinos fit mine de ricaner dans sa barbe et je le fusillais du regard, croisant les bras avant de faire la moue.

« Tu devrais faire attention toi aussi, sinon Scott passera plus de temps avec Nimüe qu’avec toi!

- Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse? On a passé cet âge figure-toi, alors il peut bien traîner avec qui il veut, je m’en fous royalement. C’est un grand garçon. »

M’envoyant quelques tapes sur le crâne, il m’informa qu’il allait casser la croûte, histoire de remplir convenablement son estomac qui, selon lui, avait été sacrément négligé ces derniers jours à cause de va-et-vient incessants qu’il avait effectué récemment. Parce que son aide volontaire chez les Marcheurs semblait le faire voyager un peu partout sur le continent, il s’était très peu posé et, aujourd’hui, il profitait enfin de quelques jours de repos pour me donner la leçon qu’il m’avait promise de m’apprendre depuis si longtemps.

L’Arshalà était une langue complexe, assez brute, avec des syllabes aussi sèches que le « sh » ou le « k », ce qui rendait encore plus difficile la prononciation de la majorité des mots. Moi qui étais habitué à une langue beaucoup plus douce, qui glissait naturellement sur la langue, me retrouver à apprendre l’Arshalà, c’était un peu comme de me demander de communiquer oralement, sans faute et sans fourcher de la langue, avec un gros bonbon dans la bouche. Avec le dialecte orisha, je devais me concentrer au maximum pour faire vibrer ma langue contre mon palais à certains moments; de fourcher volontairement quelques mots de la langue commune ou bien de rouler mes R pour différencier tel mot d’un autre. Bref, ce n’était pas une partie de plaisir tout ça, loin de là! Mais je me plaisais à apprendre mes leçons. C’était des moments, devenus assez rares, où je pouvais passer du temps avec Miles.

« Il me fout les jetons ce type. Brrrr… » Entendis-je alors dans mon dos.

Rapidement, je me tournais en direction de la voix qui venait de résonner, croisant le regard améthyste de la petite Coccie, qui flottait dans les airs, une enveloppe cachetée dans les mains. Lorsqu’elle m’aperçut, assis au sol, devant quelques livres éparpillés ici et là autour de moi, elle ne put s’empêcher de sourire avant de foncer dans ma direction.

« HAKIEL! S’écria-t-elle joyeusement en passant ses bras autour de mon cou, tout en frottant sa tête contre ma joue.

- E-Eh! Coccie… Tu m’étrangles…

- Ah! Oups! Désolé! Désolé! S’excusa la petite Fae en reculant, tout sourire. Mais voir un visage aussi amical me comble de joie! Il n’est plus question que vous me laissez seule avec cet autre gars… Celui avec son air de psychopathe…

- Dærion? Arrête! C’est pas un psychopathe: il est seulement… très peu expressif. Pourtant, il est gentil, faut pas se tromper! »

Coccie grommela vaguement une réponse, que j’interprétais comme une sérieuse opposition à ce que je venais d’avancer, mais je n’en fis pas grand cas, tournant plutôt mon visage vers la lettre qu’elle tenait en main.

« Tu as reçu du courrier? C’est ta famille qui t’as écrit? »

La Fae porta également son regard sur l’enveloppe avant de reposer son attention sur moi, son éternel sourire flottant sur la commissure de ses lèvres. Puis, d’un geste rapide, elle tendit ses bras dans ma direction, m’invitant à prendre la missive.

« Eh non! Dætruc m’a demandé de te la donner. »

Mes sourcils se froncèrent alors que je prenais l’enveloppe dans ma main, intrigué. Qui peut bien m’envoyer cette lettre? Mais je n’eus pas à réfléchir bien longtemps, la réponse s’imposant à moi presque immédiatement. La seule personne susceptible de m’écrire, en ce moment, ne pouvait être que ma mère. Mes yeux s’obscurcirent soudainement à cette pensée et Coccie nota aisément qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Hakiel? » Demanda la Fae en se posant sur mon genou, intriguée et inquiète.

Rapidement, je lui redonnais la missive.

« Éloigne cette lettre de moi! Je ne veux plus rien savoir de cette femme!

- Qui est-ce? Ta mère? »

Elle lit encore dans mes pensées ou bien…? Je ne répondis pas, baissant simplement les yeux pour ne pas devoir affronter le regard de la fillette ailée. Mais cette dernière avait bien l’intention de se confronter à moi et, à nouveau, elle me tendit la lettre, inébranlable, souriante comme jamais.

« Tu en as de la chance que ta mère t’écrive! Qui sait? Elle s’inquiète peut-être pour toi et elle veut prendre de tes nouvelles! C’est chouette – non? – d’avoir une mère qui s’inquiète autant pour toi! »

J’allais lui faire remarquer que cette même mère, dont elle peignait ainsi le portrait, m’avait abandonné quand j’étais jeune pour me donner à des copains à elle et qu’elle n’avait même pas fait l’effort de vouloir me rencontrer, moi, son propre fils, alors que nous vivions dans la même cité! Mais je me retins, ne voulant en rien ébranler la bonne humeur de Coccie qui, pour une fois, ne s’amusait pas à lire ce que j’avais dans la tête. Alors, en soupirant, je repris la lettre, hésitant quelques secondes à l’ouvrir, avant de briser le sceau qui le retenait.
Évidemment, aucun doute possible. C’était bien ma mère.


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Miles Köerta
Sam 29 Oct 2016, 02:11

La fée disparue
« Fouille, fouille; et creuse, creuse »

« J-Je ne suis vraiment pas sûr de vouloir… »

Coccie m'adressa de grands yeux, comme pour m'inciter à avancer jusqu'à elle, jusqu'à sa silhouette que je parvenais à distinguer dans l'horizon. Assise en tailleur sur le sommet d'une pierre, elle ne semblait pas encore nous avoir remarqué, nous qui attendions dans son dos; là où Coccie était pressée, moi, j'étais aussi nerveux et agité que de l'eau bouillant au-dessus du feu. Je déglutis, faisant un pas vers l'arrière, mais voyant que je me défilais après avoir parcouru tant de chemins en sa compagnie, la Fae fila adroitement jusque dans mon dos, posant ses petites mains contre celui-ci pour me pousser vers l'avant.

« Ah non! Ah non! Ah non! Pas de ça avec moi, Hakiel! Tu y vas! On n'a pas fait toute cette route pour rien!

- Chuuut! Tu parles trop fort!

- ET C'EST QUOI LE PROBLÈME À ÇA? »

Je me retournais vivement dans sa direction, plaquant mes mains autour de son corps, quelques doigts se plaçant au-dessus de ses lèvres pour empêcher d'autres mots d'en sortir. J'avais peur. Pouvait-elle simplement le comprendre? Pouvait-elle seulement comprendre à quel point revoir ma mère après tout ce temps me terrorisait? Les souvenirs de notre dernière rencontre restaient gravés dans ma mémoire, indélébiles, alors que des cris résonnaient entre mes deux oreilles, du sang tachait ma vision, devenue trouble par les corps que je revoyais tomber, par cette bestialité qui avait mis en lambeaux des amis, des connaissances, des parents et des enfants… Un frisson courut le long de mon échine alors que la fillette ailée se débattait dans mon poing. Elle voulait sortir, elle voulait se dégager, mais moi, je ne voulais plus qu'elle crie. Lui adressant un regard angoissé, je voulais qu'elle ressente toute la panique que cette rencontre faisait naître au creux de mon estomac, au point que j'en sente la bile monter dans ma trachée. J'avais mal au cœur, mal au ventre, mal à la gorge et des larmes, par simple mécanisme de défense sûrement, se mirent à couler et à descendre sur mes joues.

« Coccie, s'il-te-plaît… »

Le regard violacé de la Fae se plongea dans mes mires dorés et après maints efforts, elle parvint à dégager sa petite tête de ma poigne, exhalant un soupir et un sourire forcé, qui vacilla en tressautant.

« J-Je… … Désolé… » Finit-elle simplement par dire en baissant la tête et en ne pipant mot pendant un moment…

Pendant un très long moment.
Et, lentement, je me décidais à porter mon regard par-dessus mon épaule et, presque instantanément, mon regard croisa celui de ma mère. Elle ne me lâchait pas avec ses grands yeux perçants et aussitôt, je me sentis encore plus mal. Je tremblais des pieds à la tête, incapable de contrôler mon propre corps sous ce regard intense. Au final, elle me regardait et je la regardais, ce qui mettait vraiment Coccie au milieu d'un malaise de plus en plus grandissant. Elle n'avait pas voulu me mettre dans cet état, elle aurait préféré éviter ce trouble nerveux qui rendait l'air aussi palpable que de la soie, aussi irrespirable que l'odeur du plomb. Dans les faits, ma mère et moi, nous nous dévisagions. Comme deux étrangers. Des étrangers, c'est ce que nous étions l'un pour l'autre, car malgré toutes nos bonnes volontés, nous n'étions pas parvenus à tisser de liens suffisamment solides pour passer ce cap: pour moi comme pour elle, c'est ce que nous devions penser: nous n'étions que des inconnus l'un pour l'autre.

D'un mouvement gracile, presque aérien, ma mère descendit de son rocher et ses pieds, dénudés de toutes chaussures, écrasaient l'herbe sous leur plante, frôlaient celle-ci à leur passage léger. Le balancement de ses enjambées faisait à peine frémir les tissus de sa robe, la rendant aussi insaisissable qu'irréelle. Je ne savais pas quoi penser de cette vision, je ne savais pas quoi faire. Elle semblait si douce dans cette apparat, si fragile et si délicate, comme la fleur à qui elle jeta un vague regard. Pourtant, pourtant, je savais que ma mère n'était pas comme ça. Ma mère n'était pas douce, délicate ou fragile. Ma mère était une bête féroce, presque aussi violente que les guerriers les plus cruels que l'on décrit dans les histoires. Je n'avais qu'à me l'imaginer de nouveau, durant l'incident de Vastesylve, arracher la chair de ses adversaires, patauger comme un animal à la faim insatiable dans le sang de ses victimes, songeant sûrement à la prochaine gorge qu'elle devra déchiqueter, lacérer, broyer, sous ses crocs et ses griffes d'acier…

Mon corps se mit à trembler avec intensité. Je veux dire, plus qu'il y a quelques minutes. Et ce n'était pas le fait du vent. Kiri, juste devant moi, tira un sourire à mon intention, essayant peut-être de faire bonne figure, je ne savais pas tellement comment interpréter tout ça, mon cerveau déraillait déjà. Qui était vraiment ma mère? Qui était vraiment Kiri? Cette Hyène sans pitié, dont les pattes étaient aussi rouges que la couleur des coquelicots? Ou la femme baignant sous cet halo diaphane et dont le sourire était aussi puissant que les rayons du Soleil? Je secouais ma tête, plaquant mon visage dans les paumes de mes mains avant de redresser la tête et de la regarder à nouveau. Ce que j'étais certain, c'est que je ne réussissais pas à lui rendre la pareille. J'avais beau me dire: Vas-y! Souris! C'est malpoli sinon… Mais je n'arrivais à rien, grimaçant plus que je souriais vraiment. Après de vaines tentatives, je finis simplement par lui demander d'une petite voix:

« Pourquoi m'avoir demandé de venir te rejoindre ici? » Lui demandais-je de but en blanc, incapable de faire autrement.

Le sourire qu'elle essayait de maintenir, sans que celui-ci vacille, finit néanmoins par tomber, son regard se braquant dans ma rétine.

« Une mère ne peut-elle pas seulement vouloir revoir son fils sans qu'il n'y ait de raison?

- Ça dépend de la mère, rétorquais-je en ne bronchant pas sous le poids de son regard.

- Hakiel! S'il-te-plaît! Un peu de resp–

- Ne t'occupe pas de ça, Coccie, répondis-je en lui adressant un regard pitoyable, qui l'a aussitôt fait réagir, l'empêchant d'aligner un mot de plus.

- Ça va, ne t'en fais pas, petite Fae, chuchota-t-elle en lui coulant un regard qui se voulait bienveillant. Mais il a raison », finit par reconnaître Kiri en m'offrant un nouveau sourire, mais il n'y avait plus ces sentiments de délicatesse et de bonté sur ses traits: il ne restait plus que des traces vagues de ces derniers sur ce masque de déception et de désespoir.

Elle faisait des efforts, nous le voyions bien, elle comme moi, mais nous ne pouvions pas être celui ou celle que nous n'étions pas. Elle ne pouvait plus être Kiri uniquement pour mes caprices; je ne pouvais plus être Hakiel simplement pour la rassurer dans ses fautes: nous ne pouvions nous détacher de notre identité pour plaire à l'autre, et c'était bien cela toute la complexité de notre relation. Parce que nous n'avions rien en commun, à l'exception du sang qui coulait dans nos veines. Nous étions si différents…

« Alors pourquoi, Kiri? Qu'est-ce que tu me veux?

- Je veux te parler de la vérité. C'est… tout ce que je désire, chuchota-t-elle en se mordant la lèvre inférieure. Je veux te parler de la vérité.

- Un autre secret que tu n'as pas voulu me dévoiler? Explosais-je brusquement en sentant un brasier naître au fond de ma poitrine, serrant les poings. En fait, j'ai un frère? Une sœur? Un jumeau peut-être?! »

Je l'accusais. C'était sans preuve et sans fondement, et même en sachant cela, je ne regrettais pas une seule des paroles que je venais de lancer. C'est vrai quoi! J'avais vécu dans le mensonge par sa faute! Ne vous méprenez pas: j'aimais ma Maman et mon Papa, mais j'aurai aimé qu'ils m'en disent plus sur ma véritable mère; j'aurais voulu en connaître plus par le biais de ses aveux à elle. J'aurais aimé ne pas être le dernier à connaître la vérité sur mes origines, sur mes racines, sur ma véritable famille… Étais-je injuste envers Kiri? Étais-je injuste et égoïste de me défouler de la sorte sur ses sentiments et d'écraser, sous mon talon, chaque effort qu'elle s'évertuait à déployer pour enfin voir le fruit de ses efforts récompensé? Dans ma tête, ce n'était pas égoïste et c'était encore moins un caprice, car j'aurais aimé, vraiment aimé… être plus proche de ma mère que je pouvais me l'avouer. Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher d'être furieux et désespéré, avoir peur et avoir pitié. Je me détestais en même temps de me dire que je faisais la bonne chose à faire. C'était compliqué dans ma tête; c'est ce que nous appelions l'ambivalence humaine, non? C'est pourquoi en l'accusant, elle avait beau se replier sur elle-même, se crisper comme si je venais de lui lancer sur les épaules des poids incommensurables, je me sentais aussi satisfait qu'incompréhensiblement coupable. Elle sourit, plus triste que jamais, et devant ce minois, auquel je me sentis violemment interpellé, Coccie me foudroya du regard, se précipitant vers ma mère pour la consoler. Cependant, l'Hyène se ressaisit aussitôt, ne désirant aucunement être prise en pitié, et elle reprit un peu plus de hauteur, se redressant.

« Ça va. Je n'ai pas besoin d'être consolé.

- M-Mais laissez-moi au moins m'excuser pour son comportement, il… »

Il eut un silence, durant lequel ma mère ne porta plus attention à la petite Fae rosée, même si cette dernière semblait s'être prise de pitié pour l'Hyène en quelques secondes à peine. Kiri n'en voulait pas, mais la Fae n'en démordait pas non plus de son côté. Le regard de Coccie, d'ailleurs, s'était tourné droit dans ma direction, furieux. Aussitôt, la colère se mit à bouillir en moi. Pourquoi m'observait-elle ainsi? Je n'étais aucunement en faute! C'était à cause de Kiri! C'était à cause d'elle parce qu'elle ne pouvait s'empêcher de me mentir! Elle m'avait encore trahi! Un Démon ne pouvait devenir un Ange du jour au lendemain, comme une mère ne pouvait être une Maman comme ça, en un claquement de doigt. Alors que Kiri reprenait son souffle, inspirant et expirant à intervalles réguliers pour mieux se détendre, s'alléger sûrement, je lui lançais de la foudre par les yeux, me préoccupant peu de ses états d'âme actuels.

« C'est tout à fait justifié, ne t'en fais pas, petite Fae. »

La fillette ailée ne dit plus rien et le visage de ma mère se tourna lentement dans ma direction.

« Je sais que je n'ai plus aucune chance avec toi. Je sais qu'il sera dur, voire même très dur, de me rattraper. Mais ne nous mets pas dans le même bateau, lui et moi, je t'en prie.

- Lui et toi?

- Oui, Hakiel. Lui: ton père. »


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Miles Köerta
Dim 30 Oct 2016, 04:03

La fée disparue
« Fouille, fouille; et creuse, creuse »

Je l’écoutais sans l’entendre. Je la regardais sans la voir. Parce que mon esprit voyageait déjà bien au-delà de ses mots. Je n’entendais plus; je ne faisais que visualiser. Ses paroles se modelaient en image et la hausse ou la baisse de son ton donnaient du mouvement à ces illustrations. Ce n’était pas des paysages inanimés, comme des peintures ou des dessins en graphite. C’était des images qui bougeaient, qui dansaient, qui défilaient devant mes yeux, un peu comme lorsque je volais sous forme Animale, l’environnement m’entourant défilant si vite que je perdais toujours un peu de ses couleurs, de sa beauté. Mais là, je ne regardais pas un ciel bleuâtre ou un champ de roses qui se balançait au rythme du vent. Non, là, devant moi, je voyais mon père.

Quand je disais que les mots de ma mère formaient des images dans mon esprit, je vous imaginais déjà rire de moi, avec votre tête haute et vos yeux d’adulte condescendants, et ce, uniquement parce que je suis un enfant. Seulement, c’était la stricte vérité. Des images de mon père se dessinait dans ma pensée au fur et à mesure que ma mère avançait dans son monologue, monologue auquel je perdis peu à peu d’attention, l’image de mon père hantant désormais la moindre parcelle de mon esprit. Il était là, juste devant moi, si proche de moi, qu’il me fallait simplement tendre la main pour arriver à le toucher. Mais je ne voulais pas faire ça, même si j’en mourrais d’envie. Je ne voulais pas que cette image me quitte et disparaisse à tout jamais. Je voulais la conserver, cette image de mon père. Des cheveux bruns qui tiraient au noir, des yeux aussi profonds et sombres que les abysses de l’Océan… Je ne saurais dire s’il avait le visage plus rond que carré, mais une barbe semblait fournir en poils et en villosité son menton et une partie de ses joues. Il était grand, aussi grand que Miles, et il m’observait, moi, son fils qui, à quelques centimètres à peine de lui, le contemplait avec fascination et béatitude. Mon père… Il ressemblait à ça, mon père…

Un sourire, alors, s’esquissa sur le pan de mes lèvres tandis que mes oreilles percevaient encore la voix de Kiri alors que mon cerveau n’analysait plus aucun de ses propos. D’ailleurs, l’Hyène ne se trouvait plus devant moi. Elle était présente, certes, mais seulement par sa voix. Alors que mon père, lui… Alors que mon père, lui, se tenait ici. Je ne saurais l’expliquer clairement et raisonnablement, mais mon cœur, violemment, s’était mis à battre super fort au creux de ma poitrine. Je l’entendais cogner contre ma cage thoracique, prendre de l’expansion au point d’en écraser mon poumon.

« Hakiel? »

Je battis des cils, hébété. Mon nom? Venait-il de prononcer mon nom?

« Est-ce que tu m’écoutes? »

Une main se posa sur mon épaule, mais mon père, lui, ne bougeait pas. Hein? Quoi? Comment? Pourquoi?

« Hakiel, tu rêvasses ou je me fais des idées? »

Brusquement, je sursautais. Chaque clignement de paupières effritait l’image de mon père. Il se fragmentait, s’éparpillait, se réduisait en morceaux encore plus minuscules avant de disparaître complètement, laissant la place au visage de Kiri, qui me fixait d’un air sceptique.

« Tu es revenu à toi on dirait bien.

- Dé-Désolé… »

Elle haussa ses épaules, retirant sa main de mon épaule avant que j’en prenne conscience et que je me recule avec vivacité, comme si l’on m’avait mordu avec des crocs acérés. L’Hyène m’adressa un sourire énigmatique, se rassoyant dans l’herbe, ses mains déposées de chaque côté de son corps.

« Je n’aurais jamais pensé voir un sourire pareil sur ton visage un jour. »

Aussitôt, je remballais mon sourire sous mes lèvres, baissant la tête pour ne pas qu’elle puisse noter le rouge soudain de mon épiderme. Remarquant cela, Kiri échappa un rire, levant son visage vers le ciel tout en expirant une bouffée d’air.

« S’il ne fallait parler que de ton père pour que tu sois dans un tel état, je me serais prise plus tôt! »

Elle freina son hilarité, scrutant, à présent, les nuages d’un regard mélancolique.

« En même temps, je te comprends, admit-elle en fermant ses paupières, laissant la brise caresser le contour de ses traits. Dès que je pense à Nakian, je ne peux pas m’empêcher de regretter… De regretter tout ce que j’ai abandonné pour une poignée d’honneur: mon âme-sœur, mon amour, mes amitiés et même mon fils… »

Je relevais la tête à ces derniers mots, mais elle gardait obstinément les yeux clos.

« Je ne suis pas fière de ce que j’ai fait… »

Puis, lentement, je la vis se recroqueviller sur elle-même, amenant ses jambes jusqu’à sa poitrine pour les enserrer dans ses bras. Elle posa son front sur ses genoux et malgré le cocon dans lequel elle venait de se réfugier, sa voix se porta jusqu’à Coccie et moi avec autant de clarté et de netteté que si elle s’était tenue à seulement quelques centimètres.

« Tu savais qu’au tout début de notre relation, je côtoyais Nakian uniquement pour énerver mes parents? Se mit-elle à nous raconter sans détacher son front de ses genoux levés. Il n’était qu’un jouet pour moi et il m’avait été si facile de le mettre à ma botte qu’après une semaine, il faisait presque tout ce que je lui demandais. Pourtant, je le méprisais et ce n’est pas comme si je m’étais cachée. Chaque occasion était bonne pour le rabaisser et malgré tout cela, il ne cessait de m’aimer encore et encore plus… Et au final, j’ai moi-même cédé. »

Elle nous racontait cette histoire comme un conte que l’on lisait au chevet d’un enfant.

« Je ne pourrais te dire s’il avait compris que je ne m’intéressais à lui que pour frustrer mes vieux, mais il est toujours resté le même: attentionné, prévenant, charmant et incroyablement doux aussi… Une douceur que je n’avais pas connu au sein de ma famille… Il était un sauvage dont le cœur s’était fait écrasé par la méchanceté de ce monde. Mais, peu à peu, je me suis mise à admirer ce sauvage à l’air pouilleux et à l’œil vague. Je n’étais plus l’enchanteresse, mais l’enchantée; il n’était plus l’hypnotisé, mais l’hypnotiseur. Je m’intéressais de plus en plus à lui, à son histoire, à ce qu’il avait vécu par le passé. Je me sentais de plus en plus attachée à lui… Je tombais amoureuse et je ne comprenais pas le moins du monde ce qui m’arrivait. J’avais l’impression de devenir folle, comme si je ne pouvais pas vivre loin de lui, comme si je ne pouvais pas respirer s’il n’était pas à mes côtés. Il m’a sauvé, m’a ouvert les yeux… »

Je remarquais immédiatement son mouvement de la main: ses ongles s’enfonçaient dans sa chair. Sur mon épaule, je pouvais entendre les reniflements de Coccie. Cependant je fis rapidement abstraction de la Fae, toute mon attention se tournant vers ma mère. Tout naturellement, je voulus approcher ma main, mais au milieu de mon geste, je m’arrêtais. Une ribambelle de sentiments courrait dans mon estomac. Je ne détestais pas Kiri et je m’imaginais sans mal la souffrance qui pesait sur ses épaules, l’écrasant comme nous le faisions en pilant sur une fourmi. Je déglutis, restant ainsi, sans bouger, à simplement fixer les ongles de ma mère entrer dans sa peau.

« Kiri? » L’appelais-je d’une voix basse.

Elle ne bougea pas, mais cessa de serrer ses doigts autour de ses bras.

« Excusez-moi, tous les deux…

- Non! Non! Ne vous excusez pas! Cela a dû être si horrible de vous séparer de lui! »

KIri conserva le silence à cet élan d’empathie, mais n’importe qui avec un brin d’intelligence et quelques neurones fonctionnels comprendrait qu’elle donnait raison, par ce mutisme, à la fillette ailée. Pour ma part, je restais aussi muet qu’une tombe.

La suite de l’histoire, je l’avais déjà entendu de la bouche de Kiri. Coccie, quant à elle, ne pouvait s’empêcher de verser des larmes à l’écouter. Il ne lui suffisait que d’une histoire d’amour impossible, accompagnée d’une famille en perpétuel contradiction avec les rêves d’avenir des deux amants, d’un enfant non-attendu et non-désiré, qui fut violemment et rageusement arraché des bras de sa mère, cette dernière accablée par le chagrin, écrasée par la pression familiale et brisée par la perte de son dernier lien avec son bien-aimé; et la voilà partie pour chialer pour deux heures d’affilées.

J’essayais, pourtant, de la consoler en lui frottant le dos, mais elle était inconsolable, incapable de comprendre pourquoi je n’arrivais pas à pardonner les erreurs de ma mère.

« Tu es si injuste, Hakiel! Pourquoi es-tu fâché contre elle? Elle t’as abandonné pour ton bien! Elle t’as abandonné pour te sauver de la cruauté de ses parents! Ne comprends-tu pas que tu serais mort à l’heure qu’il est si elle n’avait pas agit ainsi? Elle t’as sauvé et c’est ainsi que tu l’as remercie?! Pleurnicha de plus belle la petite Fae en s’essuyant férocement les yeux, mais les larmes continuaient de couler, formant un sillon sur ses joues rondes et rouges. Tu es méchant et je sais que tu le sais! Tu es en colère, tu as peur, mais je ne comprends pas pourquoi tu nourris tous ces sentiments négatifs alors que tu as une mère qui t’aime et qui ne veut qu’une seule chose: être avec toi.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, Coccie. Si elle voulait tant être avec moi, pourquoi aujourd’hui? Pourquoi ne pas être apparu dans ma vie plus tôt? Pourquoi s’être manifestée après toutes ces années?!

- Tu es tellement égoïste… » Cracha la Fae en se tournant vers moi et en reculant vivement.

Je gardais un contact visuel avec Coccie et après une longue pause, je finis par rajouter, d’un ton neutre:

« Peut-être, mais c’est trop tard maintenant. C’est tout. J’ai vu et entendu ce que j’avais besoin de connaître. Désolé, murmurais-je en tournant discrètement mon regard vers l’Hyène recroquevillée. Désolé d’être égoïste. Désolé de ne pas pouvoir apprécier, à leurs justes valeurs, les actions que tu as accomplis pour mon père et pour moi. Désolé de te garder une rancœur amère… Désolé, désolé, cent fois désolé… »

Kiri ne répondit rien. Cependant, un sourire vint doucement jouer sur la commissure de ses lèvres.

« Au moins, tu ne te laisses pas faire, chuchota-t-elle en me couvant d’un doux regard. Tu n’attends qu’à voir des preuves, des preuves de ma loyauté. Tu veux seulement être certain du choix que tu veux faire pour ne pas donner ta confiance à une personne qui pourrait s’en servir, en abuser et la rejeter par la suite… »

Je ne pipais mot, me tournant simplement vers Coccie pour la consoler en frictionnant son dos avec ma main. Comme le diction le mentionnait: un silence valait mille mots.


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Miles Köerta
Lun 07 Nov 2016, 02:05

La fée disparue
« Fouille, fouille; et creuse, creuse »

Nous nous étions convenus, Coccie et moi, de partir dès que les rayons de l’aube perceraient le ciel du matin: c'était il y a plus de deux heures. Depuis, nous ne nous adressions plus la parole. Elle était en colère contre moi et moi, j’étais en colère contre elle. Elle voulait que je donne une chance à ma mère et moi, je ne faisais que la sourde oreille. Ce séjour d’une nuit promettait d’être long et extrêmement silencieux. Avec Miles, au moins, j’aurais pu discuter et rire un peu pour être moins nerveux, mais là, ce n’était pas du tout possible avec les présences de Coccie et de ma mère à proximité. Emmitouflé dans ma couverture de voyage, prenant mon sac comme oreiller, je laissais le chant mélancolique de la nature me bercer. Non loin, je pouvais sentir ma mère qui, silencieuse, offrait sa prière à Phoebe tandis que la Fae, elle, parlait légèrement avec une jonquille, à voix basse. Essayant de m’endormir, je me tournais et me retournais dans ma petite couche improvisée, appelant Harabella et Phoebe au sommeil que je prétendais mériter, mais plus je gigotais sous ma couverture et plus le sommeil, à mon sens, paraissait s’éloigner, à tel point qu’après un moment à me battre, je finis par baisser les armes, me redressant sur l’herbe. Attiré par mes mouvements, l’œil de ma mère s’ouvrit avant de se poser sur moi.

« Tout va bien?

- Pas capable de dormir », maugréais-je en me tournant doucement dans sa direction.

Kiri ne dit rien, tournant simplement son visage, de nouveau, vers la beauté étincelante de la Lune. L’œil argenté de la Déesse veillait sur nous. Je levais, moi aussi, les yeux vers le firmament étoilé, contemplant avec nostalgie les contours lisses et brillants de l’astre d’argent. Je me demandais si mon Papa et ma Maman veillaient sur moi à cet instant, éclats chaleureux qui mouchetaient le firmament nocturne de la voie lactée. Je fermais alors les yeux. Le chant de la nature, toujours aussi douce, toujours omniprésente et triste, entraînant mon cœur à se serrer au fond de ma poitrine. C'était comme si la chanson m'enveloppait dans de grands draps qui me pesaient d'abattement et, d'un coup, je sentis mes épaules s'affaisser, mes paupières se serrer pour ne pas que des larmes indésirables – et surtout dans ces circonstances – viennent barbouiller mon visage de mille sillons salés. Mis pourquoi j'ai soudain ce coup de cafard, moi?

« Peut-être est-ce à cause des chants de chagrin des petites habitantes de la région? » Avança presque instantanément ma mère en portant son regard vers les bois et les hautes herbes qui nous entouraient.

Je restais plusieurs secondes interdit, sans bouger, sans parler, jusqu'à ce que je comprenne qu'elle désirait, en utilisant ces termes, donner une explication légitime à mon insomnie. Doucement, je secouais la tête. Encore heureux qu'elle ne puisse pas lire mes pensées… Quoi que… Il y avait cette Fae, là, qui le pouvait très bien. Mais à l'heure actuelle, elle était plongée dans sa discussion avec la jonquille, de sorte qu'elle ne nous accorde pas la moindre attention. C'est pourquoi, après un temps d'hésitation, que je me permis de baisser mes gardes pour me concentrer sur les chants qui flottaient et qui nous parvenaient à l'aide du vent. C'était des pleurs délicats, des sanglots étouffés, quelques murmures de tristesse; voilà ce qui composaient ce chant de esseulé. J'avais l'impression d'entendre des dizaines de voix s'élever dans la brise, projetant leur mélopée dans toute la forêt entière.

« Les entends-tu? » Me posa d'une faible voix ma mère en faisant pivoter tout son corps vers l'orée des bois.

D'un mouvement à peine perceptible, j'acquiesçais en opinant de la tête. Qu'est-ce que c'était que ça? On aurait dit un hymne chanté à la tristesse, une ode dédiée à la grisaille de la mélancolie. À mon tour, je portais mon visage vers l'ouverture des bois. Au loin, je savais que les cascades cristallines nous appelaient. Mais à cet instant, ce n'était pas le bruit des cascades qui élevaient un tel chant de peine: c'était des voix bel et bien humaines. Nous gardâmes le silence, écoutant simplement la musique des bois, sentant mon cœur se tordre de plus en plus douloureusement dans ma cage thoracique sans que je sache véritablement pourquoi. Était-ce cette musique qui me faisait ce drôle d’effet? Plus que mon insomnie, c'était cette litanie qui m'entraînait dans cette tristesse. Noyade et tentative d'émerger, je combattais de toutes mes forces cette ode au chagrin. Malgré tout, sans que je puisse véritablement me battre, quelques larmes parvinrent à s'immiscer entre mes cils et à couler le long de mes joues. D'un geste vif et sec, je les essuyais avec le dos de ma main, relâchant un reniflement inaudible pour ne pas que ma mère me voit de nouveau dans un état pareil, si impuissant et faible.

« Qu'est-ce qui se passe, au juste? Pourquoi cette mélodie est-elle si… si triste? » Marmonnais-je en tournant discrètement mon visage en direction de l'Hyène.

Et cette dernière, à ma grande surprise, versait aussi des larmes de sel. Rapidement, comme moi un peu plus tôt, elle éloigna ses pleurs silencieux du revers de la main, prenant une grande inspiration sans même prendre la peine de pivoter son visage vers moi. Une chance. Sinon, elle n'aurait eu aucun mal à distinguer le maigre sourire qui venait de s'imprimer sur mes lèvres.

« Ce sont les Faes… » Répondit finalement Coccie, qui se rapprochait de notre position et immédiatement, je reprenais des traits qui se voulaient le plus neutres possibles.

Ce n'était pas faute d'essayer, mais je n'étais pas capable de ne rien ressentir face à ce chant éploré. Mon cœur s'affligeait d'entendre pareille chanson.

« Mais pourquoi chantent-elles ainsi?

- Une de leurs amies a disparu. Elles chantent leur désespoir, espérant la retrouver, mais elle ne répond pas à leur appel… »

La voix de Coccie se brisait, tout autant atteinte que nous, voire peut-être même plus, par ce soulèvement de chagrin.

« Je discutais avec la jonquille sur ce sujet, mais il semble que même les plantes ne sachent où elle se trouve. Ça les inquiète beaucoup. Peut-être qu'elle a été attaqué et qu'on l'est kidnappée! Oh mon dieu! Non! Il ne faudrait pas! Que deviendraient ses amies autrement? »

Kiri et moi restions muets comme des tombes, bataillant plutôt à ne pas sombrer dans cette fosse profonde que créait en nous ce chant morose. Vivement, Coccie m'attrapa par le bras, m'incitant à porter mon regard dans sa direction. Ses yeux violets débordaient, comme si elle tentait de tenir l'Océan tout entier dans ses orbites. Elle pleurnichait, reniflait, mais la morve ne cessait de couler de son nez, comme de la tuyauterie mal soudée.

« Aidons-les, Hakiel. S'il-te-plaît. J'ai trop mal pour elles. Et je m'inquiète pour leur amie… »

Durant les premières secondes, seule la mélopée en peine répondit à sa supplication, mais après un instant, Kiri sauta de son perchoir en roc, s'avançant jusqu'à nous sans, pour autant, détacher son regard des boisées.

« Ne t'en fais pas, petite Fae. Nous leur porterons toute l'aide qu'elles réclament. »

Puis, comme pour me demander mon approbation, l'Hyène tourna ses yeux jusqu'à mon visage, le sondant par la même occasion. Évidemment, je partageais leur idée et, sans rien dire, je hochais de la tête, caressant délicatement la chevelure légère de Coccie, qui tentait, en vain, de sécher ses larmes avec le tissu de mon chandail.

« Dans ce cas, ne perdons pas de temps, annonça ma mère en détachant son regard du bien pour quérir l'attention de mon amie ailée. Peux-tu demander aux plantes à quoi ressemble cette petite?

- Je l'ai déjà fait. Elle s'appelle Irisée. Elle a des ailes bleues et violettes et des cheveux aussi blanc que la Lune. »

Nous gardâmes en mémoire les informations révélées par la Fae avant de nous diriger, guidés par Kiri, dans les bois des cascades cristallines. Un frisson nous attrapa dès que nous pénétrions le couvert forestier, dense et pourtant si tranquille, hormis ce chant sépulcral. Ma mère nous dirigeait d'une main de fer, nous frayant un passage à travers la densité des feuillages et des broussailles pour ne pas que nous la perdions de vue. Nous savions ces contrés hors de danger, mais rien n'était plus naïf que cette réflexion, surtout en sachant que la guerre nous attendait à chaque carrefour, peu importe là où nous nous trouvions: dans les bois, dans les champs, dans les villes, dans les montagnes et même dans les coins les plus inaccessibles: nous n'étions protégés nulle part et Kiri gardait cela en tête.

Elle jetait plusieurs œillades à la seconde pour s'assurer que l'endroit était sûr, son nez légèrement relevé vers le haut, comme pour capter plus facilement les effluves qui se cachaient au travers cette épaisse couche de verdure. Son pas était délicat, silencieux, à la manière d'un traqueur qui ne désire pas se faire repérer par sa proie. Ses bras repoussaient sèchement les branches qui nous bloquaient le chemin et lorsqu'elle avançait, autre que sa démarche feutrée, elle semblait peser chaque centimètre carré sur lequel elle marchait, comme craintive d'y voir surgir un quelconque monstre, craintive d'y être piégée par un quelconque traquenard. Malgré sa prudence, elle ne parvint pas complètement à nous préserver de nos maladresses.

Si, dans le premier cas, c'était Coccie qui fonçait dans une branche, maladroite comme jamais au cœur d'une telle obscurité, dans le deuxième cas, c'était moi qui me prenait le pied dans n'importe lequel des obstacles qui entravaient ma route. Je ne pouvais vous donner le nombre exact de fois où j'avais frôlé la mort à cause d'un orteil qui se cognait contre une racine ou de mon pied, dans son intégralité, qui restait coincé dans un trou de terre affaissé, mais ce que j'étais en mesure de vous donner, c'était que, par une dizaine de fois, j'avais failli me tordre la cheville tellement je progressais malhabilement dans cet immense feuillage. Doté d'une vision nocturne, je n'aurais pas fait mieux. Kiri, toujours en avant, avait conscience des difficultés auxquelles nous devions faire face, Coccie et moi. Cependant, à aucun moment, elle se proposa pour nous aider ou s'arrêta pour nous tendre la main: elle savait que nous ramions avec nos pieds et nos mains pour ne pas nous laisser distancer et, si elle l'aurait souhaité, elle aurait très bien pu s'enfoncer plus rapidement dans ces bois. Comme quoi elle se préoccupait tout de même de notre condition malgré son visage fermé et son expression indéfinissable.

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Miles Köerta
Sam 12 Nov 2016, 03:16

La fée disparue
« Fouille, fouille; et creuse, creuse »

Nous n'étions pas aussi bons coureurs et hommes des bois que Kiri. Ma mère était surprenante, se déplaçant avec dextérité, dextérité dont je ne possédais pas même la moitié des capacités. C'était impressionnant. Enviable, mais impressionnant. J'essayais de l'imiter, en petit garçon curieux que j'étais. Cependant, la majorité de mes tentatives se soldaient par un cuisant échec. Pourtant, malgré les chutes, les écorchures et les jurons que je n'arrivais pas à garder dans ma bouche, je me relevais toujours pour poursuivre le chemin : Kiri avait un cœur, mais elle ne laissait rien, pas même son fils en difficulté, la détourner de son objectif. Je me demandais si, un jour, je serais en mesure de contrôler ainsi mon sang-froid. Elle semblait si indifférente à nos malheurs que s’en était presque horrible pour Coccie et moi. Cela dit, si nous portions une attention particulière à ses mouvements, nous étions capables de remarquer que le rythme de ses pas s’était grandement décéléré en cours de route. C’était fou de constater à quel point elle pouvait paraître aussi détachée et aussi attentive en même temps. Comment faisait-elle pour séparer ainsi sa concentration? Comment arrivait-elle à porter des regards sur nous, sur ce qui l’entourait, sur la piste qu’elle tentait de suivre, sur les dangers qui pourraient tomber du ciel? Ça faisait une longue liste, n’est-ce pas? Et pourtant, de mon point de vue, c’était comme si elle parvenait à gérer et à analyser toutes ces informations à la fois et ce, sans même sourciller une seconde ou se sentir dépasser par le nombre de facteurs qu’elle devait prendre en compte. C’était ça, être alerte, intelligent ou bien être sacrément prudent? Peut-être que si je n’avais pas autant de réserve en sa compagnie, je me serais immédiatement jeté devant elle pour qu’elle m’explique ses talents, mais le fait est que j’avais des réserves en sa compagnie et qu’à cause de cela, je n’osais pas trop m’avancer dans ce genre de conversations avec elle, même si, pour renouer des liens, ça aurait été la meilleure chose à faire…

Nous étions décidément très étranges dans cette famille : d’une part, enfoui en nous, le désir de nous rapprocher nous gardait lier l’un à l’autre et d’autre part, le moindre pas que nous esquissions l’un vers l’autre semblait nous éloigner, comme si nous reculions au lieu d’avancer. Nous voulions nous connaître, mais nous n’en n’étions pas capables; nous voulions avancer d’un pas, mais nous reculions de trois. Ce n’était pas facile et, même pour moi qui était poussé de gauche à droite dans cet ouragan passionnel, je ne réussissais pas à dissocier la confusion de mes pensées ; la colère de mon amour; la femme que je connaissais de la mère qui se battait encore pour moi… Coccie avait raison : j’étais égoïste. Le pire que je connaisse. Cependant, je ne pouvais pas m’excuser d’être ce que j’étais. Je le faisais plusieurs fois devant Kiri, pour tout ce qu’elle s’employait à faire dans notre relation mère et fils, mais devant mon amie la Fae, alors pas question. Je n’avais pas à être désolé d’être égoïste si je me savais l’être, non? Je l’assumais. Cela dit, je ne pouvais complètement effacer les remords que je nourrissais à l’égard de ma mère qui, elle, méritait amplement ses excuses de ma personne, parce que ma personne lui faisait sûrement mal. Comme sa personne à elle me faisait mal. Mal par sa double-face, mal par ses mensonges et ses vérités, mal pour toutes ces années qu’elle avait choisi de sacrifier plutôt que de les passer ensemble, elle et moi… Nous étions égoïstes et nous l’assumions. Ça devait être de famille, quelque chose dans nos gènes, j’imagine. Je me demandais, ainsi, en quelle gène nous étions identiques, mon père et moi. Étions-nous une famille de parfaits égoïstes nombrilistes ou il y avait bel et bien quelqu’un dans ces liens sanguins qui était bon et altruiste?

« Stop… Arrêtez-vous et faîtes le moins de bruits possible… » Nous ordonna Kiri avec tant de surprise qu’il me fallut quelques secondes supplémentaires pour cesser tout mouvement de mon corps.

Ma mère tendait l’oreiller, plus vigilante que jamais. Avait-elle perçu un son au cœur de toute cette végétation luxuriante? Je n’en doutais même plus, désormais. Pourtant, même si nous étions aussi silencieux que les Morts, je n’entendais absolument rien dans la forêt. Qu’est-ce qui avait bien pus attirer ainsi son attention? Je voulus me risquer à le lui demander – et Coccie pensa à la même idée –, mais sachant pertinemment que nous allions faire cela, Kiri tourna simplement son visage dans notre direction, braquant des yeux si intenses et autoritaires que nous révisions aussitôt notre plan d’approche pour prendre notre plan de fuite. D’accord, elle ne voulait pas un son, pas un mouvement, pas même entendre le souffle de nos respirations. Elle demandait le silence absolu, que même le vent ne puisse troubler ou que les feuilles puissent chanter. Alors nous restions immobiles comme des statues, nous jetant de temps à autre quelques regards en biais, mon amie et moi, mais jamais, nous pipâmes mot, devenus nerveux à cause du comportement de ma mère. Les minutes s’allongeaient sans qu’elle ne nous explique quoi que ce soit, murée dans un mutisme qui en devenait de plus en plus irritable. Cela dit, avant que Coccie ou moi perdions patience face à l’attente, Kiri finit par se redresser et à nous indiquer une nouvelle trouée dans la forêt : elle entendait quelque chose de curieux dans cette direction. Elle n’était pas certaine de la nature de ce bruit, mais cela ne semblait pas être hostile ou dangereux. Au contraire, ce son ressemblait plutôt à un appel. Désespéré.

« Est-ce que ça serait encore le chant des Faes? Après tout, on les entend depuis que la nuit est tombée! »

Kiri réfléchit quelques instants avant de secouer la tête, négativement.

« Non. Ce n’est pas le même genre d’appel. Si ceux des Faes sont remplis de tristesse, celui que j’entends s’apparente à des pleurs silencieux… Ou à un appel d’au secours…

- Vous croyez qu’il s’agit d’Irisée? Posa Coccie d’une voix où l’on percevait toute l’inquiétude qu’elle nourrissait pour cette étrangère : pourtant, le simple fait qu’elles soient de la même race suffisait à éveiller l’empathie naturelle de son cœur.

- Rien n’est moins sûr, mais allons y jeter un coup d’œil. Pour plus de sécurité, restez derrière moi. »

Elle marqua une pause avant de rajouter, accompagné d’un sourire malicieux :

« Et abstenez-vous de tous propos inutiles, compris? »

Intérieurement, je savais qu’elle allait nous demander quelque chose de la sorte… Néanmoins, d’un commun accord, Coccie et moi opinions du bonnet, prêts à la suivre et à ne pas la déconcentrer dans son entreprise, car il pouvait tout aussi bien s’agir de la petite Irisée que d’un animal blessé et effrayé qui n’hésiterait pas à nous attaquer pour préserver sa vie de toute nouvelle agression fait à son endroit. Bref, rien n’était plus prudent que d’axer nos propres actions sur la prudence elle-même.

Nous restions à une bonne distance de Kiri, sans toutefois que nous la perdions de vue. Nous parcourions, ainsi, quelques deux cents mètres sans rencontrer âme qui vive, à nous demander si ma mère devait folle ou si ce n’était pas nous qui avions les oreilles bouchées par les chants de chagrin de la population de Faes, cachée et invisible à nos yeux si peu habitués à une telle obscurité. Cependant, je devais admettre que plus nous avancions et plus je commençais à percevoir, moi aussi, un son dans la nuit. Plutôt un bruit. Plutôt un appel. Plutôt un pleur, comme ma mère nous l’avait souligné. L’envie de rejoindre Kiri pour lui faire part de cette nouvelle me traversa soudainement l’esprit, mais je m’abstins à la dernière seconde de courir les mètres qui nous séparait. Prudence et silence. Pourquoi j’oubliais des trucs aussi basiques?

« Es-tu là, Irisée? » Souffla doucement ma mère dans la nuit, sans que rien ni personne ne lui réponde.

Il n’eut pas même l’once de mouvement dans le feuillage. Malgré l’absence de toute activité, ma mère persévéra, bascula son buste vers l’avant pour être en mesure de la distinguer dans les hautes herbes en dépit de la noirceur. Elle appelait son nom, doucement, délicatement, maternellement presque. Encore une fois, j’apercevais ma mère enveloppée d’une aura bienveillante, chaleureuse, une aura qui me laissait toujours aussi étonné et incrédule à la fois. Cependant, bien rapidement, je laissais de côté mes pensées pour me pencher un peu vers l’avant, à la manière de Kiri, tout en appelant le nom de la Fae disparue. Coccie, de son côté, se mit à explorer les environs, le bruit de ses ailes se perdant dans la brise du vent.

« Irisée, petite Fae, où es-tu?

- Irisée! Nous sommes là pour t’aider. N’aie plus peur.

- Irisée! Irisée! Tes amies s’inquiètent pour toi! »

Et ainsi de suite…

Pendant plusieurs minutes, rien ne nous répondit, mais après un temps relativement long, Coccie perçu un drôle de reflet sous la lumière de la Lune. Elle s’en approcha, plus curieuse que vigilante, et elle n’eut le temps que d’apercevoir quelques mèches blanches avant de pousser un cri strident à notre intention.

« Kiri! Hakiel! Je l’ai trouvé! Je l’ai trouvé! »

Précipitamment, nous nous dirigeâmes sous le couvert grâce à la voix de la petite Fae aux cheveux pastel, qui nous indiqua, à notre approche, la position d’Irisée. En quelques bonds, ma mère les rejoignit et il me fallut plus que quelques sauts pour arriver à leur hauteur. Effectivement, la petite Fae aux cheveux blancs, aux ailes violacées, était là, cachée sous quelques touffes de fougères qui la camouflaient à merveille. Les yeux fermés, les poings serrés, elle dormait, mais d’un sommeil qui nous semblait, par les larmes qui lui débordaient des yeux, vraiment cruel. Faisait-elle un cauchemar? Que se passait-il? Doucement, je me rapprochais de la Fae et me mit à quatre pattes juste devant elle. Avec autant de délicatesse, je chuchotais son nom, mais elle ne me répondit pas. Intrigué, ma mère me poussa gentiment sur le côté pour voir si elle respirait. Sa poitrine se soulevait, ses narines se dilataient lorsqu’elle expirait.

« Pourquoi elle ne se réveille pas?

- Je vous avoue que je n’en ai aucune idée… Mais nous ferions mieux de la ramener auprès de ses amies. Peu importe le mal qu’elle a subi, elle est toujours en vie. Elle dort, tout simplement… »

Très paisiblement, avais-je envie de rajouter, mais je me retins en croisant le regard anxieux de ma camarade ailée. Tendrement, je passais l’un de mes doigts dans sa chevelure pastel tout en lui soufflant qu’elle n’avait pas à s’en faire. Ma mère savait ce qu’elle faisait.


Toute la nuit, nous l’avions passé à chercher les « Faes pleureuses ». Elles ne semblaient pas être nombreuses, mais après plusieurs heures de recherche infructueuses, d’appels produits par Coccie pour attirer leur attention, elles avaient fini par se montrer à nous. Lentement, timidement, elles sortirent des arbres et de quelques buissons tout en nous jetant des regards suspicieux. Que faisions-nous là? Et surtout, que faisait Irisée avec nous, ainsi, dans les bras de Kiri? Coccie expliqua immédiatement la situation à ses consœurs et chacune d’entre elles, après quelques instants, se mirent à sourire, à soupirer ou à pleurer de joie.

« Merci! Merci à tous les trois! Irisée… Irisée et moi, nous nous étions disputées et… et elle a fui, ce matin, notre cabane, sans un mot. Nous l’avons cherché toute la matinée et en soirée, nous commencions à désespérer. Mais elle est là maintenant… Ma petite sœur… Ma tendre amie… »

La Fae s’approcha de Kiri et posa sa petite main sur le front de sa sœur. Les deux ne se ressemblaient pas du tout, mais les sentiments qu’elles partageaient l’une pour l’autre faisaient qu’elles considéraient qu’elles faisaient partie d’une véritable fratrie.

« Irisée, petite fleur, réveille-toi. Je suis là. Tu n’as plus à t’en vouloir. Ta sœur te pardonne et s’excuse d’avoir élevé la voix contre toi. »

Nous apprîmes, un peu plus tard, qu’Irisée pouvait se plonger dans un sommeil profond lorsqu’elle était rongée par les remords et la culpabilité pour se détacher de ses sentiments négatifs. Dans cet état, rien ne pouvait la réveiller à l’exception de la voix de la personne à qui elle avait fait du tort. C’est ainsi qu’Irisée se réveilla, battant des paupières, encore humides par les larmes qu’elle avait versé dans son sommeil. Les deux sœurs se sourirent et, sans un mot, s’élancèrent dans les bras l’une de l’autre. Puis, dans un grand éclat de rire collectif, toutes les petites Faes de la communauté se collèrent pour un gros câlin qui leur réchauffa le cœur. Pour les avoir aidé à retrouver Irisée, les Faes nous proposèrent de rester auprès d’elles pour le reste de la nuit, ce que nous acceptâmes d’emblée, bien heureux de pouvoir nous reposer un peu. Mais avant de fermer les yeux, je fus entraîné dans une drôle de petite tradition faerique. Chaque personne devait conter une histoire avant d’aller se coucher? C’était amusant d’entendre les autres raconter, rire et s’amuser. Cependant, lorsque vint mon tour, je me renfrognais instantanément sur moi-même.

« À toi, Hakiel! Lis-nous une histoire! Lis-nous une histoire! »


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La fée disparue | Solo

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