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 La Légende de la Femme qui décima les siens [Solo]

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Dim 31 Juil 2016, 13:03

La neige avait recouvert l'Antre de la Dame de son blanc manteau. La lune était à son zénith, éclairant la douce couverture dont le sol avait été muni. Dans la cheminée crépitait un feu merveilleux duquel les flammes semblaient valser lentement entre elles. L'odeur qui flottait dans la bâtisse était celle de la Luxure en Flacon, sucrée et exotique. Le tapis de fourrure qui recouvrait une grande partie de la pièce abritait deux êtres, étendus là. L'homme maintenait son bras sur la Démone, l'empêchant ainsi de s'échapper si l'idée lui eut traversée l'esprit. Il avait envie de l'apprivoiser, bien que la tache soit colossale. Il avait l'éternité pour le faire et bien des atouts dont elle n'avait point encore conscience. « Aimez-vous ne point m'appeler ? » demanda-t-il avec un sourire. « Votre nom est imprononçable. » répondit-elle. Ses cheveux rougeoyants étaient étendus, mêlés avec la fourrure, comme plusieurs ruisseaux qui se seraient perdus dans des montagnes blanches. Disait-elle ceci parce que le fameux nom de son époux était difficile à articuler ou parce qu'il valait mieux ne point l'invoquer ? Le mystère devait rester entier. Ses lèvres s'étirèrent un peu plus. « C'est vrai... ». Il pivota pour retrouver sa position initiale, entre ses cuisses. Elle se mit à rire. « Hé bien, je ne pensais pas vous inspirer la moquerie ainsi. Ce n'était pas vraiment l'effet recherché. ». Ses yeux rouges dans les siens, elle redevint sérieuse. « Vous êtes insatiable. ». « J'ai les moyens de l'être. Quant à vous... je croyais que vous étiez une sulfureuse capable de mettre à genoux la Luxure elle-même ? M'aurait-on menti sur la marchandise ? Je risque de demander le divorce si c'est le cas. ». Elle sourit, relevant alors le défi. Elle passa sa main sur le cou de l'homme, exerçant une forte pression sur cette partie si sensible de l'anatomie. Profitant de son avantage, elle reprit le dessus, le chevauchant à présent. Le fixant de haut, elle le dominait de sa hauteur et appréciait la situation. « Détrompez-vous mon cher. Je me considère plutôt comme une Orgueilleuse, envieuse et revancharde. Je n'use de mon corps que pour mieux vous asservir. Je ne retire aucun plaisir de nos ébats. » fit-elle d'un air fier. Il rit. « Oh ça je n'en doute pas. Vos cris de tout à l'heure me semblaient bien trop puissants pour être vrais en réalité. Vous venez de briser mon ego. ». Les deux s'adonnaient délicieusement à ce genre de joutes verbales. Mitsuko avait du mal à admettre qu'il était capable de la faire lâcher prise, juste avec ses doigts. Il était le meilleur amant qu'elle n'ait jamais eu, l'un des rares hommes à avoir eu le privilège de la prendre plus de deux fois sans en subir des conséquences néfastes et l'un des rares hommes, également, qui n'était pas à son service. À ses cotés, elle était légèrement différente, plus joueuse, moins dominante. Cependant, en raison de son identité, la chose était sans doute des plus logiques. « Je dirai, pour votre défense, que c'est sans doute en pratiquant que l'on en vient à exceller. ». « Devant tant d'intellect, si je n'étais pas déjà votre mari, je pense que je m'agenouillerai devant vous pour quémander votre main. ». Il attrapa sa main, venant la poser sur son torse. « Vous savez, je n'aime pas avoir à faire cela mais... ». Il se téléporta, apparaissant derrière elle. Sa main parcourut ses hanches, venant se perdre entre ses cuisses un instant avant qu'il ne s'unisse une nouvelle fois à cette femme qui était sienne.

Quelques longues minutes plus tard, les deux époux avaient retrouvé leur position initiale, comme une ritournelle qui ne pouvait en finir. Finalement, peut-être que chacun cherchait les limites de l'autre. Encore essoufflée, la Démone ne disait rien. Elle avait toujours trouvé les hommes plats et inutiles après l'amour. Elle exécrait leur membre vidé de puissance. Lui était différent. Il se remettait vite de tout ce qu'elle pouvait lui faire subir et semblait ne point connaître cette fatigue qui écrasait les autres et les rendait vulnérables. S'il n'avait pas été aussi alerte, sans doute aurait-elle déjà tenté de le tuer. Elle rit brièvement, pensant un instant à Lucifer qui devait être aussi furieux qu'un père surprenant sa fille avec le fils de son ennemi juré. Grand mal lui en fasse, il ne souhaitait pas l'aider, elle l'écraserait. « Vous devriez me trouver un prénom, au cas où vous auriez à me présenter à votre entourage. ». « Je doute qu'une telle situation se produise. ». « Auriez-vous honte de moi ? ». Elle se mordit la lèvre inférieure, tournant son visage vers lui, laissant le suspens s'installer quant à sa réponse. « Cela se pourrait. Après tout, nous ne l'avons fait que trois fois depuis que vous êtes arrivé ; une bien piètre performance si vous souhaitez posséder mon avis. ». « Oh. Je vois. Je ne me doutais pas que vous comptiez. Je vais devoir me rattraper de ce pas. ». Il marqua une pause avant de lui murmurer. « À vrai dire, ce n'est point réellement votre avis que je désire posséder. ». Il se tourna un peu plus vers elles, contemplant son corps. Elle n'avait pas besoin de la Luxure en Flacon pour provoquer les plus basses envies chez les êtres. Elle avait été faite pour convaincre les foules, pour écarter ses opposants d'un regard. Quand bien même elle était aujourd'hui sublime, elle était encore loin de ce qu'elle avait été jadis ; une femme considérée comme une véritable Déesse dans un Monde où les Ætheri avaient cessé de se manifester. Il se demandait si elle arriverait à atteindre les sommets qu'elle visait, si elle serait une menace dans un avenir proche. Certains Mortels arrivaient à se faire passer pour ce qu'ils n'étaient pas, à se faire prier comme s'ils étaient des Dieux. Les Hommes étaient si stupides. Beaucoup favorisaient l'étude du combat, corporel ou magique ; peu se penchaient sur leur développement intellectuel. C'était dans ce gouffre inexploré que se basait la force d'êtres comme elle. Il savait qu'il la contenterait, que, cette nuit, la Dame Rouge le supplierait d'arrêter de la faire sienne. Il gagnerait en ce qui concernait la luxure, parce qu'il n'avait pas de limites. Cela faisait bien longtemps à présent que sa force était suffisante pour que son corps lui appartienne totalement. Il contrôlait chaque parcelle de son anatomie. Il n'était, de plus, pas soumis à certaines lois universelles. Ses doigts se mirent à courir de nouveau sur le corps de la sulfureuse avec délice.

« Vous me devez quelque chose, il me semble... » fit la Démone entre deux respirations affolées. Elle commençait à le haïr passionnément. De nouveau couchés l'un à côté de l'autre, sa peau était moite, son corps exténué mais contenté. La sensibilité de ce dernier semblait exacerbée et, finalement, elle pensait très sincèrement ne pouvoir tenir un énième assaut de sa part. Rien que son doigt sur le bas de son ventre, qui parcourait la zone située au dessus de sa hanche, était une douce torture. « Manquerai-je à mes devoirs maritaux ? » demanda-t-il avec un ton qui laissait clairement entendre qu'il savait parfaitement de quoi elle parlait. La lune était à son zénith et il lui devait le récit d'une partie de son existence. Les anecdotes étaient nombreuses en réalité. « Votre histoire ne se racontera pas toute seule, en effet. ». Il sourit. « Je sais que vous êtes passionnée de contes et de légendes. Vous auriez donné beaucoup jadis pour entendre de ses lèvres le conte de l'homme aussi âgé que l'était l'Océan. ». Elle ne cilla pas et, pourtant, il parlait là d'un temps qui ne lui semblait point si lointain. Ce temps était celui où Naram-Sin était son Génie. Elle avait nourri sa puissance en souhaitant, encore et encore. À vrai dire, ils avaient contribué à la domination de l'un et de l'autre. La sienne sur le Monde, celle du Génie sur son peuple. Elle se souvenait encore de ses silences parfois. Cet homme avait toujours eu d'étranges lubies. Les mots qui suivirent la tirèrent de ses pensées. « Malheureusement, je n'ai pas de contes à mon nom. Je trouve cela bien trop pompeux à dire vrai. Seuls les plus grands mégalomanes s'érigent un titre comme celui-ci, titre qui, selon mon point de vue, réduit beaucoup l'être en lui-même. ». « Trouvez-vous que je sois mégalomane ? » demanda-t-elle alors. « Vous répondre ne vous aidera en rien, ma chère. Et puis, vous vous doutez bien que l'orgueil conduit forcément à réaliser de multiples erreurs. Je pense que vous n'avez aucun enseignement à tirer de moi en ce qui concerne les péchés. Vous excellez dans ce domaine. ». Il parlait de façon légère mais les mots qu'il prononçait étaient captés avec beaucoup d'intérêt par son épouse. « Certes, c'est pourquoi je ferai en sorte que ma puissance soit à la hauteur de mon orgueil. ». « Je n'en doute pas un seul instant. C'est aussi pour cette raison que je vous ai épousée. Je ne suis pas homme à m'accompagner de faiblesse. ». Il marqua une pause, attrapant l'une de ses mèches de cheveux entre ses doigts. « Quoi qu'il en soit, comme je vous le disais, il n'y aura pas de titre à mon histoire. Aussi, puisque je suis chaotique, je vous la conterai dans le désordre. Ce sera à vous de réfléchir sur mes mots, sur les événements que je vous murmurerai pour posséder l'époque de la scène. Je suis certain que l'exercice ne sera guère trop difficile pour vous. ». Il avait raison. Mitsuko avait beaucoup étudié l'histoire. Derrière ses airs de femmes légères et faciles se cachait un esprit entraîné et empli des nombreux ouvrages qu'il avait parcouru à travers le temps. Pour la Démone, le hasard et la chance n'existaient pas. Elle était seule à décider de son hasard, elle était seule à provoquer sa chance. « Vous me connaissez plutôt bien pour un Anonyme. » chuchota-t-elle. Peut-être trop bien. Elle n'avait pas passé son temps, jusqu'ici, à se fabriquer une solide réputation de luxurieuse écervelée pour qu'un homme fraîchement débarqué de son île la perce à jour. Néanmoins, encore une fois, elle ne pouvait rivaliser avec ce dernier. Il la connaissait mieux que quiconque, c'était un fait. Elle avait souhaité jouer avec plus puissant qu'elle et, pour une fois, s'était brûlée incommensurablement. « Oui, je ne m'en cache pas. Aussi, sachez que je ne raconte jamais rien par hasard. Si je vous cède ce qui appartient à mon histoire, ce soir ou un autre soir, j'entends à ce que vous soyez suffisamment alerte pour en saisir les tenants et les aboutissants. Mes récits vous concerneront toujours, directement ou indirectement, surtout indirectement. Je n'aime pas mâcher le travail. J'aime simplement révéler le strict nécessaire. À vous d'en saisir l'opportunité. ». Les mystères qu'il se plaisait à distiller éveillaient l'intérêt de la Démone.

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Dim 31 Juil 2016, 13:04

« Je possède cette île depuis des siècles et des siècles. Auparavant, se dessinaient dessus quelques habitations autres que celle-ci. En réalité, elle a longtemps été considérée comme une terre où la religion y trouvait une place prédominante. Les êtres venaient ici pour prier leurs Dieux mais, curieusement, aucun culte n'y était dominant. Il faut savoir que les vestiges de ces habitations, tombées lors de la grande guerre qui opposa les Ætheri aux Enfants de Pandore, sont encore présents sur votre propriété, disséminés entre les arbres. Certains des bâtiments survécurent néanmoins, abritant par la suite bien des secrets, tombés dans l'oubli depuis. Là encore, si la chance vous sourit et si vous y prêtez une certaine attention, vous pourrez retrouver les ruines de ceux-ci. Un ou deux sont encore intacts pour tout vous avouer. ». Il marqua une pause, la regardant un instant. « J'aimerai que vous fermiez les yeux et que vous imaginiez ce que je vous conte. Mon histoire vous semblera d'autant plus réaliste ainsi. Vous n'avez nulle crainte à avoir, je déteste ne point terminer un récit. Si je devais vous tuer, cela ne serait qu'à la fin de ce dernier. ». Il rit brièvement, amenant ses doigts sur les sourcils de la Démone. Il les baissa lentement pour la forcer à fermer ses mires rougeoyantes. « Imaginez cette propriété en des temps reculés. Imaginez tous ces êtres, appartenant à divers peuples, se réunir ici pour prier ceux qu'ils considéraient comme des Divins. Imaginez cette guerre, les cris de ceux se faisant attaquer par surprise en pleine prière. Cette guerre, qui opposa les Djinns aux Ætheri n'est sans doute point si différente que celle que nous vivons aujourd'hui. Des massacres par millier pour une simple idéologie non partagée. Les Hommes sont emplis de folie et tombent dans des extrémismes qu'ils se vantent souvent de ne point pouvoir atteindre un jour. Les Hommes sont ainsi, après tout. Ils contemplent la faute des autres, les méandres de la non raison d'autrui, et se targuent que, jamais, ils agiront ainsi. Simplement, les plus bavards sont également ceux qui se laissent le plus souvent endoctriner, sans même s'en apercevoir. Ils pensent leur cause juste sans comprendre que toute cause qui est défendue l'est dans les yeux de celui qui la défend. Cette île a connu bien des époques et son sol est imprégné de ce qui fut, jadis. Je ne sais si vous en avez conscience mais le Destin souhaitait que vous l'acquériez. Elle n'est pas quelconque. Elle est chargée d'histoire, de celle qui pourra vous servir si vous arrivez à lire entre les lignes de mon récit. La tache ne devrait guère être trop ardue. ». Il laissa s'écouler quelques secondes, admirant son visage. Elle semblait endormie mais il savait qu'elle ne l'était pas. Elle l'écoutait avec toute l'attention dont elle était capable, enregistrant chacun de ses mots dans son palais mental. Cette notion de palais intérieur n'était en réalité sans doute connue que des plus érudits, de ceux qui avaient compris comment classer et retrouver une information rapidement. La voix de cet homme, qui répondait au doux nom d'Anonyme dans le discours de la Démone, était calme, douce et chaude. Il avait l'art de raconter, d'embarquer les êtres vers des terres insoupçonnées et d'éveiller l'imaginaire de celui qui l'écoutait. Il souhaitait qu'elle visualise ce qu'il lui murmurait. L'importance de ses dires était on ne peu plus réelle. « L'île a toujours été foulée par bien des pieds. Hommes, femmes et enfants y trouvèrent refuge à bien des époques et bien que la magie des Ætheri semble l'avoir quittée aujourd'hui, je me permets de vous signaler qu'il n'en est rien. Tels des Esprits veillant sur ce que les Hommes ont créé pour leur rendre hommage, ils veillent sur elle. Du moins, cela est ce qui se dit parfois. La vérité est peut-être à rechercher ailleurs après tout. De vous à moi, je devrais vous tenir rigueur de l'inclination de votre cœur pour Sympan. Néanmoins, j'ai toujours vu les choses de manière plus large. Le Créateur n'est qu'un Æther parmi ceux qui œuvrent chaque jour de par le Monde. Pour moi, toute guerre n'est qu'inutile. Il ne pourrait y avoir un vainqueur. Tous se doivent d'exister. Que ferait Sympan seul ? Et, surtout, que serait le Monde sans lui ? La réponse est à rechercher dans le néant. De ce fait, et parce que je ne suis en aucun cas tenu de me positionner, mon amour pour les uns et pour les autres m'oblige à une neutralité parfaite. Cependant, mon avis n'a que peu d'importance puisque je n'existe pour beaucoup que sous une unique initiale. Je suis inexistant pour les autres, tel un Esprit bien trop vieux pour espérer un jour retrouver un corps. Pire que cela, si j'étais bel et bien un Esprit, je ne le souhaiterai pas. ». Il révélait des bribes de ce qu'il était ou non. Si elle avait pu apercevoir son identité, il n'en restait pas moins tout aussi mystérieux. Il savait qu'elle se doutait de certains éléments mais elle était loin de détenir la vérité. Il aimait la regarder. Sur son visage, aucune expression ne trahissait le moindre sentiment qu'elle aurait pu éprouver. Elle était simplement sublime et secrète sur ce qu'elle pensait. Il l'admirait en un sens, autant qu'il le pouvait. Il ne l'avait pas choisie pour rien. Descendant ses doigts sur sa joue, il la caressa avec douceur. Il aimait la perdre dans les prémices d'une histoire qu'il n'avait pourtant pas encore réellement commencé. Il était pourtant temps de remédier à ce fait.

« Je me souviens d'une femme qui, au beau milieu d'une nuit sans lune, arriva sur cette île. L'île aux Secrets est sa deuxième appellation et vous en comprendrez bientôt tout le sens, comme si tous les secrets d'une époque devaient se retrouver condensés ici. À vrai dire, cela faisait la deuxième fois qu'elle y mettait les pieds. La première avait sonné le glas de son état lorsqu'elle s'y rendit pour la seconde fois. Si ma mémoire est bonne, cette créature vous ressemblait énormément. Son corps en aurait damné plus d'un si une aura de bonté ne s'était pas échappée d'elle. Je peux insinuer sans me tromper que les Démons et les Déchus devaient nourrir à son égard des envies toutes particulières. Les êtres trop bons, comme elle semblait l'être alors, ont la fâcheuse tendance à éveiller ce qu'il y a de plus terrible chez les pécheurs, à les pousser à la faute, inéluctablement. Ange de son état, ses quatre ailes étaient immaculées, un affront pour ceux qui lui étaient opposés en tout point. Sa beauté n'était pas faite de naïveté et d'innocence. Cette femme avait de lourdes responsabilités, des responsabilités qu'elle aurait voulu fuir. C'est ce que je pensai instantanément lorsque mes yeux se posèrent sur elle. Je n'étais pas insensible à ses charmes mais je remarquai bien vite, sans qu'elle ne soupçonne ma présence, qu'elle n'était guère seule en son corps. Niché au creux de son ventre, un être se développait lentement mais sûrement. ». Il sourit, se rappelant de cet instant. Il se servait de sa magie pour façonner un monde dans l'esprit de Mitsuko. Il lui laissait le loisir de mettre des visages sur les personnages mais posait les fondations de son histoire afin de la guider au mieux vers ce qu'elle devait entre apercevoir. « Bien sûr, la question à se poser était celle de savoir ce qu'une femme comme elle, puissante et riche, venait faire ici, sur une île qui avait connu bien des tourments peu de temps avant et qui n'était plus que l'ombre d'elle-même. Certains bâtiments existaient encore, bien entendu, mais le confort de ces derniers s'apparentait à celui de certains monastères où les moines font vœu de simplicité et d'abstinence. Le strict minimum lui était offert sur cette île. Pourquoi la choisir alors ? Pourquoi fouler son sol alors qu'elle aurait pu jouir de l'aisance de son palais ? ». Il se souvenait. « Sa robe blanche caressait le sol et ses pas d'une lenteur exacerbée prouvaient ô combien elle tenait à cet être qui avait trouvé sa place en son sein. Le père absent, elle n'avait pour toute compagnie que celle d'une femme à son service, qui s'occupait d'elle avec une motivation et une foi inébranlables. Ses journées passaient dans la plus grande simplicité. Tel un oiseau ne pouvant voler, elle ne bougeait guère énormément, se contentant de faire quelques pas autour de l'habitation qu'elle avait fait sienne. Elle brodait parfois, chantait d'autres fois, accompagnée de sa suivante qui excellait dans l'art de jouer du violon. Ses gestes étaient emplis de douceur mais il était aisé de voir qu'elle avait également appris à faire face aux malheurs. Cette femme était fondamentalement bonne mais avait perdu ce qui, souvent, cause la perte des bénéfiques. Elle savait le Monde cruel, elle comprenait que le combat contre le mal ne s'arrêterait jamais. Pire que cela, elle partageait son Âme avec la créature la plus mauvaise qui soit. Comment annihiler les ténèbres lorsque l'on sait pertinemment que le faire nous condamnerait à une mort certaine ? Cette femme savait et là se situait toute sa beauté. Elle était belle parce qu'elle était brisée, elle était belle parce qu'elle avait fauté et que le ciel ne l'avait pas punie. Le désir l'avait envahie et elle avait succombé au péché de luxure dans les bras d'un Déchu dont l'ardeur sut la toucher. Nul n'est à l'abri, n'est-ce pas ? Pourtant, elle était là, consciente de son tort, un tort que personne ne semblait lui reprocher. Ses ailes ne s'étaient pas ternies comme elles auraient dû l'être. Cette constatation la hantait de jour en jour. Sans doute se questionnait-elle sur ce qu'elle était réellement. Était-elle si bénéfique que cela ? Est-ce que le ciel ne la punissait pas uniquement parce qu'elle portait sur ses épaules les fondements d'une idéologie qui se serait brisée si son Esprit avait été noirci ? L'injustice des événements la plaçait dans une position inconfortable. Elle à qui il avait été répété sans cesse que le mal ne pouvait aimer, que le mal devait brûler et périr sans plus tarder, voilà qu'elle remettait en question tous les préceptes qui lui semblaient pourtant aussi vieux que l'était le Monde. Dans les guerres incessantes, les Anges avaient tué des Démons, partant du principe que ceux-ci n'étaient que mauvais. Avait-elle eu tort d'ordonner les massacres que les livres d'Histoire content aujourd'hui ? Avait-elle eu tort de se laisser guider par des conseillers qui, finalement, n'en savaient peut-être pas plus qu'elle sur le fonctionnement de cet Univers ? Jamais elle ne rejeta l'enfant qu'elle portait. Ses questions existentielles, sans doute, nourrirent le bébé qui devait naître d'ici plusieurs lunes. Elle mangeait peu, dormait ce qu'il fallait, mais son esprit lui, était plongé dans les abysses d'une philosophie sur laquelle elle ne pouvait faire que réfléchir. Elle à qui il avait été confié qu'elle était la plus grande puissance de ce Monde, voilà qu'elle se pensait toute petite, questionnant le vide qui ne pouvait lui répondre. Seuls les Ætheri l'auraient pu mais ils n'étaient pas présents, en ce temps là. ».

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Dim 31 Juil 2016, 13:05

Le regard de l'homme se tourna vers le feu qui crépitait avec moins d'intensité. Lentement, il passa sa main juste au dessus du visage de Mitsuko, lui chuchotant quelques mots. « Restez ici, ne bougez pas. ». Elle ne répondit pas, comme si le sommeil l'avait emportée, cette fois. Doucement, sans presque faire de bruit, il se leva. Il attrapa l'une des bûches qui se trouvaient disposées dans un petit meuble en fer puis la plaça dans l'antre. Restant accroupi ici quelques secondes, il sembla chercher l'inspiration dans le cœur du brasier, admirant les flammes entourer le bois de leurs bras pour mieux le dévorer ensuite, à petit feu, doucement mais sûrement. L'Antre de la Dame, ce nom avait également une signification, une histoire qui lui était propre mais, celle-ci, il la lui raconterait un autre soir. Pour le moment, il convenait de la guider pas à pas vers des questionnements qu'elle n'avait jamais encore soulevé. L'existence des êtres comme elle provoquait des phénomènes on ne peut plus curieux. Faisait-elle partie de ces Grands, de ces Uniques dont le Destin avait été façonné par les Divins eux-mêmes, ou était-elle le fruit du regard que les Mortels avaient porté sur elle, eux qui avaient voulu croire en sa suprématie et qui, de par leur simple foi, avaient créé ce qu'elle était devenue du temps de son règne ? Était-elle née puissante ou l'était-elle devenue à la façon des Dieux qui jouissaient de l'attention de leurs fidèles, un peu plus chaque jour ? Beaucoup de questions pertinentes n'avaient jamais été posées par les historiens et autres érudits. S'ils en avaient le titre, parfois, ils n'en avaient pas les réelles capacités. Ses yeux dans les flammes, il trouvait que si aucun autre élément n'aurait pu définir sa femme en apparence, ce dernier ne lui correspondait en réalité pas. Elle était tout et rien à la fois, une créature indomptable qui pouvait allumer le brasier d'un amour ardent comme glacer un cœur pour l'éternité. Peu la connaissaient réellement et il se demandait même si elle se connaissait elle-même suffisamment. Le Monde l'avait cantonnée à une image bien précise et bien qu'elle en joue afin de distraire l'ennui et de tromper ses adversaires, il se demandait où se situaient les limites de sa compréhension vis à vis d'elle-même. Certains disaient jadis qu'elle était la fille de Sympan et lui savait que ces crétins auraient dû avoir la langue tranchée avant de proférer pareilles âneries. Pourtant, il n'existait pas qu'un Monde dans cet Univers mais bien des milliers. Les mystères de ces Terres laissaient déjà pantois quatre vingt quinze pour cent de sa population alors en envisager d'autres, venant de créations où encore moins avaient pu poser un orteil ou même envisager, semblait être chose bien utopique. Les flammes dansaient, se caressant entre elles comme il avait pu l'effleurer plus tôt. La Démone restait silencieuse et immobile, comme plongée dans un rêve éveillé. Peut-être l'avait-il hypnotisée ? Il resta là encore un moment, pensant à diverses choses. Combien de temps durerait cette guerre idiote ? Les Hommes avaient-ils toujours besoin de s'affronter, d'éprouver la souffrance avant de se rendre compte que leur combat était inutile ? Cette constatation n'était malheureusement pas donnée à tout le monde. Les plus faibles se contentaient de suivre les plus forts qui, souvent, répondaient à ce qui était attendu d'eux. Un Roi ne pouvait se positionner contre les valeurs ancestrales de sa race, sinon les puissants et anciens lui faisaient amèrement regretter ce choix. Un Roi avait les pieds et poings liés par l'Histoire. L'Impératrice de la Nuit venait d'ailleurs d'en faire l'expérience. Au final, les peuples suivaient les Rois qui suivaient les peuples. La boucle infernale, un cercle vicieux qui ne devait jamais se tarir. Il se demandait quelle serait la finalité de cette guerre, ayant du mal à envisager que les Ætheri périssent à jamais en cas de victoire du Créateur et vice versa. Cette fin n'était connue de personne, même les Rehlas en perdaient leurs cheveux, pris dans un dédale profond, pris dans l'hésitation des Étoiles devant tant de possibilités changeantes. Lui-même semblait des plus ennuyés par la situation, légèrement blasé à cet instant. Pourtant, parfois, lorsque l'envie prenait possession de lui, ses réflexions le poussaient dans un état extatique. Cette nuit, cependant, rien ne paraissait pouvoir venir troubler le calme de son Esprit hormis le crépitement du feu. Il lui semblait inutile de se morigéner sur la finalité et il n'avait pas encore l'outrecuidance d'avouer qu'il la connaissait. Il ne savait pas, il ne faisait que l'envisager. Son souffle vint doucement troubler le feu qui sembla le lui rendre dans un bruit identique. Il devait retourner à son histoire, continuer d'instruire cette femme qui était la sienne sur un passé qu'elle connaissait déjà en partie mais dont les éléments fondamentaux lui échappaient. C'était plus qu'une grossesse honteuse, bien plus que cela. C'était une idéologie qui avait grandi dans l'esprit de celle qui ne comprenait pas pourquoi le sort ne l'avait pas rattrapée. Se relevant, il vint s'asseoir de nouveau sur le tapis fait de fourrure, aux côtés de la Démone. Il espérait qu'elle comprendrait. De cette histoire dépendait la possibilité pour elle de retrouver ce qu'elle avait toujours cherché, depuis des années. Des sacrifices devraient être faits mais, après tout, la Mort devait rattraper ceux qu'elle avait laissé filer lors des prémices de l’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, entre autres. Son regard parcourut le corps nu de sa femme. Il était certain qu'elle n'avait pas froid. Malgré la neige qui avait recouvert la propriété, le feu qui brûlait dans la cheminée maintenait la pièce à une température on ne peut plus élevée. Il pourrait continuer à murmurer son Histoire jusqu'au petit matin sans que le souffle de la glace ne vienne s'emparer d'elle. « Vous êtes magnifique. » chuchota-t-il plus comme une constatation personnelle que comme un compliment. Il y avait, de par le Monde, des femmes plus belles qu'elle mais, de jour en jour, ces dernières se faisaient de plus en plus rares.

« Bien, comme je vous le disais, cette femme aux longs cheveux blonds réfléchissait chaque matin un peu plus à cette idéologie qui lui avait été inculquée tout au long de sa vie. Était-elle véridique ? D'où tirait-elle ses fondements ? Sans doute est-ce là le propre de toutes les femmes qui portent un jour un enfant de remettre en question chaque chose. Certains appellent ce phénomène l'instinct maternel et sans doute ont-ils raison sur ce point, bien que mon statut m'empêche d'en être sûr. Cette douce créature angélique se questionnait donc sur le futur de son bébé. Quel Monde souhaitait-elle lui offrir ? Un Monde en guerre perpétuelle entre deux clans opposés qui se haïssaient cordialement du simple fait de leur naissance ? Un Monde qu'elle gouvernait à moitié, elle, fière représentante du bien, qui avait pourtant péché sans que nulle punition ne l'atteigne ? ». Il marqua une pause, ses yeux parcourant les vallées du corps de la Démone. « Alors, comme si elle ne pouvait garder toutes ces pensées pour elle, comme si elles étaient trop nombreuses pour ne point l'assaillir et la dominer, elle se mit à écrire chaque jour, remplissant bien des pages, des milliers de pages jusqu'au moment de son accouchement. Cette histoire, je suis sûr que vous la connaissez. Cette femme, aussi belle qu'une rose sans épine, vous envoya une lettre jadis, afin de vous expliquer son état, afin de vous supplier de garder son secret et de lui pardonner ses fautes. Jamais vous ne dîtes rien, comme si le lien qui vous unissait était bien plus fort que tout le reste. Plus fort que le bien et le mal, plus fort que les guerres, ce lien pourtant avait été brisé dès votre plus jeune âge, lorsque les Grands et les Sages décidèrent que, pour le bien de l'avenir du Monde, il valait mieux vous séparer. Les Grands et les Sages... ». Il rit, son cynisme apparaissant clairement. « Encore des abrutis qui pensaient sans doute avoir tout compris au Yin et au Yang.». Son commentaire passé, il reprit le cours de son récit. « Pourtant, je crois me souvenir que vous seule avez envoyé Némésis auprès de cette créature, comme si vous vouliez la faire sombrer dans le péché, à son tour. Votre entreprise échoua et peut-être est-ce pour cela, en réalité, que vous avez décidé de garder le secret. Une femme qui ne pouvait succomber aux péchés aurait terni le mal à jamais. Cette non déchéance aurait été un fardeau pour les deux camps, un secret qu'il valait mieux garder voire, même, enterrer. La pureté des Anges s'en serait retrouvée affectée, tout comme la capacité du mal à entraîner la perte du bien, d'une manière ou d'une autre. ». Ses hypothèses n'en étaient pas en réalité. Après tout, il y avait ce que le bas peuple croyait, ce que les érudits pensaient être la vérité et la vérité. Ceux qui se targuaient de savoir étaient rarement ceux qui savaient réellement. Lui affirmait, sans chercher à prouver la véracité de ses propos. Il n'en avait pas besoin. « Au fil des jours, les pages des carnets de votre sœur se remplissaient et nulle réponse ne lui était encore parvenue. Elle attendait un miracle, priait le ciel puisqu'elle ne pouvait se confier à un Divin et, finalement, quelqu'un apparut. Cet homme était habillé de bleu clair et les traits de son visage étaient si fins et élégants qu'il aurait pu être confondu avec une femme sans aucune difficulté. La fragilité de son corps paraissait être en totale inadéquation avec la force de sa magie et de son esprit. Dansant comme les feuilles mortes emportées par le vent, il alla à sa rencontre, lui chuchotant les secrets du Temps. Elle qui voulait connaître, elle qui voulait savoir, voilà que l'opportunité tant escomptée se présentait à elle. Pourtant, cet apprentissage avait un prix, le prix de la renonciation d'une royauté qui avait été au fondement de toute son existence. Elle n'était guère sûre d'être en mesure de faire un tel sacrifice. Le devait-elle seulement ? Après tout, sans son commandement, le bien avait-il une chance de s'en sortir intact ? L'homme, dans sa sagesse, lui répondit, les rimes coulant entre ses lèvres avec une aisance merveilleuse, que les Grands de ce Monde étaient comme des marionnettes, des avatars d'une idéologie et d'une force que le peuple pouvait, en réalité, porter seul. Personne ne la regretterait et un autre viendrait prendre la place vacante. Il lui avoua qu'il était bien égocentrique de penser un seul instant être irremplaçable et que la vérité était toute autre, à l'opposé de ce qu'elle pouvait croire. Alors, après une réflexion de plusieurs nuits, elle accepta d'apprendre les principes qui régissaient le Temps, afin de saisir, ne serait-ce que du bout des doigts, toute la complexité de ce Monde. C'est ainsi que votre sœur, l'histoire oubliant ce fait, devint Maître du Temps. ».

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Dim 31 Juil 2016, 13:06

Un verre à la main, Mitsuko fixait les arbres qui s'étendaient à l'horizon. La révélation qui lui avait été faite la veille changeait bien des choses, elle ne pouvait le nier. Elle n'avait pu réagir tout de suite, perdant conscience à la fin de l'histoire sans nulle possibilité de lutter. Il avait dû la porter jusqu'à son lit au creux duquel elle s'était réveillée quelques longues minutes plus tôt. Il lui avait laissé un paquet et un mot. Elle n'avait point encore ouvert le premier. Elle n'avait point encore lu le deuxième. Ses préoccupations étaient ailleurs et elle ne pouvait s'empêcher de songer en boucle à ce qu'avait été la vie de sa sœur après cette décision dont elle ignorait tout. Oh bien entendu, elle-même était tombée enceinte quelques années après et elle était morte dévorée par son enfant, emportant forcément sa jumelle avec elle. Seulement... oui, le fait que la Reine du Bien ait décidé de devenir Maître du Temps ne conférait plus la même saveur à l'histoire. Cette sotte passait d'une femme que ses conseillers abrutissaient de préceptes infiniment idiots à une femme qui avait la connaissance. La Démone but une gorgée de jus d'orange fraîchement pressé par l'un des domestiques que son époux avait consenti à lui laisser. Le liquide jaune-orangé se trouvait dans un verre à pied, comme s'il avait été un grand cru. Elle n'aimait guère boire dans autre chose. Une fois le geste terminé, ses yeux se posèrent sur le verre, admirant les vagues minuscules que le mouvement avait créé. Cette révélation était telle une vague, une énorme vague qui venait renverser tout ce qu'elle pensait connaître de sa sœur jusqu'ici. Elle commençait à douter de certaines choses. Elle avait cru certaines dû au hasard mais, en réalité, à présent que sa réflexion avait été libérée d'une barrière non négligeable, elle se demandait si cette sotte n'avait pas décidé de les éliminer toutes les deux pour que le Monde soit débarrassé de leur présence, pour que la neutralité règne et que la guerre cesse. En serait-elle capable ? Aurait-elle était capable de sacrifier sa vie ainsi ? Cela n'avait pas de sens. Une telle décision signifiait se donner la mort, se suicider et, de ce fait, devenir une Ombre. Mitsuko soupira. Elle allait bien trop loin dans ses idées. Lucifer aurait su si une telle chose s'était produite jadis. Il l'aurait su, oui, mais lui aurait-il révélé ? Furieuse de se perdre dans le dédale des possibilités, elle finit par jeter brutalement son verre par la balustrade, le bruit caractéristique du bris retentissant quelques secondes après ce geste. Après quelques secondes, elle sentit deux bras l'enlacer sans la moindre gêne. La Démone ne se raidit pas. Elle avait envisagé cette possibilité, même si elle trouvait cette dernière peu probable. Selon elle, cet homme était un véritable danger public. Elle savait qu'il aurait pu la tuer d'un simple geste. Elle savait également qu'elle lui avait donné quelques sueurs froides dans un futur qui n'existait plus aujourd'hui. « Azaël, lâchez-moi. » fit-elle, comme si elle s'adressait à un enfant tout en se dégageant. Elle n'allait pas attendre qu'il lui obéisse. Se retournant, elle fit face à l'homme qui souriait d'une manière trop bonne et apaisante pour que cela puisse lui plaire. Lorsqu'elle pensait qu'il était le fils de Zéleph Shizuo Stark, elle avait bien du mal à se l'imaginer. Il ressemblait bien plus à un autre homme de sa connaissance. Pourtant, le mariage réprouvé empêchait ce genre de conception hors union. Elle avait dû se rendre à l'évidence : la magie bleue rapprochait des êtres qui n'avaient rien à voir les uns avec les autres. « Il semble que vous ayez hérité de la faible constitution physique de votre mère. » dit-elle tout en continuant à l'examiner. Cet homme avait les traits si fins qu'il aurait pu passer pour une femme sans nul problème. Ses yeux bleus étaient profonds, comme si l'océan entier se trouvait à l'intérieur. Azaël savait. Azaël voyait. Les secrets de ce Monde n'en étaient pas pour lui. Le Maître du Temps se contentait d'ailleurs de maintenir son sourire, sans dire quoi que ce soit, comme si c'était à elle de deviner ce qu'il souhaitait lui confier. Sans doute rien d'important, pensa la Démone en l'observant. Peut-être était-il simplement venu pour confirmer qu'il était bien celui qui avait appris les secrets du Temps à sa sœur ? Quel homme étrange, se dit-elle en le regardant s'avancer vers la balustrade telle un danseur à l'élégance manifeste. D'un saut qui sembla ne lui demander aucun effort, fait dans la légèreté la plus absolue, il grimpa sur le bord de ce qui les séparait du vide. L'espace pouvait se tordre selon ses volontés, il pouvait naviguer dans le temps, tel le plus grand pirate que les Mers aient un jour porté. Elle commença à jouer son jeu, à rester, elle-aussi, silencieuse. Mitsuko savait que le présent de cet homme se trouvait à Bouton d'Or et avait, là encore, du mal à imaginer qu'une éducation réprouvée ait pu donner un être tel que lui.

Après quelques longues minutes où il semblait toujours ne point faire attention à elle outre mesure, elle commença à se lasser de sa présence. S'il ne souhaitait pas parler, grand bien lui en fasse, mais elle n'allait certainement pas débuter une conversation sur du vent. Certes, elle avait des questions, certes, son esprit se débattait dans le labyrinthe des possibles, mais quelque chose lui disait qu'il ne répondrait pas. Il se contenterait de lui énoncer quelques phrases en rimes, mystérieuses au possible, qu'elle ne comprendrait sans doute jamais avant d'avoir trouvé elle-même la solution. À dire vrai, ils ne s'étaient jamais réellement rencontrés. Pourtant, il lui semblait le connaître. Il était comme l'homme aussi vieux que l'était l'Océan. Il lui révélerait tout, sauf ce qu'elle avait besoin de savoir. « Bien, bonne journée, Azaël. » fit-elle en marchant vers la porte fenêtre. Il apparut alors devant elle pour lui barrer le chemin. Voilà, on y venait. Il avait beau être un Maître du Temps, ses pitreries n'avaient d'intérêt que pour les spectateurs qui les contemplaient. Le manque de public anéantissait ses mises en scène. Néanmoins, Mitsuko savait parfaitement quelles étaient ses capacités. Il était sans nul doute le plus puissant de ses descendants, si elle ne comptait pas sa mère, bien entendu. « Je souhaitais vous proposer, lorsque le temps viendra, de nous rejoindre à jamais, au creux de nos bras. ». Elle rit brièvement. « Me proposez-vous de devenir Maître du Temps à mon tour ? ». L'avait-il bien regardé ? « Si je vous disais oui, vous auriez à me courir après pour avoir trahi tous vos préceptes. Et, soyez sûr que je les trahirai uniquement lorsque tous les secrets du Temps m'appartiendraient, de façon à pouvoir vous échapper à jamais. ». Elle posa sa main sur l'épaule de l'homme qui en sembla outré. Telle mère, tel fils, le proverbe était on ne peut plus véridique. « Allons, allez jouer ailleurs, Azaël, et laissez donc les grandes personnes à leurs réflexions. Je n'ai guère besoin que vous me serviez de récréation avec vos piètres prestations. ». Quoi qu'elle dise, elle savait qu'il avait pu le deviner au préalable. Le Temps avait cela de magique que les probabilités se réduisaient au fur et à mesure que celui-ci passait. S'il avait quelque chose d'intéressant à lui confier, il le ferait. Sinon, il s'en irait et, à dire vrai, elle n'appréciait la compagnie des bouffons que lorsqu'elle les avait elle-même convié. Azaël sourit néanmoins. Leur charisme était sans doute à peu près équivalent mais sa magie était grande et venait magnifier sa silhouette d'une aura bleutée impressionnante. Mitsuko savait pourtant qu'il ne la tuerait pas. Elle ne représentait pas une menace imminente pour l'équilibre et, quand bien même, celui-ci semblait déjà assez mis en péril par la guerre ambiante qui se déroulait chaque jour de par le Monde. L'homme se mit à jouer avec ses doigts, traçant un chemin à son pouce qu'il posait, dans un rythme parfait, tour à tour sur son index, son majeur, son annulaire et son auriculaire. Lui aussi avait d'étranges lubies, mais elle ne s'en formalisait pas. Elle attendait simplement une quelconque action de sa part. Le fait est qu'elle avait tout son temps, ce qui semblait être son cas également. Un individu pressé aurait déjà perdu patience en insultant l'éphèbe et en le menaçant de sa lame. « Et comment se porte votre mère, mon cher ? » demanda-t-elle sur le ton de la légèreté. Mitsuko Edelwyn Taiji Stark était la seule de ses descendantes qu'elle ne pouvait contrôler comme bon lui semblait. Les Divins avaient cela de particulièrement irritable. « Quand les secrets s'emparèrent d'elle, comme le lion s'empare de la gazelle, alors elle pria le ciel, pour oublier cet essentiel. ». La Dame Rouge tiqua. Il était agaçant à parler comme un prophète, usant de métaphores, de comparaisons et de sujets qu'il était difficilement aisé d'identifier. « Je suppose, en effet, que les secrets du Temps ne sont pas à mettre dans toutes les têtes. Ma sœur a été élevée toute sa vie durant selon des préceptes dans lesquels elle croyait aveuglément. Lui apporter la solution a dû provoquer un véritable tremblement de terre au sein de son être. La folie a sans doute battis un véritable empire dans son esprit, grâce à vous, Azaël. ». « Mais l'oubli ne vint pas, ô malédiction éternelle, et sa bonté trouva trépas, son cœur se faisant cruel. ». La Démone plissa doucement les yeux, comme si elle cherchait à savoir s'il essayait de la tromper. La représentante du bien qui aurait embrassé le mal était aussi crédible que de dire que les Anges extrémistes n'étaient pas des êtres sanguinaires. Après un petit silence, elle finit par ouvrir la bouche. « Et... de ce fait, vous me proposez, à moi, de suivre votre enseignement dans l'espoir que mon cœur devienne bon ? ». « Il le deviendrait, ô ma douce amie, et vous délivrerait, du mal ennemi. ». Elle se mit à rire. Il était fou de penser un seul instant pouvoir la convaincre. D'ailleurs, cette discussion n'avait strictement aucun sens. Il devait savoir parfaitement quelle serait, encore et toujours, sa réponse. La solution était donc à chercher ailleurs. Il lui disait quelque chose. Mais quoi ? Il y avait un point essentiel dans ses dires qu'elle n'arrivait pas à dénicher. Du moins, bien entendu, la noirceur de l'Âme de sa sœur était une révélation de taille mais ce fait semblait hors propos. « Certes. Merci d'être venu mon cher. Je vous offrirai bien à boire mais je crains que vous ne soyez pressé par le temps. ». Elle sourit, s'enfonçant dans la demeure sans se retourner. Azaël resta un moment silencieux puis se mit à chanter en dansant la valse. « Je chante pour toi, par les champs et les bois, j'ai le cœur aux abois, car je cours après l'amour. ». Puis, il disparut.

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Dim 31 Juil 2016, 13:06

Une fois qu'Azaël fut parti, la Dame Rouge s'approcha de la petite table où se trouvait le colis et le mot que lui avait laissé son époux. Elle les fixa tous deux un instant, puis s'empara du petit carton. « Je suis certain que vous serez une aventurière des plus désirables. W. ». Son sourire s'étira, imaginant déjà ce qu'il y avait dans le paquet. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle ne fut pas déçue : une tenue complète offerte, afin de parcourir la propriété. Elle prit le tissu dans ses mains, constatant qu'il était souple tout en lui conférant une protection non négligeable. Les vêtements étaient on ne peut plus séduisant et alliaient l'utile à l'agréable. Il la connaissait bien, trop sans doute. À vrai dire, elle n'avait pas pris sa décision le concernant. Elle savait de source sûre qu'il était possible d'éliminer les Ætheri alors, lorsque les êtres les plus puissants de ce Monde pouvaient périr, la question qui se posait était : pourquoi pas lui ? Toute chose avait une fin et, malheureusement pour les intérêts de son mari, elle avait déjà connu la sienne. Elle sourit de plus belle. « Hum... ». Elle ne le tuerait pas tout de suite. Elle n'en avait pas les moyens et, pour avouer l'inavouable, elle n'en avait pas envie. La Dame fit glisser sur le sol le tissu léger de la tenue qu'elle portait précédemment, une simple robe de chambre en soie, semi transparente qui n'avait pourtant pas arrêté Azaël dans ses attouchements enfantins. Dépliant le présent, elle l'enfila et, une fois que ce fut fait, attacha ses cheveux en un chignon haut, veillant tout de même à ce que quelques mèches en sortent, retombant en cascades sur sa peau. Elle gardait presque tout le temps sa chevelure lâchée. Néanmoins, cette île était un véritable mystère et elle savait mieux que quiconque à quel point laisser libre un élément ayant le pouvoir d'obstruer la vue était une manœuvre dangereuse et idiote. Elle se chaussa des bottes en cuir assorties puis se dirigea de nouveau vers le balcon. Elle sortit ses ailes noires comme l'ébène puis sauta, atterrissant doucement sur le sol. Elle aimait marcher et, de ce fait, les Rachitiques disparurent. Après quelques minutes, elle se rendit compte que la forêt était de plus en plus dense mais qu'il n'y avait nulle trace des anciennes habitations. Elle avait bien cherché des cartes détaillées de la propriété après son acquisition mais elle n'en avait pas trouvé. Son mari avait simplement ri lorsqu'elle les lui avait demandé, prétextant qu'il n'avait pas besoin des plans d'un domaine qu'il connaissait sur le bout des doigts. Elle tracerait elle-même ce qui lui serait utile pour la construction de ce qu'elle avait l'intention de déchaîner sur Zane pour pimenter leur jeu. Après tout, elle ne pouvait se contenter d'aller le voir de temps en temps, à quelques réceptions. Il se lasserait de sa présence ainsi. Faire des attouchements au Monarque Démoniaque n'était plaisant qu'au début. Ils valaient tous les deux mieux que cela. La passion était toujours bien plus délicieuse lorsqu'elle s'éveillait au beau milieu d'une guerre houleuse et mortelle. Elle n'avait point encore l'armée qu'il fallait mais elle ne doutait pas que la chose viendrait, bientôt. Elle brûlerait l'Enfer et enflammerait le cœur aride de son Empereur, juste par plaisir. Puis, lorsque tout serait détruit, elle s'en irait en riant, retournant à d'autres projets. Tel était son plan. Elle avait d'ailleurs le temps d'y réfléchir plus amplement en marchant puisque, pour le moment, rien ne s'imposait à sa vue hormis les arbres et l'herbe, même pas une ancienne ruine ou un animal sauvage effrayé par le rythme de ses pas. S'en était presque navrant. Cela dit, elle pouvait tout de même apprécier ce qui faisait sa propriété. Bien que surplombant l'île, la demeure était protégée d'une épaisse forêt et était invisible depuis cette dernière. Perdus dans les bras des arbres, les étrangers qui n'avaient pas la capacité de voler se perdraient forcément. « Hum... » fit-elle tout en réfléchissant. Elle perdait patience et, finalement, se dit qu'elle n'allait pas marcher toute la journée. Elle fixa les alentours, sa vision changeant quelque peu. Les Esprits commencèrent à se dessiner petit à petit. Faisant quelques pas vers une femme qui semblait arrêtée là à fixer quelque chose, elle l'aborda. « Excusez-moi, j'aurai besoin d'un renseignement. ». Appâter les Esprits était un véritable jeu et, à vrai dire, tous n'étaient pas des plus coopératifs. « Tel le Manoir des Syrkell, il faut la clef pour découvrir le tombeau de la Reine du Bien. » fit simplement cette dernière avant de s'en aller à une vitesse qui n'était possible que pour les Morts. La Démone fut étonnée de cette révélation. Ce qui restait du corps de sa sœur reposait donc ici ? Elle sourit devant cette coïncidence qui, elle le savait parfaitement, n'en était pas une. L'acquisition de l'île, le fait d'épouser son propriétaire, il y avait tant d'éléments qui semblaient étrangers les uns aux autres mais qui, en réalité, étaient liés. Perdre son temps à chercher un bâtiment qui, visiblement, était verrouillé, ne l'avancerait à rien. Elle avait d'autres choses plus importantes à faire : comme trouver ce qu'était la fameuse clef. Ouvrant de nouveau ses ailes, elle s'envola plus haut que la cime des arbres afin de repérer la bâtisse que tous citaient comme étant maudite. Voler jusqu'à elle ne fut pas bien difficile. Une fois sur le balcon qu'elle avait quitté plus tôt, elle s'avança dans la pièce et fit retentir une cloche afin que les domestiques qui lui avaient été rattachés apparaissent. Bientôt, elle transférerait une partie de ses biens de son domaine du Rocher au Clair de Lune ainsi que la majorité de ses serviteurs. Une fois qu'ils furent tous présents, elle se mit à marcher de long en large, calmement, ses hanches glissant tour à tour d'un côté et de l'autre d'une manière sensuelle. « J'aimerai que vous fassiez quelque chose pour moi. » commença-t-elle pour annoncer la couleur de la tache. « Vous allez vous munir de parchemins et de plumes et parcourir la propriété. Chacun de vous devra dessiner le plan le plus complet possible des lieux et, ensuite, nous mettrons en commun vos travaux pour obtenir la carte la plus fidèle possible de l'endroit. ». Elle ne prendrait pas le risque de leur attribuer à chacun une zone précise. Elle ne les connaissait pas si bien que cela et si, dans le lot, il y avait plusieurs incompétents à la vue ou à la calligraphie douteuses, elle devrait reprendre tout l'ouvrage. En comparant ce qu'ils feraient, en trouvant des points de concordance et des points de divergence elle saurait à qui se fier et, peut-être, découvrirait-elle que certaines particularités de l'île ne se révélaient que pendant un laps de temps très précis. « Vous partirez en même temps mais commencerez depuis une zone différente. Vous dormirez sur place. À vrai dire, vous ne rentrerez pas avant d'avoir terminé. Je veux ces plans le plus rapidement possible et je ne serai point ici quoi qu'il en soit. Je reviendrais à la prochaine pleine lune. Jusqu'au moment où nous nous retrouverons, j'attends de vous la plus grande minutie et la plus exquise motivation. ». Ses mots étaient tout à fait banals mais son ton était celui d'une séductrice. D'ailleurs, sa voix chaude et sensuelle aurait pu éveiller bien des pulsions si les êtres ne connaissaient pas le langage commun. « Sachez que j'ai l'art et la manière de récompenser ceux qui le méritent et, en contre partie, de châtier ceux qui ont eu l'indélicatesse de me décevoir. ». Les derniers n'étaient plus là pour en parler. Oh, ils pouvaient toujours la hanter sous leur forme d'Esprits mais, en réalité, elle n'écoutait et ne voyait que ceux qu'elle désirait. Si l'un d'eux la dérangeait, elle annihilait la magie et le problème était vite résolu. Elle avait tué tellement d'individus qu'elle ne comptait plus. Durant l’Ère du Yin et du Yang, les morts pleuvaient, qu'elle les assassine directement pour passer le temps, ou indirectement en donnant l'ordre à ses troupes d'attaquer les troupes ennemies. Les guerres que sa sœur et elle-même se livraient avaient toujours été destructrices. Dans ce combat incessant pour savoir qui du Bien ou du Mal l'emporterait, il y avait eu bien plus de pertes que de gains. Endoctrinées toutes les deux dans des préceptes qui n'étaient que pures idioties, elles ne voyaient alors pas qu'elles se détruisaient elles-même à vouloir en finir avec l'autre. Heureusement, elles ne s'étaient jamais affrontées directement. Elles envoyaient des hommes que les conseillers du bien disaient être nés pour le servir et qu'elle, s'étant débarrassée des crétins qui avaient cru pouvoir dominer son existence, considérait comme de la chair disponible et obéissante, n'ayant que faire de leur trépas. Ce temps si particulier, elle le regrettait dans un sens mais absolument pas dans l'autre. Sa sœur et elle vivaient dans un Monde différent où il n'y avait nulle place pour la neutralité et où personne ne comprenait encore que le Bien ne pouvait exister sans le Mal et vice versa. Cette équation étant à présent ancrée dans son esprit, Mitsuko n'avait pourtant pas l'intention de cesser son combat contre les Anges et leurs semblables. Néanmoins, sa vision des choses étaient différentes. Elle savait que le Mal devait défier le Bien. C'était vital. De ce fait, elle n'agissait plus pour détruire une notion qui ne pouvait disparaître, elle agissait pour son plus grand plaisir, libre de toutes contraintes, libre de cette notion même de victoire qu'aucun des deux camps ne pourrait jamais espérer obtenir un jour. Et, aujourd'hui, celui qu'elle défiait n'avait rien de bénéfique. Le Mal pouvait-il se détruire de lui-même ? Elle le découvrirait bien assez vite. En attendant, elle vérifia que les domestiques de son mari – les siens à présent – aient bien compris ce qu'elle leur demandait. La tache n'était pas bien complexe mais prendrait un temps conséquent. Quant à elle, elle avait une idée. Puisque le Palais du Millénium était réapparu de nulle part après le retour supposé de Sympan, elle se devait de remettre les pieds dans ce château qui avait été sien de moitié jadis. Sorti du passé, elle ne doutait pas que les objets d'antan se trouvaient toujours à l'intérieur. Elle foulerait le sol du Palais de sa sœur et verrait ce qu'elle pourrait y trouver. Si les cahiers que l'Ange avait écrit se trouvaient à l'intérieur alors elle en apprendrait sans doute plus sur la fameuse bâtisse qu'elle avait côtoyé durant sa grossesse et sur le tombeau qui était sien à présent.

S'approchant de la balustrade du balcon de sa demeure, la Dame fixa l'horizon. Elle la sentait, grouillée au plus profond de son être, cette magie qu'elle avait perdu. Elle avait ce pressentiment inexplicable qu'elle retrouverait bientôt une partie de ce qui avait été égaré. À ce moment précis, elle ne ferait plus que jouer. À ce moment précis, ce serait de nouveau la guerre.

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Dim 31 Juil 2016, 13:07

Une fois arrivée dans le Palais du Millénium, Mitsuko resta un instant dans la pièce principale. Il lui semblait entendre les murmures du passé, comme si la magie du lieu était encore intacte. Elle la sentait, vibrer en elle. La chose paraissait irréelle et, pourtant, sa présence en ce lieu changeait bien des éléments. Ce Palais n'était pas fait pour être reconstitué ainsi. La partie maléfique se mélangeait à la partie bénéfique, comme si, jamais, le Mal et le Bien ne s'étaient opposés. La Dame Rouge se mit à observer les Esprits. Eux aussi la regardaient. Certains devaient être là depuis tellement longtemps, ne bougeant pas de cet endroit où ils avaient servi toute leur existence durant. Elle ressentit une frisson lorsque l'un d'eux posa genoux à terre. Les autres l'imitèrent, à l'exception de ceux qui avaient été au service de sa sœur. Elle sourit, relevant imperceptiblement la tête. Le Monde dans lequel elle vivait aujourd'hui avait oublié la grandeur qui avait été sienne jadis, les pouvoirs qu'elle avait alors possédé. Les Esprits, eux, n'oubliaient pas. Son pied frappa le sol, espérant que la magie de l'endroit soit toujours intacte après que le temps ait fait son chemin. Ses vêtements changèrent, une robe noire venant l'envelopper de son tissu soyeux. Une cape apparut sur ses épaules, épaisse et majestueuse. Et, plus que tout, la couronne qui était sienne jadis fut repositionnée sur sa tête. Le Monde avait oublié mais cette bâtisse était en partie la sienne. Elle y avait pris toutes les décisions importantes concernant les Terres. Tous les ordres de bataille, elle les avait donné ici depuis le balcon, s'adressant à des milliers et des milliers d'êtres qui n'attendaient que de boire ses paroles et d'agir en son nom. Et quand bien même les Souverains d'aujourd'hui pouvaient être grisés lorsqu'ils faisaient un discours public devant leur peuple, ils ne sauraient jamais ce que c'était que de le faire devant des centaines de milliers d'individus. La Démone monta les escaliers et sortit sur le balcon, contemplant le continent mystérieux. Elle était revenue une seule fois ici depuis sa mort et rien ne s'était produit. Pourquoi ? Le mystère resterait sans doute entier. Les yeux fixant l'horizon, elle sut qu'elle n'était plus seule à la seconde même où l'Æther apparut. Vêtue de la robe blanche que portait jadis sa sœur et de l'hermine qui lui servait de cape, la couronne du Bien était parfaitement posée sur ses cheveux blonds. Les deux femmes semblaient ne point appartenir à la même famille. L'une était grande, l'autre petite, l'une avait des formes à s'en damner, l'autre était dans la moyenne, l'une avait les cheveux rougeoyants, l'autre les avait tels les champs de blé, l'une fixait le Monde de ses yeux enflammés et l'autre possédait un vert malicieux. « J'ai légèrement contribué à sa montée sur le trône. » fit la blonde dans un sourire amusé. « Vous avez bien fait, ma chère. » répondit la Démone. Un silence s'installa alors qu'Edelwyn posait ses poignets sur la balustrade. Elle se mit à fixer, elle aussi, le paysage mais, au delà du paysage, elle contemplait bien davantage. Elle contemplait le Monde, tous ces êtres qui respiraient et qui, d'une seconde à l'autre, pouvaient se voir voler leur Âme par une Ombre de passage. « Vous devriez devenir Æther si vous souhaitez voir le Monde se prosterner devant vous. ». La Dame Rouge sourit, posant à son tour ses mains sur la rambarde. « Si je soutiens Sympan à l'heure actuelle, c'est uniquement parce que je compte me débarrasser des divins dans un avenir plus ou moins lointain. Je trouve que les Hommes doivent être libérés de votre toute puissance. Je ne suis pas sotte, vous le savez bien. J'ai vécu à un temps que très peu peuvent se targuer d'avoir connu. J'ai trépassé et je suis revenue d'entre les Morts pour hanter de nouveau ce Monde. Je sais parfaitement que votre puissance n'est rien sans les prières de ceux qui croient en vous. Jun me l'a assez raconté. Lorsque vous étiez si faible que sa présence seule vous maintenait dans le réel. Sans cet homme que vous vous plaisez à torturer, vous auriez plongé dans l'oubli ». La blonde sourit à son tour. Échanger des politesses en famille avait toujours été une coutume chez les Taiji. « Certes, je ne vous contredirai pas sur ce point mais soyez sûre que je lui rends actuellement le soutien qui a été le sien jadis. ». « Par l'intermédiaire de cette enfant ? Hum... bravo, votre imagination vous honore. Outre prendre des risques inutiles quant à votre existence, je ne vois pas l'utilité de la chose. Néanmoins, vous êtes la Divinité, je ne suis qu'une pauvre Mortelle à l'intelligence étriquée face à la votre, omniprésente et clairvoyante. ». Le silence revint, les deux femmes ne se regardant pas. Elles fixaient le Monde, en bonnes Souveraines qu'elles avaient été par le passé. L'Æther finit par briser l'absence de bruit. « C'est amusant votre doux rêves de détruire les Dieux. Je le possédais moi-même jadis. Voyez l'ironie de la situation. ». Elle rit brièvement, le malaise étant pourtant palpable. « Avouez que vous espérez voir les Ætheri perdre. » fit la Dame en plantant cette fois ses yeux sur le visage de sa descendante. Elle savait que cette dernière retenait sa prestance. Elle voulait discuter, et non abattre son courroux sur elle. Dans le cas contraire, elle aurait probablement déjà été à terre, à la supplier. Les Dieux avaient cela d'énervant qu'ils pouvaient plier la volonté de n'importe quel être, même des plus orgueilleux. La blonde ne dit rien. « Vous voudriez qu'ils perdent parce que, la vérité, c'est que vous vous ennuyez sur votre piédestal divin. Vous préféreriez vous perdre pour de bon dans les bras de votre abruti de mari plutôt que de tendre l'oreille aux prières d'êtres que vous méprisez. Vous ne régnez pas sur le Monde, ma chère, vous régnez sur ceux qui vous prient, même si vous aimeriez voir la plupart croupir au fond des abysses. Vous êtes l'esclave des Mortels, comme tous les Ætheri que le Monde ait un jour porté. ». Elle rit, se moquant ouvertement de la blonde. « Votre vie est pathétique. Alors, que vous veniez ici, vous adresser à moi afin de me suggérer de devenir une Déesse, est réellement le comble de l'ironie. ». Elle la connaissait comme si elle l'avait faite. Ce n'était pas totalement faux car son Esprit avait partagé l'Âme de la jeune femme toute sa vie durant. Elle n'avait pu se débarrasser de sa présence que lorsqu'elle était devenu Æther. « Maintenant, vous avez peur. Vous souhaitez que votre camp perdre mais vous n'avez aucune idée de ce qu'il adviendra de vous ensuite. Personne ne peut savoir comment cette guerre se terminera selon moi. Les Dieux à l'image des Maîtres du Temps doivent trembler à l'intérieur de leurs Temples comme des enfants en bas âge ne trouvant pas leur mère. Les Hommes se déchirent pour savoir qui a raison, comme lorsque ma chère sœur et moi régnions sur ce Monde. La vérité, je pense, c'est que personne ne détient cette dernière. Le combat n'est qu'un leurre et tout ce que j'entrevois, moi, c'est que le nombre de prières a augmenté de façon déraisonnable, rendant les Dieux bien plus puissants selon cette logique implacable que je vous contais plus tôt. Je peux me tromper, bien entendu, ce ne sont que les hypothèses d'une femme qui n'a jamais touché le divin. Néanmoins, je me demande réellement si Delta parle au nom de Sympan ou si, au final, tout ceci n'est pas qu'une mascarade. Delta n'est peut-être qu'au service d'un Æther trop malin qui lui a fait croire qu'il était l'Originel et, de ce fait, se bat en réalité pour grossir la puissance de ce dernier, tout en servant la cause des autres Dieux d'un même temps. Sachez que j'applaudirai l'entreprise s'il s'avérait qu'elle était celle-ci. ». Elle marqua une pause. « Savez vous ce qui différencie nos deux temps ? Avant, les Hommes nous voyaient, ma sœur et moi, presque comme des Déesses mais nous étions vivantes, palpables. Aujourd'hui, les Hommes croient en des Divinités dont l'existence peut sérieusement être remise en doute. Ils croient du vent, des suppositions. À croire qu'ils aiment, à votre image, prendre des risques. Et savez-vous ce que je crois à votre égard ? Je crois que la situation actuelle vous excite. Vous avez peur mais ce sentiment vous grise plus que tout. ». La blonde souriait depuis un petit moment déjà. Elle finit par planter ses mires dans les yeux de son ancêtre. « Aimer le danger est héréditaire dans notre famille. Vous ne prenez guère beaucoup de risques à énoncer une vérité que tout le monde connaît. Pour ce qui est du reste, votre éloquence vous honore mais je ne saurai dire si vous avez raison ou bien tort. Mais quelle importance au final ? Les Hommes se sont toujours battus pour des broutilles insignifiantes. Il suffit de leur donner un argument de potentiel désaccord pour qu'ils se jettent les uns sur les autres comme des loups défendant leur territoire. Je sais depuis longtemps que la vérité n'importe qu'à très peu d'êtres, des êtres comme vous et moi qui finissent par s'ennuyer devant la trop grande connaissance accumulée. Le Monde est composé à quatre-vingt-quinze pour cent d'abrutis qui n'ont que faire de la vérité mais s'intéressent bel et bien à leur vérité à eux. Qu'importe ce qui est, c'est ce qu'ils croient être qui a de la valeur. Quant à vous, je suppose que vous avez passé des jours et des nuits à élaborer vos théories concernant cette guerre. Vous m'en énoncez une comme si j'avais le pouvoir de vous indiquer si vous vous approchez de la Vérité mais sachez que cette Vérité m'échappe également et que, comme vous l'avez si bien dit, si je tremble en attendant la suite, cette dernière m'excite. J'ai brisé mon lien marital avec mon mari pour éviter qu'il ne meure si je venais à disparaître. À présent, il ne me reste plus qu'à attendre que la fin se présente. ». La Démone soupira. « Vous me dégoûtez, le savez-vous ? Jadis, la flamme brûlait en vous. Quand je vous regarde aujourd'hui, j'ai l'impression que vous avez le triple de mon âge et que vous avez décidé de vous cantonner à un rôle de passivité écœurant. Vous êtes très loin de la femme qui, il y a longtemps, souhaitait détruire les Ætheri et agenouiller les peuples devant elle. ». « Sans doute ne peut-il point y avoir deux Taiji avec cette même idée. » dit la blonde en souriant. La Dame Rouge se mit à rire. « J'ai l'impression que pour vous motiver, ma chère, il faille vous défier. Ne vous inquiétez pas, je ferai ce qui est dans mon pouvoir pour que vous retrouviez cette flamme qui vous manque à présent. ».

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Dim 31 Juil 2016, 13:08

La blonde sourit un peu plus encore. « Vous ne croyez pas si bien dire, Aria. Vous courrez après quelque chose qui vous échappe mais lorsque la vérité aura effleuré votre esprit, vous et moi serons ennemies à jamais. ». La Déesse marqua une pause avant de continuer. « Votre plus grande fierté est votre famille. Vous pensez à la gloire des Taiji mais ce que vous ignorez, c'est que cette gloire freine votre ascension. ». La Dame Rouge ne souriait plus. Ses yeux étaient à présent plissés, signe qu'elle n'aimait pas la situation et essayait de lire entre les lignes des mots qui sortaient de la bouche de sa descendante. L'autre rit, reportant son attention sur le paysage merveilleux qui s'offrait à elles. « Allons, pensez-vous sincèrement qu'en possédant les secrets du Temps, votre sœur ignorait ce qui allait se passer ? ». Son sourire ne diminuait pas. « La puissance qui était votre jadis dépassait l'entendement. Jamais des Mortelles n'auraient dû posséder pareille magie et pourtant... pourtant, vous existiez bel et bien, toutes les deux. Voyez Azaël... sa puissance n'a rien à envier et, pourtant, la Reine du Bien était plus forte que lui. Les pouvoirs du Temps acquis, elle sut. Elle sut que vous vous feriez dévorer par votre fille, elle sut que vous trouveriez, avant l'inévitable, le moyen de revenir à la vie et, à vrai dire, elle sut qu'elle n'y parviendrait pas. Sans elle pour contrebalancer votre magie, le Monde serait forcément déséquilibré. Alors, elle sacrifia sa pureté pour apprendre les arts occultes dans le plus grand secret. La folie qu'elle endura après s'être nourrie de la connaissance ne put prendre le pas sur la raison qui la poussa à cet acte allant à votre encontre. Votre sœur vous maudit. ». Le silence s'installa à nouveau, la Dame Rouge fixant à son tour le paysage, y perdant ses yeux, son esprit occupé à réfléchir à ce qui lui était révélé. Ce n'était que quelques phrases, des phrases qui faisaient partie d'une énigme beaucoup plus grande. Elle était certaine que la blonde ne lui dirait rien de plus sur le sujet et qu'elle devrait trouver les fondements de cette malédiction seule. Sa logique faisait néanmoins déjà son chemin et elle pensait détenir plusieurs hypothèses viables. « Si vous me permettez une question, je me demande pourquoi vous me révélez ceci maintenant ? ». Elles n'avaient jamais été proches. La sulfureuse avait contribué à la montée de Jun sur le trône des Sorciers, l'avait aidé dans sa déchéance, l'avait manipulé dans un futur qui n'existait pas et avait pris le contrôle suprême dans ce même futur. L'homme avait été puni, son emprise à elle demeurait anonyme. Une injustice des plus flagrante que la Déesse représentant ce domaine n'aurait normalement pas pu tolérer. Pourtant, là où l'ancien Empereur Noir avait vécu un siècle de souffrance, elle n'avait connu aucun supplice. Aujourd'hui, elle était là, à discuter tranquillement avec l'Æther que beaucoup appelaient Drejtësi et cette dernière lui murmurait des paroles qui l'aideraient significativement pour la suite. Alors oui, la question que la Dame Rouge se posait était de savoir pourquoi elle agissait de la sorte. « Ai-je déjà eu besoin d'une raison pour agir comme j'en avais envie ? » questionna l'autre en souriant. « Vos actes paraissent parfois totalement irréfléchis, il est vrai, mais je me plais à croire que derrière cette folie apparente se cache une logique calculée avec soin. Je vous savais, de votre vivant, bien plus intelligente que je ne l'ai probablement jamais été. En tant que Divinité, je songe que votre comportement répond à cette même logique qui vous caractérisait autrefois. Je connais votre œuvre, Edelwyn. ». Elle marqua une pause. « Vous êtes la femme qui tua la Reine des Sorciers pour placer sur le trône une connaissance à vous qui, vous le saviez, des siècles après, transformerait à son tour Jun en Sorcier. Vous êtes la femme qui côtoya Orion alors qu'il n'était qu'un Magicien et qui décida d'insuffler la folie en lui pour que son œuvre terrasse le Monde. Vous êtes la femme que je soupçonne d'avoir toujours aimé Jun à sa manière mais qui refusa systématiquement de répondre à ses attentes afin de le conduire à des extrémités qui feraient, encore une fois, trembler le Monde. Vous êtes la femme qui sauta du Rocher au Clair de Lune en invoquant l'Esprit de la Mort, décidant avec une volonté d'acier que, cette nuit là, soit vous disparaîtriez à jamais, soit vous régneriez sur le peuple des Ombres. Vous êtes la femme qui asservit un ancien Empereur de la Nuit et qui s'installa sur son trône fièrement. Vous êtes la femme qui fit trembler les Maîtres Vampiriques. Vous êtes la femme dont le Destin fut changé par mes soins et ceux du Prince des Rêves mais qui réussit à en tirer un avantage conséquent. Vous êtes la femme qui réussit à découvrir le véritable prénom de ce Djinn sans pour autant jamais l'utiliser. Vous êtes celle à qui il confia son habitacle, celle qui le possède toujours. Vous êtes, de surcroît, la femme faite de la même matière que les rêves. Vous construisîtes Somnium et acceptâtes de donner une partie de votre Âme à celui avec lequel vous valsiez pour le meilleur et pour le pire. Vous êtes la Divinité qui créa la race des Chamans, permettant de nouveau au pont entre le Monde des Vivants et celui des Morts d'exister. Vous êtes la femme qui décida d'oublier son rêveur et qui se perdit dans les bras d'un homme en tout point opposé à ce qui composa un jour son éducation, cet homme qui devint, petit à petit, le plus puissant Mortel n'ayant jamais existé, Roi de son peuple, Roi de la pègre. Vous êtes la femme qui rit au nez de ceux qui ne croyaient guère un seul instant que vous puissiez devenir Æther. Vous êtes la femme qui étudia la génétique et le Cycle de la Vie et de la Mort durant des siècles avant de voler des Âmes pour constituer ceux qui sont aujourd'hui vos enfants. Et, outre, les ratés de votre entreprise qui, je n'en doute pas, seront corrigés avec le temps, vous réussîtes à porter plusieurs de vos enfants sur les trônes les plus prestigieux de ce Monde. Certains ignorent encore aujourd'hui que leur existence vous est due entièrement. Comme vous l'avez toujours fait, vous vous plaisez à ériger des Monarques, à pousser les êtres à se dépasser par divers moyens. Vous êtes la femme qui prévoit, qui manipule à sa guise et qui élabore mille projets à la fois, sans jamais souhaiter connaître le futur. Vous jouez contre le Temps et, souvent, vos paris vous annoncent gagnante. Le Destin de vos deux enfants naturels n'est qu'à envier. Votre fille jouit de la Royauté sur les Réprouvés et votre fils est l'un des plus puissants Maître du Temps que les Terres du Yin et du Yang aient un jour connu. Je ne parlerai même pas du fait que vous créâtes Séléna, partageant le reste de votre Âme en deux pour une raison que j'ignore encore mais qui, j'en suis sûre, existe bel et bien. Alors, avec tout mon respect, je crains douter quelque peu de votre réponse concernant vos raisons. Si vous me révélez un secret qui jusqu'ici était gardé précieusement, c'est que vous en avez forcément une. ». La blonde tourna ses yeux de nouveau vers la Démone. Elle semblait légèrement étonnée mais ne dit rien, la Dame Rouge lui faisant le plaisir de lui donner une explication. « Croyez-vous sincèrement que je sois comme tous ces sots qui ignorent les secrets de ce Monde ? Bien entendu, je me renseigne sur ce qui est visible par tous mais, à vrai dire, la véritable puissance appartient à ceux qui savent lire entre les lignes et trouver les véritables responsables des fléaux s'abattant sur le Monde et des décisions prises chaque jour. Vous avez choisi de vivre votre vie dans un anonymat que je peux comprendre, écartant la gloire de votre personne. Et pourtant, elle vous a toujours habitée. Mais, après tout, peut-être est-ce normal, vous qui êtes la descendante des deux femmes qui se partagèrent le Monde à une époque aujourd'hui révolue ? Vous portez mon sang et celui de ma sœur, nourris de celui de générations de femmes et d'hommes Taiji qui se sont succédées à travers le Temps, s'unissant avec des êtres puissants qui contribuèrent à la renommée de notre famille. ». Elle rit brièvement. L’œuvre de sa descendante était bien plus grande que la sienne. Elle méritait la gloire car leurs histoires étaient totalement différentes. Aria était née pour régner. Le jour de sa naissance avait scellé son Destin et les peuples du Monde virent instantanément en elle et sa sœur les futures Souveraines qui viendraient mettre fin à une époque et sonneraient le glas d'une nouvelle. Edelwyn n'avait jamais su qui elle était avant de le découvrir par ses soins. Jamais personne ne l'avait érigée Reine, elle avait dû se battre pour obtenir ce qu'elle souhaitait. « Vous avez raison, j'accorde énormément d'importance à notre famille. Néanmoins... ». Son regard se fit plus aiguisé. « Si je devais en tuer tous ses membres pour assurer ma propre pérennité, je n'hésiterai pas une seule seconde. Si ce que vous m'avez chuchotée tout bas il y a quelques minutes s'avère vrai, si les miens m'empêchent de retrouver ce qui est à moi, alors ils devront périr. ». « C'est bien de cela dont il s'agit, j'en ai peur. Et, si je suis celle qui étendit notre famille à des centaines et des centaines d'individus, vous serez sans doute celle qui la réduirez à une vingtaine d'être tant votre volonté est puissante en ce qui concerne votre magie perdue. Quoi que... je ne suis en aucun cas disposée à vous laisser faire. Priez pour que Sympan gagne car, s'il venait à perdre, je crains fort que vous ne puissiez jamais retrouver la totalité de votre puissance. Je tiens à certains de mes enfants et je ne vous laisserai jamais poser vos sales mains sur eux. ». Elle marqua une pause. « Vous avez bien énoncé mon œuvre, sans doute en oubliant quelques faits encore plus enfouis dans les profondeurs de l'insondable. Néanmoins, sachez que vous pourrez bientôt y ajouter l'histoire qui conte comment je me mis sur votre chemin et vous empêcha de retrouver ce qui vous appartient. ». « Si Sympan perdait, uniquement. ». « Certes. L'incertitude vous honore de sa présence. Je tiens néanmoins à préciser que le sort de mes ancêtres ne m'importe pas à l'exception de celui de ma mère. Jouez autant que vous le voulez avec les autres mais ne l'approchez pas, il vous en coûterait. ». « Vous me menacez alors que vous êtes celle qui vient de murmurer cette réalité. ». « Parce qu'il était temps pour vous de la connaître. ». Elle disparut.

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Dim 31 Juil 2016, 13:10

À présent seule sur le balcon, Mitsuko réfléchit. La Déesse disait-elle vrai ? La question méritait d'être creusée. Elle ne pouvait pas partir en croisade contre ses descendants uniquement sur de simples suppositions. Pourquoi l'Æther mentirait-elle ? Ce n'était pas dans ses intérêts de voir ses enfants détruits. À moins qu'elle ait un plan derrière la tête. « Hum... ». Peu importait ce qu'elle lui avait dit. La Dame Rouge n'agissait que lorsqu'elle possédait toutes les cartes dans son jeu. Il lui fallait des preuves. Elle ne bougerait aucun pion sans ces dernières. Annihiler toute une famille sur de simples suppositions n'était possible que chez les fous à lier et sa raison l'empêchait de se prêter directement à ce jeu qui, pourtant, si les dires de la Déesse étaient vrais, ramènerait à elle ce qu'elle avait perdu. Légèrement agacée par les événements, elle quitta le balcon pour s'aventurer de nouveau dans le palais. Fixant les Esprits qui se trouvaient encore là, elle s'adressa à eux. « Vous qui m'avez si bien servi jadis, montrez moi la direction de la chambre qui fut celle de ma sœur ! ». Il y eut un mouvement parmi les Morts, ceux qui œuvraient par le passé pour la Reine du Bien menaçant les autres. La Démone sourit. D'ici quelques secondes, une guerre entre eux allaient éclater. Elle avait déjà vu le phénomène plusieurs fois. Lorsque les Esprits se battaient entre eux, le perdant disparaissait. Elle doutait qu'il « meurt » une nouvelle fois mais, dans tous les cas, il était annihilé du lieu où il se trouvait précédemment. Elle n'avait pas les réponses à ce mystère malheureusement, n'ayant elle-même point tester la chose de sa mort, comme si les autres la craignaient au plus au point. Elle avait été un Esprit Parasite après tout. Sans doute devrait-elle rendre une petite visite à Seth d'ici quelques lunes ? Il lui parlerait sans doute. Et puis, lui-aussi, était un Taiji. Heureusement pour le Suprême de l'Au-Delà avait acquis son nom, il ne l'avait pas été de naissance. Comme si ses pensées avaient attiré l'homme, ce dernier apparut à ses côtés. « Vous avez cette fâcheuse tendance à trop vous servir des Esprits, Mitsuko. ». Il lui tendit son bras pour faire quelques pas en sa compagnie. « Vous savez que je ne peux m'empêcher de vous créer des tourments, Seth. Loin est le temps où vous me serviez fidèlement et j'avoue que ce dernier me manque cruellement. ». Il avait été un Ange à l'époque. Un bel Ange qui avait eu la malchance de croiser sa route par une belle après-midi ensoleillée. Elle lui avait arraché l’œil et l'avait déchu. Puis il l'avait servie des siècles durant, étant un majordome on ne peut plus efficace. Elle n'en avait jamais trouvé de semblable à ce dernier depuis qu'il lui avait préféré une autre Maîtresse. Quand elle voyait ce qu'il était devenu, elle en éprouvait une certaine fierté inexpliquée. « Vous me manquez également, bien que cela ne soit sans doute pas pour les mêmes raisons. ». Ils s'étaient tant de fois adonnés au péché de la luxure ensembles. Ses plus fidèles domestiques avaient ce droit qu'un homme qui ne lui appartenait pas ne pourrait jamais effleurer du doigt. Ceux qui n'étaient pas à elle la goûtaient une fois, peut-être deux, avant de finir dans sa casserole ou de lui échapper pour les plus puissants, rarement néanmoins. Ses serviteurs étaient bien mieux lotis. « Vous m'avez trahi tant de fois que j'aurai dû vous tuer il y a bien longtemps déjà. ». Par le passé, Seth possédait un corps fin qui allait parfaitement à son costume de majordome. À présent, ses muscles étaient saillants et les peintures chamaniques trônaient sur ces derniers, lui conférant une prestance étonnante. « Vous m'avez toujours aimé bien plus que vous n'auriez dû. Regardez nous à présent. Vous manigancez toujours avec cette élégance vous caractérisant et je gouverne un peuple. Je n'aurai pu imaginer pareille continuité, surtout celle qui fit que Jun brisa les chaînes de mon statut d'Ombre. C'était inespéré, bien que ma magie me permette alors de contrôler mes émotions et de posséder un corps fonctionnel. Lui aussi m'a sans doute toujours aimé plus qu'il n'aurait dû. ». Il sourit, fixant d'un œil impuissant les Esprits qui se battaient au rez de chaussé du palais. « Vous avez toujours servi Naram-Sin plus que vous n'auriez dû mon cher. Je ne sais pas ce que vous cherchiez, sans doute à réunir ceux qui se devaient d'être unis selon votre conception. Néanmoins, votre échec est aujourd'hui visible. ». Il fit claquer sa langue contre son palais, sachant parfaitement qu'elle avait raison. « Je n'ai toujours voulu que le bonheur de ceux que je servais. ». « Là où vous n'en éprouviez aucun. C'est louable. ». Elle marqua une pause, jetant elle aussi un coup d’œil aux Esprits. Il n'en restait plus beaucoup et il lui semblait que ceux œuvrant pour elle étaient majoritaires. Ils marchaient toujours, montant une à une les marches de l'escalier qui n'en finissait pas. Celui-ci, parfois, disparaissait sous une arche pour réapparaître plus haut encore. Le Palais était immense et sans doute se seraient-ils perdus s'ils s'étaient aventurés dans les méandres de ses tours d'ivoire et de jais. « Vous savez, loin de moi l'idée de vouloir nourrir votre ego mais j'ai toujours eu en tête que les Grands Hommes avaient également de Grands Domestiques. Vous servez ma famille depuis tellement longtemps que je vous soupçonne même de savoir ce qu'Edelwyn vient de m'apprendre, à savoir que... ». Il rit. « Ne vous fatiguez pas ma chère. Je contrôle les Esprits de ce Monde. Je vois à travers leur yeux et ils ne me cachent rien sur ce que je souhaite connaître. Je sais ce qu'elle vous a dit et, oui, effectivement, je sais ce fait depuis très longtemps. C'est pour cette raison que je suis venu ici et nullement pour un combat entre des Esprits qui, de toute façon, finiront dans l'Au-Delà s'ils perdent le duel. ». Elle mordit sa lèvre inférieure avant de demander. « Combien savent ? ». [/color]« Je pense sincèrement que nous sommes à présent trois, si nous ne comptons pas les Dieux et les Maîtres du Temps. ». « Je vois. ». Elle n'aimait pas qu'autrui apprenne des éléments qui la concernaient directement avant elle. « Ne vous tracassez pas. Je sais pertinemment que les nouvelles arrivent en temps et en heure. Si vous ignoriez ce fait jusqu'ici, sans doute est-ce parce que vous n'aviez pas à le savoir. Réfléchissez. Si cette information était arrivée à vos oreilles plus tôt, certains Taiji n'existeraient pas aujourd'hui. Peut-être que votre Destin est effectivement de retrouver ce que vous avez perdu ? Peut-être est-il tout autre ? ». Elle ne dit rien. « Une chose est sûre et je peux vous la garantir : la puissance que vous avez acquis depuis que la Vie a de nouveau été insufflée en vous n'a rien à voir avec celle que vous possédiez jadis. Sans doute la mort d'un ou deux de vos descendants a-t-elle légèrement nourri celle-ci mais cette force qui était vôtre a servi à ériger des générations et des générations de Taiji et à faire en sorte que votre famille connaisse la gloire. Mais cela n'est pas valable que pour vous. Votre sœur a également fait en sorte que la sienne circule dans les veines de ceux qui furent les enfants de Sindis. Vous comprendrez aisément l’œuvre de votre descendante à présent, celle qui s'érigea en tant qu'Æther alors que cela faisait bien longtemps qu'un Mortel n'avait point atteint le rang d'Immortel. ». La Dame Rouge ne disait rien. La force qu'elle possédait était donc celle que l'expérience lui avait insufflé dans cette vie ? Une puissance qui était étrangère à celle qui était sienne par le passé ? Elle se mit à sourire puis à rire. Si ce que Seth disait était véridique alors... « Vous m'apportez là une bien douce nouvelle. Est-ce un cycle lunaire favorable à ma personne ou est-ce qu'une mauvaise nouvelle s'imposera à moi avec autant de force bientôt ? ». Elle n'aimait pas réellement lorsque ses affaires fleurissaient sans que cela ne soit de son fait. « Si mauvaise nouvelle il doit y avoir, sachez qu'elle ne sera pas de mon fait. Néanmoins, je serai assez désappointé si vous décidiez d'éliminer vos descendants pour retrouver une puissance que les efforts que vous feriez dans cette vie pourraient vous permettre d'obtenir. ». Elle rit de nouveau. « Tuer est un effort en soi, surtout lorsqu'il s'agit des Taiji. » fit-elle pour lui expliciter un peu plus ses intentions. Il était évident qu'elle réduirait sa famille à néant pour retrouver ce qui était à elle et qu'ils avaient volé. Oh, bien entendu, ce n'était pas de leur fait à eux, ils ne l'avaient jamais voulu, mais de ce petit détail, elle se fichait totalement. Les Esprits s'étaient apaisés et ne restaient plus que ceux qui la soutenaient jadis. « Bien, si vous n'avez rien d'autre à m'annoncer, je pense que notre petite conversation va s'arrêter ici. Je me dois de trouver les écrits de ma sœur et la clef qui ouvrira son tombeau. Je veux admirer son corps reposer dans une tombe qui, je l'espère, aura su préserver toute sa beauté d'antan. ». Il ne souriait pas. Vu le nombre de Taiji existant, elle allait provoquer un véritable génocide. Et puis, en réalité, il s'inquiétait pour la suite des événements. Elle ne pourrait guère tous les tuer si facilement, cela lui prendrait du temps. Néanmoins, il savait ô combien elle pouvait se montrer efficace. Il suffisait qu'elle trouve comme prétexte une réunion de famille après avoir monté un plan parfaitement ficelé pour arriver à en éliminer une centaine par ce biais. Il avait du mal à imaginer la façon dont elle s'y prendrait. Essaierait-elle de tuer en masse pour récupérer sa force quitte à ce que les survivants se méfient d'elle comme de la peste ou essaierait-elle de les tuer un par un, petit à petit, pour que, en finalité, elle réussisse à tous les tuer d'une main de maître et gagner bien plus de puissance ? Il l'ignorait. « Je pourrai interdire aux Esprits de vous montrer la voie mais je vous connais trop bien pour espérer que cela vous bloquerait. Sans doute ce fait vous ralentirait-il mais j'en doute, encore une fois. ». « Vous êtes un homme sage, Seth et, comme vous le savez sans doute, les hommes sages ne se placent pas en travers de ma route. ». Il se contenta de sourire puis disparut du Monde des Vivants. En Esprit, il lui fit un léger signe de tête puis sortit du Palais à la manière dont il était entré dans ce dernier. Il savait que lorsque Mitsuko aurait trouvé ce qu'elle cherchait, les Taiji connaîtrait des heures sombres où le sang et le cri deviendraient quotidiens. Puissent les Ætheri être victorieux.

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Dim 31 Juil 2016, 13:12

L'Esprit guidait les pas de la Dame à travers l'enceinte du Palais depuis un temps qui semblait infini à la Démone. Néanmoins, le Mort lui avait signalé qu'ils étaient obligés de prendre des « chemins de traverse » car beaucoup de couloirs et d'escaliers étaient piégés par d'anciens maléfices d'une puissance redoutable qui auraient sans doute compliqué l'avancée de Mitsuko. Il préférait donc emprunter une voie plus sinueuse et longue en toute sécurité qu'un chemin direct criblé de pièges. Une fois qu'ils furent arrivés devant la « porte » de la pièce, l'Esprit s'inclina et laissa la Démone seule ici. Elle se mit à rire devant l'inscription qui trônait sur le mur. Les Taiji avaient toujours eu recours à ce genre de procédés. Il n'y avait pas de porte à proprement parler, juste un mur plus clair dans lequel des inscriptions dorées étaient gravées. « Seuls ceux portant en leur sein le sang de ma lignée pourront pénétrer ses murs en toute sécurité. Ceux qui ne possèdent pas cet honneur se retrouveront piéger entre ces murs à jamais, fruit de leur audace inespérée. ». Beaucoup de pièces avaient été construites sur le même modèle dans l'enceinte du Manoir Taiji. Ceux qui possédaient le don de passer à travers la matière pouvaient entrer, certes, mais la magie les bloquait pour sortir. Il n'y avait que les individus qui possédaient son sang qui pouvaient, sans que nulle magie n'entre en jeu hormis celle du mur, entrer et sortir à leur bon vouloir. La Démone savait donc parfaitement ce qu'elle allait trouver dans cette chambre. Avec un petit sourire, elle avança vers la surface dure qui la laissa entrer sans le moindre mal. Là, elle heurta un premier corps. Il y en avait des dizaines. Les murs de la chambre avaient été griffés à plusieurs reprises et des traces rouges foncées indiquaient que le sang avait été versé. Ils étaient morts ici, sans doute de faim et de soif. Elle se mit à rire. Ces êtres sans cervelle ne faisaient pas attention aux avertissements qui leur étaient lancés. Pourtant, les inscriptions étaient on ne peut plus claires. Le problème – et sans doute partageait-elle ce défaut à bien des égards – c'est que les individus pensaient que les menaces ne s'appliquaient pas à leur personne. Non, ils étaient trop biens pour cela, trop puissants et intelligents pour se laisser piéger de la sorte par deux simples phrases. La plupart avait également dû croire que ces dernières n'étaient qu'une décoration ou ne servaient qu'à faire fuir les moins courageux. Cependant, lorsque le courage se transformait en témérité, le danger devenait réel. Certes, la Dame avait comme défaut son orgueil on ne peut plus développer. Néanmoins, elle envoyait ses domestiques faire le sale travail et prendre tous les risques la plupart du temps. Elle se renseignait, également, avant de foncer tête baissée dans un piège qui, en plus, était clair comme de l'eau de roche. Repoussant le cadavre qui lui barrait la route du pied, elle se demanda ce que ces hommes et femmes étaient venus chercher ici. Elle ne doutait pas que découvrir les appartements de la Reine du Bien était une expérience extraordinaire mais, pour le coup, celle-ci avait été leur dernière. Elle rit de nouveau. Tous des abrutis.

En découvrant un peu plus les lieux, elle se rendit compte ô combien la pièce était claire et ô combien il y avait de bibelots en tout genre sur les murs. Puisque aucun n'avait été déplacé, pas même par ceux qui avaient vécu leur derniers instants ici, Mitsuko se douta que sa sœur avait protégé ses biens tout comme l'entrée de cette chambre par un sort. Là encore, ce dernier devait avoir un rapport avec le sang. Elle allait s'avancer lorsqu'un homme sortit d'un placard. Elle le fixa de la tête aux pieds. Il fit de même. « Bien. Il y a deux possibilités... » commença-t-elle après un petit laps de temps où le silence régna. « Soit vous êtes entré ici il y a peu et dans ce cas là, je le regrette mais je me dois de vous annoncer que vous allez mourir ici. Soit vous êtes là depuis un bout de temps et vu votre état général, je dirai que vous êtes un Taiji et que vous avez jugé bon de vous cacher dans ce Palais pour je ne sais quelle raison. ». Elle marqua une pause. « Dans les deux cas, je vous conseille de me donner une réponse valable dans les secondes à venir sinon je crains fort de perdre toute patience et d'abréger votre vie. J'ai déjà eu suffisamment de visites surprises pour aujourd'hui. ». La Dame Rouge, même si elle se laissait parfois tenter par des apparitions spontanées, était néanmoins une Taiji. Elle aimait contrôler son monde et, surtout, décider de recevoir ou non autrui. Edelwyn et Seth avaient jugé bon d'apparaître devant elle sans lui demander son avis ou même s'annoncer à l'avance, chose qu'elle trouvait fort impolie. Néanmoins, sans doute ne pouvait-elle point lutter contre une Déesse et un Roi. Le Suprême de l'Au Delà... elle avait toujours trouvé ce titre pompeux à souhait. Qu'importe. Son attention était focalisée sur l'homme blond qui se trouvait là. Elle n'arrivait pas à deviner quelle race était la sienne mais ses yeux verts lui rappelaient ceux de la Déesse. Il y avait dans ces derniers la même malice énervante. Elle était certaine qu'il était un Taiji. Le fait est qu'elle avait établi avec une précision quasi chirurgicale la liste des enfants de la blonde, afin d'observer ces derniers évoluer au fil du temps, et que celui-ci, sauf erreur de sa part, n'en faisait pas partie. Devant son absence de réponse mais également son absence de peur, elle s'avança, posant sa main sur la joue de l'homme qui possédait une barbe de plusieurs jours. Elle le regarda un instant dans les yeux. « Hum... Vous n'êtes pas un homme... » fit-elle alors. Elle ne savait pas réellement d'où lui venait cette certitude mais elle ne pouvait pas s'empêcher de voir en lui autre chose, une sorte de créature bloquée dans cet endroit. La texture de sa peau ne semblait pas réelle. Il avait changé d'apparence quand il avait senti que quelqu'un arrivait. S'était-il nourri des cadavres ? Elle l'ignorait mais n'avait que faire de ce qu'il était en réalité. Il ne souhaitait pas parler ? Soit. Elle avait autre chose à faire de toute façon. « Vous avez de la chance. Je suis d'humeur clémente. N'entravez pas mes recherches et vous n'aurez aucun problème avec moi. ». Elle s'écarta de lui et commença à fouiller les meubles, n'ayant aucun mal à toucher ce qui avait appartenu à sa sœur. Elle cherchait les cahiers qui lui avaient servie de journaux intimes. Cependant, la Reine du Bien était une véritable collectionneuse d'objets en tout genre. La Dame Rouge avait l'impression de se retrouver dans un magasin d'antiquités aussi bordélique que possible. La pièce était immense et les meubles ne manquaient pas. Elle mettrait la journée à trouver ce qu'elle était venue chercher. Ici et là, plusieurs dessins se trouvaient dans des cadres. Il y en avait un qui représentait sa sœur en compagnie d'un homme que Mitsuko ne connaissait pas. Un autre était un portrait de Sindis, le fils de cette dernière, celui qui était considéré par l'Histoire comme le premier Réprouvé. Parcourant les commodes et les étagères du regard, la Dame Rouge se replongea peu à peu dans le passé. La guerre n'avait jamais cessé mais, à vrai dire, les Terres du Yin et du Yang avaient connu la prospérité dans tous les autres domaines de la vie courante. L'économie était florissante à l'époque mais ce qui avait été le plus développé était l'éducation et l'accès à la culture. C'était une grande époque et il était aisé de le savoir vu que la planète dans son ensemble avait été renommée du nom de l'ère dont il était question. À dire vrai, la Démone ne se rappelait plus réellement de l'ancien nom des Terres. Sans doute n'en avaient-elles pas. Alors qu'elle cherchait, la créature lui adressa la parole pour la première fois. « Vous cherchez quelque chose de particulier ? ». La Dame s'arrêta, tournant son regard de nouveau vers lui. Elle hésita puis sourit avec une certaine délectation. Elle comprenait au son de sa voix qu'il était ici depuis un moment et qu'il devait connaître sur le bout des doigts tout ce qui se trouvait entreposé dans cette pièce. « Des carnets et une clef. Connaissant ma sœur, elle a dû prendre soin d'entreposer les premiers au milieu de cahiers semblables pour éviter que je les trouve. Je ne sais rien de cette clef à part qu'elle a la capacité d'ouvrir un tombeau ; son tombeau pour être plus précise. ». L'homme s'avança lentement vers une commode qu'il ouvrit. À l'intérieur de cette dernière se trouvaient des centaine de petits cahiers d'une cinquantaine de parchemins chacun. « Jadis, elle écrivait oui et cachait ses écrits ici. Pour la clef, je ne suis pas au courant malheureusement. Il y en a plusieurs dans cette pièce mais je crains qu'elles n'aient rien à voir avec un tombeau. Votre sœur ne revint plus ici des mois avant sa mort. Je ne sais pas où elle partit et j'appris plus tard la nouvelle de son décès, même si je l'avais senti au plus profond de moi. ». Mitsuko s'avança vers le meuble, sortant tout d'un coup. Les carnets s'étalèrent sur le sol dans un bruit de papier froissé. Elle attrapa plusieurs des coussins qui se trouvaient sur le lit et la couverture qu'elle mit par terre. Là, elle se déshabilla pour être plus à l'aise dans ses recherches. « Vous souhaitez vous rendre utile, mon cher ? » fit-elle mine de rien. « Certainement, Madame. » « Bien, massez moi le dos dans ce cas. ». Il était aisé pour elle d'obtenir des êtres ce qu'elle souhaitait. Sa prestance faisait en sorte que sa parole était d'or. Cependant, quelque chose lui disait que cet « homme » lui obéirait à l'avenir. Elle n'avait pas encore deviné ce qu'il était au juste mais il semblait avoir vécu ici, auprès de sa sœur. Puisqu'elle doutait que cette dernière ait eu des amants, il devait être l'un de ses domestiques. La Dame Rouge se mit donc à parcourir les carnets qui étaient devant elle. Certains étaient remplis de dessins en tout genre, d'autres ressemblaient à ceux que l'on pouvait trouver sur les Sorciers parfois, plusieurs formules et noms d'ingrédients parcourant les pages. Elle les tria tous, faisant plusieurs piles. Les cahiers qui l'intéressaient en priorité étaient ceux contenant des textes datés. Elle savait que ces derniers étaient les journaux de sa sœur. Pourtant, elle était curieuse de parcourir les autres également. Sans doute apprendrait-elle des choses concernant les activités de la Reine du Bien avant sa mort.

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Dim 31 Juil 2016, 13:13

« Le temps s'écoule par ma fenêtre d'une façon si chaotique et rapide que je ne sais si mes dons du Temps ne se sont pas activés seuls, rendant mon corps libre de son emprise. Je sens ce vide en mon être. Je me sens seule dans cette pièce qui, pourtant, m'a toujours rassurée. Reine je suis et Reine je demeurerai, selon mes conseillers. Ils ne veulent point entendre la vérité. Ils ne sont pas prêts à l'accepter. La réalité peut se montrer cruelle avec ceux qui portent une idéologie et qui s'en sont tellement imprégnés qu'elle en est devenue les fondements de leur existence. Ils ne veulent pas entendre que cette époque prendra fin prochainement, que la faux de la Mort a déjà commencé à nous attaquer silencieusement, ma sœur et moi. Ils sont comme tétanisés à cette nouvelle qui ébranlerait tout ce qu'ils ont mis tant de temps à construire. Ils pensent que je suis folle, que les Maîtres du Temps n'existent pas, qu'ils ne sont que des mythes qui émerveillent les enfants le soir afin que leur sommeil soit paisible. Je connais leur réalité. Je ne peux plus être Reine, je ne le veux plus mais ils m'enferment dans des obligations qui m'ont toujours enchaînée et, ce, depuis le jour de ma naissance. Parfois, j'admire les cerisiers en fleurs pleurer sur l'herbe verte depuis ma fenêtre. Cette époque mourra, les guerres cesseront ou, du moins, seront remplacées par d'autres guerres, se fondant sur d'autres préceptes qui seront, à leur tour, et le moment venu, effacés à jamais. Les nouvelles générations trouveront que les combats des anciennes ne valent rien, que le leur est le plus important et que la raison leur appartient. Pourtant, tout ceci n'est qu'un cycle sans fin, un cycle qui sera voué à se répéter inlassablement et, pour tout avouer, je suis lasse. Je suis lasse de voir ces hommes et ces femmes partir à la guerre en mon nom, sans savoir ce que je sais. Je suis lasse de voir l'espoir d'une victoire prochaine briller dans leurs yeux. Ne se rendent-ils point compte que tout ceci, que tout combat, est totalement illusoire et inutile ? J'ai vu dans le passé la puissance des Divinités qui foulèrent un jour ces Terres. J'ai vu dans le futur qu'elles reprendraient le dessus sur les Mortels, portant sur leurs épaules les espérances de centaine de milliers d'individus. J'ai vu la fin de cette époque, mon histoire se flétrir, tout ce pour quoi je me suis toujours battue disparaître, tombant dans un oubli qui ne pourrait être effleuré que par les Hommes de sciences. Je ne suis, au final, qu'une femme, perdue dans le Temps et qui le sera d'autant plus lorsque ce dernier aura passé, lorsque la chair de mon corps moisira à jamais et que mon Esprit deviendra invisible pour ceux qui vivent. Les naissances succéderont aux morts et d'autres Grands seront érigés, de ceux qui pensent tout connaître mais qui, au final, ne seront que des pantins vides de sens de plus. Ils nous avaient promis, à ma sœur et moi, une gloire infinie. Nos essences nous vouaient à l'éternité. Le peuple nous suivait, et nous suit encore au moment où j'écris ces lignes, avec la fidélité de ceux qui un jour prieront les Dieux, de ceux qui un jour les prièrent. Pourtant, ces belles promesses, ces beaux préceptes qui nous contaient alors que seul l'un des deux camps était destiné à gagner, n'étaient que des mensonges sortant de la bouche d'êtres qui n'avaient aucune idée de choses les dépassant totalement. Les peuples croient, ils espèrent toujours faire le bon choix. Les peuples se battent pour leurs idéaux et ces derniers peuvent éveiller en eux toute la hargne dont ils sont capables, toutes les folies. Mes conseillers murmurent dans les couloirs, lorsqu'ils pensent que je ne peux les entendre, que je suis folle. Pourtant, et loin de moi l'idée de vouloir les critiquer, ce sont eux les fous. Ils sont fous de penser avoir raison dans un monde où la raison n'existe pas. Ils pensent que je suis malade, que je me reprendrais bientôt. Ils n'arrêtent pas de se convaincre qu'il le faut, que je suis un être indispensable à la survie du Monde. Pourtant, le Créateur le façonna de sa magie il y a fort longtemps, dans un temps si ancien que je doute qu'il reste encore des êtres qui y vécurent. J'ai vu des scènes d'une grande beauté, bien plus merveilleuses que tout ce qui peut se dérouler en ce présent. J'ai vu le Créateur, je sais qui il est mais je ne pourrai l'écrire ici car je sais qu'un jour, ma sœur tombera sur mes carnets. Ce n'est qu'une question de temps, quand bien même je ferai tout mon possible pour stopper son avancée. Le Temps peut être capricieux parfois et ce dernier refuse de me révéler ce que sera le futur qui succédera à l'Ère de la Renaissance du Dieu-Roi. Ma magie se plie à la volonté d'un Temps aux multiples probabilités. J'ai assez voyagé dans le futur pour avoir une idée précise de ce que sera la Véritable Ligne du Temps, une ligne qui se verra brisée à plusieurs reprises et recollée encore et encore. Pourtant, à l'approche de cette Ère nouvelle où les Mortels se battront pour savoir qui de celui que l'on nommera Sympan ou du clan des Ætheri sortira victorieux, mes visions se troublent et le futur devient ténébreux. J'ai peur que cette époque ne sonne le glas de la fin de ce Monde. J'ai peur que tout se finisse de la même manière que tout a commencé. Un instant peut être précieux et significatif pour des centaines de milliers d'années à venir. Je ne suis certaine que d'une chose : je ne serai pas présente pour assister à ce Temps mais ma sœur oui. Nous avons toutes les deux hérité d'une puissance exceptionnelle, héritage d'un père que ni l'une ni l'autre ne connaissons. Qu'une mère Humaine donne naissance à deux êtres en total opposition bouscula l'équilibre du Monde et, de ce père si mystérieux, je n'arrive pas à retrouver la moindre trace. Serait-ce les Ætheri du futur qui auraient permis un tel miracle, revenant des Ères en arrière pour que notre mère tombe enceinte, échappant alors à ma magie du Temps ? Je ne vois que cette possibilité. Un Dieu, un beau jour, décida que nous devions exister, comme bien d'autres enfants qui naquirent des caprices des Divins. Pourquoi ? Comment ? Je l'ignore. Est-ce celle que l'on nomma et qui sera nommée Edel qui insuffla la Vie au creux du ventre de notre génitrice ? Toutes ces questions resteront sans doute à jamais sans réponse. J'ai beau me perdre dans le Temps, encore et encore, je ne suis qu'un fragment d'un Tout beaucoup plus vaste. Je suis lasse, un peu plus chaque jour qui passe. J'attends ce moment où la fille de ma sœur déchirera ses entrailles de ses dents de monstre sanguinaire, dévorant sa chair et sa magie dans la douleur et la souffrance. J'attends ce jour car il sonnera celui de ma mort. Je pourrai saluer l'Ombre qui viendra chercher mon Âme et reposer à jamais dans l'Au Delà. Toi, Aria, qui lis ces lignes en ce moment même, oui, tu as bien compris. Ma vie ne fut qu'un échec, une perte de temps inimaginable et actuellement, je n'espère qu'une chose : qu'elle arrive à son terme. Mais toi qui cherches à retrouver ta puissance perdue, bien des Ères après notre Mort, ne t'inquiètes pas, les lignes qui suivront te révéleront ce que j'ai souhaité accomplir. Certes, je savais que ce n'était qu'un gain de temps pour nos Terres, que je ne pourrai guère t'empêcher indéfiniment de reprendre possession de ta magie mais je l'ai fait car tu n'aurais pu survivre ainsi. Ce Monde dans lequel tu vis n'est plus le nôtre. Les Maîtres du Temps veillent à l'équilibre comme l'un de tes futurs a pu l'entrapercevoir et les Ætheri se sont érigés en tant que puissances contre lesquelles aucun Mortel ne peut lutter. Ce Monde dans lequel tu vis aujourd'hui ne se souvient plus de l'histoire qui fut la nôtre, de nos actes, de notre courage parfois, de nos espoirs. Nous avons plongé dans l'oubli, du moins, moi, j'ai plongé dans l'oubli. Tu penses que je me moque de toi en te laissant ce message mais je n'ai jamais voulu que ton bien, même si nous n'avons fait que nous affronter de notre vivant. Le mal était nécessaire. Les êtres de ce Monde avaient besoin de se reconstruire après la guerre qui opposa les Ætheri aux Enfants de Pandore. Nous avons été créées pour qu'ils puissent se rattacher à quelque chose, à une idée, eux laissés orphelins. Aujourd'hui, les choses sont bien différentes et je me doute que ce Monde doit te dégoûter au plus haut point. Je l'ai vu et il m'a conférée également quelques frissons d'horreur. Les Souverains se succèdent, défont ce que leurs prédécesseurs ont accompli et ne sont dirigés par nul être qui serait en place pour unifier de biens vastes notions. Tu dois penser que malgré l'évolution du Monde et les moyens magiques et scientifiques de plus en plus développés, il ne fait que tomber dans la plus parfaite décadence. Peut-être as-tu raison mais lorsque je vois de quoi était composé celui dans lequel nous vivions jadis, je ne sais lequel préférer. Si j'ai voulu te mettre à nue, t'enlever toute puissance, c'est aussi parce que je ne voulais pas que tu changes ce futur trop vite. Comme je te le disais, tu n'aurais pas survécu. Cette force aurait détruit ton corps renaissant, ton Esprit n'aurait pu la supporter. Tu serais devenue un monstre à l'image de la fille que tu engendras jadis. Je ris en écrivant ces lignes car je suis dans ce présent dans lequel tu ne te doutes encore de rien mais je m'adresse à une version de toi future que je ne connais pas. Peut-être que mon entreprise n'aura pas fonctionné, peut-être que tu ne trouveras jamais ces quelques notes ? Je ne peux en être certaine. Le futur, si tu pouvais l'entrevoir, est comme un dédale dans lequel des milliers de chemins se croisent. Comment choisir le bon ? Quand bien même ma magie est grande, il m'arrive de m'égarer vers des avenirs improbables. Ce que je vais faire, je n'en ai normalement pas le droit. Seulement, les Maîtres du Temps le savaient depuis le début sans aucun doute. Ma vie est condamnée, à quoi leur servirait-il de me tuer ? Je pense simplement que le Destin le voulait ainsi. Ils m'ont formée pour que j'accomplisse ce qui devait être fait. Je suis une erreur du Temps, l'une de ses filles qu'il a choisi d'assassiner pour une cause plus grande. »

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Dim 31 Juil 2016, 13:14

L'étrange homme qui tenait compagnie à Mitsuko depuis qu'elle avait commencé sa lecture finit par sortir de la pièce, laissant la Dame à son ouvrage. Cela faisait des heures qu'elle lisait. Il l'avait massée avec beaucoup de minutie puis s'était simplement assis à ses côtés dans le silence le plus total. Il n'était pas un homme à proprement parler. Il prenait l'apparence d'un homme. Les choses étaient bien différentes de ce qu'elles semblaient. Néanmoins, la Démone avait eu raison sur un point : il servait sa sœur à une époque très lointaine. Plus que la servir elle, il servait la famille Taiji et pensait avoir trouver sa future maîtresse en la personne d'Aria. Cependant, il restait mitigé sur le futur. La Reine du Bien lui avait prédit que la Dame Rouge essaierait de détruire bon nombre de ses descendants. Le Mur en éprouvait déjà quelques frissons. S'il était sorti, c'était avant tout pour préparer un repas à son invité d'honneur. Il savait qu'il devait bien y avoir quelques étrangers qui devaient traîner dans les parages. Depuis que le Palais avait remplacé le Château des Cavaliers Sans tête, beaucoup de curieux venaient fouler ses dalles. La plupart ne connaissait rien de la bâtisse, de stupides créatures qui n'avaient aucune idée d'où ils mettaient les pieds. Certains savaient et entreprenaient d'étudier tout ce qu'ils pouvaient y trouver. Cependant, bien des vies avaient été réduites à néant ici tant l'endroit pouvait s'avérer dangereux et sournois. La magie du Bien et la magie du Mal se mêlaient dans une danse parfois angélique, d'autres fois endiablée mais, une chose était certaine : ni le palais de la Reine du Bien, ni celui de la Reine du Mal n'appréciait les visiteurs. Cette demeure appartenait à un autre temps et les fantômes du passé semblaient la hanter. Quand le Mur trouva ce qu'il cherchait, il se fit une joie de tuer sa trouvaille et de la traîner dans l'une des anciennes cuisines du Palais pour la préparer comme il se devait. Il connaissait déjà les goûts de la Dame et mit un temps incalculable à lui préparer ce qui lui siérait à merveille. Revenant, il la trouva dans la même position, son corps nu et désirable allongé sur la couverture. Sa poitrine était pressée contre les coussins mais il pouvait en observer le galbe se dessiner de chaque côté. Ses jambes étaient pliées, ses mollets dansant doucement, menés par ses pieds qui fendaient l'air avec volupté. Concentrée, la Dame ne détourna le regard des pages manuscrites que lorsque l'odeur vint titiller son odorat. « Hum... » fit-elle avec délice. « Moi qui pensiez que vous n'étiez qu'un larbin un peu trop fidèle à ma sœur, voilà que vous me prouvez que vous possédez bien d'autres talents. Le massage était déjà divin et je ne doute pas que ce plat le soit tout autant. ». Elle se redressa, exposant sa poitrine à la vue de cet homme qui se contenta de baisser les yeux d'un air respectueux. « Allons... » fit-elle amusée. « Je ne suis pas ma sœur. Vous pouvez toucher si vous le désirez... ». [color=green]« Je crains que vous n'ayez envie de moi sous ma forme originelle. ». Elle sourit. « Certains ont bien l'audace de copuler avec des Béluas. Pourtant, il n'y a rien de pire selon moi. Les Ridere sont bien plus attrayants à mon goût. ». Elle n'avait aucune idée de comment se reproduisait cette race tant crainte par les peuples. S'ils étaient, aujourd'hui, plus ou moins bien acceptés, il n'en restait pas moins qu'ils étaient considérés le plus souvent comme des abominations. « Je vous obéirai quoi que vous me demandiez mais le lien aura besoin d'être tissé et je crains que cela ne soit pas le moment. Cependant, je reste à votre disposition. Comme je l'ai dit, je vous obéirai. ». Elle sourit, reportant son attention sur son assiette. « Je pense entrevoir quelle genre de créature vous êtes. Cependant, je me fiche de votre véritable apparence, sachez-le. Bon nombre de Démons qui m'ont prise avec fougue et hardiesse ont une silhouette originelle des plus hideuses. Cependant, je dois reconnaître que vous avez raison. Je vais donc simplement manger ce que vous avez préparé pour moi, pour le moment, et reprendre ma lecture. Nous verrons plus tard ce que nous ferons, vous et moi. ». Elle prit une première bouchée, fermant les yeux en faisant entendre ce qu'elle en pensait. Les talents de cuisinier de cet homme étaient divins. La viande fondait sur sa langue, légèrement caramélisée. « Je crois que vous allez devoir me servir des siècles durant mon cher. » dit-elle.

« La neige tombe doucement, s'écrasant sur le sol doucement pour le couvrir peu à peu de son blanc manteau. J'ai toujours aimé la neige. Encore une fois, je ressens ce vide. Peut-être n'est-ce point un vide en réalité mais plutôt une sorte d'état apaisant, un calme manifeste duquel je ne peux réellement sortir. Mon esprit navigue à travers le Temps et, si je sais où je me trouve actuellement, je suis à tellement d'endroits à la fois que j'ai cette impression tenace de ne plus être unique. Je ressens comme une harmonie paradoxalement chaotique. Mes oreilles peuvent entendre ce violon jouer de sa mélodie alors que je suis assise dans une pièce où nulle musique n'est jouée. Les grelots du Temps résonnent dans mon esprit alors que je suis seule. J'entends les rires d'enfants qui aujourd'hui ne sont que des Esprits perdus dans leur Monde. Le Tout semble graviter en moi et je me perds dans ce dernier. Je sais que tu te fiches de ces notions que j'essaye pourtant de t'inculquer. J'espère pourtant qu'un jour, lorsque tu auras accompli ton œuvre, tu décideras de devenir, comme moi, l'un des Maîtres du Temps les plus puissants que ces Terres n'aient jamais porté. Parfois, dans mes voyages, j'ai eu l'impression de sentir ta présence mais était-ce celle qui répondait à mon souhait ou celle d'une autre probabilité ? Je pense que mille chemins pourront s'offrir à toi à partir du moment où tu retrouveras ce qui t'appartient, du plus horrible au plus merveilleux. Je vais donc t'expliquer ce que j'ai fait, vaine entreprise que celle-ci mais elle me semblait nécessaire. Beaucoup périront à cause de mes actes à la fois réfléchis et irréfléchis. Sans doute que mes nombreux voyages dans le Temps y furent pour beaucoup. Je ne regrette rien néanmoins. C'est difficile pour moi qui suis dans ce présent et pourtant partout ailleurs dans le passé et le futur de t'expliquer les fondements de mon choix. Je pourrai te répéter inlassablement que j'ai choisi cette solution pour te protéger, qu'elle me semblait la plus bénéfique de toutes, tout ce que les êtres verront c'est que je suis à l'origine d'un génocide de notre famille. Cet homme que tu as dû trouver en entrant dans cette chambre est un Mur, le Mur qui me servit des années durant. Il m'en voulut longtemps après ma décision et bien qu'il resta muet concernant mon choix, je sentis qu'il ne l'approuvait pas. Je sais que le retour de Sympan aura ramené tes descendantes, celles que tu chercheras à tuer après avoir ouvert mon tombeau. Ma puissance se trouve distillée à travers ceux qui furent après moi et c'est là le cadeau que je te fais. Plus que retrouver la tienne, tu pourras prendre possession de celle qui fut mienne jadis. Cependant, la mort a forcément un prix que tu découvriras bien vite au fur et à mesure que ta magie augmentera, nourrie par tes meurtres. Une grande puissance implique toujours des conséquences multiples. Nous avons été créées avec des corps et une Âme qui nous permettaient par le passé de maîtriser ce qui faisait notre force. Notre Âme, au moment où je te parle, n'est plus la nôtre. Elle a été redonnée, à Edelwyn. Elle est la seule à l'avoir possédée depuis notre mort, comme si son Destin était de nous dépasser toutes les deux. Une Âme en elle-même n'est point censée conférer puissance. Je ne saurai expliquer ce phénomène. Il y a bien des mystères en ce Monde qui le demeureront à jamais. Un Æther possède-t-il une Âme ? Est-ce que son Âme est renforcée, ce qui lui permettrait de ne jamais connaître la Mort ? Je trouverai toutes les réponses avant mon trépas, sois en sûre, mais je ne te les livrerai pas. Tu les chercheras toi-même. Alors, dois-tu te demander depuis le début de la lecture : qu'est ce que ma sœur a bien pu faire ? Je t'ai maudite, tout simplement. J'ai énoncé une malédiction qui, normalement, ne peut trouver son fondement que prononcée par les lèvres d'un puissant Sorcier. J'ai réussi à briser les barrières de la magie occulte et à me l'approprier quand bien même mon cœur aurait dû être voué au Bien. Seulement, moi qui ai péché et qui n'ai point été punie, j'ai décidé de prendre ce risque et de constater de mes propres moyens ce qu'il adviendrait de moi. Condamnée, je ne risquais pas grand chose, hormis peut-être le fait que mon Esprit soit annihilé à jamais. J'ai donc fait en sorte que ta puissance soit dévorée par ta fille qui, en enfantant, la transmettrait tout en en gardant un peu. De génération en génération, celle-ci a été distribuée lentement mais sûrement, jusqu'à ce qu'Edelwyn ne naisse et décide, plus tard, de fabriquer des descendants. Celle qui possédait presque la totalité de nos deux forces l'a distribuée au gré du vent, selon ses envies, sans doute aussi parce qu'en devenant Æther, elle prit connaissance ce qui s'était tramé des siècles auparavant. Sans doute a-t-elle décidé de créer tous ces Taiji qu'elle savait que tu chérirais plus que de raison pour protéger quelque chose qui était précieux à ses yeux. Toi qui trompas Jun, toi qui pensas à un moment pouvoir dominer ce Monde de nouveau, comme tu l'avais fait par le passé, tu t'aperçus de ton incapacité à retrouver ce que tu avais perdu. Dans ce futur aujourd'hui effacé, ta descendante la plus puissante n'avait pas créé tous ces enfants et les Temps durs eurent raison d'eux rapidement. Plus que tout, tu n'avais pas besoin d'eux puisque tu possédais le Cristal Maître que l'Empereur Noir avait réuni pour toi sans se douter que tu le manipulais depuis bien longtemps en secret. Mais le Temps efface les probabilités qui n'ont pas à exister. Te voici à lire ces lignes, prenant conscience que, oui, je t'ai bel et bien maudite mais dans cette malédiction, je t'ai également bénie. Un jour, tu retrouveras ce qui est à toi. Un jour, tu retrouveras ce qui est à moi. Ce jour là, j'espère que tes desseins seront bien différents de ceux que tu projettes aujourd'hui. J'ai ralenti ton ascension comme je l'ai pu, j'ai essayé dans ces lignes de te prévenir de ce qui pourrait se produire. Je te connais, tu es têtue, rien ne pourra t'arrêter. Quant à la clef de mon tombeau, elle se trouve dans les mains de celui qui sait te caresser comme personne. »

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Dim 31 Juil 2016, 13:14

Lorsque la Dame Rouge arriva dans la propriété, elle sut que son époux avait tenu à l'accueillir comme il se devait. Plissant les yeux dès qu'elle entendit la musique et les rires, elle finit par sourire, de ce petit sourire qui ne voulait rien signifier de bon. Il avait invité des êtres sur son île sans lui demander son autorisation. Cet homme était de ceux qui faisaient ce qu'ils souhaitaient. Il était aisé de deviner qu'il savait qu'elle viendrait chercher la clef et qu'il n'avait pas l'intention de la lui remettre si facilement. Quoi de mieux que de remplir la bâtisse d'individus divers et variés et de se perdre dans la masse des convives ? Ainsi donc il souhaitait jouer à cache cache ? La Démone ouvrit ses ailes et vola jusqu'au balcon attenant à sa chambre. La porte-fenêtre était entrouverte. Elle entra, se laissant guider par la lumière des bougies qui éclairaient la pièce jusqu'à son lit. Un paquet se trouvait là, avec un mot. « À la plus merveilleuse des épouses. ». Quel baratineur, pensa-t-elle en ôtant le couvercle de la boîte. Une robe somptueuse se trouvait posée là. Cet homme avait visiblement l'intention de choisir ses vêtements jusqu'à la fin de sa vie. Il avait de la chance d'avoir bon goût, sinon elle s'en serait servie pour nourrir le feu. Elle attrapa les bretelles de la tenue, la dépliant avec soin. Elle la contempla un instant puis la posa sur le lit le temps d'enlever celle qu'elle portait et de se rafraîchir. Était-il de ces hommes qui aimaient voir briller leur femme dans des événements mondains ? Puisque tous ignoraient qu'ils étaient mariés, elle doutait qu'il souhaitait gonfler son image sociale ainsi. Ce qu'elle supposait, néanmoins, c'est qu'il apprécierait de voir les regards se tourner vers elle et de savoir qu'il était le seul à avoir réussi à obtenir d'elle ce qu'il convoitait. Il jouait avec elle, il l'admirait et pourrait se vanter, plus tard, d'avoir le privilège de poser ses mains sur elle. Mitsuko ne manquerait pas d'entrer dans la partie. Il était un adversaire prodigieux, de ceux qu'elle ne se lasserait jamais de provoquer en duel. Une fois prête, elle sortit de sa chambre et rejoint le haut de l'escalier, admirant les danseurs depuis le balcon un instant. Certains la remarquèrent instantanément, d'autres mirent un peu plus de temps. Néanmoins, quand elle fut au milieu des marches, les regards n'étaient plus que tournés vers elle et les discussions s'étaient grandement faites assassiner. Certains chuchotaient mais c'était à son propos qu'ils murmuraient. D'autres se contentaient d'incliner la tête et de rester immobiles ensuite, comme s'ils attendaient un quelconque commandement de sa part. Elle sourit, amusée. Quelle excellente idée cette petite réception. Les musiciens avaient cessé de jouer, comme s'ils souhaitaient savoir ce qu'elle aimerait entendre. Elle fixa son regard sur eux avant d'indiquer : « Tango. ». Ils obéirent sans plus de cérémonie, les invités sortant de leur état second pour commencer à danser de nouveau. Ils étaient tous masqués, comme elle qui portait un demi-masque en plumes aussi sombres que la robe qui la magnifiait. Un homme était accoudé à l'autre bout de la pièce, contre un mur. Vêtu de blanc, il se remarquait très bien par la prestance qui était sienne. Elle sourit. Ainsi donc monsieur ne se cachait-il pas ? Il sourit à son tour, lui rendant la pareille puis, après quelques secondes où il attendit sans bouger, il réduisit la distance entre eux en faisant quelques pas décidés. Les convives qui se trouvaient précédemment sur son passage s'écartèrent automatiquement pour que son chemin ne soit en aucun cas semé d'embûches. Arrivé vers elle, il prit sa main, la portant à ses lèvres avec délicatesse. Ses yeux dans les siens, il murmura doucement. « M'accorderiez-vous cette danse afin de rappeler à ces êtres que, en ce Monde, il y a les Rois et leurs sujets ? ». Il la tira à lui, chuchotant à son oreille. « Nous sommes les Rois, Aria. ». Puis, il sourit, s'amusant visiblement lui-même. « Vu les circonstances, je devrais plutôt vous donner à manger aux porcs. Néanmoins, vous avez su toucher mon cœur aride de votre présent. C'est pourquoi j'accepte votre offre. Faites moi rêver avant que je ne change d'avis. » souffla-t-elle, tel un serpent vicieux qui n'attendait que le bon moment pour dévorer sa proie. La danse lui avait toujours plu. Malheureusement, depuis qu'elle avait quitté le Monde des morts pour rejoindre celui des vivants, sa souplesse n'était plus tout à fait ce qu'elle avait été par le passé. Elle se débrouillait, bien entendu, sa prestance corrigeant ses imperfections aux yeux du Monde mais elle n'était plus aussi à l'aise.

La main de l'homme passa dans son dos, caressant la peau nue de sa femme. Le tissu de la robe était absent jusqu'à sa chute de reins et il profita du fait qu'elle soit devant lui pour la contempler. Après la cérémonie, il ferait en sorte de la faire sienne une nouvelle fois. En attendant, il allait effectivement la faire rêver. Arrivés au milieu de la piste et ayant écarté ceux qui ne pouvaient supporter leur prestance de leur chemin, il tira sur son bras pour la ramener une nouvelle fois à lui, de manière plus brutale. Il aimait sentir son corps contre le sien, il aimait qu'elle ne puisse résister à sa force. Il se rappelait le combat qu'il avait gagné lors de leur première rencontre. Elle était belle, les cheveux mouillés par la sueur, le cœur battant la chamade, excitée par ses prouesses. Il avait envie de retrouver cet état ce soir. Il avait envie de la battre une nouvelle fois, en la faisant tournoyer autour de lui, en la ramenant à lui, en caressant mine de rien chaque parcelle de son anatomie en prétextant que le tango le voulait. Il souhaitait la rendre sauvage, bien plus qu'elle ne l'était déjà. Il avait envie qu'elle lui saute dessus, ne pouvant s'empêcher de le désirer et de le vouloir à la seconde. Son sourire avait un air dominant. Il la défiait parce qu'il savait qu'elle aimait ça. Ce n'était pas de chance pour elle mais, en danse, l'homme était celui qui dictait sa conduite à la femme. Oh, bien sûr, elle pourrait se permettre quelques petites originalités, et il l'espérait secrètement, mais elle restait à lui. Avançant un pied comme un conquérant, il se pencha sur elle pour l'obliger à plier son corps. Les lèvres entre ses seins, il rit brièvement avant de la redresser vers lui et de la faire pivoter. Les fesses de la Dame contre son bassin, il descendit ses mains à sa taille, la dessinant avec une fermeté des plus agréables jusqu'à descendre sur ses hanches. La main de la Dame Rouge vint se placer dans les cheveux de son époux, griffant tendrement sa peau pour lui rappeler qu'il ferait mieux de faire attention à ce qu'il faisait. Seulement, il n'avait pas de maître. Il était libre et n'avait pas peur d'elle. Il l'aimait chienne, lorsqu'elle en redemandait... et seuls les Ætheri savaient qu'elle se montrait gourmande avec lui. Il la positionna de nouveau pour qu'ils se fassent face, leurs lèvres proches, trop proches. Ils pouvaient sentir la respiration de l'autre se perdre dans la danse. Les pas qu'il faisait étaient précis et elle le suivait. Les cuisses de l'homme se frayaient un chemin entre les siennes sans pour autant jamais se faire trop envahissantes. Elles se faisaient tentantes, si bien que la Démone commença à ressentir une envie digne de ce nom. Il la colla à lui, plaçant ses bras dans son dos pour la faire se plier de nouveau à ses volontés, lui faisant subir des arcs de cercles sans nulle pitié. « Je crois que vous avez quelque chose qui m'appartient... » fit-elle, essoufflée. « Cela se pourrait, en effet... » répondit-il en attrapant sa cuisse qu'il remonta de façon à ce qu'elle entoure son bassin. Elle put sentir à ce moment précis ô combien il la désirait. Sa jambe à présent nue, ayant échappé au tissu de la robe grâce à une large fente qu'elle possédait, il se plut à l'effleurer avant de reculer légèrement, forçant sa femme à se donner entièrement à lui afin de ne pas tomber. Il connaissait ses limites et quand bien même elle était une amante hors pair, il était bien plus habile qu'elle ne l'était. Mordant son cou, il la ramena à la vertical ensuite, l'écartant de lui pour mieux la rencontrer de nouveau. « Et qu'êtes-vous prête à faire pour que je vous confie cet objet ? » continua-t-il tel le Souverain à qui l'on demandait une faveur et qui était en droit de tout exiger. Il avait calmé légèrement l'allure de la danse pour pouvoir discuter. « Je pensais qu'en tant que mon époux, vous me donneriez cette clef sans rechigner... ». Elle mordit son lobe d'oreille. « Il serait dommage que je refuse de me prêter à nos jeux maritaux... ». Il descendit l'une de ses mains le long de sa cuisse, la passant par la fente de sa robe pour rejoindre un point crucial de l'anatomie de la Démone. Là, il sourit. « Hum... Vu votre état, très chère, je doute fort que vous me résistiez longtemps une fois seuls... ». Il bougea doucement ses doigts avec un sourire grandissant. « … Je pourrai aussi bien me contenter avec un autre que vous. ». « Et penser à moi pendant qu'il vous pendra aussi mal que possible ? Cela me plairait pour la première partie mais je préférerai vous savoir comblée que dans les bras d'un pâle reflet qui ne saura jamais vous faire crier aussi bien que je sais le faire. ». « Vous êtes bien présomptueux. ». Il la colla de nouveau à lui, se faisant bien plus intrusif entre ses cuisses également. « Je suis simplement réaliste. ». Le nez dans ses cheveux, il sentit son parfum avec délice. « Et si nous quittions cette soirée ? Je dois avouer que je vous veux éperdument et que si vous souhaitez rester ici une seconde de plus, je ne répondrais plus de mes actes. Nos convives hériteraient d'un magnifique spectacle mais je ne veux pas leur faire l'honneur de pouvoir vous admirer suppliante, les joues rouges et les lèvres gonflées par le plaisir. ». « Ce serait pourtant intéressant comme dernière vision avant de mourir, de vous voir à genoux devant moi, ne pouvait résister à la tentation de contenter mes désirs... ». Il rit, plaçant les cheveux de la Dame entre ses doigts. Il aimait lorsqu'elle essayait de prendre le dessus sur lui. Reculant son visage pour pouvoir la regarder dans les yeux, il avança ses lèvres pour baiser les siennes avec plus d'ardeur qu'il ne l'aurait cru. Ils allaient s'unir sauvagement cette nuit et discuteraient de la clef ensuite. Rien ne pressait après tout, à part le fait de la faire crier.

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Dim 31 Juil 2016, 13:15

« Pourquoi voulez-vous absolument cette clef ? » demanda-t-il en désignant l'objet qui se trouvait attaché autour de son cou à une chaîne. Il ne l'avait pas lors de leurs précédentes rencontres mais il l'avait mise là, ce soir, car il savait qu'elle viendrait pour elle. La Démone passa sa main sur son torse nu jusqu'à attraper le bien qu'il gardait. « Pourquoi me posez-vous la question alors que vous savez pertinemment pourquoi je la désire ? ». Il sourit, enlevant la main de la Dame Rouge de sa convoitise. « Je préférai quand vous vouliez une toute autre chose... » fit-il légèrement boudeur sans répondre à sa question. Bien entendu, ce n'était qu'un moyen de détourner quelque peu la conversation, le temps qu'il trouve quelque chose d'intelligent à lui répondre et qui ferait en sorte qu'elle ne poserait plus de questions à ce sujet. Fixant un moment le plafond, il finit par sourire, se tournant doucement vers elle. La couverture était repliée sur leurs bassins et son mouvement vint la coller à lui de nouveau. Les yeux dans les siens, il la laissa venir attraper de nouveau l'objet. « Voyez mes questions comme un moyen pour moi d'avoir le plaisir d'entendre le son de votre voix. ». Il lui sourit. « Très malin. » fit-elle en venant chercher ses lèvres. Elle profita de l'instant pour tirer d'un coup sec sur la chaîne qui, à son grand regret, ne se brisa pas. « Tu tu tu, ma Dame. Chaque chose en son temps. Cependant, je ne pensais pas épouser une femme qui essaierait de me dérober mes biens de cette manière... ». « Je ne pensais pas épouser un homme qui ne les partagerait pas. ». « Vous ne pensiez surtout pas épouser un homme tout court. ». Il rit, reprenant sa position d'origine. « J'ignore si je souhaite vous la donner. À quoi bon, après tout ? Vous vous retrouveriez devant le cadavre décomposé de votre sœur et ne gagnerai rien à la contempler hormis perdre votre désir pour quelques jours, chose à laquelle je ne préfère pas penser. ». Il marqua une pause puis ajouta : « Je suis de mauvaise humeur lorsque je suis frustré. ». Elle sourit. « Pensez-vous réellement que je pourrai perdre ce qui fait ma réputation ? Vous êtes bien loin du compte. Si l'envie me tiraillait, je pourrai le faire au dessus même de son cadavre que cela ne me dérangerait pour rien au Monde. Ma sœur est morte et je me fiche bien de sa dépouille répugnante. Je pense sincèrement qu'elle a laissé quelque chose pour moi et le fait que vous souhaitiez m'empêcher d'entrer dans son tombeau ne fait que confirmer mon pressentiment. ». Elle tendit la main. « Donnez-moi cette clef. ». Il soupira, semblant mécontent. « Bien, puisque tel est votre désir. ». La Dame Rouge commençait à le connaître. S'il n'avait pas voulu la lui confier, il ne l'aurait pas fait. Cependant, il consentait à la chose. « Vous savez pourquoi les Maîtres du Temps et les Dieux continuent de poser des questions aux Mortels alors qu'ils connaissent déjà les réponses ? ». Il détacha la chaîne d'un même temps. « Je suppose que vous allez me le dire. ». « Hé bien, je me dis que c'est sans doute parce que s'ils ne le faisaient pas alors le cours des événements changerait... Bien sûr, ce n'est qu'une supposition mais admettons que la véritable ligne du temps soit ainsi faite. Admettons que le Temps soit plus fort que tout et qu'il définisse qu'à tel moment, un Dieu devra rencontrer un Mortel pour le guider sur la voie de son Destin... alors l'Æther doit s'y plier. Vous ne croyez pas ? ». Il lui tendit l'objet. « Sinon, pourquoi s'embêteraient-ils à rencontrer les Hommes ? Pour passer le temps ? Pour se prouver qu'ils ont encore une once d'humanité quelque part en eux ? ». Elle sourit, attrapant l'objet. « Mon cher époux, je vous trouve bien philosophique ce soir. ». Elle se moquait gentiment de lui. Malgré le caractère de la Dame, il avait su l'apprivoiser. Elle était différente dans ses bras. Pourtant, aucun lien d'aucune sorte ne les unissait. Leur mariage n'était qu'un contrat, des parchemins exposant les conditions que chacun s'engageait à respecter et comportant leurs deux signatures. Une fois en possession de la clef, elle fit glissé les draps sur sa peau nue afin de les remonter jusqu'à ses épaules. Il écarquilla les yeux. « Vous dormiriez à mes côtés cette nuit ? Moi qui pensais que vous alliez partir dès que je vous aurai confié ce qui vous intéressait... ». Elle sourit, malicieuse. « Vous m'avez épuisée avec votre philosophie, mon cher... À moins que ce ne soit à cause de vos coups de reins... ». Elle marqua une pause avant de reprendre. « Vous ne saurez jamais la vérité. Quoi qu'il en soit, oui, je compte me reposer. Partir maintenant serait une erreur. Les domestiques n'ont certainement pas fini de parcourir la propriété à la recherche de ce que je leur ai demandé de trouver. Je me rendrais donc sur les lieux où repose ma sœur d'ici quelques jours puisque je suis rentrée plus tôt que prévu en ces murs. ». Elle se rapprocha, posant de nouveau sa main sur son torse, entre ses pectoraux. « Je vous conseille de ne dormir que d'un œil, je pourrai avoir l'envie de vous tuer pendant la nuit à présent que j'ai obtenu de vous tout ce que je désirai. ». « Je pense que vous seriez surprise si vous saviez tout ce que vous pouvez encore attendre de moi. ». Il pencha son visage sur le côté. « Que croyez-vous ? Que j'allais envisager de vous épouser sans élaborer au préalable de quoi me garder en vie pour les dix prochains siècles ? ». « Hum... » fit-elle, mimant une mine déçue. Elle sourit de nouveau, posant sa bouche sur son épaule avant de mordre sa peau. « Ne faites pas cela... Vous savez bien dans quel état ça me met. ». Elle rit puis lui murmura un petit « Bonne nuit » avant de lui tourner le dos. Il fit la moue puis se tourna de nouveau sur le côté, enlaçant sa taille. « Si vous restez dormir avec moi, vous devrez en subir les conséquences. ».

Plusieurs jours s'écoulèrent sans que l'homme qui servait d'époux à Mitsuko ne parte. Ils passèrent leurs journées et leurs nuits ensembles, imposant à la demeure entière leurs jeux. Il était insatiable et à chaque fois qu'ils arrêtaient de s'unir c'était parce qu'elle n'en pouvait plus. Cependant, lorsque la prochaine pleine lune se fit moins lointaine, elle redevint sérieuse. « Dire que je pensais vous avoir détourné de votre quête... » avança-t-il alors qu'elle parcourait des ouvrages d'un air on ne peut plus concentré. Fermant un livre avant de répondre, elle posa également la plume avec laquelle elle prenait des notes. « Dîtes plutôt que c'est moi qui vous ai ensorcelé et que, pour rester à mes côtés, vous avez préféré renoncer à vos diverses activités ; activités dont j'ignore encore la teneur. ». « Peut-être que vous avez raison. Ou peut-être que vous avez tort. » fit-il d'un ton mystérieux. « En tout cas, je m'étonne que le Monarque Démoniaque n'ait pas encore envoyé ses sbires ici afin de vous égorger. ». Elle rit. « S'il voulait réellement m'égorger, il devrait venir lui-même. Cet homme est puissant, trop sans doute. Il doit se sentir seul entouré de faibles. À moins qu'il s'en amuse ? J'avoue l'oublier quelque peu lorsque vous êtes à mes côtés. ». Elle l'avait dit l'air de rien, ouvrant ce qui semblait être un dictionnaire tant les pages reliées étaient nombreuses. « Évitez de tomber amoureuse de moi. Cela ferait désordre » lui dit-il tout en souriant de manière déraisonnable. « Ne vous croyez pas si important. » répondit-elle. Il se leva de sa chaise et vint près d'elle. « Que cherchez-vous au juste ? ». « Des informations sur les différentes formes de tombeau et les pièges susceptibles de s'y trouver. Ma sœur était peut-être bénéfique de son vivant et sans doute tout autant au moment où elle écrivit des lignes à mon adresse, mais Azaël a été on ne peut plus clair. ». Du moins, autant que le Maître du Temps pouvait l'être. « Son cœur a fini par sombrer. ». Il passa l'une de ses mains sur son menton. « Et avez-vous déjà envisagé l'hypothèse qu'elle ne soit pas décédée comme vous le pensiez ? ». « Souhaitez-vous repartir dans vos idées philosophiques ? ». « Non je dis simplement qu'elle aurait pu trouver le moyen d'échapper à la mort. Bien sûr, il y a cette loi universelle qui veut que si les jumeaux naissent ensembles, ils doivent mourir ensembles. Néanmoins, vous connaissez comme moi qui sont les deux protagonistes qui gèrent la Vie et la Mort. Si votre descendante se refuse de retourner dans le passé pour l'instant, Ezechyel n'a que faire de ce genre de valeurs. Elle aurait pu, je ne sais pas... hériter de la moitié de votre Âme à votre Mort ? ». « C'est absurde. Comme elle l'a écrit sur les carnets qu'elle a laissé à mon attention, elle a vu dans le futur qu'elle mourrait et qu'elle ne pourrait y échapper. ». « Le futur n'est pas immuable, jusqu'à preuve du contraire. ». Elle ferma l'ouvrage, regardant l'homme en plissant les yeux. « Elle aurait pu également chercher à vous tromper. Depuis le début vous vous basez sur des faits qui vous ont été rapportés sans que nulle véritable preuve ne soit entrée en votre possession. Si vous avez envie d'ouvrir son tombeau, n'est ce pas pour la simple et bonne raison que vous n'êtes en aucun cas sûre d'y trouver sa dépouille ? Et si elle n'était pas là ? ». « Je ne préfère pas envisager cette possibilité à dire vrai. ». « Vous ne faites que cela depuis hier. ». Elle pinça ses lèvres puis les relâcha d'un air agacé. « Certes, parce qu'il existe une infime possibilité que cela soit. Ma sœur avait les pouvoirs des Maîtres du Temps, elle aurait très bien pu défier la Mort en allant se cacher dans le passé, à une époque où je n'existais pas, où aucune Ombre n'aurait pu venir chercher son Âme. ». Elle mêla ses doigts entre eux avant de poser ses mains sur la table. « J'y songe, certes. Néanmoins, je me demande pourquoi elle aurait agi de la sorte. Fuir à jamais les Maîtres du Temps ? Fuir dans le passé ? Pourquoi faire ? Devenir une Déesse ? ». À y réfléchir ce n'était pas si idiot. Pourtant, la Dame Rouge espérait que sa sœur était morte tranquillement et qu'elle ne poserait pas la moindre difficulté à l'avenir. Elle n'avait pas le temps de courir après les fantômes du passé, surtout pas après celui de sa jumelle.

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Dim 31 Juil 2016, 13:16

La Dame Rouge était accoudée à une grande table de plusieurs mètres de long. Cette dernière servait normalement pour les dîners à plusieurs convives et, pour ainsi dire, n'était jamais dressée pour des repas solennels et ennuyeux. La plupart du temps, en réalité, elle servait de table de banquet et abritait les plats les plus exquis sans que personne ne puisse s'asseoir sur les chaises bordant celle-ci. Ce n'était pas le cas aujourd'hui. Cela faisait des heures que les domestiques de la Démone étaient debout, attendant qu'elle étudie minutieusement chacun des plans qu'ils avaient réalisé à sa demande, avec autant de minutie que possible. Elle avait été on ne peut plus claire sur ses attentes et sur les conséquences de son mécontentement. Son mari était reparti. Un matin, elle s'était réveillée et n'avait trouvé qu'un petit mot dans sa couche, à ses côtés. Il s'excusait de ne point pouvoir lui faire toucher les étoiles pour les prochains jours et reportait l'histoire qu'il devait lui raconter sur sa vie à la prochaine lune, soir où il lui en raconterait deux selon ses promesses. Elle n'attendait rien en particulier de lui et, à vrai dire, elle doutait qu'un homme puisse tenir ses engagements comme il souhaitait le lui faire croire. Peu lui importait en réalité ; elle avait bien d'autres projets en tête. Traçant des courbes à l'aide d'un compas et des lignes à l'aide d'une règle, elle taillait parfois le crayon qui lui servait à dessiner les paysages de la propriété. Elle n'avait pas congédié ses serviteurs et c'était pour cette raison qu'ils restaient immobiles, la regardant en attendant le verdict. Mitsuko pouvait se perdre parfois dans ce genre d'activités. Elle aimait lire et découvrir mais, par dessus tout, elle adorait façonner ce qui servirait à la réalisation de ses projets. La Dame finit par poser son crayon. « Bien. Je dois avouer que votre travail a été prodigieux. Il y eut bien quelques différences sur vos divers parchemins mais essentiellement des erreurs d'échelle. ». Elle sourit puis fit un signe de la main pour les congédier. Ils comprendraient bien vite que leur récompense les attendaient derrière la porte de la sortie. Oh, elle aurait pu les satisfaire elle-même, écarter les cuisses pour qu'ils profitent de son corps livré à leurs soins mais... non. Elle préférait que les Démones qu'elle avait appelé ici se chargent de leur cas. Les jours qui avaient précédé, la Dame les avait passés à régler certains détails, notamment le transfert de la plupart de ses biens et serviteurs ici. La demeure était, de ce fait, bien plus animées. Quant au pourquoi elle ne souhaitait guère s'occuper d'eux hé bien... simplement qu'elle préférait attendre que son époux revienne la contenter. Son état d'esprit avait légèrement changé et bien qu'elle continuerait de récompenser ses fidèles les plus méritants, elle comptait modérer ses frasques luxurieuses. Bientôt, elle n'en aurait plus besoin. Elle se disait, caressant doucement ses cheveux, qu'elle méritait les meilleurs amants. Quand bien même la luxure était exquise, ce serait le privilège de quelques rares élus. Les autres pourraient moisir en Enfer, là où le Monarque Démoniaque s'occuperait d'eux, probablement. Après tout, cet homme fricotait bien avec les sous-espèces. À dire vrai, elle se demandait si elle ne se lasserait pas avant l'heure de lui. S'il ne répondait pas à ses attentes, elle se trouverait quelqu'un d'autre avec qui passer le temps. Ce serait, bien entendu, dommage. Elle espérait qu'il continuerait de nourrir la flamme qui les opposait, simplement. « Hum... ». Ses yeux étaient perdus sur le plan de la propriété et, bien vite, elle chassa le beau ténébreux de ses pensées. Vraisemblablement, elle avait murmuré la vérité lorsqu'elle avait confié à son mari que lorsqu'il était à ses côtés, elle en oubliait parfois les problèmes de l'Enfer. Bien entendu, elle comptait mener sa petite rébellion contre l'autorité dominant les Démons mais, actuellement, elle était occupée à quelque chose qu'elle considérait comme bien plus primordiale. Il n'était pas évident de fonder des théories sur ce plan. Les feuilles qui le composaient étaient nombreuses et rien n'indiquait que tel ou tel bâtiment était le tombeau de sa sœur. Mitsuko n'avait aucunement l'intention de passer des journées à se rendre d'un point à un autre dans l'espoir de trouver le bon édifice. Elle voulait savoir où aller et elle voulait le savoir maintenant. Elle soupira de nouveau, essayant de prendre les choses d'un angle nouveau sans plus de succès. Elle finit par sortir la clef de sa poche, la contemplant plus en détails. « ... ». Il y avait un dessin dessus, une forme. Ce pourrait-il que celle-ci ne soit autre que la forme du bâtiment ? Elle sourit, pratiquement convaincue d'avoir raison. Personne ne dessinait ce genre de choses sur une clef. Certes, parfois, un symbole s'y trouvait mais il s'agissait le plus souvent de quelque chose de connu, ayant une signification particulière. Là, ce n'était qu'une forme géométrique courante qui ressemblait à deux maisons collées côte à côte. La recherche prit quelques longues minutes mais la Dame finit par trouver, trouvaille venant sonner l'aboutissement de jours et de jours d'investigations. « Puis-je venir avec vous ? » demanda alors une voix d'homme qu'elle connaissait à l'autre bout de la pièce. Elle l'avait ramené du Palais du Millénium après s'y être rendue. Il avait dû faire quelques petites choses pour elle avant de la rejoindre ici mais, à présent, l'Antre de la Dame serait également sa demeure. « Certainement. Après tout, vous avez servi ma sœur de longues années de ce que j'ai pu comprendre de notre conversation. Il serait mal venu de ma part de vous priver de ces... retrouvailles. ». Elle ne le faisait pas par bonté de cœur, simplement parce qu'elle n'avait pas envie d'y aller seule. S'il s'avérait que le corps de sa jumelle ne reposait pas dans son tombeau, il lui faudrait quelqu'un à assassiner pour faire passer sa rage. La violence ne résolvait pas tout disait-on, mais elle avait l'avantage de calmer l'esprit de celui qui se laissait aller dans ses bras.

Lorsqu'ils arrivèrent sur place, les yeux de la Démone purent admirer un édifice blanc que les années avait recouvert de lierres. Les oiseaux chantaient malgré la neige environnante et, au loin, quelques marmottes batifolaient, visiblement non décidées à hiberner. L'endroit semblait être un petit bout de rêve, calme et paisible, un lieu idéal dans lequel voudrait reposer toute Reine du Bien se respectant. Lorsque la neige fondrait, la Démone était certaine que les environs seraient encore plus magnifiques. Il n'y avait que de très jeunes arbres ici et la vue était dégagée. L'endroit était, bien entendu, entouré de ces centenaires qui le cachaient aux yeux des curieux, mais l'absence de hautes cimes conférait à cet espace un je ne sais quoi qui rappelait les jardins secrets parfois évoqués dans les contes de Faes. Faisant le tour des deux bâtiments collés ensembles, ne formant qu'un, la Dame ne tarda pas à trouver une porte dans la serrure de laquelle sa clef s'inséra sans mal. Des torches brûlaient à l'intérieur, alimentées par une magie mystérieuse qui n'avait jamais dû cesser de fonctionner. « Venez. » fit-elle au Mur qui semblait encore ravir ses yeux de l'ambiance extérieure. La Démone ne savait pas ce qu'avait été la vie de cet homme. Elle ignorait s'il était un jour sorti du Palais du Millénium. À vrai dire, elle ignorait également où celui-ci avait pu se trouver tout ce temps, avant que la renaissance du Dieu-Roi ne le ramène. Ce château était un véritable mystère. Inspirant doucement, elle expira de la même manière avant de se lancer dans la descente des escaliers en colimaçon qui donnaient probablement sur la salle principale du tombeau. L'adrénaline commençait à la saisir. L'orgueil de Mitsuko l'empêchait, la plupart du temps, d'avoir peur. Elle se pensait assez puissante pour se sortir de toutes les situations qui pourraient se mettre en travers de sa route. Pourtant, à ce moment précis, elle ressentait une certaine appréhension qui s'entourait autour d'elle d'une façon aussi vicieuse qu'effrayante. Elle repensait aux mots de son époux. Et si le corps de sa sœur ne se trouvait pas ici ? Et si elle n'était pas morte ? Cela signifierait-il qu'elle était actuellement en train de courir après une chimère ? Une puissance perdue qui ne lui reviendrait jamais plus ? Elle ne pouvait le croire. Comme elle l'avait murmurée plus tôt, elle refusait même de l'envisager. Pourtant, ses pensées la hantaient. Quand, enfin, elle trouva ce qu'elle cherchait, la pièce maîtresse, elle ressentit un soulagement on ne peut plus clair. La tension qui s'était accumulée dans son corps se relâcha d'un seul coup, libérant ses idées de celles qui auraient pu l'encombrer. Elle s'avança doucement pour se positionner à côté de sa sœur, enfermée dans un cercueil de verre. Elle aurait pu être simplement endormie que cela ne l'aurait guère étonnée. Sa peau n'avait pas vieilli et elle était toujours aussi belle que dans le passé. Entre ses mains jointes, il y avait un mot. La Démone souleva le verre poussiéreux avant de le rejeter sur le sol. Il se brisa dans un bruit semblant composé de mille aigus. Elle se fichait bien, à présent, de cet endroit. Elle prit possession du parchemin plié puis le lu. « Parfois, dans mes sombres moments, j'ai pensé que tout ceci n'était qu'un cauchemar. J'ai voulu fuir, encore et encore, échappant au Temps, échappant aux Dieux, mais j'ai compris que ceci ne servirait à rien. J'aurai pu essayer, j'aurai pu jouer avec toi dans un tango endiablé mais n'aies crainte, Mitsuko, ma vie me quitta bel et bien il y a de cela des siècles. Peut-être te dis-tu actuellement que c'est une bonne chose. Peut-être savoures-tu ta victoire et je me vois désolée de te rappeler que lorsque tu seras en haut de ton piédestal, intouchable et imprenable, je ne serai pas là pour te tenir tête. Oh oui, lorsque tu seras seule, maîtresse de ton univers, tu regretteras que la mort m'ait un jour tendue les bras et que j'ai su les saisir au bon moment, refusant par là même la possibilité que m'offrait également la vie. Nous nous sommes toujours combattues, nous opposant l'une à l'autre dans le grand jeu qu'était pour nous le Monde. Pourtant, j'ai la certitude au moment où j'écris ces lignes que nous savions très bien, l'une comme l'autre, et ce, depuis le début, qu'aucune de nous ne gagnerait. Nous étions les avatars de ce que ce Monde avait besoin et notre lien de jumelage était si puissant que nous n'aurions jamais pu nous entre-tuer. Nous étions les ennemies de l'infini, celles qui pouvaient se contempler depuis leurs balcons scintillants. Seulement, ce temps est bien lointain à présent et tu es seule. Ma présence n'existe plus. Tu ne partages plus ton Âme avec un être capable de te comprendre comme jamais personne ne l'a pu. J'étais ta moitié, ton Âme-Sœur et tes décisions irréfléchies nous ont assassinées. Alors, à présent et à jamais, je te souhaite tout le bonheur que tu pourras éprouver dans ta solitude éternelle. ».

L'humeur de Mitsuko fut écrasante durant les jours qui suivirent.

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Dim 31 Juil 2016, 13:17

Appuyée sur la balustrade d'un des nombreux balcons de sa demeure, la Dame Rouge contemplait au loin la fumée noire qui s'élevait doucement de l'endroit duquel elle était revenue quelques jours auparavant. Le tombeau de sa sœur en feu était un véritable délice à admirer. Bien entendu, elle avait commandé l'incendie à ses domestiques qui devraient également veiller à ce que le feu ne se propage pas dans l'enceinte de la propriété. Un verre à la main, le sourire qui trônait sur son visage était celui d'une victoire qu'elle avait bien l'intention d'apprécier. Cette sale petite Ange de pacotille avait bien plus d'orgueil qu'elle ne l'aurait pensé. Se croyait-elle réellement la seule en ce Monde à pouvoir lui tenir tête ? La seule contre qui elle prendrait plaisir à se battre ? C'était on ne peut plus ridicule. Pourtant, cette lettre laissée avait affecté l'humeur de la Dame de façon considérable et, ce, jusqu'à ce qu'elle prenne la décision que la dernière demeure de sa sœur devrait périr noyée dans les flammes infernales. Le temps ayant fait son chemin, à présent, elle se sentait nettement mieux. Elle devait songer à bien d'autres choses, des desseins qui la serviraient dans les prochains jours. Bien entendu, elle connaissait plus ou moins la position de chacune de ses descendantes. Puisque la Déesse l'avait menacée de représailles si elle touchait à ses enfants et à sa mère, elle commencerait par s'en prendre à celles qui ne lui importaient que peu. Une fois que sa puissance aurait évolué un peu plus, elle reconsidérerait les menaces d'un nouvel angle. Elle devait simplement peser le pour et le contre et ne pourrait le faire que lorsqu'elle aurait assassiné quelques membres de sa famille. Si Sympan gagnait, l'Æther ne serait de toute façon plus en mesure de stopper son avancée. S'il perdait, elle trouverait le moyen d'échapper à son courroux, d'une manière ou d'une autre. Elle avait assez vécu pour savoir que ce Monde regorgeait de chemins de traverse qui ne demandaient qu'à être empruntés. « Je vous ai toujours imaginé sur votre balcon, contemplant un monde en flammes... » s'éleva la voix de son époux, juste derrière elle. À vrai dire, elle lui en voulait d'avoir fait naître en elle l'idée selon laquelle sa sœur puisse être en vie. Aussi, lorsqu'elle se retourna, ce ne fut pas pour lui sourire mais pour lui envoyer la paume de sa main en pleine face, avec toute la force dont elle était capable. Le bruit fut significatif de la violence qu'elle avait employé et il dut laisser son visage se déplacer sous la vitesse. Après l'assaut, il resta quelques secondes ainsi puis pencha doucement la tête pour faire craquer son cou. Il finit par lui faire face de nouveau et soupira. « Je vous avais bien dit que le fait d'aller auprès de votre sœur vous couperait toute envie de me faire l'amour pendant des jours. ». Il rit doucement, comme si, finalement, elle ne lui avait pas fait mal. Pourtant, sur sa peau, commença à apparaître une marque rouge. « Je n'aurai jamais dû épouser une femme capable d'être aussi violente que vous... ». Il se rapprocha d'elle, ce qui la fit rire. « Essayez de m'embrasser et votre tête risque de tomber à vos pieds avant même que vous ne me présentiez vos excuses. ». « Allons, nous n'allons tout de même pas nous faire la guerre. Je sais que je suis un opposant bien plus séduisant que le Monarque Démoniaque mais... je suis avant tout votre mari. Si vous souhaitez vous battre contre moi, j'aimerai autant que notre combat se finisse au creux de votre lit. ». « Il faudra vous faire pardonner si vous souhaitez de nouveau me pénétrer. En attendant, nous ne nous adonnerons plus à nos jeux favoris. Sachez que la luxure ne m'a jamais manquée, quand bien même je me plais à le faire croire à certains. ». Il s'approcha un peu plus, collant son corps au sien, la maintenant entre la balustrade et lui. Son regard était on ne peut plus clair sur ce qu'il pensait. « Et quand bien même mon entre-cuisses serait-il humide de votre simple présence, mon esprit est bien trop aiguisé pour que je laisse un seul instant mon corps le dominer. ». « Dommage... Ma langue regrette votre décision, sachez le. ». Il avait toujours cet air infiniment amusé. Posant ses mains sur sa taille, il abdiqua néanmoins. « Et que dois-je faire pour que vous me pardonniez un jour ma fâcheuse tendance à me perdre en philosophie en votre compagnie, si tant est que ma femme soit au moins capable de faire disparaître mon odieux comportement de sa mémoire ? ». « Hum... laissez-moi réfléchir... ». C'était déjà tout vu mais elle souhaitait le faire languir. « L'une des mes descendantes n'est autre qu'une Génie. Je souhaite que vous me rameniez son habitacle. ». Il fit mine de réfléchir puis se mit à parler, sans pour autant accepter ou refuser. « Je trouve que la tache vous est bien trop aisée. N'importe quel individu aurait dû faire de nombreuses recherches pour trouver comment venir à bout d'un Génie mais vous... vous en avez trop côtoyé pour votre propre bien. ». Il marqua une pause. « Mitsuko Ludovika Taiji... Je pense qu'elle manquera à ce Monde. Les labyrinthes qu'elle créait jadis étaient des merveilles. Cette femme avait le pouvoir d'enfermer quiconque à l'intérieur de ces dédales somptueux d'un point de vue scientifique mais terribles dans les yeux de celui qui se faisait prendre au piège. ». « Allez-vous me faire la rubrique nécrologique de toutes les descendantes que je désire éliminer ? » demanda la Dame en levant les yeux au ciel. De toute façon, tant qu'il ne lui remettrait pas l'habitacle, elle ne lui ferait aucun cadeau. Il continua, faisant mine de ne pas l'avoir entendu. « Cela dit, puisqu'elle ne sera plus jamais ce qu'elle a été par le passé, contrairement à vous, ma chère, je suppose qu'il n'y aura que moi pour regretter son œuvre... ». « D'ailleurs... ». Elle venait de réaliser quelque chose, un infime détail qui lui avait échappé jusqu'ici mais qui, en réalité, avait toute son importance. Les fondements même de leur mariage reposaient dessus ; pas sur ce qu'elle avait attendu de lui dès le début mais bien sur ce que lui avait attendu d'elle.

« Cette nouvelle lignée que vous souhaitez façonner en me faisant un enfant... ». Il le savait depuis le début, bien entendu. Elle était mécontente ; mécontente que cet homme possède certaines informations bien avant elle et s'en serve pour construire ce qui lui plaisait. « Vous saviez que je devrais éradiquer la famille Taiji. ». Il en avait eu connaissance et avait fait en sorte d'être le premier en lice, éliminant ses concurrents avant même qu'ils n'existent. L'intelligence de son époux était effrayante et fascinante à la fois. « Vous le saviez et c'est pour cela que vous êtes venu à moi pour ce mariage. Dans d'autres circonstances, jamais vous ne seriez venu à ma rencontre et jamais vous ne m'auriez demandée ma main. Ne suis-je qu'une poule pondeuse pour vous ? » demanda-t-elle enfin. « Non. Je vous voulais depuis des siècles en réalité, avant même votre mort. Seulement, à l'époque, je n'avais pas les moyens de vous approcher et Lucifer fut bien plus efficace, vous offrant bien plus que tout ce que j'aurai pu espérer vous offrir. J'attendais simplement le bon moment, celui où vous auriez besoin de quelque chose me concernant, de quelque chose m'appartenant. Croyez moi, il y a énormément d'éléments que je possède et qui auraient pu vous intéresser. Le Destin a fait en sorte que ce soit cette île. Il aurait pu s'agir d'une toute autre chose. Je me fiche que vous pensiez que je ne suis qu'un homme qui ne désire que forger une descendance digne de ce nom. La vérité c'est que vous seule comptez. Si j'ai exigé un héritier c'est, certes, parce que je sais que le Destin de cette lignée probable sera grand mais, comme je vous l'ai dit, je ne suis pas pressé. Nous le concevrons lorsque vous le désirerez et uniquement à ce moment là. ». Elle plissa les yeux. « Quand à cet habitacle que vous m'avez demandé de trouver pour vous afin de pardonner la gêne que je vous ai occasionnée, je l'ai déjà en ma possession. ». Depuis qu'il avait commencé sa tirade, son visage n'avait reflété que le plus parfait des sérieux. Il avança de quelques centimètres, la collant un peu plus à la balustrade. « Je ne sais pas ce que vous pensez de moi mais je puis vous garantir que je suis l'homme que vous avez toujours espéré avoir à vos côtés. Il n'y a rien en ce Monde que vous pourriez souhaiter sans que je ne puisse l'exaucer. Je sais quelle femme vous êtes. Je sais que vos désirs, vous préférez les rendre réels par vos propres moyens. Pourtant, je vous le promets : jamais vous ne regretterez de m'avoir épousé car je suis celui qui se tiendra à vos côtés jusqu'à la fin de votre vie et qui ne fera que magnifier votre existence. Ensembles, nous pourrons faire de celle des autres un véritable cauchemar, pire que l'Enfer lui-même. ». Ses yeux étaient tranchants et il employait un ton qui ne pouvait laisser supposer une seule seconde qu'il n'était pas sûr de lui. Sa prestance était grande. Il était convaincant et infiniment séduisant. « Et vous oublierez bien vite le charme de ce Monarque de pacotille qui a osé éveiller votre intérêt à un moment donné. Il ne vaut pas la peine que vos yeux se posent sur lui plus que nécessaire. Une fois votre puissance perdue de nouveau en votre possession, le Monde s'arrêtera de tourner lorsque vous déciderez de vous déplacer hors de votre domaine. Votre magie pourra détruire un continent entier de votre seule volonté. Vous subirez les conséquences néfastes de cette force qui vous appartiendra, bien entendu, mais vous n'en aurez que faire car vous aurez ce que vous désirez plus que tout au Monde. Et je serai là. Et jamais je ne cesserai de vous faire crier de plaisir parce que votre futur ne me fait pas peur. ». Il passa sa main dans ses cheveux. « Je ne vous verrai jamais comme un monstre. Je pourrai toujours vous regarder dans les yeux et vous attirer inéluctablement. Vous ne pourrez jamais me résister, vous ne pourrez jamais me tuer. ». Il rit brièvement. « Et contrairement à ce que votre idiote de sœur a noté dans cette note qu'elle a sans doute dû écrire sous l'effet d'une quelconque drogue, je pourrai toujours, dans le cas où vous vous ennuieriez, être un adversaire à votre hauteur. Lorsque ni les Rois ni les Dieux ne voudront débuter une partie d'échec contre vous de peur de perdre, je me ferai une joie de l'initier. Parce que je suis au moins aussi fou et orgueilleux que vous l'êtes. Plus que tout, je possède cette envie irrésistible de vous posséder et je sais que jamais vous ne me ferez le plaisir de répondre à cette envie. Alors oui, vous devrez subir mes coups de reins encore de nombreux siècles parce que c'est ainsi que j'ai l'impression de me rapprocher, un peu plus chaque jour, de mon objectif. Je vous veux et je veux que vous me vouliez à votre tour, plus que n'importe quelle chose en ce Monde, plus que n'importe quel être. ».

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La Légende de la Femme qui décima les siens [Solo]

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