Après m’être assoupie plusieurs heures dans l’herbe verdoyante qui bordait le lac de la transparence, je me réveillais déboussolée, ne me rappelant plus le motif de ma présence sur le lieu. Paniquée, je me redressais sur mon séant, scrutant attentivement bien que rapidement mon environnement dans l’espoir qu’un souvenir s’impose à ma conscience. Mon regard se perdait dans les glaciers surplombant le lac, dans la forêt ou encore dans l’étendue d’eau elle-même, cependant aucune réminiscence se semblait vouloir faire son apparition. Portant ma main à ma ceinture, je me rassurais sur la présence de mes armes. En effet, les deux poignards étaient toujours suspendus à mon vêtement, je n’avais donc déjà pas été dépouillée. Je n’avais pas encore regardé derrière moi lorsque je me reculais sans raison apparente. C’est ce geste immotivé qui me fit prendre conscience de la présence d’un homme aux cheveux bruns allongé sur le dos à mes arrières. Je me retournais vivement, me mettant sur mes genoux cette fois. Il était visiblement endormi, car sa poitrine se soulevait et s’abaissait à rythme régulier. L’espace dans lequel nous nous trouvions était immense, comment se faisait-il qu’un inconnu s’endorme si près de moi ? N’ayant pas la possibilité de répondre à ma question intérieure, je décidais de le réveiller, espérant ne pas me faire rabrouer. Je portais ma main à son épaule et le secouait doucement. Le contact avec son vêtement avait quelque chose de familier, mais je ne saurais expliquer pourquoi.
Le jeune homme s’éveillait doucement, râlant légèrement, mais moins que ce à quoi je m’attendais. Ne désirant pas l’effrayer, je me reculais d’un pas.
« Excuse-moi » débutais-je hésitante, « Je viens de me réveiller à côté de toi, mais je ne me rappelle pas ce que je fais ici » je marquais une pause, gênée de la situation et cherchant comment formuler ma prochaine phrase : « On se connaît non ? J’ai l’impression de t’avoir déjà fréquenté ».

Au fur et à mesure de la réponse du garçon, je me rappelais qu’effectivement nous nous connaissions. J’avais l’impression de le connaître depuis toujours, cependant sans savoir réellement quand nous nous étions rencontrés, en quelles circonstances ni même ce que nous avions vécus ensembles. Manifestement, le brun ne se rappelait pas davantage de choses que moi.
« Nous voilà dans de beaux draps » m’exaspérais-je, mi inquiète mi effrayée. Voulant en avoir le cœur nette, je décidais de lui poser la question qui me turlupinait : « Tu ne sais pas non plus ce qui nous est arrivés, pas vrai ? ».

Je le regardais à présent dans les yeux, sans ressentir la moindre gêne. J’étais réellement convaincue que nous étions proches malgré son absence de mon esprit. Je décidais de me faire confiance et d’agir comme si nous étions déjà amis. Je l’aidais à se redresser lorsque je notais une marque sur son poignet.
« C’est quoi ça ? » questionnais-je en pointant du doigt la forme lunaire qui dépassait de sa manche. « Je me rappelle de toi, je sais que nous sommes amis, néanmoins ce dessin m’est totalement inconnu ».

Je ressentais toujours autant de gêne à ne pas savoir exactement la nature de notre lien, mais malgré tout je me sentais en confiance près de lui. Hésitante, je décidais de lui exposer à nouveau mes pensées, espérant qu’il me prenne au sérieux.
« J’imagine que je vais à nouveau avoir l’air bête » commençais-je, riant à moitié afin de camoufler ma nervosité, « Mais je me sens bien mieux depuis que tu es réveillé. Tu as quelque chose qui me rassure, ce qui me conforte à l’idée qu’on doit forcément bien se connaître. Tu ne penses pas ? ».
Détachant mon regard du sien, mes interrogations sur notre présence en ce lieu remontèrent en moi. Que pouvais-je bien faire à cet endroit ? Peut être mon père m’y avait-il envoyer récupérer quelque chose ? Cela ne serait pas étonnant, le lac de la transparence est réputé pour être très apprécié des magiciens, et mon père en était un. Mais dans ces cas là, pourquoi avais-je besoin de l’aide de mon ami ? J’espérais trouver la réponse rapidement car l’incertitude me mettait dans tous mes états.
Passant un bras autour de celui de Shawn, je l’entrainais au bord du lac.
« Quitte à être ici, autant se promener un peu, ne crois-tu pas ? » demandais-je après l’avoir gentiment forcé à me suivre. « Peut être que discuter ensemble nous aidera à retrouver le motif de notre sortie ? ».

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Bien que la situation m’échappait totalement, j’appréciais le moment. Déambuler autour du lac avait quelque chose d’apaisant, était-ce le lieu en lui même ? Ou bien était-ce autre chose que j’ignorais ? Je continuais de me questionner intérieurement, décidant de quelle interrogation méritait d’être énoncée à voix haute. Cependant, ce fut Shawn qui turbinait à voix haute. Il paraissait hésitant, mais il finit par m’avouer qu’il se rappelait parfaitement de mon visage, mais pas de mon prénom.

« Tu ne sais plus comment je m’appelle ? » m’écriais-je aussi surprise qu’amusée. « Je m’appelle Arwen. C’est étrange que tu n’en ai trace dans ta mémoire car moi je me souviens du tiens ! Tu t’appelles Shawn ! » je souriais, fière d’être en mesure de lui affirmer que je gardais une trace de lui dans ma mémoire. « Je te l’ai dit, je ne me rappelle plus exactement en quels termes on est, mais je sais que c’est du positif. Je me sens à l’aise avec toi, comme si nous avions parcouru beaucoup de choses ensemble ». Je resserrais mon emprise autour de son bras, espérant le rassurer un peu.

Je nous approchais du lac, espérant pouvoir y tremper les pieds. Soudainement, je me demandais si Shawn connaissais ma véritable nature. Je ne comptais pas laisser cette potentielle question sans réponse. Maladroitement, je pris la parole.

« Je ne sais pas si tu es au courant, mais je suis une sirène » confiais-je à mi-voix à mon partenaire, observant sa réaction. Je lui souriais toujours en justifiant mon propos : « Je te le précise parce que j’aimerai me baigner un peu, tu peux m’accompagner, je resterai à la surface ».

Mon regard se portait cette fois-ci sur le lac. L’étendue d’eau était d’une beauté sans pareil, l’eau était translucide, si bien que nous pouvions en observer le fond sans même avoir à nous pencher. Je sentais mon corps se tendre à la proximité de mon élément, et je savais clairement que je ne serais pas tranquille tant que je n’aurais pas cédé à mon désir. Un pas seulement me séparait du bonheur d’être à nouveau sirène lorsque brusquement trois sortes de serpents d’eau déchiraient la surface du lac pour se jeter sur nous. Instinctivement, j’usais de mon emprise sur l’eau, en tant qu’ondine c’était tout bonnement un jeu d’enfant pour moi. Cependant mon intervention s’avérait inefficace. Sans réaliser tout de suite que mon ami utilisait de l’anti-magie, nous étions déjà renversés à terre. Ma tête avait tapé lourdement sur une surface dure, mais ce n’était pas le sol. Tentent de me redresser, je compris rapidement que c’était la poitrine du brun que j’avais heurté. Nous étions trempés jusqu’aux os, et mon ami commençait à bleuir. Il me fallut un peu de temps pour me redresser sur mes deux jambes, et libérer ainsi le corps de mon ami.

« Oui je vais bien. Je ne t’ai pas fais mal j’espère ? » demandais-je inquiète, lui posant la main sur l’épaule. « Je suis désolée, je n’ai pas eu le temps de comprendre pourquoi ma magie n’a pas fonctionné. Ce détail m’a perturbé et je n’ai pas réagit correctement ». Je tentais de justifier un tel désastre magical en ajoutant : « C’est la toute première fois qu’un sortilège a complètement échoué. En temps normal, même face à de l’anti magie j’arrive à comprendre ce qu’il en est. Mais cette fois, j’étais vraiment à côté de la plaque. Quelle belle image je te donne de moi … ».

Déçue de ne pas avoir réussi à nous garder au sec, je me tournais et retirait mon haut et le tordait afin de l’égoutter le plus possible. Je ne désirais pas garder des vêtements mouillés malgré la clémence du climat.

« Tu devrais faire de même » conseillais-je à Shawn. « Tu vas attraper la mort si tu restes dans un tel état ». Constatant que le jeune homme n’appliquait pas mon conseil, je me retournais en riant « Tu sais, avec la proximité forcée qu’on vient de subir, j’imagine qu’on est plus à ça près ».

Je riais toujours, mais ce n’était en aucun cas de la moquerie. Reprenant tranquillement notre balade, nous maintenions cette fois-ci une distance correcte entre nos personnes et le bord du lac.

« Que s’est-il passé exactement ? » je recommençais à poser des questions, j’espérais ne pas agacer mon camarade, mais cela ne m’empêchais pas de continuer. « Mon père m’a beaucoup parlé de cet endroit quand j’étais petite » commençais-je en regardant Shawn afin de déterminer si mon récit l’intéressait. Manifestement, ce fut le cas. Satisfaite, je continuais : « C’est un lieu important pour les magiciens, mais également pour les sirènes. Une sorte de querelle sans fin se déroule entre les deux peuples en ce lieu. J’imagine que ce sont ces mêmes sirènes qui ont créé les trois serpents d’eau qui nous ont attaqués ».


Dorénavant, j’écoutais mon ami parler avec une attention religieuse. Cet excès de concentration pouvait s’avéré payant si quelque chose qu’il mentionnait ramenait un souvenir en mémoire.

« Excusez-moi ! »

Je me retournais et j’aperçu une femme nous courir après. Je m’arrêtais, attrapant la manche de Shawn afin qu’il me suive. Essoufflée, la dame arrivait à notre niveau. Elle haletait, les mains posées sur ses cuisses.

« Alors, vous l’avez trouvé ? » demandait-elle les yeux pleins d’espoirs et un grand sourire aux lèvres.

Je regardais à nouveau mon camarade, pensant qu’il se rappelait peut être quelque chose de plus que moi. L’incompréhension hantait son visage, je compris dès lors qu’il n’était pas plus renseigné que moi. « Peut être avons nous déjà rencontré cette femme avant de nous réveiller au milieu de la plaine » pensais-je déterminée à savoir ce que nous étions censés trouver. Néanmoins, je laissais la parole à Shawn.  

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J’observais la femme puis successivement Shawn. Cette première mesurait environs la même taille que moi à quelques petits centimètres près. Ses cheveux châtain lui tombaient joliment sur le dos, ses deux yeux bleus attiraient mon regard tant ils étaient pâles, si pâles que je réalisais que la pauvrette avait du beaucoup pleurer dans les heures qui précédaient notre rencontre. Ses pommettes creuses accentuaient les cernes violacées qui marquaient son visage. Cette femme était manifestement très fatiguée, la possibilité qu’elle ai perdu un être cher me traversait l’esprit. Cependant, je me tenais à ma volonté de laisser Shawn discuter avec elle, préférant cette fois-ci être une auditrice passive. Mon camarade lui répondait que nous n’avions pas trouvé l’objet en question, ce qui m’étonnait très fortement. Avait-il des bribes de souvenirs de plus que moi à ce sujet ? Je le regardais dans les yeux, affichant clairement un air interloqué, mais décidant de continuer à le laisser répondre. Jusqu’à présent je n’avais jamais lié de relation avec de parfaits idiots, il devait donc savoir ce qu’il faisait. Je portais mon attention à nouveau sur la femme, me contentant d’arborer un visage confiant. A mon plus grand soulagement, et manifestement également à celui de mon ami, notre interlocutrice s’empressait de nous rappeler le but de notre pseudo mission. Il s’agissait de retrouver une broche appartenant à son défunt maris qui était magicien, broche qui reposait à présent au fond du lac parmi des milliers d’autres objets semblables… Dans le même lac dans lequel les sirènes qui y logeaient qui ne désirait pas que l’on s’approche du bord. La tâche s’annonçait pratiquement impossible. Je levais la tête à nouveau vers Shawn, essayant de lui faire parvenir ma détresse. Ce dernier gardait la tête froide et réagissait très bien, précisant à la veuve qu’il ne fallait pas brusquer les choses afin de ne pas risquer de se retrouver dans une mauvaise passe. Après nous avoir confié que notre binôme lui rappelait sa jeunesse avec son époux, la triste femme s’en allait telle une âme en peine dans la direction dont elle venait. Je la regardais s’éloigner de nous, un sentiment de tristesse m’envahissait.

Songeuse, j’imitais Shawn et m’asseyais près de lui. Ce dernier me présentait un résumé clair et succin de la situation.

« Je ne me rappelle de rien de plus » confiais-je tristement. « En revanche, l’histoire de cette femme m’a touché » je marquais une pause en regardant le lac qui s’étendait à perte de vue devant nous. « Il faut au moins tenter de la retrouver, on lui a promis » je soufflais ces derniers mots en espérant que mon compagnon me suivrait.

Un court instant de silence s’imposait à nous, instant pendant lequel Shawn saisit ma main, la positionnant de façon à ce que ma paume se présente vers le ciel. Avant même qu’il commence à effleurer ma main, une bribe de souvenir me bousculait. Je nous voyais tous les deux, en compagnie de mon amie Nissa et d’un autre homme dont je ne me rappelais plus. Nous étions dans un bar, il y avait de la musique et de la bière coulait à flot et il y avait Shwan… Qui me tenait la main de l’exacte même façon. Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, un sourire illumina mon visage.

« Je me rappelle de quelque chose ! » m’écriais-je ravie de récupérer des instants qui m’appartenaient, qui nous appartenaient. « Tu te rappelle notre rencontre ?! C’était dans un bar ! Et tu avais tenté une petite expérience d’anti magie sur ma main, exactement comme maintenant ! ».

J’étais soulagée de constater qu’il était possible d’avoir accès à mes souvenirs volés, bien que c’était une manœuvre incertaine et qui ne dépendant pas entièrement de ma volonté, mais c’était toujours mieux que rien, mieux que l’état dans lequel je m’étais éveillée quelques minutes auparavant.
Je serrais la main de Shawn dans la mienne, rassurée par la preuve que nous étions bien amis. Posant ma tête sur son épaule j’observais le lac, pensant à une façon intelligente afin d’espérer récupérer l’objet recherché.

« Il n’y a pas trente-six mille solutions » déclarais-je au bout de quelques minutes de réflexion personnelle, « Il faudra quoi qu’il arrive que l’on aille faire un tour au fond du lac. Si ce sont bien des ondines qui nous ont effrayé tout à l’heure, alors si je prend ma forme de sirène peut être qu’elles nous laisseront tranquille ? Ou alors je pourrais les convaincre que nous sommes juste de passage, et que nous n’embêteront personne ».

Je n’étais pas sure que mon idée soit la plus adéquate, ni même que le peuple des eaux nous laisseraient plonger une tête, mais qui ne tente rien n’a rien, nous n’avions pas d’autres choix.

« Je devrais peut être y aller la première » dis-je d’une voix hésitante.

Je me dirigeais doucement vers le bord du lac lorsque je commençais à chanter. Ces créatures étaient mes semblables, si par malheur elles ne m’avaient pas reconnues tantôt, elles ne pouvaient pas se tromper en m’entendant chanter. J’approchais dangereusement de l’étendue d’eau, mais rien ne se produisait. Je m’assis sur la berge, trempant prudemment les pieds dans l’eau, mais rien ne se produisait. Un peu plus confiante, je me laissais glisser totalement dans mon élément, reprenant instantanément ma véritable nature. J’arrêtais dès lors de chanter, je n’avais plus besoin de cela pour que l’on m’identifie comme ondine.

« Tu peux venir » criais-je à l’intention de Shawn. « L’eau n’est pas si froide que ça une fois dedans. Si quelqu’un tente de nous nuire, je tenterai le dialogue, mais je pense que ça ira ».

Je me rapprochais du bord afin de m’assurer de sa sécurité malgré tout, ne savait-on jamais si certaines ondines attendaient qu’il soit dans l’eau pour le couler par le fond, mieux fallait que je sois à proximité. Le temps qu’il me rejoigne, je nageais joyeusement, oubliant presque la tristesse ressentie quelques minutes plus tôt.

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Spoiler:

Je barbotais gaiment, attendant d’être rejointe par Shawn. J’étais désormais soulagée de ne pas avoir subit d’agression, cependant je me maintenais à la surface du lac, m’assurant de la sécurité de mon ami. Je nageais vers lui afin de le hâter, je me languissais de plonger. La proximité de la berge me déplaisait car je ne pouvais pas me tenir droite dans l’eau faute de profondeur suffisante, je me voyais donc forcée de m’incliner tête en avant si je voulais garder mon apparence de sirène.

Les minutes défilaient avec une lenteur qui m’exaspérait mais je prenais mon mal en patience, réalisant que tout le monde ne pouvait pas être si prompt et motivé à l’idée d’une baignade surprise. A ma plus grande excitation, l’homme m’avait enfin rejoint.

« Tu vas voir, je vais te faire nager à une vitesse que tu n’imagine même pas ! » m’amusais-je en nageant autour de lui.

Je remuais dans tous les sens, profitant de chaque mouvement que pouvait m’offrir ma condition d’ondine, si bien que cela permit à Shawn de réaliser que j’étais également marquée par le même symbole que lui. Il m’indiquait qu’il se situait sur ma nuque. Affolée, je me retournais nerveusement sur moi-même, relevant ma tignasse de cheveux afin d’avoir la possibilité de la contempler. Agacée, je finis par renoncer, grincent des dents.

« Elle est vraiment identique à la tienne ? » demandais-je à Shawn dans un souffle. « Pourquoi je l’ai sur la nuque, et toi sur le poignet ? ».

J’étais tellement préoccupée par ce nouvel élément que j’en oubliais de prêter attention à mon environnement. Je me tenais devant mon compagnon lorsque ce dernier me ramena brusquement hors de mes pensées, me confiant qu’il se sentait mal à l’aise dans l’eau, comme s’il était encerclé par des prédateurs. J’allais le rassurer naïvement lorsque quelque chose se saisit de lui.

« QU’EST CE QUE S’EST ?! » m’époumonais-je surprise et anxieuse en voyant deux bras enserrer mon ami. « Reste calme, c’est une sirène, je la sens » tentais-je de le rassurer prenant conscience de la nature de la situation.

J’avais du mal à réfléchir tant j’étais brusquée par la rapidité de l’action. Le temps allait bientôt m’être compté lorsque ma consoeure l’attirerait par le fond. Instinctivement, ma main s’empara de celle de Shawn, j’espérais par cette manœuvre le mettre en confiance, lui assurer que je ne laisserais rien lui arriver. L’ondine qui jaillit hors de l’eau n’était pas la magnifique créature à laquelle n’importe quel marin s’attendait, il s’agissait d’une réelle prédatrice. Elle avait sa forme de monstre des mers, celle que tout individu croyant à la légende redoute. Crachant et feulant, elle tentait de nous intimider avec ses canines acérées. Je resserrais mon emprise sur la main de Shawn et le regardant dans les yeux, je lui réitérais silencieusement ma promesse.

La créature des mers après s’être raclé la gorge menaçait sa victime. Elle prenait un malin plaisir à le torturer psychologiquement, en lui demandant entre autre de lui donner une unique raison de ne pas le noyer. Je sentais le regard désespéré de Shawn s’engouffrer dans mes deux yeux violets. J’étais responsable de la situation, et je comptais bien la résoudre. Je sentais un sentiment de colère m’envahir, un sentiment si puissant et incontrôlable que je ne pouvais articuler quoi que ce soit. J’avais déjà vécu une situation similaire à celle-ci, et je savais exactement ce qui allait se produire et comment j’allais l’emporter sur cette monstruosité.

La douleur me gagnait, je repoussais ma tête en arrière en laissant apparaître mes crocs à la vue du monde. Les épines qui bordaient ma queue en temps normal s’allongèrent dangereusement, mon corps se préparait à l’attaque imminente. L’unique fois dans ma vie où j’avais exploité ma forme de vampire des mers était contre mon gré, mais j’avais brillamment exterminé mon agresseur. Cette ondine ne s’imaginait pas une seule seconde ce qui l’attendait, cependant elle riait en articulant une phrase.

« Tic toc, temps écoulé, à ton tour de sombrer ! ».

En moins d’une seconde, Shawn avait littéralement disparu de la surface de l’eau. Sans réfléchir, je m’engouffrais à mon tour dans les profondeurs du lac à la poursuite de mon ami. La chance était de mon côté, le lac m’offrait une visibilité sans faille, et en plus l’ondine était plus lente que moi. Je décidais de m’assurer avant tout de la sécurité de mon camarade avant d’assouvir ma soif de vengeance. Je contournais les deux corps par le fond et mes crocs pénétrèrent dans les écailles de la sirène. Elle hurlait de douleur tandis que je resserrais mon emprise. Lorsqu’elle décida de lâcher l’humain afin de se concentrer sur sa rivale, Je lâchais ma prise.
Je me précipitais sur Shawn, le temps pressait, je n’avais pas le loisir de m’assurer qu’il était toujours conscient. Je le serrais dans mes bras, son visage contre le mien. Je savais que même s’il n’osait plus ouvrir les yeux, il savait qu’il était désormais avec moi. Je donnais de puissants coups de queue en direction de la surface, je ne pensais plus à rien d’autre qu’à déposer mon ami sur la berge avant d’aller régler son compte à la furie qui nous pourchassait.

« Je reviens » déclarais-je précipitamment à mon compagnon probablement inconscient en le poussant le plus loin possible du bord.

Je n’eus pas le temps de terminer de le faire rouler que je sentais les bras de l’ondine se refermer sur moi, m’entrainant à nouveau dans les profondeurs. Cette fois-ci je pouvais penser clairement, je n’avais plus qu’à me soucier de ma personne. Je la laissais me couler volontairement de sorte qu’elle se fatigue inutilement. J’évitais chacun de ses coups de dents mais je ne parvenais pas à trouver l’occasion de lui infliger des dégâts. Je me sentais perdre en vitalité à mesure que le temps et les agressions s’écoulaient, il devenait urgent que je parvienne à la blesser. Me dégageant de son emprise, je filais vers la surface, espérant qu’elle me charge. Sans plus de surprise que cela, ce fut ce qui se produisit. J’esquivais sa mâchoire mais je plantais mes dents dans son cou. La furie hurlait à nouveau, se débattant plus violemment que la première fois. Elle réussit à s’arracher de mes dents, mais à l’attaque suivante, je lui assenais un coup de queue toujours au niveau du cou, lui tranchant proprement la carotide. Cette dernière portait maladroitement ses mains à sa gorge, tentant de bloquer l’hémorragie, cependant il était trop tard pour elle, et elle le savait. Je remontais à la surface, reprenant ma forme initiale d’ondine. Je me penchais sur le corps de Shawn mais sans quitter le contact de l’eau. J’étais désormais sûre de moi, aucune autre sirène n’allait nous nuire, pas après la scène qu’elles avaient probable du observer.

«Shawn ? Tu vas bien ? » demandais-je à l’homme en lui assenant de petits coups sur l’épaule. « Fais un effort mon gars ! Tu n’es pas resté longtemps sous l’eau ! ».

Je m’approchais encore plus prêt de lui, je le surplombais désormais. Je renouvelais mes appels, sentant qu’il revenait à la conscience.

1178 mots

Shawn émergeait doucement des ténèbres. Il était plus amoché que ce à quoi je m’attendais. Réalisant qu’il ne voudrait probablement pas retourner dans l’eau de si tôt, je grimpais hors de l’eau, reprenant ma forme humaine. A peine revenu à lui, il recommençait déjà à me taquiner.

« Tu veux une réanimation ? Je t’en prie, saute à l’eau » déclarais-je en riant de bon cœur.

La nuit était tombée rapidement pendant notre petite mésaventure sous les litres d’eaux, si bien qu’il fallut que mon ami m’en fasse prendre conscience. Il était désormais évident que nous en avions terminé avec la mission pour aujourd’hui, et peut être même pour demain. Je ne savais dès lors si mon coéquipier souhaitait renouveler la recherche de l'objet tant convoité. Je passais ma main dans ses cheveux, l'aidant à retrouver un semblant de bonne mine.  

« Bouge pas, je reviens » annonçais-je sans plus de précision au pauvre homme gisant faiblement à terre.

Je me levais et me dirigeais vers le tronc d’arbre sur lequel nous avions laissé nos affaires plus tôt dans la journée, enfin plus précisément mon haut et ses vêtements personnels à lui puisque je n’avais pas ôté mon pantalon. Le linge avait effectivement eu le temps de sécher pour la plupart des pièces, c’est donc soulagée et souriante que je revenais à côté de mon camarade, l’aidant tant bien que mal à se vêtir.

« Je ne sais pas si tu sens la brise, mais tu vas tomber malade si tu ne te met pas au chaud » préconisais-je en le maintenant assis. « Et dire que tu veux aller chasser… » maugréais-je à mi-voix. « Tu ferais mieux de te reposer, je me charge de la nourriture ». Je marquais une pause, me demandant comment il allait réagir à ma prochaine phrase. « En revanche, j’espère que tu aime les fruits et champignons, parce que je ne chasse pas. Je suis végétarienne ».

Sans grand étonnement, l’humain me dévisageait avec deux grands yeux ronds, manifestement il désirait vraiment un peu de viande. Il tenait désormais assis, mais son corps était meurtri, couvert de bleus. Etait-il vraiment sage de le laisser se lever et courir après des animaux ? Ce n’était malheureusement pas à moi d’en décider, je pouvais au mieux le conseiller, mais pas prendre une décision à sa place. Comprenant que ce dernier ne changerait pas d’avis, je l’aidais à se lever, le soutenant avec mon épaule.

« Ca va ? » je questionnais le jeune homme maladroitement, mais j’avais peur qu’il prenne mal mon trop plein d’attention à son égard, ou bien qu’il pense que je le sous estimais. « Si tu veux, on peut marcher comme ça ? Je suis sure qu’une telle proximité ne te dérangera pas le moins du monde ! » concluais-je plongeant mon regard dans le sien et en riant à gorge déployée.

Nous progressions lentement vers le petits bois qui sous plombait un pan de montagne. Il ne faisait pas encore nuit noire, mais il nous fallait nous presser si nous ne voulions pas nous retrouvés coincés dans la forêt sans plus rien y voir. Je me penchais souvent pour ramasser des champignons, mais j’étais surprise et déçue de rencontrer si peu de fruits. Il y avait certes des baies sauvages, mais bien trop peu pour nourrir deux personnes.
A force de marcher, mon binôme se sentait plus à l’aise et il pouvait à présent se déplacer seul. Après tout, peut être qu’il réussirait à attraper un animal ?

« Tiens, prends ça », je lui tendais un de mes poignards. « Je sais que tu as une épée, mais ne sait-on jamais, si tu tombes sur une proie proche de toi, ton épée pourrait te poser soucis. Sois prudent, je compte sur toi ... ».

Je lui fermais la main sur mon arme et le laissais se mouvoir seul. De mon côté, j’étais tombée par chance sur un petit amas de champignons marron. Sans hésiter une seule seconde, j’entrepris de tous les récolter.

« Ce sont mes préférés » précisais-je à haute voix à l’intention de Shawn. Cependant, je n’étais pas sure que ce dernier soit toujours assez proche de moi pour m’entendre.

Une fois ma besace remplie, je m’asseyais sur un rocher en attendant que mon camarade revienne. Je pris soin de ramasser également quelques brindilles éparpillées autour de moi en prévision du feu qu’il allait devoir allumer.  

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Shawn revenait vers moins les mains vides. Toujours assise sur mon rocher, je lui adressais un sourire taquin.

« Alors monsieur, on va devoir manger des légumes ?! »

Je riais à gorge déployée à mesure que le visage du jeune homme se décomposait. Le pauvre, il venait de subir une situation traumatisante, il avait été blessé et était toujours faible, et il ne pourrait pas déguster ce qui lui faisait tant envie. Reprenant mon sérieux afin de ne pas ajouter de l’eau à son moulin de déception, je lui souriais d’un air compatissant.

« Si cela te tiens vraiment à cœur, j’irai te pécher du poisson ? » proposais-je en lui tendant ma main, espérant qu’il vienne s’asseoir près de moi. « Tiens regarde, j’ai amassé des brindilles pour le feu. En piste garçon, impressionne moi ».

Tandis qu’il s’approchait doucement de moi, il me fit par de son étrange sensation quant au rendu de sa chasse. En effet il avait raison, ce n’était pas normal qu’il n’ait pas croisé un seul animal autour de nous. Perplexe, je m’apprêtais à récupérer mon couteau quand l’homme se jeta sur moi.

« Qu’est ce … ? » bredouillais-je le souffle coupé.

Instinctivement j’avais laissé ma besace s’échapper de mon emprise. J’étais hors d’haleine, je n’avais pas eu le temps de remplir mes poumons avant l’assaut du jeune homme. J’entendis un sifflement frôler ma tête, je fermais les yeux de toutes mes forces ne comprenant pas ce qui nous arrivait. Je n’osais plus bouger un seul muscle, même ma respiration était momentanément en suspend. Aussi soudainement que le premier sifflement, un second fonçait sur nous, mais cette fois-ci je l’entendis légèrement moins. Mon corps sursauta malgré mon contrôle sur lui, j’étais démunie face à l’embuscade dans laquelle nous nous trouvions. Au troisième assaut j’ouvrais les yeux et je vis un projectile nous survoler rapidement, plus de doute sur la nature de l’attaque : Des archers voulaient nous voir morts, puis ce fut le noir complet. Je m’agrippais au corps de Shawn qui me recouvrait cette fois, me protégeant des flèches. Malgré le fait que mes yeux étaient ouverts je ne voyais rien à ce qui se passait au dessus de nous. Je ne voyais même pas mon ami, je devinais sa présence bien sure, mais ma peur m’handicapait, créant une cécité visuelle temporaire.

« Tu crois que ce sont encore des sirènes qui nous en veulent ? » demandais-je à mon camarade dans un souffle inquiet. « Je ne comprend pas, nous ne sommes pas des magiciens, elles ne devraient pas nous agresser ».

Recouvrant progressivement ma vue au fur et à mesure que je me calmais, je constatais que nous étions entourés de tâches de sang.

« Shawn ! » m’écriais-je en fronçant les sourcils. « Tu saignes… Tu es encore blessé ».

Désolée d’avoir encore été épargnée face à lui, je réfléchissais à une façon de le remercier, de lui assurer que j’étais reconnaissante qu’il se soit interposé entre nos assaillants et moi. Je le regardais dans les yeux lorsque je réalisais à quel point il semblait avoir envie de m’embrasser. Sans réfléchir davantage, j’emprisonnais tendrement son visage dans mes deux mains dans un mouvement lent afin qu’il réalise ce à quoi il allait avoir le droit. Je lui souriais d’un air mielleux avant de relâcher mon emprise en me reculant.

« T’y as cru ?! » rigolais-je nerveusement, continuant de le regarder avec tendresse.

L’homme, gêné, tenta de changer de sujet. Il semblait réellement plus déçu que ce à quoi je m’attendais. Décidant de mettre un terme à ma blague, je m’empressais de passer mes bras autour de son cou, le rapprochant dangereusement de mon visage. Puis, après un dernier sourire taquin je déposais un baiser sur ses lèvres. Je laissais durer cet instant quelques secondes, le laissant profiter de cette récompense bien mérité.
Laissant choir ma tête sur le sol, je décidais de prolonger mon sadisme un peu plus longtemps.

« Relève toi maintenant, tu m’étouffe ! ». Je rigolais volontairement dans le but de lui signifier que le moment tendresse avait bien prit fin. « J’espère que tu en a bien profité ! » déclarais-je fièrement en lui faisant un clin d’œil.

Rassemblant mes provisions, je me relevais maladroitement. Ma jambe me faisait souffrir, sans doute étais-je un peu mal tombée, cependant je décidais de ne pas en faire part à mon ami, il était bien plus amoché que moi, je n’allais pas commencer à me plaindre pour si peu. Récupérant le bout de tissu dont il s’était servi tout à l’heure près du lac, je lui épongeais le sang qui émanait de sa joue.

« Ce n’est pas très profond » commentais-je sérieusement. « En revanche, ce n’est pas très beau, j’espère que tu n’en gardera pas une cicatrice. Tu ne t’es pas blessé davantage ? ». Regardant autour de nous, j’ajoutais : « Je pense que nos assaillants sont partis, en revanche je crois qu’il serait plus judicieux de dormir dans des arbres cette nuit, qu’en penses-tu ? Je m’arrangerai pour t’aider à monter. En attendant il nous faut manger ! Tu fais un feu sur la plage pendant que je vais pêcher ? ».

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Rassurée par les propos de mon ami, je m’empressais d’amasser mon butin à nouveau. Une fois la tâche achevée, je me relevais en défroissant mon vêtement puis j’acceptais le bras que me tendait l’humain.
Nous progressions tranquillement, toujours sur nos gardes malgré tout. Je m’efforçais tant bien que mal de ne pas boiter.

« Tu penses qu’on retrouvera nos souvenirs ? » questionnais-je subitement alors que nous cherchions un arbre dans lequel nous reposer. « Je me demande si ce n’est pas tout bonnement temporaire » Je portais ma main dans ma nuque, tentant de rester naturelle. « Toi aussi ta marque te démange ? Ce matin je ne sentais rien mais c’est de pire en pire ».

Je commençais à me gratter frénétiquement contre ma volonté.

« Il me faut trouver des feuilles de menthe, peut être que ça pourra calmer les démangeaison » grognais-je agacée par un tel inconfort.

A force de déambuler entre les arbres, nous tombions sur l’abri idéal afin de passer la nuit tranquillement. Il s’agissait d’un large tronc d’arbre à moitié creux. Enfin quand je dis large, je veux dire assez large pour qu’un humain puisse s’y coucher, mais à nous deux nous y serions entassés. Mais qu’à cela ne tienne, il nous était indispensable de récupérer des forces après la journée qui s’était déroulée.

« On dirait bien que nous avons trouvé notre cachette ! » déclarais-je en m’installant au cœur de l’arbre.  « J’espère que tu as faim ! Je te laisse préparer un petit feu et commencer à faire cuire les champignons pendant que je vais pêcher ». Regardant l’expression de Shawn, je réalisais qu’il ne savait probablement pas les faire cuire. Rapidement j’ajoutais à son intention : « Si tu ne sais pas faire ça correctement tu me laisseras faire, je ne veux pas manger des champignons carbonisés ! ». Je lui souriais avant de lui tourner le dos pour me rendre au lac.

J’avais décidé de partir rapidement afin d’être de retour avant que la nuit soit totalement tombée. Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle je me pressais je l’admet, j’étais également enchantée de pouvoir me baigner tranquillement. Etant seule, je me déshabillais entièrement avant de plonger de bon cœur dans l’eau. Je barbotais gaiement dans ma forme d’ondine, faisant des tours sur moi même. Il m’était plus aisé de pêcher avec une telle apparence car je n’avais besoin ni de filet ni d’appât, j’avais juste à nager dans les eaux profondes là où se trouvaient les plus gros spécimens et fermer ma mâchoire sur eux.
Procédant de cette façon, je demeurais attentive cependant à mon environnement. Je n’étais pas à l’abri d’une nouvelle attaque de la part d’une congénère. Mais cette fois-ci j’étais décidée à communiquer avec ces dernières plutôt qu’à les agresser. Il faisait sombre dans ces profondeurs, cependant cela ne m’empêchait pas de sentir les regards de ces dernières peser lourdement sur ma personne. Je n’étais dès lors incapable de les situer, elles devaient être au moins quatre, mais autour de moi. Par ailleurs il leur était impossible de ne pas voir que j’appartenais à leurs semblables. Prudemment je remontais à la surface afin d’y déposer mes trois poissons avant de revenir exactement à l’endroit où je les avais pêché.
Plongent encore plus profondément, j’observais des milliers et des milliers de broches similaires. Il n’y avait aucun doute, c’était bien ce type de bijou que nous réclamait la veuve.  Je m’approchais d’elles au point d’en attraper deux dans mes mains. Je les comparais silencieusement, cherchant comment les différencier.

« Qu’est ce que tu veux ? » grognait une sirène qui sortait d’un amas d’algues à ma droite.

Elle était blonde comme les blées, belle comme le jour. Ses yeux bleus m’omnibulaient presque, je n’osais imaginer le charme qu’elle devait exercer sur les pauvres marins perdus. Elle fronçait les sourcils et montrait ses crocs qui commençaient à prendre l’aspect de ceux des fameuses vampires des mers. Sans la moindre hésitation, je décidais d’exposer les motifs de ma visite.

« Une femme, veuve, m’a demandé de retrouver la broche de son défunt mari ». J’observais ses réactions, me tenant malgré tout prête à me défendre.

Cette dernière, à mon plus grand étonnement, éclata de rire. Un son mi mélodieux mi terrifiant émanait de sa gorge.

« Tu t’imagine réellement retrouver SA broche ici ? Regarde par toi même, elles sont toutes identiques » déclarait-elle en riant toujours, me montrant la vaste étendue de broche déposées sur le fond d’algues. « En revanche, tu dois t’en aller rapidement. Tu as tué l’une de nous, et mes sœurs sont enragées ».

Je sentais en effet que le cercle autour de moi se refermait lentement mais surement. Je décidais d’emporter la broche que j’avais dans la main et d’écourter notre petite discussion.

« Je te remercie de m’avoir écouté » je feignais un sourire afin de savoir si elle allait me le rendre. La blonde ne me le retourna pas. Avant de prendre mon impulsion pour remonter, je tentais tout de même de justifier mon attaque envers leur congénaire : « Je l’ai tué parce qu’elle avait kidnappé mon ami humain afin de le couler pour son simple plaisir. Je ne regrette pas mon geste ».

Cette fois, je remontais sans demander mon reste. Une fois sur la berge je rassemblais mes poissons, me rhabillais et retournais vers notre abri. Shawn avait réussi à faire cuire les champignons avec succès.

« Tu vois, ce n’était pas si dur » rigolais-je doucement. « Tiens regarde ce que j’ai pêché ! ». Je lui tendais les poissons après les avoir écaillés.

Le brun s’occupa de les cuisiner. Nous mangions tranquillement notre repas tant mérité.

« Tu aimes les champignons alors ? »

Une fois le repas achevé, nous allions nous coucher, ou enfin nous allions nous contorsionner dans l’espace que l’arbre nous offrait, tous les deux dos à dos.
Je m’endormais rapidement, fatiguée par les aventures de la journée. Mon réveil fut tout aussi brutal que mon assoupissement. Je me trouvais à moitié sur mon ami, et manifestement mon poids lui était difficilement supportable.

« Bonjour petit être fragile » bredouillais-je à moitié endormie mais néanmoins toute sourire. « Je suis trop lourde pour toi ? » demandais-je d’un ton taquin en me relevant. « Pour le petit déjeuné, je te propose de finir nos champignons ! ».

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Occupée à vouloir faire naitre un feu dans le petit tas de pierre que j'avais laissé en plan la veille au soir, je m'accroupissais, visage au sol, souffrant délicatement sur le début de braise que j'obtenais. Une fois le feu bien pris, j'y laissais l'eau de mes champignons s'évaporer et se cuire.

"Tiens, mange moi ça" dis-je à l'humain en lui tendant une feuille d'arbre sur laquelle se trouvait une dizaine de champignons cuits. "Je vais aller te chercher des baies, je n'en aurais pas pour longtemps. Quand je reviens, je veux que tu ai tout mangé". J'avais conscience que le maternage n'était peut être pas apprécié par le garçon, mais c'est ce qu'il y avait de mieux pour lui dans l'état des choses, et je ne souhaitais pas qu'il refuse ces aliments qu'il ne prisait pas tellement. "Je mangerai les miens en chemin, ne m'attends pas"

Lui adressant un dernier sourire, je m'en allais dans la forêt. Sur le chemin je repensais à lui. Il me paraissait en bien meilleure santé ce matin, il avait repris des couleurs, et il se tenait un peu plus droit qu'hier, du moins ce fut l'impression que j'eus en le voyant se déplacer auprès du feu avant mon départ.
Je longeais la même rangée d'arbre devant laquelle nous avions été attaqués la veille. Une flèche gisait au sol, elle ne paraissait pas du tout abimée et n'avait probablement heurté personne, peut être était-elle celle qui a sifflé à l'oreille de Shauwn ? Je la récupérais et la plaçais dans mon sac ; "Surement que Shauw voudra aller chasser. Il va finir par me manger moi s'il ne trouve pas de la viande à se mettre sous la dent".
Je poursuivais mon chemin jusqu'à trouver quelques mètres plus loin des mets ressemblant à des myrtilles. Il n'y en avait pas énormément, mais cela devait faire l'affaire. J'en cueillais une trentaine, puis je tombais sur des framboises. Cette fois-ci ravie, je m'empressais de les collecter et de les apporter au malade.

"Tu ne devineras jamais ce que j'ai trouvé !" m'écriais-je lorsque l'homme apparu dans mon champ de vision. "Alors ces champignons ? Ca en est où ?". Puis, me rapprochant de lui, une impression étrange m'envahit : "Tu faisais quoi ? Tu as l'air préoccupé".

Il me paraissait plus blanc qu'avant mon départ, si bien que j'avais complètement omis de lui parler des framboises.
Je déposais ma main sur son front, espérant qu'il n'ai pas de fièvre.

"Ca va ? Tu avais meilleure mine avant que je m'en aille". Je le laissais répondre, puis j'ajoutais pour l'encourager : "J'ai trouvé des myrtilles.... Et des framboises ! J'espère que tu aimes ça !  En tout cas j'imagine que ça sera meilleur que les champignons". Je rigolais à moitié en voyant la tête qu'il tirait à chaque fois que je disais le mot champignon.

Après avoir avalé les fruits, l'humain commença à se déshabiller et à se dandiner sous mes yeux. Perplexe, je le laissais faire sans rien dire, attendant qu'il m'explique de lui même le but de la manoeuvre.
Il s'avérait qu'il s'assurait d'être apte à pouvoir se débrouiller tout seul aujourd'hui. Il m'annonça même pouvoir m'être utile, je devinais une partie du sens caché de cette phrase : Mon ami désirait très probablement chasser !

"Tiens" commençais-je en farfouillant dans mon sac à la recherche de l'objet que j'avais récupéré au sol. "J'ai trouvé une flèche. Je te laisse te faire un arc ? Un bout de bois et une liane, et le tour est joué !".

Après s'être réjouis de mon "présent", le jeune homme me demandait si je connaissais une Nissa.

"Bien sur que je connais une Nissa ! C'est une de mes amies les plus chères" répondis-je instinctivement. Puis un flash s'imposa à moi, et je voyais Shawn embrasser mon amie dans un lieu sombre et humide.

"... Je crois que tu l'as déjà embrassée ... Pour Sheos, ça me dit quelque chose également, il me semble qu'il me tenait la main au moment ou toi tu as embrassé mon amie. En revanche, je ne vois pas du tout de qu'il s'agit ...".

Embêtée d'avoir retrouvé une partie de mes souvenirs seulement, je me frottais la tête frénétiquement à m'en faire mal, espérant faire surgir un autre élément pouvant nous aider tous les deux.

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