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 Il était Temps [Callidora]

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Mar 28 Juil 2015, 22:55


« Papa ? » murmura péniblement une petite voix angoissée. Tiré de mes rêveries nocturnes, mes yeux se décrochèrent des lignes noircies sur les pages jaunies d’un vieil ouvrage de cuir et d’or. A peine visible dans la pénombre, dissimulée derrière la porte qu’elle n’avait pas osé ouvrir complétement, Mélodie me scrutait d’un œil inquiet. Malgré la dizaine d’années que son apparence laissait à suggérer, elle n’était pas aussi âgée ; sa croissance accélérée puisqu’elle n’appartenait pas réellement à ces terres. Cependant, son esprit était plus mur, plus affuté que celui d’une enfant. Sensible et fragile, elle avait hérité des émotions éclatantes des étoiles dont sa mère était une digne représentante. Elle comprenait et assimilait des notions d’une extrême complexité en un rien de temps, tout en étant d’une timidité maladroite dans les rapports sociaux. Souvent, elle voguait dans les cieux sous une forme céleste, astre filant et scintillant. Elle avait vu des merveilles. Des horreurs, aussi. Ces temps-ci, ses cauchemars se faisaient plus sombres, plus violents. Elle craignait de s’assoupir. Ce n’était pas la première fois qu’elle gagnait du temps avant l’heure fatidique. « Que dirais-tu d’un bon chocolat chaud ? »  Proposais-je dans un sourire. Elle s’approcha à petits pas. « Oui ! » s’exclama-t-elle, les songes oubliés. Elle fronça les sourcils. « Mais … Papa … » Elle était hésitante et je devais faire preuve d’une contrôle à toute épreuve pour ne pas rire par avance. Je savais ce qu’elle avait en tête. « Tu sais … Tu ne cuisines pas très bien. Même les petits plats simples. » J’eus un petit hoquet amusé. « Ne t’inquiète pas. Blanche-Lune n’est pas encore couchée. » J’entendais ses pensées. Rassurée à l’idée d’une boisson chaude digeste, elle m’attrapa la main pour m’entraîner dans les cuisines. « Mélodie, tu devrais déjà dormir. » murmura l’Orine lorsque la fillette se jeta dans ses bras. Elle ne fit aucun commentaire sur mon propre rythme de sommeil, habituée aux Rehlas qui étaient tous des oiseaux de nuit. « Papa a dit qu’il me ferait un chocolat chaud ! » expliqua-t-elle avec fierté. Elle rectifia doucement en voyant la mine de la jeune femme : « Enfin … Il a dit que je pouvais te demander. » De toute évidence, mes talents culinaires étaient d’un renom sans frontière. Blanche-Lune eut un léger rire, tout bas et un brin sarcastique. « Je m’occupe de toi, ma puce. »

Trois tasses vides reposaient sur la table de bois sombre. Assise sur le grand divan, Blanche-Lune caressait les cheveux blonds de la petite Luhminary. Elle s’était endormie sur ses genoux. L’Orine en profita pour aborder un autre sujet : « Comptes-tu toujours te lancer à la recherche de ce fragment ? » Elle était la seule à qui j’en avais parlé. « Oui. J’avais dans l’idée de partir ce soir mais Mélodie m’inquiète. » - « Ne t’en fais pour elle. Je m’occuperai d’elle si elle se réveille. Tu seras de retour avant l’aube, je suppose ? » Je réfléchis brièvement, partagé entre mes lubies d’aventurier et mes soucis de père anxieux. « Caleb, s’il se passait quoique ce soit, tu serais immédiatement prévenu et apte à revenir en un battement de cils. Je ne comprends même pourquoi tu as choisi cette pierre. » D’après les légendes, le Topaze des Cascades Cristallines conférait le don de téléportation, un pouvoir que je possédais déjà. « Ce n’est pas pour moi. » - « Réellement ? » Face à mon silence, elle ajouta : « Cesse d’être aussi préoccupé. Tu es le plus clairvoyant d’entre nous et en papa peureux, tu surveilles trop la ligne de destinée de ta fille pour être surpris par quoique ce soit. J’ai hâte de voir ce que ça va donner lorsqu’elle sera adolescente. » Je grimaçais, avant de soupirer. « Soit. Surveille Démétri. Ce Djinn ne m’inspire aucune confiance. » - « Tu n’aimes pas être observé par tes propres yeux ? » - « Il a beau être mon clone, je le trouve très différent. » Une fois debout, je me penchais près du front de l’Orine pour l’embrasser. Doucement, je pris Mélodie dans mes bras pour m’éclipser dans sa chambre. Une fois certain qu’elle dormait bel et bien, je disparus de Lua Eyael pour réapparaître près du lit de la Rivière Eternité. L’Astre Reine se réfléchit à la surface limpide de l’eau. Il faisait doux la nuit sur les Terres d’Emeraude. Rêveur, je laissais le vent s’engouffrer dans ma chemise blanche. D’un geste, j’écartais les mèches rebelles de mes cheveux bruns, trop longs, qui tombaient sur mes yeux ocre. Je n’étais pas seul, ressentant une présence à mes côtés. Ne m’en formalisant pas, je me mis à flâner le long du cours d’eau, rejoignant d’un pas tranquille les Cascades Cristallines.

Cette nuit murmurait mille et une promesses. J’avais hâte de voir lesquelles allaient se réaliser. L’esprit perdu dans les étoiles, j’errai avec nonchalance.
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Mer 29 Juil 2015, 14:56




La Lune noyait la terre de ses rayons argentés. Les sens en éveil, Callidora observait en silence la voûte nocturne. La lumière des étoiles offrait des reflets somptueux à ses cheveux bruns et se reflétait dans ses grands yeux rêveurs. La Rehla se posait mille questions en regardant le ciel. Elle savait néanmoins que les réponses ne lui seraient pas apportées pour l'instant. Elle devait acquérir plus de connaissances, et surtout, plus de sagesse. Gérer ses émotions incontrôlables restait son principal défi mais le murmure des astres de la nuit l'apaisait inexplicablement. Elle venait de sortir d'un rêve très étrange, pourtant il lui semblait s'être réveillée dans un nouveau songe tout aussi surprenant. Elle ignorait pourquoi, mais cette nuit, la brise légère qui caressait sa peau au teint lunaire apportait de nouveaux espoirs.

Après deux jours de voyage en mer, Syveth (qui souffrait du même mal que lors de leur précédent voyage) et elle-même venaient d'arriver sur une plage de sable fin. Ils s'étaient mis en route rapidement pour trouver un endroit approprié où passer quelque temps. Suivant l'instinct de Callidora, ils remontèrent une rivière majestueuse en quête d'une forêt ou d'un lieu confortable et sécurisé. Quatre heures de marche intensive plus tard, ils s'arrêtaient enfin là où un fleuve se scindait en deux rivières. La vue était parfaitement dégagée et ils doutaient que quiconque vienne les attaquer ici. Tandis que son compagnon surveillait les environs, la Rehla avait monté le campement. Exténué par leur ballade et les aléas du voyage, Syveth s'était endormi en quelques minutes à peine. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, et d'ailleurs son besoin de solitude se trouvait comblé. Elle s'assit sur une petite couverture de laine et se mit à observer ce qui l'entourait. Elle ne réalisa même pas qu'elle fermait les yeux.

L'immense oiseau se tenait juste devant elle, à quelques pas. Il la toisait de ses yeux de lumière sans bouger. Ses plumes d'un noir d'encre parsemées de fils d'argent semblaient plus soyeuses que le plus doux des tissus. Elle tendit la main vers lui. Il ne broncha pas et elle s'avança d'une démarche hésitante. Elle n'avait jamais vu un animal aussi beau. C'était la créature de ses rêves, celle qui la visitait de temps à autre dans une vision fugitive. Elle pouvait finalement la contempler à loisir et étira les lèvres en un sourire d'admiration, fascinée par ce qu'elle voyait. Il était pourvu de deux pattes puissantes d'un mètre de hauteur qui s'achevaient par des serres acérées. Beaucoup plus grand qu'elle, son regard recelait des trésors de sagesse et de savoir qu'elle n'espérait même pas approcher.  Il possédait une allure majestueuse, l'allure d'un roi. Alors qu'elle posait timidement sa main sur l'une de ses ailes, il s'ébroua. Elle ne l'avait pas remarqué jusque-là, mais de l'eau maculait chacune de ses plumes. Elle s'en étonna avant de reporter son attention sur la tête de l'animal. Il tentait d'étirer son bec en un sourire satisfait et elle se demanda ce qu'il tentait de lui dire.

Callidora leva le bras gauche et commença à caresser le bas de son aile. Elle ne pouvait pas atteindre le reste de son corps, bien trop imposant pour elle. Elle se sentait incroyablement frêle à côté de cette créature céleste, mais elle n'éprouvait aucune peur, comme si sa seule présence suffisait à la débarrasser de toutes ses craintes. Elle ne pensait plus à Syveth ni au fait qu'elle rêvait. Rien ne comptait sinon l'oiseau. Soudain, il poussa un cri strident qui lui brisa les tympans : elle s'écarta de lui brusquement tandis qu'il agitait ses ailes de géant. À son grand étonnement, il s'élança dans les airs sans lui prêter la moindre attention. Elle se releva lentement, encore ébahie de ce qu'elle venait de vivre. Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage : le fracas de l'eau la ramena brutalement dans la réalité.

C'est ainsi qu'elle avait décidé de se lancer seule sur un chemin de terre. Elle avait laissé un mot à Syveth au cas où il se réveillerait, le priant de l'attendre jusqu'au lendemain midi. Elle doutait de rentrer plus tard, mais elle ne voulait pas l'inquiéter. Sans savoir pourquoi, elle marchait à un mètre du lit de la rivière. Le bruit de l'eau qui tourbillonnait ne la dérangeait nullement. Elle ne savait pas ce qu'elle cherchait. Malgré tout, elle continua son périple sans que la fatigue ou la peur ne viennent la troubler. Elle avait oublié de prendre une veste, et vêtue simplement d'une tunique blanche, elle fut surprise de voir qu'elle ne ressentait pas la morsure du froid. Un murmure d'une douceur exquise, écho d'un millier de voix qui chantaient en harmonie s'éleva dans l'air, guidant les pas de Callidora. Les astres célestes lui indiquaient le chemin.

Alors qu'elle marchait depuis une heure ou deux, elle sentit la présence d'un autre être. Une aura irrésistible se dégageait de lui, et sans qu'elle en prenne conscience, elle s'approcha de lui avec la plus grande discrétion. Lorsqu'elle arriva devant lui, elle se reprocha son comportement étrange. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire gêné alors qu'elle observait l'homme qui lui faisait face, surplombé par un ciel dévoré de magnifiques lumières.

« Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici, ni ce que vous y faites d'ailleurs, mais… » Elle hésita avant de terminer sa phrase et pencha la tête sur le côté, comme si les mots qu'elle allait prononcer voulaient s'échapper d'eux-mêmes. « J'ai comme l'impression que les étoiles ne sont pas étrangères à notre rencontre, ce soir. »
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Mer 09 Déc 2015, 16:03


Mon existence ne laissait place qu’à très peu de surprises, tant je devais user de mes forces et ma conviction pour m’empêcher de voir ce que je ne désirais pas savoir, parfois, allant jusqu’à barrer ma vue du Destin de certaines personnes dans le souci de leur accorder une once d’intimité. Je ne fus guère étonné de voir arriver près de moi une toute jeune femme qui, si elle ignorait qui j’étais et ne pouvait encore le deviner, n’avait pas vraiment de secret pour moi. Je souris à la Rehla, la gratifiant de l’expression la plus courtoise et polie que j’avais à ma disposition. « Bonsoir. » lui murmurais-je. Je me souvenais de cette époque-là, où j’étais à sa place et que mes dons me permettaient de ressentir des évidences sans parvenir à mettre des mots sur les vérités. « Enchanté de faire votre connaissance, Dame Callidora Raven. »  Au moins n’aurait-elle plus le moindre doute sur le fait que nous appartenions à la même race. C’était une manie propre à mon peuple de discerner les noms sans avoir besoin de présentations. « Ne vous inquiétez pas. Je vous attendais. » Pour une fois que j’avais la possibilité de parler de la sorte sans qu’on me prenne pour un fou dégénéré tout juste échappé de l’asile, je n’allais pas m’en priver. « Les Etoiles ne sont jamais étrangères aux gens comme nous. C’est guidé par leurs chants et leurs pleurs que nous traçons notre chemin. Ce soir, nos histoires étaient vouées à se croiser ici. » Je fis une petite pause, avant de reprendre : « Peut-être aurais-je dû commencer par le début. » remarquais-je dans un léger rire. « Caleb. » Je préférai lui taire mon nom de famille. Elle ignorait que j’étais le Roi et, à vrai dire, j’aimai autant qu’elle ne le sache pas, en espérant que je ne me sois pas trompé sur l’étendue de ses pouvoirs et ce qu’ils lui permettaient de savoir. Non pas que mon rang me gênait, simplement je n’avais pas vraiment envie qu’elle soit différente pour une raison aussi futile. « Quant à savoir ce que je fais ici … » enchainais-je, songeur. « Il se trouve que je suis à la recherche d’un artefact qui se trouve dans les parages. Je comptais remonter le cours de la Rivière Eternité jusqu’à arriver aux Cascades Cristallines. C’est là-bas que débuteront réellement mes recherches. » Je ne comptais pas repartir sans avoir en ma possession le Topaze du Cristal Maître. « Qu’en dites-vous ? Partante pour me tenir compagnie ? »

J’imaginais sans mal la réaction des Faes qui verraient s’approcher de leurs terres deux êtres comme nous. Callidora et moi partagions une caractéristique commune, propre à notre peuple : la pâleur diaphane, pour ne pas dire lunaire, de notre peau. Hasard amusant, au lieu d’avoir les cheveux clairs comme l’exigeaient les standards des nôtres, nous étions aussi tous deux bruns avec des reflets cuivrés, un contraste qui donnait l’illusion que notre teint était davantage fantomatique. Oui, nous allions faire forte impression. Dans un petit soupir, je levais doucement les yeux au ciel, la tête soumise à cet éternel mal de crâne. « Je vous mentirai si j’affirmais qu’il ne s’agira là que d’une promenade de santé. Ce que je cherche est bien gardé. Heureusement, nous possédons quelques … facilités, et deux ou trois avantages. » J’étais las par avance de quelques rencontres que je me serai volontiers épargné. « L’épreuve n’en sera que plus belle. » Je m’apprêtais à lui demander si elle désirait rebrousser chemin pour retrouver son ami mais me ravissais à la dernière seconde. J’étais déjà un immonde voyeur, monsieur-je-sais-tout et doublé d’un vicieux télépathe. Je devais apprendre à laisser les gens tranquilles et ne pas leur forcer la main. « Et … » Je fus coupé par un élan plus violent que jamais de ma migraine. Vacillant un instant, je pris ma tête entre mes mains et dû me retenir de ne pas pester en présence de la jeune femme. « Pardon. » marmonnais-je d’une voix encore plus basse que d’ordinaire. « C’est qu’il s’en passe des choses. » Cette fois-ci, ma phrase avait été quasiment inaudible. Pour peu que Callidora soit aussi bienveillante pour ne pas remettre en doute ma santé mentale, je lui donnais néanmoins toutes les raisons de se poser de sérieuses questions. Les Rehlas étaient des êtres assez changeants par nature. Moi, je devais être le pire.
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Ven 08 Jan 2016, 11:06

La puissance qui se dégageait de l'être qui venait de prendre la parole ne laissait aucun doute quant aux capacités extraordinaires qu'il possédait. Loin d'être intimidée par ce personnage majestueux, la Rehla se sentait simplement consciente de sa propre faiblesse et ne demandait qu'à assouvir sa curiosité. Savoir de qui il s'agissait ne la préoccupait pas outre mesure. Ce qui comptait à ses yeux ensoleillés, était davantage le discours qu'il prononçait. Un léger sourire effleura ses lèvres à mesure qu'elle l'écoutait. L'impression qu'il menait les subtilités du langage avec aisance et s'en était finalement délivré la rassérénait en profondeur. Pour une raison mystérieuse, elle offrait sa confiance à l'inconnu sans la moindre hésitation, d'autant qu'il s'agissait d'un des membres de son peuple. Jamais auparavant elle n'en avait rencontré, mais ce premier lien la satisfaisait pleinement. Quelque chose de noble auréolait l'homme aux cheveux bruns et à la peau lunaire. « Tout aussi enchantée de vous rencontrer, Caleb. » Un étirement plus sincère et plus marqué offrit la vision de ses dents nacrées. Prenant un instant pour regarder le ciel qui les surplombait, elle attendit qu'il poursuive sa déclaration, lui laissant le temps nécessaire à sa réflexion. S'il l'attendait, ce n'était pas sans avoir une idée derrière la tête, et cela l'intriguait terriblement. Savoir ce qu'une créature aussi merveilleuse pouvait lui vouloir hantait désormais son esprit.

À la suite de son explication, Callidora se mordit la lèvre inférieure, se glissant dans le gouffre de ses pensées avec délicatesse. Etait-ce réellement sage de s'aventurer avec un parfait inconnu ? Cela dit, la prudence ne faisait pas vraiment partie de ses habitudes, surtout quand la curiosité entrait en ligne de compte, et une telle proposition ne se refusait pas. Le terme qu'il employa pour qualifier ce qui les attendait ne fit que la motiver davantage. Malgré son affection pour le calme et le silence, elle n'avait plus vécu d'aventure depuis longtemps, et se retrouver sans Syveth lui offrait une occasion en or de découvrir le monde par elle-même. Partir à la recherche d'un artefact dans un endroit qu'elle ne connaissait pas lui permettrait de le découvrir d'une manière sensiblement différente, et peut-être même apprendre de nouvelles choses sur le monde, et peut-être même sur elle-même. Cependant, elle le vit vaciller et s'approcha aussitôt de lui pour poser une main sur son bras dans un geste de sollicitude. « Vous allez bien ? » La question s'avérait affreusement imprécise, ce qui lui déplaisait fortement, mais elle n'avait pas le choix. Employer les bons mots lui avait toujours été interdit, et elle éprouvait en permanence la sensation de ne pas aller jusqu'au bout de ses paroles ou de ses actes, comme si une partie d'elle-même manquait. Une fois qu'elle prit conscience de la proximité qu'impliquait un tel contact, elle recula de quelques pas. « Je suis navrée, je voulais m'assurer que ce n'était pas grave. » Elle sentait que ses joues se coloraient de rose, et avant de s'embrouiller davantage, elle décida de passer à autre chose.

Accepter la proposition lui paraissait l'unique possibilité. Aurait-elle pu repartir maintenant et le laisser ici ? C'était définitivement inenvisageable. « Le danger a quelque chose d'exaltant, vous ne croyez pas ? » Lui ne craignait sans doute pas grand-chose, ce qui n'était pas le cas de la brune. « Cela dit, je ne suis pas sûre de vous être d'une grande utilité. » La simple pensée qu'elle se transforme en fardeau plutôt qu'en accompagnatrice la troublait. « Enfin, je suppose que vous avez vos raisons pour m'inviter de la sorte. Je serais donc ravie de partager votre chemin. » Callidora se mettrait en route sans hésiter dès qu'il lui indiquerait la route à prendre. Pour quelques heures, elle le prenait pour guide et compagnon, espérant qu'elle ne se trompait pas. Pour la première fois depuis sa rencontre avec Syveth, elle accordait sa confiance et s'en remettait à un quasi inconnu. Non. « Vous êtes comme moi. Un peu plus que moi, mais la ressemblance existe. Est-ce que nous pourrons nous comprendre ? Est-ce seulement possible un jour de comprendre quelqu'un d'autre que soi, à supposer qu'on puisse se comprendre soi-même ? » La Rehla ne remarqua pas qu'elle venait de parler à voix haute. Ses pensées lui échappaient parfois, sans véritable raison, comme si elles cherchaient d'elles-mêmes à s'évader de son esprit pour rejoindre le monde réel, ou comme s'il n'y avait pas suffisamment de place à l'intérieur de son crâne pour retenir ce besoin immodéré de compréhension. Callidora battit des cils un instant pour se ressaisir. « Où allons-nous ? » Son interrogation se voulait purement informative. Le désir perpétuel qu'elle ressentait de tout connaître, de tout savoir, et surtout de tout comprendre ne la quittait jamais, et ne la quitterait sans doute jamais. C'était uniquement parce que les livres sur lesquels elle s'abîmait les yeux depuis son enfance ne lui fournissaient plus suffisamment de matière à réfléchir qu'elle avait fini par s'en aller de la maison familiale. Quoi qu'il en soit, cette soirée promettait de fourmiller de découvertes.


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Mer 10 Fév 2016, 13:57

« Ne vous inquiétez pas. » murmurais-je dans un soupir, quoique les dents encore serrées. « C’est assez ordinaire. Je suis … particulier sujet aux migraines. » Dans une époque de déroute et d’aberrations, mon existence devenait lourde et oppressante. Certains se damneraient pour connaître le sort de leurs proches, le destin du monde. Ils m’arracheraient volontiers mes dons pour se les approprier, les posséder, sans comprendre les Lois qui les régissaient. Ils se mordraient les doigts au bout d’une seule heure. « Ce n’est rien. » concluais-je dans un léger sourire, occultant la gêne de la jeune femme qui devait regretter son geste, les joues rosies d’embarras. Les lèvres légèrement tordues en une étrange moue, je secouai mes cheveux, songeur. « Bien. Avançons ? » proposais-je, esquissant quelques pas sur le côté pour engager la marche. Callidora était une personne qui réfléchissait beaucoup et qui semblait se poser des tas de questions. Je l’écoutais, sans rien dire, sans l’interrompre. Elle n’avait jamais rencontré un autre Rehla. Ce n’était guère étonnant. Mon peuple ne se réunissait que depuis peu et dans ma quête de les rassembler, je n’avais pu tous les dénicher, me contentant des villages et des quartiers les plus importants. Comme un secret, elle n’osait pas prononcer à voix haute cette vérité qui hantait son esprit. Je ne pouvais lui reprocher sa prudence. Elle était encore jeune, à s’interroger sur son essence. « Nous nous rendons aux Cascades Cristallines. Il nous suffit de longer la Rivière Eternité et nous finirons par les apercevoir. » Mieux valait se méfier des Faes. Elles n’étaient pas aussi naïves et candides que leur réputation le présageait. Surtout, l’artefact que je recherchais avait été dissimulé bien avant leur arrivée dans la région, par des forces supérieures. La partie ne serait pas aisée. « Nous ne sommes pas loin. » Sans être à côté pour autant. Nous allions devoir marcher quelques temps. « Le danger est une partie intégrante du quotidien du chacun. Je ne cours pas après. » Je fis une brève pause avant d’ajouter dans un petit rire : « Lui paraît à mes trousses, par contre. » Être voyant et clairvoyant ne me préservait pas du péril. Je ne pouvais esquiver ce qui devait m’arriver. C’était assez grisant. « Arrêtez de vous rabaisser. » marmonnais-je en glissant mes mains dans mes poches. « Vous n’êtes pas un poids. Ayez confiance en vous. La puissance n’est pas un gage d’excellence. L’important réside dans le contrôle. » Mes pensées glissèrent un instant vers une femme à la force démesurée, incapable de contrôler sa magie. « Vous êtes quelqu’un d’angoissé, à ce que je constate. Craignez-vous de mettre des mots sur des brides de votre réalité que vous taisez trop ? Nous sommes des Rehlas, pas des maudits. Les paroles sont plus libres, entre nous. Ne vous bridez pas inutilement. » La plupart des membres de ma race avait pris l’habitude de se taire, d’être des ombres parmi la lumière. Moi-même avait été vagabond, visiteur de passage qui ne s’arrêtait jamais pour éviter les impairs. Seulement, il était bon de croiser ses semblables de temps à autres. Cela pouvait être un véritable soulagement, même si les aînés devaient prendre garde à ne pas révéler ce que les plus jeunes ne savaient pas. « Avez-vous entendu parler de Lua Eyael ? » lui demandais-je, désireux de ne pas abandonner un des miens. Depuis la construction de la Cité des Astres, je m’étais fixé pour objectif de fournir un toit à qui le demanderait. Les prix dans ma ville étaient imbattables.

« Attention. » Je tendis le bras pour éviter qu’elle fasse le moindre pas de plus. Posant un doigt sur mes lèvres, je l’incitais au silence, avant de pointer des silhouettes qui avançaient un peu plus loin. Il devait y avoir une dizaine d’individus, auprès d’une caravane tirée par quelques chevaux. Un homme pestait, contrarié par l’état de ses marchandises. « Dans la mesure du possible, évitons d’attirer leur attention. Ce genre de marchands sont friands des gens comme nous. » Ils ignoraient ce qu’était un Rehla. Ce qu’ils avaient compris, c’était la valeur de ces créatures incompréhensibles auprès de puissants, de Souverains maléfiques, qui paieraient le prix fort pour en avoir un. Des marchands d’esclave, évidemment. Eux-aussi se rendaient aux Cascades Cristallines. Evidemment. Le chemin était trop calme. Cela ne pouvait durer. Cela ne durait jamais. J’eus un léger sourire. Le destin de leurs captifs n’était pas de vivre enchaînés. En d’autres termes, il nous était permis d’agir, quoiqu’avec subtilité.

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Dim 13 Mar 2016, 11:53

La brune se sentait aussi fragile qu'une enfant, et peut-être après tout l'était-elle encore. Cependant, la présence de l'inconnu la mettait étrangement en confiance, et s'aventurer vers un possible danger en sa compagnie ne l'inquiétait pas. « Oui, allons-y. » Un sourire enthousiaste aux lèvres, elle se mit à marcher aux côtés de cet homme qui, pour une raison mystérieuse, l'impressionnait. En ce qui concernait le lieu qu'il mentionna comme s'il s'agissait d'une évidence, elle n'en avait jamais entendu parler. Le nom de la rivière lui rappelait vaguement quelque chose qu'elle avait lu à propos d'un endroit où se donnaient rendez-vous les amoureux des environs, mais rien d'autre ne lui venait à l'esprit. L'idée de se promener au bord de l'eau la réjouissait, elle qui appréciait le murmure silencieux des courants marins. « Je n'y suis jamais allé. Je vous fais confiance pour être notre guide. » À mesure qu'elle jetait un œil au brun, elle ne ressentait qu'une sorte de respect mêlé de curiosité. Progresser jusqu'à leur destination en retenant les questions qui affleuraient sa bouche allait être compliqué. Lorsqu'il évoqua sa confiance en elle, Callidora ne put s'empêcher de se dire qu'il marquait un point. Cela se voyait-il vraiment ? Pour qu'un étranger rencontré quelques minutes auparavant lui en parle, il fallait croire que oui. « Je n'ai pas l'habitude de croire en moi. Parfois… Parfois j'ai l'impression que je suis capable de tout accomplir, et par moments je sens que je ne peux rien faire. Un peu comme si je n'étais pas entière. Enfin, bref, je ne vais pas vous embêter avec ça. » Se refermant légèrement sur elle-même, la brune se contenta d'écouter les explications de Caleb en silence.

N'ayant aucune idée de l'allure à laquelle ils progressaient ni de la distance qu'il leur fallait parcourir, elle ne cessait de regarder partout autour d'elle pour guetter le moindre signe. « Je n'ai pas peur de parler. Je n'arrive juste pas à dire ce que j'ai à dire. C'est idiot, n'est-ce pas ? Je suppose que ça finira par passer. » « Lua Eyael ? Je crois que ma mère a mentionné ce nom un jour, mais je ne m'en souviens plus vraiment. Qu'est-ce que c'est ? » La Rehla avait beau fouiller dans sa mémoire, elle ne s'en rappelait absolument pas. Alors qu'elle réfléchissait, elle sentit le bras de Caleb contre elle et s'arrêta aussitôt. Son congénère lui désignait un groupe d'individus à l'air louche qui « Pourquoi de gens comme nous ? Nous n'avons pas plus de valeur que les autres. » Sa question n'avait été qu'un murmure destiné à être entendu seulement de lui. Cependant, elle ne pouvait se résoudre à abandonner les enchaînés et à continuer son chemin comme si rien ne s'était passé. « On ne peut pas les laisser ici. Il faut faire quelque chose. » D'un autre côté, elle ne pouvait pas non plus se précipiter vers eux pour les délivrer : leurs geôliers étaient sans le moindre doute beaucoup trop forts pour elle. Même avec l'aide de Caleb, agir ainsi aurait sûrement été stupide. Il fallait trouver un autre moyen de les sauver, en espérant qu'ils aient suffisamment d'intelligence pour s'enfuir le plus loin possible une fois débarrassés de leurs chaînes. Certains livres mentionnaient des individus qui, sauvés par d'autres, ne parvenaient pas à échapper à leurs bourreaux, écrasés par la peur de les voir revenir. Mais ceux qu'elle apercevait n'étaient probablement pas de ceux-là. Et après tout, peut-être n'était qu'un délire de vieil homme ayant passé sa vie dans une bibliothèque en s'imaginant connaître le monde.

Avec prudence, Callidora s'assura qu'aucun membre du groupe ne pouvait les voir et s'agenouilla au sol pour davantage de discrétion avant de fermer les yeux. « Je vais tenter quelque chose. » Il lui faudrait toute sa concentration pour mener à bien ce qu'elle s'apprêtait à faire. Attendant que le calme s'installe en elle pour éviter toute distraction, elle inspira profondément. L'instant d'après, les chevaux qui tiraient la caravane semblèrent s'agiter. Résistant à la tentation de voir ce qui se passait, la brune continua son travail. Bien sûr, il lui arrivait fréquemment de se servir de ses pouvoirs, ne serait-ce que pour s'entraîner et parvenir à une maîtrise plus avancée. Mêler le feu à l'aventure aurait été terriblement dangereux ; aussi préférait-elle employer un don auquel elle s’exerçait depuis l'enfance. Les planches de bois qui retenaient les créatures équestres s'éloignèrent brusquement l'une de l'autre alors que celle qui retenait les animaux s'élevait dans les airs. D'un commun accord, les chevaux partirent à toute allure, laissant la caravane brinquebalante avant qu'elle ne s'arrête dans un nuage de poussière. Deux d'entre eux s'en étaient allés dans des directions opposés. La Rehla rouvrit les yeux et constata avec satisfaction le tumulte général. Une bonne partie des membres du groupe partit à la poursuite des animaux, et l'un d'eux aboyait des ordres à toute vitesse. Alors qu'elle relâchait son emprise sur les morceaux de bois, l'un d'entre eux retomba sur le crâne d'un des brigands qui s'était approché pour comprendre quel était le problème. Sonné, il tituba et finit par tomber sur le sol. Callidora dut retenir un éclat de rire et se força à chuchoter. « Ce n'est pas grand-chose et ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, mais je ne voyais pas comment être utile autrement. » Un sourire légèrement gêné aux lèvres, elle passa par réflexe une main dans ses cheveux. Cela dit, utiliser sa magie d'une manière aussi imprévisible sapait brutalement ses forces, et elle vit le monde autour d'elle basculer, des étoiles devant les yeux.


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Lun 22 Aoû 2016, 11:36


« Réfléchis bien à tes différentes options, mon gars. Tu ne voudrais tout de même pas que la fille soit blessée, ou pire, simplement parce que tu as pris une mauvaise décision, non ? Ne fais pas l’idiot. Rends-toi. » Ironie de la question. La fuite des chevaux avait fait suffisamment distraction pour qu’une petite partie du groupe se disperse. Néanmoins, les moins vaillants n’avaient pas tardé à rejoindre la caravane tandis que les coureurs poursuivaient les montures. Revenus en nombre conséquent, ils s’étaient rapidement mis en tête de chercher la source de leur embarras et n’avaient eu aucun mal à me repérer. J’avais négligé ma posture, davantage préoccupé par l’état de la petite Rehla que par ma propre sécurité, même si Callidora risquait d’en faire les frais. Droit sur mes pieds, je contemplais mes adversaires, qui m’avaient lentement encerclé, lame à la main. Je ne représentais pas une grande menace, à leurs yeux. Même si ma carrure pouvait leur paraître impressionnante, j’étais seul et portais la jeune femme dans mes bras. Je ne pouvais rien faire. C’était, tout du moins, ce qu’ils croyaient. D’un regard aussi calme qu’impassible, je les dévisageais tous, un par un. Cela semblait les amuser, je les entendais se gausser et railler, dans des éclats de voix rauques et gras. Je ne m’en préoccupais pas. J’avais d’autres idées en tête. D’un coup d’œil, j’avisais les prisonniers avant de baisser les yeux, dans un léger soupir, sur celle que je tenais contre moi. Ils ne subiraient que des impacts minimes. L’enfermement des uns et l’inconscience des autres étaient finalement leur échappatoire. Un malaise et quelques pensées noires n’étaient qu’un moindre mal, face à la perspective de la liberté. Callidora se réveillerait simplement avec un mal de crâne épouvantable et la sensation d’avoir fait un cauchemar. Ma décision avait été prise depuis longtemps. Je devais tenter ce pari. Ce n’était pas forcément judicieux. C’était même plutôt dangereux. Je n’allais cependant pas tergiverser sur les méthodes à employer pour se dérober.

Le Spleen était un don puissant et éprouvant, surtout lorsqu’il émanait d’une personne telle que moi. Il se glissait insidieusement dans les âmes de ceux qui m’entouraient. Peu à peu, ils furent gagnés par l’amertume, par un sentiment d’ennui et de désespoir, comme si tout était vain et que toutes leurs actions n’avaient servi à rien. Quelques épées tombèrent au sol, échappées de la poigne de leur propriétaire qui n’avaient plus goût au combat. Cela aurait pu suffire. Seulement, je n’étais pas quelqu’un de bien. A mes heures, je donnais dans la cruauté, dans ce qu’elle avait de plus sombre et de plus vicieuse. Alors je ne m’arrêtais pas, et les laissais se faire dévorer par cette magie sombre. Je désirais qu’il n’ait plus que la souffrance et la mort à l’esprit, qu’ils soient victimes du Spleen dans ses instants les plus repoussants. L’homme, que j’avais identifié comme étant le meneur des malfrats, gardait un regard vague et ses doigts tremblaient d’un sentiment nouveau. Toute trace de joie l’avait quitté. Il n’aspirait plus qu’à une seule chose : se mettre la tête dans le ruisseau et laisser ses eaux glacées lui remplir les poumons. Les autres cherchaient aussi une manière adéquate d’en finir. Alors que la soirée allait tourner au suicide collectif, je finis par baisser la tête, dans un souffle. Je venais de relâcher mon pouvoir, les libérant de mon emprise. Ils n’étaient remis pour autant du sort que je leur avais infligé. S’ils étaient devenus hésitants et réticents à l’idée d’en finir, ils restaient en proie à la noirceur et à la dépression. A la vue du spectacle navrant, j’eus un léger sourire. C’était malsain. Pour autant, je ne regrettais pas. Pour être tombé, par le passé, dans le griffe d’individus semblables, je n’avais guère de pitié. J’avais pris garde à éviter la caravane, pour qu’ils ne tombent pas dans le même état que leur geôlier. Quant à Callidora … J’espérais que le fait d’avoir tourné de l’œil l’ait protégé, un tant soit peu. Elle avait beau être une femme de mon peuple, je ne souhaitais à personne de ressentir mon Spleen.

Après avoir libéré les captifs et m’être assuré de leur fuite, je repris ma route avec Callidora dans les bras, à la recherche d’un endroit confortable pour l’installer, le temps qu’elle reprenne ses esprits. Après une maigre réflexion, je choisis de taire ce que j’avais fait. Elle n’avait pas besoin de savoir. Songeur, je l’observais un instant, elle et son destin. Je savais que je n’y pouvais rien. Pourtant …  
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Jeu 20 Oct 2016, 12:08

La brune se réveilla avec un mal de tête abominable. L’impression saisissante qu’une main invisible enserrait son crâne pour le faire exploser se révélait tout à fait désagréable. Sans se souvenir des événements ayant précédé son évanouissement, elle se redressa doucement, surprise de sentir le moelleux de l’herbe sous son corps. Embrumé par une magie obscure, son esprit peinait à se remettre en place, et il lui semblait s’éveiller d’un sommeil de plusieurs années. Une tristesse insondable envahissait son coeur, et seule la douceur des rayons de lune fut en mesure de la chasser pour quelques instants, ou du moins de l’ensevelir sous une contemplation rêveuse. Callidora finit par remarquer la présence de Caleb à ses côtés. « J’ai fait un mauvais rêve. Je crois que je mourrais. » Y repenser la fit frissonner. Sa mémoire lui interdisait l’accès à son cauchemar comme pour l’en protéger en l’empêchant de rejoindre la réalité. Tout ce dont elle se rappelait, c’était d’une immense tâche rouge prête à la dévorer. Cela ne lui plaisait pas. Poser des questions sur les derniers événements aurait été indélicat. Sans savoir pour quelle étrange raison, la Rehla savait que les petites créatures avaient été libérées de leur odieuse captivité. Seulement, demander davantage d’explications à son bienfaiteur aurait été parfaitement irrespectueux. La jeune femme ne connaissait rien de lui, sinon son nom, et pourtant, elle éprouvait une certaine tendresse à son égard. Elle pensa à le remercier de son sauvetage et de la façon dont il s’était occupé d’elle.

Seulement, un détail perturbait Callidora. Quelque chose clochait. « Pourquoi me regardez-vous ainsi ? J’ai fait quelque chose de mal ? Si c’est à propos de mon malaise, je suis désolée. Je n’ai pas l’habitude de me servir de la magie, et j’ai surestimé ma force. » À dire vrai, elle ne voyait pas pour quelle autre raison il pouvait la fixer de la sorte. Ce regard presque insistant colora ses joues de rose. Replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille pour se rassurer, elle se balançait d’un pied sur l’autre, légèrement inquiète. Ce qui insinuait la confusion en elle, c’était de ne pas savoir. Des questions se bousculaient sous son crâne, frappant à ses lèvres sans qu’elle n’ose ouvrir. Un élan de curiosité la poussait à presser son interlocuteur d’interrogations, et pourtant, elle ne voulait pas l’effrayer. Pour se ressaisir, elle s’approcha de la source qui coulait à quelques mètres. Se penchant au bord de l’eau, elle observa son reflet brisé qui dansait à la surface. Un frisson d’espoir lui caressa l’échine. Le sang roula comme un tambour à ses tempes encore naïves. « Est-ce que vous avez déjà vu quelqu’un comme moi ? Ma sœur est partie. Il y a longtemps... » Sa voix s’éteignit alors qu’elle dérivait vers de sombres pensées. Vivre en étant la moitié d’un être insufflait une douleur inexplicable au coeur et ralentissait le monde. Un jour, elles seraient réunies, et alors, elle serait enfin complète.

Sa rêverie avait suffisamment duré. Les pensées de la brune s’éparpillaient souvent sans qu’elle ne parvienne à les retenir, et il lui arrivait régulièrement se perdre en circonvolutions imaginaires, allant quelque fois jusqu’à oublier ce qu’elle faisait ou disait. C’était une expérience tout à fait curieuse, et d’une certaine manière, incomparable. Secouant la tête doucement, elle s’agenouilla au bord de l’étendue bleutée. Ses mains formèrent un cercle pour capturer un peu d’eau. Callidora s’aspergea le visage pour retrouver sa raison perdue et ses sens à la dérive. S’abandonner aux étranges élans de son esprit alors qu’une occasion unique se présentait à elle aurait été une erreur. Même si elle n’aspirait qu’à se perdre en elle-même, la présence de Caleb interdisait de pareils égarements. La jeune femme ne comprenait pas vraiment, mais en elle grandissait l’envie de passer du temps en sa compagnie, de le retenir encore un peu. « Peut-être pourrions-nous aller voir ces fameuses cascades. Il me semble avoir lu qu’elles sont splendide la nuit, et je peux les entendre d’ici. » Sans véritablement attendre sa réponse, elle commença à marcher, se servant de ses oreilles pour se diriger. De temps à autre, elle marquait une pause, incertaine de la direction à prendre, hésitante sur ces délicates perceptions qu’elle ne saisissait qu’à demi. Concentrée sur sa tâche, elle resta quelques instants sans parler. La brune ne voulait pourtant pas que le silence s’installe et ne put s’empêcher de lui demander ce qui l’intriguait depuis qu’il avait prononcé ce nom aux consonances célestes. « Cette ville… Lua Eyael, je crois. Elle est loin d’ici ? » Après tout, elle ne savait rien du monde. Du haut de ses dix-neuf ans, elle restait une enfant.


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Il était Temps [Callidora]

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