Le temps… Drôle de notion que voilà… Qu'est-ce que le temps pour un être qui n'en subis pas les affres ? Je me suis toujours posé beaucoup de questions durant mon existence riche en découvertes, et bon nombre sont restés sans réponses, faute de savoir… En revanche, j'étais parvenue à répondre à celle-ci. Pour moi qui ne pouvais pas vieillir, le temps représentait le changement, l'éternel recommencement. Des hommes et des femmes mourraient tandis que d'autres naissaient, et ceci sans aucune autre logique que celle de la Vie et du maintiens de l'Équilibre, à mon sens. Pourquoi un tel était mort dans ses plus tendres années quand un autre avait déjà assisté à la mort de ses propres enfants ? Car l'Équilibre de notre univers repose sur une notion que nous, simples mortels et immortels, ne pouvons maitriser totalement, le destin.

J'avais toujours désiré comprendre le monde et ses règles, et pour cela, mes nombreux voyages m'avaient formés tout autant que ceux à qui j'avais parlé. J'étais parti à la rencontre de nombreuses civilisations différentes, avec leurs propres lois, coutumes et rythme de vie. J'avais touché du doigt la noirceur de l'âme la plus sombre tout comme la clarté de la plus pure. Pour moi, même les notions de Bien et de Mal étaient devenues abstraites et "tout est une question de point de vue" était devenue mon crédos, mon unique ligne de conduite, peut-importe ce que pouvait en penser les personnes qu'il m'arrivait de côtoyer. Leur avis sur la femme que j'étais devenue ne m'intéressait pas.

Longtemps, je m'étais mise en quête, sans le savoir, de la chose la plus précieuse qu'un être vivant puisse posséder. Sa liberté. Et même si encore aujourd'hui, par la douleur que me causait le manque de ma tête et ce besoin irascible de la retrouver, je n'étais pas tout à fait devenue ce à quoi j'aspirais secrètement, mes progrès étaient immenses ! Libéré de mon passé, de ma famille, de toute attache et de toute personne qui serait en mesure de me commander… Bien sûre, sans ma tête, il y avait toujours un risque que je me retrouve contrainte d'obéir à une personne que je n'avais pas choisie, mais cela ne m'était plus aussi obsessionnel qu'auparavant. Maintenant, je savais parfaitement que dans un tel cas, je finirais par trouver une solution pour me libérer de mes chaînes. Rien ni personne ne pouvait empêcher une femme de se battre pour sa liberté.

Et à l'aube d'un tournant décisif dans ma vie, je m'étais mise en route de la dernière barrière qui s'interposait entre moi et ma recherche de compréhension du monde. En effet, je pouvais bien parcourir les Terres du Yin et du Yang de l'Est à l'Ouest en passant par le Nord et le Sud, rencontrer chaque personne qui peuplait notre monde et doué de parole, jamais je ne pourrais aller au-delà des connaissances que mon présent a à m'offrir… Jamais je ne pourrais acquérir les Véritables Savoirs Ancestraux, ceux que même tous les livres des Parchemins du Temps ne peuvent contenir… sauf si le pouvoir de voyager à travers le temps devient le mien... et que je deviens alors capable d'aller chercher ce que je désire savoir directement à sa source. La connaissance… j'avais soif de connaissance absolue et était prête à céder chacun des morceaux de mon âme pour l'acquérir... Mais pas seulement. Car une fois que j'aurais atteint mon objectif... c'est à sa sauvegarde et à sa protection que je vouerai le reste de mon existence.

Et c'est ainsi que le destin que je m'étais choisis me guida sur les versants de la montagne de l'edelweiss enneigée… Cela faisait des heures que je marchais à travers une tempête de neige, sans savoir où j'allais ni voir où je mettais les pieds… Et moi qui me pensais morte, le froid me mordais la peau et mes os se glaçaient petit à petit. N'importe quel autre humanoïde doté d'un peu de bon sens et d'un minimum d'instinct de survie aurait déjà probablement fait demi-tour, mais pas moi. J'avais longtemps cherché ma voie dans ce monde, et je me sentais sur le point de la découvrir et de pouvoir enfin la suivre… alors ce n'était surement pas maintenant que j'allais abandonner ! Tout ce que j'avais à faire était de continuer à rechercher cette stèle, sans utiliser ma magie.

Mais malgré toute ma volonté, mon corps n'était pas aussi résistant que je l'espérais et chacun de mes pas me devenaient de plus en plus difficile à faire. Je tremblais et claquais des dents et voilà bien plusieurs minutes que je n'avais pas ressentie mes pieds et mes mains… Allais-je finir congelé à jamais dans cet environnement hostile ? Ma quête allait-elle s'arrêter avant même d'avoir commencé ? Soudain, je sentis mes dernières forces m'abandonner et je chutais, lentement, au ralentis, persuadée que je ne pourrais me relever de ma chute… et mon crâne heurta quelque chose de dure. Avec toute la lenteur du monde, je tendis fébrilement mon membre supérieur en direction de ce qui m'avait fait l'effet d'une masse s'abattant sur moi… et aurait bien pu pousser un cris de pure bonheur si mes cordes vocales ne risquaient pas de se briser à tout instant. Je l'avais trouvé, enfin ! Alors, prononçant ces quelque paroles dans un murmure fragile, je scellais mon avenir : « Je voue mon destin au temps ».

Alors que je reprenais peu à peu connaissance, je fis dans un premier temps le tour de ce que je ressentais. Mon corps… je n'avais plus froid, plus mal, comme si cette ascension sur la Montagne de l'Edelweiss n'avait jamais eu lieu, et je me sentais légère, comme si je ne pesais pas plus qu'un grain de riz… Mes mains… elles étaient sur… un sol… qui n'était ni chaud ni froid, qui n'avait pas de réelle surface ni de réel touché… c'était très étrange… Mes oreilles… il n'y avait pas un son aux alentours, j'en étais certaine. Et qui dit "pas de son" dit "pas de vie". J'étais seule… mais étais-je toujours en vie pour autant ? Le moment d'ouvrir les yeux était venu. Alors, avec une infinie lenteur, une paupière après l'autre, je laissais mon regard s'étendre sur ce qui m'entourait et découvris avec stupeur qu'il n'y avait… tout simplement rien, mise à part du… blanc. L'endroit surnaturel dans lequel je me trouvais était incroyable et ne rentrait dans aucune des choses que je connaissais, même dans des contes que j'ai pu lire.

Et toute la question véritable qui se posait à moi était "avais-je réussis mon test ou me trouvais-je au contraire dans l'au-delà, condamnée à errer dans ce monde qui n'avait ni haut ni bas ? Une peur première s'empara de moi et comme un animal en cage, je me mis à chercher une potentielle sortie, courant tout droit devant moi. Mais bien vite, je me rendis compte que c'était tout simplement inutile. Rien ne me permettais de savoir si je tournais en rond ou bien si j'avais avancé de quelques mètres ou plus. Autre détail… Depuis combien de temps étais-je ici ? Et cette simple question banale apporta à ma situation toute sa complexité. J'étais incapable de donner la moindre notion au temps dans ce lieu dépourvus de repère. Un jour ? Une semaine ? Des mois ? Des années ? J'étais incapable de savoir si j'étais en vie ou non, de savoir où je me trouvais, pourquoi, et la panique s'empara de moi. Peut-être que quelqu'un d'invisible était là aussi ?

« Il y a quelqu'un ? S'il vous plaît ! Si quelqu'un est là, qu'il se manifeste ! Je veux juste des réponses ! »

Mais ces mots sortis tous droits de ma bouche sonnèrent soudainement faux à mon oreille. Non, je n'étais pas simplement là pour des réponses… Je devais me rappeler de pourquoi j'avais fait tout ce chemin dans le blizzard, mettant ma propre vie en jeu. La Voie du Temps. J'avais trouvé la stèle, puis prononcé ces paroles que j'avais découvert, je ne sais même plus exactement comment. Tout était flou dans mon esprit, et plus je réfléchissais, plus j'avais l'impression que j'allais devenir folle ! Calme… Il me fallait retrouver mon calme. Sans cela, il me sera impossible de me poser les bonnes questions, de comprendre quoi que ce soit sur ce qu'il m'arrivait. Alors, je pris une profonde inspiration et m'assis en tailleur. De cette façon, le sang avait moins de trajet à parcourir dans mon corps et, associé à une profonde respiration, permettra à mo esprit de mieux s'oxygéner et ainsi améliorera ma réflexion. Du moins étais-ce ce que ce vieux sage que j'avais rencontré chez les magiciens m'appris.

Premièrement, savoir si j'étais en vie ou non. Et pour cela, j'aurais du prêter un peu plus attention à ce que me disait mon corps plutôt que de me précipiter à la recherche d'une sortie qui n'existait apparemment pas. Et de ce que mon être le disait, ma partie supérieure, au dessus de mes épaules, me faisait toujours atrocement mal. Bien… cela signifiait donc que je n'avais pas récupéré ma tête… Et si un quelconque au-delà existait, je pouvais dans tous les cas être quasiment certaine que mon esprit ne souffrirait pas autant de l'absence de mon membre supérieur - et cela pour en avoir discuté avec quelques esprits mutilés tout comme moi -. Conclusion, si je n'étais pas morte, c'était que j'étais toujours en vie… Jusque là, tout était logique…

Maintenant, tout reposait sur le fait de savoir si j'avais réussis ou non l'épreuve de la stèle… Rien ne m'avait renseigné sur ce qui était censé se passer une fois la pierre tombée… mais… comme je l'avais souligné tout à l'heure… je me trouvais dans un endroit où la notion de temps était abstraite… Un lieu qui m'avait demandé de m'abandonner à lui, totalement… Oui, j'avais réussis la première épreuve mais je savais que mon aventure ne faisait que commencer. Ainsi, toujours assise en tailleurs à même le sol, j'attendais, et j'attendrais à l'infinie si il le fallait.

Serah : « Je pense que nous devons libérer cette femme de l'attente à présent. »

La maîtresse du temps était la plus empathique de tous. Elle n'aimait pas visualiser la souffrance des êtres, que celle-ci soit physique ou morale. Attendre sans savoir de quoi serait fait demain, s'il y aurait même un demain était insupportable. Elle inspira doucement, sachant que ce n'était pourtant pas l'heure. Le temps passait si lentement dans ces instants, pour elle comme pour le futur potentiel candidat. Bien que le destin soit une donnée plutôt stable, ils devaient faire attention, observer le candidat. Ils étaient garants de l'équilibre et, malheureusement, ils n'étaient pas les égaux des dieux. Ils pouvaient mourir, en théorie. Ils pouvaient également se tromper, mal juger quelqu'un plus fort qu'eux, ou quelqu'un qui dissimulerait, d'une façon ou d'une autre, ses intentions. Bien entendu, cela n'était qu'une probabilité médiocre voire quasi-inexistante mais s'ils partaient tous les cinq trop sûrs d'eux-mêmes, alors une catastrophe pourrait survenir. Les dieux n'avaient aucune emprise sur les maîtres du temps, ne les voyaient pas. Un maître du temps n'ayant pas des intentions d'équilibre, de régulation, pourrait détruire bien des choses, à commencer par l'existence même des divins de son choix. Le silence.

Ortance : « Azael est sur le chemin du retour. »

Cela voulait tout dire. Si Azael revenait, cela signifiait que le temps approchait inéluctablement. Clovis ne disait rien, absorbé par la contemplation de la jeune femme sans tête. Le temps répondait à chaque question, ou presque, et celles qu'ils allaient lui poser n'en étaient pas de véritables. Ils pouvaient savoir ce qui était vrai mais ce n'était pas cela qui les intéressait. Ce qu'ils souhaitaient, c'était une réponse subjective, une réponse qui devrait s'approcher au plus près de la vérité future. Un candidat qui mentirait se verrait banni sans le moindre avertissement. Le temps était trop important. Encore une fois, ils pouvaient savoir ce qui allait se passer, les diverses possibilités, la plus probable d'entre elles, mais rien ne servait d'observer pour l'éternité. A trop fixer le futur, ils pouvaient oublier de vivre le présent et oublier la société.

Azael fit son entrée, et tous comprirent. Dans la salle d'un blanc immaculé, Melody perdit la vue. Le passage du blanc au noir, d'une clarté trop intense à une obscurité bien trop incertaine. Des candidats paniquaient souvent. Perdre un sens n'était pas commun, difficile, mais Serah pensait que la jeune femme surmonterait cela car, après tout, elle avait déjà surmonté bien des épreuves.

D'un même mouvement, les maîtres du temps apparurent près de la jeune femme, invisibles à ses yeux aveugles mais bien audibles pour quiconque tendrait l'oreille. Cinq questions, ce serait la seule épreuve. Si elle réussissait, alors commencerait son apprentissage. Les choses seraient sans doute difficile car maîtriser le temps était un parcours très long, long et semé d'embûches mais, encore une fois, Serah pensait qu'elle en serait capable. Les autres semblaient non atteint d'empathie, ils se contentaient d'observer, avec une neutralité stupéfiante. Azael était le seul en mouvement, dansant élégamment un peu à l'écart sans qu'aucun son ne résonne de ses mouvements. Une grande puissance pour un comportement parfaitement décalé de ce que l'on pourrait nommer la normalité.

Serah était la première à devoir poser une question, celle qui devait également introduire les règles du jeu.

Serah : « Bienvenue au point de commencement, Melody. C'est ici que ton avenir se jouera. ».

Elle laissa un silence s'installer afin que la jeune femme prenne conscience de l'importance de l'épreuve. Elle en était réellement une car la suite ne serait qu'un apprentissage, difficile certes, mais encore disponible si un échec devait se manifester dans l'une des étapes. A présent, si les maîtres du temps l'acceptaient, elle entrerait dans le groupe des élèves. S'ils la refusaient, son avenir en tant qu'élève était définitivement fermé.

Serah : « Nous allons, chacun notre tour, te poser une question. Tu devras répondre à chacune d'entre elles avec une franchise à toute épreuve. Prends ton temps, réfléchis, retrace dans ton esprit ce qui pourrait constituer la réponse. »

Ortance semblait perdue dans le temps. Il se passait tellement de choses en même temps, partout dans le monde, à la même seconde. Alors parcourir le temps qui n'était pas présent, chaque seconde de tout le cosmos, était un exercice difficile.

Serah : « Quels sont, selon toi, les événements de ton passé qui t'ont conduit ici en ce jour ? ».

Il y avait toujours une raison à tout.



Spoiler:

L'attente… je n'essayais même plus de chercher à ressentir le temps qui filait autour de moi. Cela n'aurait servit qu'à alimenter ma peur profonde de me retrouver piégé dans cette pièce pour l'éternité. Je ne pouvais rien faire d'autre que d'attendre que quelque chose ou quelqu'un se manifeste, qu'il proclame sa bénédiction ou bien sa sentence. Je tentais de me préparer à toutes les éventuelles épreuves qui pouvaient se mettre sur mon chemin et que je devrais surmonter. Mais je n'avais pas prévu un tel changement… Pour quelqu'un qui a perdue sa tête, perdre à nouveau une partie de sois était quelque chose de très difficile, d'insupportable et de particulièrement choquant. Alors, lorsque je perdis la vue, ma première réaction fut de me laisser aller à la panique la plus profonde, et un long cri de complainte s'échappa de tréfonds de ma gorge. Punis… avais-je échoué et me punissait-on ? Mon esprit cherchais dans tous les sens une quelconque explication logique à ce qui était en train de m'arriver. Je n'avais aucun moyen de savoir depuis combien de temps je criais ainsi, mais le son de ma voix se fit de plus en plus faible, jusqu'à s'éteindre complètement. Personne ne m'avait touché ou blessé… je n'étais donc pas en danger… Je repris peu à peu mon calme et ma respiration, tâchant de comprendre ce qui était en train de m'arriver.

C'est alors qu'une voix se fit entendre, autour de moi. Elle provenait d'une femme… mais je n'arrivais pas à mettre des mots sur le ton qu'elle avait prit en s'adressant à moi. Mais une chose était certaine, elle savait mon nom sans pour autant que j'ai eu besoin de le lui donner. Une Maîtresse du temps ? Si tel était le cas, alors cela signifiait que j'avais réussis la première étape… mais aussi que j'allais maintenant être mise à l'épreuve… Je restais muette à ses paroles, attendant simplement des directives qui ne seraient tardés. Et j'analysais alors ces propos… "chacun à leur tours" ? Ils étaient donc plusieurs… et mes épreuves me seront donnés sous la forme de questions. Ce n'était pas pour me déplaire. Et peut-être qu'ainsi, les Maîtres me permettront de me poser les bonnes questions sur ma vie et d'y trouver les bonnes réponses. Après tout, j'avais ici et maintenant tous le temps dont j'avais toujours rêvé pour le faire... Sans prononcer le moindre mot, j'écoutais attentivement la première question… qui me laissa quelques instant de glace. Me remémorer mon passé était là quelque chose de particulièrement désagréable pour moi… Mais je devais répondre avec franchise et réfléchir intensément à ce que j'allais lui répondre.

Ainsi commença le long et douloureux cheminement de ma pensée… Quels étaient les évènements majeurs de ma vie… Et bien… Il y avait tout d'abord mon mariage à ce marchand que j'avais tué de mes propres mains… puis ma propre mort… et ma renaissance en tant que Dullahan. C'était là la partie la plus sombre de mon passé. Une époque où je n'étais guidé que par la haine et la douleur. Puis ce fut l'invasion des Rideres, pendant laquelle j'ai sacrifié une partie de ma longévité pour les Yggdrasils mais aussi l'époque où j'ai ressentie pour la première fois la satisfaction de la vengeance et le plaisir de faire le mal. Ce fut aussi ma première rencontre avec Samael, qui me fit plonger au plus profond de mes ténèbres… et la découverte de mes origines maudites de sorcière. Aux yeux de beaucoup, le Mal m'avait guidé durant une longue partie de ma vie… Mais pas seulement.

Lorsque je compris que les anciens détenaient la véritable connaissance, je me suis rendue à Libertas, afin de recueillir un vieillard capable de me transmettre son savoir… Et j'y ai retrouvé ma Nannie, qui m'a alors rappelé quelle petite fille aimante et le cœur sur la main j'avais pu être. C'est aussi à Libertas que j'ai compris que mes quêtes aveugles m'empêchaient de vivre pleinement ma vie et qu'il ne servait à rien de courir après le temps passé... Puis il eut un temps de pardon… J'ai pardonné à ma sœur, Milady, de m'avoir abandonné et de ne pas être capable de retrouver ma tête. Je l'ai libérée de son lourd fardeau, de ce qui l'avait fait plonger dans un abîme de pensées sombres. Et maintenant, me voilà, libre de toute attache. Les évènements qui m'avaient conduite ici étaient nombreux… et surtout fait de rencontres. Ce n'était pas tant ce qui m'était arrivé mais plutôt ce que les autres m'on dévoilé qui m'a poussé à vouloir mieux comprendre le monde et le protéger. J'avais alors là ma réponse…

« Bien plus que des évènements, ce sont mes rencontres qui m'ont conduite ici. J'ai connue l'horreur d'être utilisé comme un objet par mon mari, le plaisir, puissant et dangereux, que nous pouvons tous ressentir à faire le mal, l'importance de toujours se souvenir de la personne que nous somme réellement et enfin, l'importance du pardon. Si je suis ici, c'est parce que toutes ces personnes m'ont ouvert les yeux sur l'importance d'être et que je veux préserver notre univers et savoir comment le faire. »

Tel était ma réponse. Je repris alors une attitude silencieuse et révérencieuse, n'ayant rien d'autre à ajouter. Je ne savais pas si ma réponse était la bonne, et je doutais qu'il y en ai de toute façon une qui soit attendue. Mais je n'avais dit que la vérité et ne regrettais en rien mes paroles. Et l'attente recommença une nouvelle fois.

Et de nouveau, ce fut la voix de la femme qui venait de me questionner, qui brisa le silence dans lequel j'étais régulièrement plongée. Ses paroles, je les buvais tel un chaton son premier lait maternel. Après tout, si je parvenais à réussir ce test, je serais amenée à suivre les enseignements de toutes les personnes présentes, que je pouvais maintenant savoir au nombre de cinq. A chacun des Maîtres correspondra une question, et je venais de répondre à la première, qui n'était certainement pas la plus difficile… Quand aux explications de la jeune femme à la première question, je ne pouvais que les comprendre… Moi qui n'ait aspiré qu'à la puissance magique, à la force mentale, à la richesse et à la suprématie une bonne partie de mon existence de Dullahan, moi qui avait baigné dans le sang, dans l'euphorie et la folie de se sentir invincible, je ne pouvais que comprendre quels sombres pensées peuvent affluer dans un esprit qui possède le pouvoir ultime et la capacité d'influer tout son destin… Et c'est ce qui me permettait aussi de me présenter aux Maîtres du Temps aujourd'hui.

Un homme craint ce qu'il ignore, mais ne retombe jamais deux fois dans le même piège, à moins de le vouloir ou de posséder une intelligence sous-développée… J'avais été tenté plusieurs fois par l'appât du gain, de la puissance et du pouvoir… et j'y av ais cédé à de nombreuses reprises, notamment lorsque je me trouvais en compagnie de Julia, ma sœur de cœur. Je savais parfaitement à quel point il était difficile de résister à leurs appels, de rester dans le droit chemin, de se montrer totalement désintéressé mais encore plus, de l'être. Même Tatah n'avait aidé notre mère que parce qu'elle espérait beaucoup de ses travaux, et non par simple devoir de magicienne, je le savais, maintenant. Mes voyages m'ont tous beaucoup appris, j'ai pu observer beaucoup de peuples et n'en ait trouvé aucun de totalement désintéresser, qui n'agis que pour le bien des autres et non le sien… Mais ainsi, je possédais un nombre impressionnant d'image de ce que je ne devais pas devenir, et je connaissais bon nombre de pièges de l'âme… D'autant plus que les démons sont probablement ceux que j'ai le plus côtoyés de mon existence… Et c'est la raison pour laquelle la voix de l'homme qui s'exprima ne me fit pas trembler. J'étais depuis longtemps prête à assumer ce que j'allais devenir.

Et je voulus répondre, mais quelque chose – probablement mon instinct – me dicta que cette question n'était là que pour souligner une évidence entendue. Si je pouvais me permettre de porter un avis sur ceux que j'ai entendue pour le moment, je dirais que cette femme est probablement la plus encline à m'accepter comme apprentis, probablement du fait de son passé, par ailleurs. Et je continuais donc à les écouter, sans bouger, tout en buvant encore et toujours leurs paroles qui allaient sceller mon destin. Ce fameux destin pour lequel Tatah me prépare depuis tant de lunes. Je ne pu toutefois qu'esquisser un sourire lorsque la Maîtresse parla à nouveau, m'indiquant que je ne pouvais désormais plus prétendre au moindre trône, tout comme je ne pouvais plus m'incliner devant le roi de ma race et répondre à ces ordres. Quel peuple ? Quel roi ? Les Dullahans étaient si peu nombreux et leurs caractères si fort qu'il serait bien suicidaire pour quiconque que de vouloir en faire une nation. Non, moi qui aspirait tant à la liberté, je n'avais jamais escompté faire partit d'un quelconque empire.

L'homme qui avait prit la parole, et que je doutais être le suivant à me poser ma question test, avait une voix forte qui me donnait l'impression d'emplir tout l'espace ! J'étais… impressionnée par le charme naturel qui se dégageait de lui, malgré que je ne puisse le voir Il avait une telle présence ! J'en étais déboussolée… et muette. Cet homme était de ceux à qui l'on ne peut dire non ou bien que l'on fasse attendre, je le sentais. Et par chance, la question qu'il venait de me poser avait une réponse assez évidente pour moi, que je ne tardais pas à lui donner. Et bien que dans la plupart des bouches, celle-ci paraisse horrible ou fausse, je ne faisais ici que dire la stricte vérité. Ma propre vérité, celle qui m'avait été donné par les expériences de mon passé.

« J'ai compris depuis longtemps qu'il ne fallait pas jouer avec le destin. Si une chose ou un être est amené à être détruit ou à disparaître, alors qu'il en soit ainsi. Et si je suis arrivée à cette conclusion, c'est en partit grâce à cette tête qui me manque et que je n'ai toujours pas récupérée. Je l'ai cherché, sans m'arrêter, sur toutes les terres du Yin et du Yang, et cela sans jamais trouver le moindre petit indice. Et j'ai fini par comprendre qu'il était inutile que je m'acharne ainsi, au point de blesser ou détruire tous ceux qui m'approchaient. Tout comme ma tête me reviendra au moment venu, la mort viendra cueillir mes proches quand il sera temps pour eux de quitter ce monde. Et par dessus tout, je suis une Dullahan, je vois tous les jours, au dessus de chaque tête, le cadran qui m'indique combien de temps une personne doit encore vivre. Je sais qu'il est difficile de regarder les siens mourir sans rien faire, mais pas une fois je n'ai réagis. Quand aux biens matériels… tous ceux que j'ai un jour possédé, je les ai donné, hormis le Pendentif de Neriel qui me permet de converser. Je ne m'attache pas à ce qui ne vit pas et je sais laisser partir ce qui vit. Je suis prête à tout perdre, moi qui n'ai quasiment rien. »

Et je me mis à repenser à tous ces morts qui ont défilés dans ma vie, remarquant une fois encore à quel point ils étaient plus nombreux que les vivants. Je ne craignais pas de voir partir les miens, tandis que moi, je ne vieillirai plus jamais. Tout ce que je désirais, c'était observer ce monde, son évolution, et m'assurer que jamais il ne disparaisse, pour toutes ces richesses immatérielles qu'il a à offrir.

Et c’est une nouvelle fois plongée au coeur de mes rêves utopiques qu’une nouvelle voix vint à moi, clamant quelques vers d’une poésie qu’il me semblait déjà avoir entendue… Probablement de la bouche de Tatah, lors de l’un de nos nombreux cours d’écriture. Je n’aimais pas particulièrement les beaux mots aux sens caché, difficiles à comprendre… contrairement à Milady, qui en raffolait et s’adonnait à leur étude de longues heures. Elle aurait apprécier ce monsieur, très certainement. Cependant, mon manque d’amour des mots ne m’avait pas empêcher de les étudier. Ainsi, j’avais acquis le savoir nécessaire à son appréciation et surtout… j’avais gagné la compétence qui me permettait de me concentrer sur les dires du nouveau Maître ici présent, malgré le fait que je n’en saisisse pas tout le sens. Peut-être parviendrais-je à comprendre quelque chose… ne serais-ce qu’une infime partie. L’eau était après tout le miroir de l’âme et il était ici question du combat de l’homme et de la mer, me semblait-il. Le combat de deux natures dans un même être... Elle me semblait même plutôt humaine, cette étendue d’eau indomptable… Où voulait-il m’emmener, au juste ?

Je devais bien avouer qu’il était à cet instant présent bien utile pour moi de ne pas posséder ma vue… ce qui permettait à mon ouïe d’être plus fine et attentive. Mais à peine commençais-je à tenter une analyses plus profonde de ce que je venais d’entendre que je me sentis attrapée par la taille et emportée dans une danse magistrale. C’était… perturbant, moi qui tressaillait encore souvent à l’approche d’un homme de mon corps… Il me tenait, je le sentais… Mais fort heureusement, je m’étais débarrassée de ma haine du genre masculin, et il me fallait maintenant apprécier ce moment de pleine vie, que je n’avais partagé avec personne d’autre que Julia, jusqu’à présent. La danse était pour moi la parfaite expression de la liberté. Liberté d’un corps qui se meut, liberté d’un esprit qui s’échappe, liberté d’un espace, que l’on pouvait investir totalement de notre présence. Et je me laissais transporter par mon cavalier, légère, oubliant presque le lieu où je me trouvais et l’importante épreuve que j’étais entrain de passer. Peut-être cela en faisait-il partit, après tout ? La Maîtresse tenta de l’interrompre, mais il me semblait qu’il était tout bonnement impossible d’arrêter un tel homme. Charismatique, mystérieux, farfelu, insaisissable, voilà les mots qui me le définissaient. Et il me rappelait tant un certain Caracole.

Pourtant, lorsqu’il arriva au thermes qui semblaient directement s’adresser à moi, ma curiosité ne pu s’empêcher de s’éveiller. Que voulait-il véritablement dire ? La femme de ma première question tenta une nouvelle fois de s’exprimer, puis attendit la fin de la déclamation de mon partenaire pour continuer. Je pressentais que quelque chose allait se passer… mais quoi ? Et quand, finalement, tout s’éclaira pour moi, je ne savais que dire. Était-ce là ma troisième question ? Me proposaient-ils véritablement de retrouver ma tête, ici et maintenant ? Il me fallait bien admettre que oui… Pourtant… cela n’éveilla en moi aucun désir. J’avais finalement accepté de vivre sans mon membre majeure, et bien que je ne pouvais nier désirer le retrouver, je n’avais pas imaginé un seul instant que ce serait en ce jour. L’un des Maîtres avait peut-être raison, il était temps pour moi de la retrouver… quand un autre m’apprenait qu’ils ont le pouvoir d’intervenir lorsque la course du Destin dévie. Dans ce cas, ma réponse était toute trouvée.

« Et bien… Ce serait mentir que de vous annoncer que cela ne m’intéresse pas… Cependant, j’ai appris à vivre sans elle. Le Pendentif de Nériel me permet de communiquer avec les vivants et seule la douleur que j’ai ressentie à ma mort persiste à longueur de temps. Si vous jugez qu’il est nécessaire de me la rendre afin que mon apprentissage se passe dans les meilleurs conditions possibles, alors oui, j’accepte votre offre. Mais uniquement dans ce cas présent. Car si récupérer mon membre ne servira qu’à me faciliter la tache, et bien je refuse. Je ne suis pas venue ici avec l’intention de la revoir, de toutes les manières. La décision n’appartient qu’à vous et je la respecterai. »

Voilà tout ce que j’avais à leur répondre. Je savais qu’en tant qu’élève, je me devais d’adopter une attitude ouverte, sérieuse, humble et que si par malheur je les décevais, ils seraient en mesure de me faire disparaître. Certains auraient peur de cette simple donnée. Savoir que quelqu’un détient le pouvoir d’existence et de non-existence sur vous est terrible et terrifiant pour la plupart des personnes… Mais pas pour moi. Avoir conscience que quelqu’un est là pour nous empêcher de commettre de mauvais actes a quelque chose de particulièrement rassurant pour une personne qui est parvenue à s’échapper des ténèbres. Car le mal appel le mal, et l’éradiquer est tout bonnement impossible, voir inutile. Après tout, combien d’anges déchus étaient remontés au Ciel ? Si peu. Est-ce pour autant une mauvaise chose ? Non. Rien n’arrive par hasard et tout oeuvre pour le maintient de l’équilibre de notre monde. Voilà ma véritable croyance.

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Et l'homme mystérieux avait disparu... Avais-je rêvé ? N'avait-il été qu'un mirage ? Qu'une brève apparition ? Je fis quelques pas en avant, tournais la tête de droite à gauche, dégageant l'une après l'autre mes oreilles, me permettant de mieux entendre ce qui m'entourait. Comme j'aurais aimé à cet instant posséder l’ouïe si fine de certains animaux ! Cette rencontre, aussi courte fut-elle, ne m'avait pas laissé indifférente, et je me sentais quelque peu... surprise... intriguée... comme si mon corps et mon esprit refusaient d'admettre que ma plus ancienne quête allait peut-être s'achever aujourd'hui. Qu'allait-il se passer une fois ma tête retrouvé ? Je ne me rappelais déjà plus de mon visage d'origine... Était-il si semblable à celui de ma sœur ? Trouverais-je encore comme autrefois ces petites différences qui me permettaient d'être moi ? Curieusement, une forme d'angoisse était montée en moi, que je calmais difficilement malgré le fait que ma confiance était pleine quant au choix du Maitre du Temps. Il fallut pourtant les paroles de la Maitresse pour me rassurer pleinement. Ainsi, ce dernier avait-il prit sa décision au moment même où il m'avait rencontré ? Ou peut-être même avant, qui sait ? Je devais m’habituer petit à petit au fait que le temps n'était pour eux qu'une donnée maitrisable, et qui le sera peut-être également pour moi. Tout ceci m'était encore subtile à comprendre, et je peinais à suivre le cours actuel des évènements. Pourtant, ma concentration revint d'elle-même lorsque les mots de ma professeur m'atteignirent.

La notion de Destinée, de secrets inéluctablement révélés... Il me semblait avoir déjà entendu ces mots de la bouche de Meredith, notre nourrice. Serait-elle... elle aussi.... une apprentie du Temps ? Son pouvoir, qui m'avait permit de revivre une scène de mon passé, lui venait-il des Maitres du Temps ? Je n'osais y penser trop longtemps, et encore moins émettre l'hypothèse que je serais un jour en mesure de lui poser directement la question. Pour une obscure raison, la réponse m'effrayait terriblement, tant le lien entre le mystère de ma naissance et ma tatah était fort. Je n'étais pas prête, pas encore... Chaque chose devait être fait en son temps, et toute précipitation était bien trop dangereuse et risquée. Même en imaginant que... non. Je ne le devais pas. Il me fallait me concentrer sur le moment présent, sur les paroles des Maitres du Temps, sur les questions qu'ils me posaient, et rien d'autre. Je n'étais pas assez forte pour penser à tout cela à la fois. Pas assez intelligente. Pas assez comme... Romulus et Milady... Comme je regrettais mes actes mauvais auprès d'eux... Eux que j'admirais à présent... Pourrais-je un jour seulement me racheter ?

La réponse n'était pas pour maintenant, et il me fallait user de toute mon attention pour enregistre comme il se doit les révélations qui m'étaient faites. Je n'avais jamais entendu parler des Rehlas, à l'inverse, cette tension entre les Dieux et les Maitres du Temps ne m'étonnait guère. Eux qui avaient fait de nos terres leur terrain de jeu ne pouvaient que craindre ou détester ceux qui avaient le pouvoir de défaire ce qu'ils avaient fait. J'avais l'impression de pénétrer dans un monde au dessus de celui de communs, dont la majeure partie ignoraient ce qu'il se passait au dessus de leur tête. Et cela m'effrayait naturellement. Qui ne le serait pas en apprenant que les êtres les plus puissants de l'univers vont tenter de vous corrompre et de vous retourner contre vos bienveillants maitres ? Mon passé m'a appris ce qu'est la servitude par la force, contre son grès, et je comprenais d'autant mieux les risques que j'allais encourir et les difficultés auxquels j'allais devoir faire face.

Quant à l'invisibilité... Je n'avais cessé tout au long de ma vie de me cacher, de modifier mon apparence, de tenter de devenir la plus transparente possible.... Même si ce n'était que pour échapper à la justice des peuples que j'ai côtoyé. Il était parfois bien plus difficile de se faire oublier que de se faire remarquer, car certaines personnes possèdent un don semblable à celui que j'avais acquis après la grande invasion des Rideres, celui de ne jamais oublier. Ni un visage, ni une parole, ni une action. Alors comment échapper à la surveillance de ces gens là ? Il me faudra découvrir seule un moyen, ma propre solution. L'invisibilité auprès des Aetheris m'imposait un défit, et c'était avec joie que je comptais bien le relever. Peut-être Milady pourra d'ailleurs m'aider, elle qui est parvenue à cacher sa véritable appartenance raciale à tous jusqu'ici. J'avais fois en mes capacités, et gardais au fond de moi suffisamment de craintes pour ne pas me laisser piéger par un trop plein d'assurance. Ainsi ma réponse ne se fit-elle pas attendre, bien que je comptais cette fois-ci poser à mon tours quelques questions qui me brulaient les lèvres.

« Vous ne devez pas l'ignorer... Mon passé est jonché de tentations auxquels j'ai cédé de nombreuses fois. Vols, meurtres, tortures, vices... Ce qui ne me connaissaient pas ne me prenaient pas pour une démone par hasard. Lorsque j'avais un objectif, je ne passais pas par quatre chemins pour l'atteindre, et je n'avais que faire des conséquences de mes actes et de ceux que je laissais brisée derrière moi. Pourtant, il y a deux choses auxquels je n'ai jamais cédé. L’appât du pouvoir et celui de la puissance. Lorsque je m'améliorais, ce n'était que pour mieux survire dans ce monde hostile. Je ne peux pas vous dire que je suis certaine de ne jamais céder à aucune tentations, mais je sais ce que cela fait d'y être confronté, de devoir y résister. Voilà des lunes que je n'ai plus fait couler de sang, et cela ne s'est pas fait sans douleurs... En revanche, il y a une garantie que je peux vous faire. Celle que peut-importe les tentations que les dieux pourront me faire, je ferais tout mon possible pour m'y opposer. Mon objectif est d’œuvrer à ce que notre monde ne s'effondre pas, et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas me détourner de cette voie, même si cela signifie faire des sacrifices, abandonner mon identité, ma famille et mes amis. »

Je pris le temps de reprendre mon souffle, tout en préparant mentalement les quelques questions que j'avais à poser. Les Rehlas connaissaient-ils notre existence ? Partageaient-ils leurs savoirs avec nous ? Leur arrivaient-ils d'agir pour changer le futur lorsque celui-ci déviait ? Y avait-il un Aether que je devais craindre plus que les autres ? Tous désiraient-ils notre perte ? Il me fallait comprendre si il me serait possible dans les plus instables moments de ma vie, de me tourner vers quelqu'un qui me tendrait la main sans vouloir me la broyer quelques minutes plus tard. Mettre des mots sur ce qui risquait de m'arriver, des noms sur ceux qui risquaient de m'attaquer, était déjà une forme de protection en sois. L'Esprit craint bien plus l'inconnu que le connue, peut-importe le degré de dangerosité de ce dernier... Mais n'était-ce pas à moi de répondre seule à ces questions ? Avais-je le droit à mon niveau de connaitre les solutions de ces énigmes ? Le doute s'emparait de moi, et ces finalement silencieuse que j'attendis la suite des évènements...

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Un flot de pensée continue m'assaillait comme le plus violent des vents du Col du Blizzard Cinglant... Je sentais mon esprit ballotté de toute part, déchiré par mes doutes et mes peurs. Et c'était loin d'être agréable. Moi qui autrefois considéraient les autres avec mépris, me pensait de par ma nature de morte invulnérable, toute puissante et au dessus des lois... je tremblais à présent sous la menace que les Aetheri allaient peser sur mes épaules... Des images sanglante de mon corps torturé, écartelé me venaient en tête. Tout était si brouillon ! J'avais entendu tant d'histoire sur la cruauté des dieux lorsque j'étais enfant ! Voulais-je tant que cela acquérir les compétences nécessaires à la préservation de ce monde ? N'étais-je pas encore une fois bien trop ambitieuse ? N'y aurait-il rien de moins dangereux que je pourrais faire ? J'avais survécu à la mort, à deux grandes catastrophes qui secouèrent notre monde, et tous ces morts, tous ces gens plongés dans le désespoir, tous ceux que je n'avais pas pu aider... prenaient encore vie dans mon esprit, comme si j'avais vécue toutes ces scènes il y a peu. Mon âme était tourmentée par ma mémoire absolue, qui me privait de l'oubli, du refoulement de ces évènements traumatiques... Chaque moment de solitude - en prenais-je vraiment conscience seulement maintenant ? - était pour moi le plus douloureux des instants à vivre. Le doute, la crainte, la peur... étaient-ils permit ? Était-il encore temps pour moi de rebrousser chemin et de m'en retourner à ma petite vie tranquille ? Mais encore une fois, était-ce réellement ce que je désirais ? La réponse, je la sentais au fond de mon cœur, était non, et les paroles des Maîtres du Temps éclairaient doucement ma voie. Une vie de solitude m'attendait, une vie cachée... insaisissable. Allais-je le supporter ? Je l'ignorais, mais il me fallait croire en moi. Savoir que les Maîtres du Temps avaient accès à mes pensées me rassurait, en quelque sorte. Ainsi étais-je certaine de ma sincérité. Pour autant, je n'étais pas pressée de découvrir ce que chacun d'entre eux pensait de moi, comme si une part de mon passé me rendait... instable. Cela aussi, pourrais-je le changer ?

J'allais à mon tour prendre la parole, ne sachant pour autant si cela m'était permit, lorsque des mains d'une froideur cadavériques vinrent se poser sur mon épaule. Ce n'était pas à proprement parler une sensations désagréable... elle m'était même plutôt familière, cette sensation... Après tout, n'étais-je pas moi aussi l'un de ces morts-vivants ? Ainsi n'avais-je pas tressaillit sous ce contact féminin. Je restais immobile, le souffle volontairement contrôle afin de conserver mon corps le plus détendu possible. J'avais tout à craindre, alors de quoi pouvais-je bien encore avoir peur ? Soudain, mon instinct s’emballa, alors que je sentis une magie autre que la mienne envahir mon corps. J'aurais pu me débattre, chercher à me défaire de ce contact, mais il était déjà bien trop tard, mon esprit était bien loin. Devant mes yeux se déroulèrent des scènes, inconnues, que je ne savais placer dans le temps. J'en reconnue certaines comme des vestiges de notre passé. Tout allait si vite ! Je sentais peu à peu mon esprit plier, ployer sous le poids de tous ces souvenirs, que je ne pouvais m'empêcher d'enregistrer. C'était trop ! Bien trop ! Je voulus hurler que cela cesse ! Mais aucun mot ne sembla s'échapper du fond de ma gorge. Puis tout s'arrêta. Je retombais au de tout mon long, ma mémoire se battant furieusement pour classer toutes ces nouvelles connaissances que j'avais ingérer contre mon grès. Tout. Tout était en moi. Et cela me faisait terriblement mal ! C'était un fardeau, que celui de se souvenir de tout. Comme le pourrais-je ? Je n'étais même pas certaine de ce que je venais de voir.

Encore groggy, j'avais la bouche pâteuse et l'esprit embrume comme à la suite d'une nuit trop arrosée. Pourtant, j'entendis distinctement la question de la Maîtresse du Temps. Ce que je venais de vivre me paraissait surréaliste. Et chacun d'entre-eux possédaient toutes ces images ? Et bien plus encore ? Avec ma force actuelle, j'en mourrais ! Malgré tout... Ma curiosité s'était éveillée comme jamais... Je ne le pouvais encore, mais il me tardait de ramener à ma mémoire chaque scène que je venais de visualiser, de l'analyser, de la remettre dans son contexte, de me faire historienne de ce monde... Oui, pour l'instant, je ne pouvais supporter plus. Mais je pouvais évoluer. Je le devais. Il était même logique que de penser qu'une connaissance parfaite du passé est nécessaire à la compréhension du présent ainsi qu'à la sauvegarde du futur. Ma douleur première estompée, je prenais conscience du cadeau qui venait de m'être fait, ainsi que de son importance. Ma précieuse mémoire... Contenant un si grand savoir... C'était... magnifique. Lentement, je me redressais, essuyant les larmes qui avaient coulés d'elles-mêmes le long de mes joues. A plusieurs reprises, je prenais de grandes inspirations afin d'aérer au maximum mon esprit. Des tambours cognaient encore dedans, et je sentais qu'il allait me falloir plusieurs jours pour m'en remettre... Mais j'étais... heureuse... et infiniment reconnaissante. Je n'avais certes pas tout comprit ce que je venais de voir, mais j'en avais peut-être saisit la notion la plus essentielle... Il fallait à n'importe quel prix protéger notre passé. Pour assurer notre présent et notre futur. C'était capital, primordial. Et si je pouvais apporter mon aide d'une quelconque façon, je le ferais. Ma place était ici, parmi eux, en tant qu'humble élève, c'était une certitude.

« Je suis prête. Pour le salut du monde. »

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Disciple des Maîtres du Temps... Une fierté ainsi qu'un soulagement immense s'empara de mon cœur, alors que milles questions se précipitaient dans mon esprit, auxquels je devrai répondre seule. J'avais réussis à trouver ma voie,  et c'était peut-être ma plus belle victoire sur ma mort. « Et je la parcourrai jusqu'à ma mort. » A l'époque, je n'avais pas été capable de comprendre entièrement l'importance et l'étendue des circonstances que prenaient ces instants qui allaient suivre. Je manquais encore de recul, de réflexion et d'expérience... de sagesse, aussi. Je n'avais fait que boire les paroles de ma Maîtresse et les enregistrer dans ma mémoire aussi précisément que possible : je ne voulais rien oublier. J'aurais tant voulu être en mesure de comprendre un peu plus ! Mais souvent, les sens cachés des mots nous échappent, et nous ne pouvons guère faire mieux que d'en assumer les conséquences. Au mieux avais-je bien compris qu'un nouveau fléau s'abattra sur le monde, et que je ne pouvais rien y faire, tout du moins pas toute seule. J'étais encore trop jeune et je venais seulement d'ouvrir le chemin qui m'était destiné... comment pourrait-il en être autrement ? Il n'y avait que mon temps que je pouvais offrir à mes Maîtres, et je le ferai sans concessions. Je devais me montrer à la hauteur de la confiance qu'ils me portaient, et prouver ma valeur à leurs yeux, continuellement. Il me fallait pour cela répondre à l'appel, obéir, et c'était ce que j'avais toujours fait de mieux. « Quand ce temps sera venu, je serais là, prête à vous servir autant que possible. » Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais j'avais déjà connu la fin du monde par deux fois, et je m'imaginais déjà le pire. Pour autant, il ne me fallait pas céder à la peur ni à la panique, même si il était folie de croire que je pouvais ignorer mes véritables sentiments et émotions... Aujourd'hui, je savais que quelqu'un aurait besoin de mes services, et j'avais appris à ouvrir mon cœur aux vivants tout autant qu'aux morts : c'était ce à quoi je devais me raccrocher. Je devrai me préparer pour l'Appel, même si j'ignorais encore comment m'y prendre.

Puis la magie de ma Maîtresse dessina pour moi l'artefact qui me guidera au fil du temps. Je n'avais toujours été témoin que de puissance destructrice. Voir que la magie était également capable de création était toujours aussi époustouflant et merveilleux : j'étais fascinée ! Mes propres pouvoirs étaient si sombres qu'il m'avait toujours semblé impossible que je puisse en tirer quelque chose de bon. Peut-être qu'enfin les choses allaient changer ! Serah me tendit sa création, que je saisis comme le plus précieux des présents. Le petit sablier au sable argenté, entre mes doigts, produisait une douce chaleur familière qui me rappelait mon propre flux magique. Et déjà je cherchais un moyen de le dissimuler à la vue de tous, de le protéger... Moyen qu'il me faudra trouver par moi-même, pour une fois. Mais j'étais toutefois certaine que la bibliothèque de l'Université de Magie saura me donner un début de réponse.

De nouveau, les mots de ma Maîtresse se gravèrent en moi comme de l'encre sur un parchemin. Apprendre... me retrouver dans la position d'une simple élève, être guidée par des plus puissants que moi.. Tout cela avait quelque chose de rassurant. Je prenais alors le temps de réfléchir à un événement qui ne me serait pas difficile à revoir moralement. Dans un autre temps, mon premier réflexe aurait été d'observer de nouveau ma propre mort, afin de pouvoir découvrir qui était la première personne à avoir eu ma tête entre ses mains, mais aujourd'hui, tout cela ne m'importait plus, et je devais consacrer mes présentes et futures capacités au maintient de l'équilibre, rien d'autre. Je ne devais de toute façon pas chercher trop loin dans le temps, pour une première fois. Alors mon choix se porta sur un moment récent tout à fait banal, qui n'avait rien de trop éprouvant moralement : le départ de Callirhoé pour l'Océan et la Citée des Ondins. Je ne l'avais pas revue depuis, mais je la pensais heureuse et en sécurité, et notre séparation s'était faite en douceur, puisque nous nous y attendions toutes deux. C'était seulement il y a quatre jours.

Ma magie m'enveloppa, et bien que je paniquais un peu au départ, je la laissais opérer, fermant les yeux pour mieux ressentir. Un flux intense parcourra chaque fibre de mon corps, et je sentis un courant d'air tiède m'entourer, tourbillonnant. Les sons furent d'abord lointain, murmurés, puis de plus en plus nets et proches. Lorsque j'entendis clairement le son de ma voix et celle de la sirène, je les ré-ouvris. C'était comme quand Tatah me fit revivre un moment de mon passé, mais en beaucoup plus claire et précis, puisque cette fois-ci, j'y étais vraiment et que je ne flottais pas tel un spectre du futur, dans les airs (bien que je compris plus tard qu'il m'était tout à fait possible de le faire). Au début, je me suis contentée de me regarder, d'écouter nos mots, puis peu à peu, puisque tout ceci n'était pas très intéressant, en fin de compte, je m'éloignais de la scène pour observer les environs. Me revint alors en mémoire une sensation de l'époque : celle que nous avions été observées. Curieuse, je me mis à rechercher ce potentiel observateur parmi les bosquets nous entourant. En vain. N'était-ce que mon imagination ou bien était-il possible que j'ai pu ressentir ma propre présence, à l'époque ?  C'était-une question à laquelle il me faudra répondre sans tarder. Lorsque le dernier grain de sable fut écoulé, tout disparu, et je me retrouvais alors sur une paillasse d'une auberge -celle qui fut mon point de départ, physiquement et mentalement épuisée, frigorifiée. A cet instant, j'aurais très bien pu croire que je n'avais fait qu'imaginer tout ce que je venais de vivre, mais le sablier que je tenais au creux de mon poings me prouvait le contraire : j'étais bel et bien  devenue une Disciple du Temps, et mon avenir en était transformé.

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