Introduction
Le début des confidences

L'homme se tient assis dans un fauteuil face à toi, une plume raffinée dans une main et un carne ouvert sur ses genoux. Le regard qu'il pose sur toi est un subtil mélange de lassitude, de curiosité et d'avidité. Sans doute désire-t-il comprendre les rouage de ton esprit malade. N'est ce pas pour cela que vous vous donnez quotidiennement rendez-vous ? Pour comprendre ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Ce qui te pousse à agir ainsi ? Et malgré les nombreuses séances,  le docteur semble encore loin du but. Il change de position, déposant sa tête contre son poing, mais l'intensité dans ses yeux n'a en rien changé. Chaque patient décortiqué est un nouveau prestige,et prouve que cette méthode,  parfois controversée, peut bel et bien porter ses fruits. Il semblerait que ça ait déjà marché, sur d'autres malade. La parole les aurait libéré de la culpabilité et alléger leurs remords, et ils en seraient ressortis plus sain. Tu n'y crois pas pour un sous, mais tu apprécies ces petites visites. Elles t'amusent, te changent de ton quotidien morne. Même si l'asile a son charme, on finit vite par s'y ennuyer. Ces sois disant thérapies pour te débarrasser de tes démons intérieurs ont au moins le nécessaire pour te divertir.

Le silence est rompu par le cliquetis des horloges, rythmant les mouvement de ton pied. Le docteur attend que tu parles le premier mais tu n'as aujourd'hui rien à lui dire. C'est ce qui est plaisant, ici, on peut choisir le sujet de discussion, choisir de parler de ses tracas ou de les ignorer. Ou l'on peut préférer garder le silence, comme aujourd'hui, se taire et simplement profiter de l'atmosphère. Observer les petits animaux empaillés, les bocaux renfermant des yeux ou des squelettes de créatures inconnues... "Ce tableau vous plaît ?" Tu lâches l'oeuvre des yeux pour t'intéresser un peu à celui qui te fait face. "Il est intéressant, en effet." De nombreuses peintures sont accrochées aux murs. Derrière le bureau, des portraits d'homme sérieux et sévères. Inutiles, selon toi. Mais sur les autres, des scènes toutes plus cauchemardesques les unes que les autres. Des humains se faisant déchiqueter par des démons, des mortels subissant le courroux d'un Æther quelconque, un monstre marin engloutissant un navire... Des scènes censé nous permettre d'affronter nos craintes. Mais tu ne t'intéressait à aucune de ces œuvres. Ton regard est encore dirigé vers un nouveau portrait. Celui d'une enfant, les yeux clos et l'air apaisé. Pourtant si l'on y regarde de plus près,  des ombres menaçantes l'enveloppent, et le bouquet de fleurs qu'elle tient entre ses mains est fané. Sa robe crème est souillée de sang. Un peu plus morbide qu'il n'y paraissait au premiers abords.

Le psychologue se retourne face à toi et retient ton attention en débouchant une carafe de vin. "J'ai cru comprendre, lors de notre dernier entretien, que vous étiez un amateur de vin, dans le temps... Cela vous plairait-il de goûter celui-ci avec moi ?" Sans doute une manière peu subtile de t'amadouer. Et bien, il marchait. Cela faisait tellement longtemps que tu n'avais pas eut le plaisir de sentir le goût d'un bon vin sur ta langue. "Avec plaisir" t'entends-tu répondre d'une voix doucereuse. Tu acceptes le verre, laisses tes narines profiter de la douce senteur, puis bois une petite gorgée. "Délicieux." Vous continuez votre petit manège, toi sachant pertinemment que ce n'est pas ce qu'il attend de toi, lui essayant de t'arracher des informations sur ton passé que tu refuses de dévoiler.

Finalement, c'est lui qui craque en premier. "Bien, monsieur Dementiæ... Je sais désormais que vous appréciez le bon vin. Vous avez trois superbes enfants et vous êtes un excellent chasseur..." Sans doute aurait-il pâlit s'il avait appris quel genre de gibier tu t'amusais à traquer. Tu t'es bien gardé de le lui dire. "Mais je n'ai rien appris de profondément intimes... Vous savez, j'aimerais que nous devenions de proches amis, vous et moi. Je pourrait devenir votre confident, si l'idée vous plaisait..." Ce discours qu'il devait répéter à tous les patients un peu trop renfermés. Croyait-il sérieusement que ce baratin pourrait marcher sur toi ? Tu souris en déposant le verre sur la table basse qui vous sépare. "Vous avez peut être raison, après tout... J'ai besoin d'une personne à qui me livrer, avec qui je pourrais exposer toutes mes idées, même les plus sombres... J'ai votre parole que ce qui se dira ici ne sera jamais répété hors de ces murs ?" "Vous en avez ma parole, le secret médical me tient au silence. Je resterai muet comme une tombe." Il ferait mieux,  ou c'est lui qui finirait dans la tombe.

Très bien. Il voulait t'entendre te livrer ? Alors il serait servi. Mais c'est lui qui serait hanté par les tourmants.

Chronologies

Chapitre 1 : L'Originelle.
Chapitre 2 : Les liens du sang.
Chapitre 3 : La chasse.
Chapitre 4 : Le départ, ou le début de l'aventure.
Chapitre 5 : Trahison à la famille.
Chapitre 6 : Le début des tourments.
Chapitre 7 : Les Autres.