Plus le temps passait, moins l’humeur de Raphaël s’améliorait. Comme si le fait de retrouver son passé le poussait à avoir de sombres pensées. Il avait de plus en plus de mal à sourire, et agir comme l’ancien qui avait été. Celui qui oubliait tout, et prenait la vie comme elle venait. Mais désormais, il n’en était plus capable, hésitant entre le regret des atrocités qu’il avait fait, et le peu de sentiments qu’il ressentait envers ces dernières. Son manque d’émotion le troublait encore plus. Il avait toujours eu du mal à comprendre les siennes, et celles des autres, mais il devenait de plus en plus glacial. Tout ceci parce que Ward l’avait poussé à bout dans ses entraînement. Toujours plus, toujours trop loin pour un simple enfant de douze ans. Mais il n’arrivait pas à savoir si c’était une bonne, ou une mauvaise chose. Pour un éventuel futur Maître du temps, était-ce le mieux de ne pas avoir d’émotion ? Il connaissait, plus ou moins, ce que faisait, et avait fait, le groupe qu’il avait rejoint. Certaines choses horribles, et extrêmes pour sauver le plus grand nombre. Une solution extrême, mais était-elle efficace ? Qu’est-ce qu’il devrait faire lui-même ? L’Elémental était perdu, confus. Il savait qu’il avait besoin d’aide, mais qui pourrait la lui fournir ? Il n’était réellement proche de personnes, et, des rares personnes qu’il appréciait, il se voyait mal leur confier des problèmes. En fait, il se voyait mal tout court à se confier à qui que ce soit.

« Eh mec, ça va ? ». Lui demanda un homme avec son groupe. L’Elémental était assis sur un banc, le regard sombre, fixant le sol devant lui, et faisant tourner sa chevalière autour du majeur. L’homme qui lui avait posé la question posa sa main sur son épaule. « Eh, vous allez bien ? ». Redemanda-t-il. Raphaël se leva, les bousculant sans le faire exprès. « Eh, on t’as demandé si ça allait, pas besoin de faire cette tronche ». Lui dit un autre en lui attrapant le bras. Raphaël se retourna brutalement, et le repoussa. « Lâché-moi ». Puis, sans attendre leur réaction, il se remit à avancer, laissant le groupe derrière lui. Avançant rapidement, il continuait de faire tourner sa bague nerveusement. Qu’est-ce qui lui arrivait sérieusement ? Lui qui était habituellement si calme, et se fichait pas mal de ce que les autres disaient de lui, le voilà en train d’exploser contre des gens qui n’avaient fait que lui demander s’il allait bien. Il devait faire quelque chose s’il ne voulait pas devenir complètement dingue. A peine avait-il pensé ça, qu’une autre pensé le traversa. Je vous mon destin au temps . Aussitôt il disparut de l’endroit où il se trouvait, pour réapparaître dans la salle blanche. Passant une main à l’arrière de ses cheveux, il soupira. « Il faudrait vraiment prévenir quand vous faites ça » « Tu choisis aussi le moment où tu viens nous rejoindre. Plus ou moins ». Dit une voix dans son dos. Se retournant, l’Elémental aperçut une femme longiligne, et mince, d’une pâleur extrême. Vêtu de blanc et noir, la faisant paraître encore plus blanche, tout comme ses cheveux, aussi immaculé. Levant les mains, et la désignant du doigt, l’air de la reconnaître, il dit. « Ortance, c’est ça ? » « Alors comme ça tu peux nous reconnaître rien qu’en ayant entendu notre voix une seule fois » « J’ai une bonne mémoire. Meilleure depuis quelques temps d’ailleurs ». Répondit-il.

« Je suis là pour une autre épreuve je suppose ? ». Dit-il en posant une question purement rhétorique. Il savait parfaitement pourquoi il était là. Ortance conserva son visage glacial, mais le comportement de Raphaël ne lui plut pas du tout. « Je n’aime pas ton arrogance ». Et sans prévenir, elle disparut. D’abord surpris, Raphaël soupira, et se frappa le front avec la paume de sa main. Il se laissa tomber par terre, se couchant sur ce qu’il appelait « le sol ». Il ferma les yeux, réfléchissant à ses paroles. Au bout de quelques minutes, il s’agenouilla, les fesses sur les talons, et posa son front au sol, comme certaines personnes lorsqu’elles priaient. « Je suis désolé pour mon arrogance. Je suis un véritable idiot, ignorant, qui devrait apprendre à se taire lorsque quelqu’un lui propose de lui enseigner ce qu’il doit savoir ». Il n’avait jamais été très doué avec les mots, mais il essayait de faire de son mieux.

Raphaël resta dans cette position de soumission, et d’humilité pendant un moment. Il ne sut exactement combien de temps, et, à vrai dire, il s’en fichait pas mal. Il avait fait une faute en parlant ainsi à Ortance, et il essayait de se racheter. Son manque de fierté et d’amour-propre l’aidait en ce sens. Il savait parfaitement pourquoi il était arrogant. La perte de ses souvenirs l’avait toujours empêché de prendre la grosse tête, mais maintenant qu’il n’avait plus cet effet secondaire de son pouvoir, s’était une toute autre histoire. Le fait qu’il puisse apprendre tout en quelques secondes, et sans le moindre effort, avait de quoi faire gonflé les chevilles. Sauf qu’il avait à faire à l’un de ses maîtres, et qu’il n’avait pas le droit à l’erreur, et à une telle arrogance avec l’un d’entre eux. De plus, il avait sincèrement envie d’en connaître plus sur le temps, et ce monde. Et les Maîtres étaient sûrement les seuls à pouvoir les lui apprendre. S’il devait rester plusieurs heures dans cette position, il le ferait. Il resterait ainsi jusqu’à ce qu’Ortance décide de revenir dans la salle, et d’accepter de lui prodiguer son enseignement.

« Relève-toi ». Lui dit l’Ombre en réapparaissant dans la salle. L’Elémental ignorait si c’était un ordre, ou une simple recommandation, ou autre chose. Relevant le buste, il se reposa sur ses talons, restant assis, et plongeant ses yeux bleus dans ceux gris de la femme. « Je m’excuse encore ». Lui dit-il. Elle balaya l’air de sa main, le visage glacial, empêchant Raphaël de pouvoir analyser son comportement. Ce n’était pas quelque chose qu’il appréciait, ne réussissant pas à prévoir son comportement. De plus, habituellement, il était capable de voir la plupart des micros-expressions que faisaient quelqu’un, même de très froid, mais là… Rien, comme si elle ne ressentait réellement aucune émotion. De quelle race était telle pour être ainsi ? Ca ne pouvait pas simplement venir de son expérience, bien que sûrement extrêmement longue. Son ignorance était encore très étendue. Trop étendue pour qu’il comprenne exactement les choses dans son ensemble. Tout comme pour les évènements qui étaient encore de se produire en ce moment.

Se remettant debout, il continua de la regarder dans les yeux, ne sachant lequel des deux devaient s’exprimer en premier. N’y tenant plus, il finit par lui poser une question qui le tourmentait depuis quelques temps. « Dans cette guerre, ou qu’importe ce qui se prépare, pour qui sommes-nous ? » « Pour Sympan ». Répondit-elle simplement. Raphaël avait bien évidemment entendu parler de nombreuses légendes et croyances au sujet du Créateur, mais pourquoi les Maîtres croyaient plus en lui ? « Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Il y a une raison ? » « Les Maîtres seront toujours pour Sympan, car c’est lui qui nous a créé. De plus, il faut que tu saches que les Aetheri ne peuvent nous voir ». Il fronça les sourcils, essayant de comprendre. Voyant sa perplexité, elle s’expliqua. « Les Aetheri peuvent normalement voir tout le monde, et tout ce qui se passe en ce monde. Mais nous sommes différents. Pour eux, nous sommes invisibles, en quelque sorte. Ce n’est pas encore ton cas. Plus tu avanceras sur la voie, et moins ils te verront ». Il hocha la tête, comprenant assez bien ce qu’elle venait de lui expliquer. Enfin, il le pensait. Une question encore venait de naître dans son esprit. « Pourquoi Sympan nous aurait rendu invisible à leurs yeux ? ». Questionna-t-il. Il était curieux, très curieux. Et sa curiosité le poussait souvent bien loin. Mais il avait appris qu’avec les Maîtres, il obtenait bien souvent plus de questions que de réponses lorsqu’il sortait de la salle. « Je ne pense pas que ce soit le moment de te parler de ça. Tu seras ça plus tard ». Retenant un soupir, il se tut, sachant qu’elle ne lui dirait rien, même s’il insistait. Il devait donc prendre son mal en patience. Peut-être allait-elle également lui fournir d’autres connaissances, en plus de ses nouvelles connaissances sur le temps.

Attendant patiemment qu’Ortance continue, ou plutôt commence son apprentissage, il attendit, se dressant sur la pointe des pieds, et retombant sur ses talons dans un aller-retour permanent. Il n’arrivait pas à tenir en place. Jamais en fait. Son hyperactivité ne lui rendait pas forcément service dans ce genre de moment où c’est lui qui devait recevoir les leçons. Et son impatience tapait souvent sur le système des autres.

« Trêve de bavardages, commençons ». Sans prévenir, elle les téléporta ailleurs. Perdu, il regarda autour de lui, essayant de se repérer. Il était dans une forêt, Ortance à côté de lui. Une autre personne ne tarda pas à venir vers eux, d’abord une silhouette perdue au milieu des arbres, puis grossissant petit à petit. « L’homme là-bas s’appelle William, c’est un Aether, bats-toi contre lui » « Quoi mais att… ». Il ne put terminer sa phrase, car elle disparut. Sans crier gare, l’homme apparut devant lui, et le frappa assez fort pour lui faire cracher du sang. L’Elémental s’éloigna en reculant, et tenta de lui envoyer une salve d’eau, mais son attaque était inutile. Aucune surprise. Comment pouvait-il affronter un Dieu, et avoir le moindre espoir de gagner. Ortance apparut derrière Willian, et lui lança. « C’est tout ce que tu peux faire ? Tu as peur simplement parce qu’il est un Dieu ? ». Grognant, et luttant contre la douleur, l’Elémental répliqua, essayant de frapper aussi fort qu’il pouvait, sans pour autant s’épuiser totalement, et faire des actions irréfléchi. Soudain, William se tourna vers Ortance, se désintéressant totalement de Raphaël, ne le considérant sûrement pas comme une menace. L’Elémental essaya de l’attaquer, mais rien n’y faisait, il continuait de l’ignorer. Totalement impuissant, il se plaça entre une attaque et Ortance pour la protéger. Puis il essaya de lui lancer une attaque avec ses dernières forces, donnant tout ce qu’il avait dans une attaque, mais, évidemment, cela resta inefficace. L’Aether ne tarda pas à le tuer. Raphaël expérimenta la douleur de la mort, ainsi que la peur qui en résultait. Il se sentit se vider de son sang, petit à petit, sans rien pouvoir faire. Et plus les secondes s’écoulaient, plus la vie quittait son corps, plus il ressentait cette peur dévorante, et accablante. C’était la première fois qu’il ressentait quelque chose d’aussi intense.

Raphaël se redressa en sursaut, la respiration courte, et saccadée, le regard affolé. Il se redressa, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Regardant autour de lui, il vit qu’Ortance le regardait. « Qu’est-ce qui… C’est passé ? ». Questionna-t-il, perdu, et hagard. Il l’avait bien ressentit, cette sensation de mourir, et de douleur. Cet horrible sentiment de peur, et de faiblesse. « Une illusion ». Dit-elle simplement. « Pour… Pourquoi ? ». Son corps et son esprit avaient encore du mal à se remettre de ce qu’il venait de subir. Tout lui avait semblé si réel, si puissant. Bien plus que ne devrait l’être réellement une illusion. Ortance était si puissante qu’elle pouvait créer une illusion aussi puissante dans son esprit alors qu’il se protégeait avec son immunité. Et il n’y avait pas que ça… Ses émotions étaient tellement envahissante, et prenante… Un simple contrôle des émotions pouvait-il faire cela ? « Je voulais savoir si tu serais capable de te battre, même contre un Aether, et que tu te souvienne de ce qu’est la mort ». Il baissa les yeux, récupérant petit à petit, observant ses mains, faisant tourner sa bague. Un réflexe qu’il faisait beaucoup.

Ortance s’accroupit en face de lui. Raphaël leva la tête vers elle, attendant de savoir ce qu’elle voulait. « Laisse-moi te montrer un aperçu de ce que tu pourras devenir. De ce que tu pourras voir et faire en même temps ». Que voulait-elle dire par… L’Elémental n’eut pas le temps de terminer sa pensée, qu’il fut embarqué dans une vision. Les informations fusèrent dans sa tête, rapides, et toutes en même temps. S’il n’avait pas eu la mémorisation absolue, il n’aurait pas pu retenir toutes ses informations. Et même ainsi, il avait du mal à toutes les analyser. Ce temps d’échanges ne dura que quelques secondes, et soudain, il revint dans son moment présent. Le souffle coupé, et un mal de crâne terrible, il se prit la tête entre les mains, essayant de reprendre son souffle. Il se laissa tomber sur le côté, essayant de retenir correctement toutes les informations, de les classer. Qu’est-ce qui était du passé, ou bien du présent ? Peut-être il y avait-il du futur également… « Ce n’était qu’une dizaine de vision du présent en même temps ». Lui dit-elle. « Une dizaine… C’est tout ? Comment fais-tu… Pour rester dans la réalité ? ». Demanda-t-il, encore troublé par ce qu’il venait de voir, et sa respiration entrecoupée. « Avec l’entraînement, et les pouvoirs des Maîtres que tu acquières petit à petit, tu pourras maîtriser ce côté de tes pouvoirs, même si parfois… Tu peux te perdre entre tes différentes versions ». Lui répondit-elle.

Raphaël se mit sur le dos, les bras et jambes étendues. Sa respiration était encore assez courte et rapide. Il terminait de traiter toutes les informations que lui avait donné Ortance en même temps. Après avoir subi une expérience de mort si prenante qu’elle lui avait semblé très réel, puis de lui avoir fait voir une partie de ses capacités, son esprit était déjà fatigué. « J’ai même pas commencer à apprendre, que je suis déjà épuisée ». Dit-il en riant légèrement, de façon quelque peu nerveuse. Il ferma les yeux, retrouvant son calme petit à petit. Etrangement, plus il continuait son apprentissage, plus il se sentait épuiser, et, même s’il faisait souvent des pauses de quelques mois entre chaque étape, il n’arrivait pas à s’en remettre totalement. Combien de temps pourrait-il tenir à ce rythme ? Encore combien d’étapes avant que son corps ne lâche, que son esprit ne se brise ? Pourtant, il voulait continuer ainsi, se pousser à bout, jusqu’à ses limites, voir plus loin. Il voulait devenir plus fort pour pouvoir se battre au côté des Maîtres. Servir à quelque chose lorsqu’on aurait besoin de lui. Il était encore très faible par rapport aux puissants de ce monde. Trop faible pour s’opposer réellement à eux pour le moment.

S’asseyant, il leva la tête vers Ortance qui s’était déjà relevé, son visage insensible aux réflexions intérieures du jeune homme. Ou peut-être ne pouvait-elle pas lire dans les pensées, contrairement à Aude. Enfin, le pouvoir de cette dernière semblait plus fort qu’une simple lecture dans les pensées. « Debout, commençons ». Lui ordonna-t-elle. Elle connaissait l’état de Raphaël. Elle savait qu’il s’approchait de sa limite. Elle voulait le pousser à bout, encore plus loin, bien plus loin qu’il ne pouvait le supporter. Elle le testait, comme chacun des Maîtres. Il y était habitué maintenant, mais cela n’empêchait pas d’être particulièrement épuisant. L’Elémental détestait qu’on lui donne des ordres, mais il comprenait que protester ne servait à rien. Il se mit debout, se tournant vers elle, attendant qu’elle lui dise ce qu’il devait faire, ce qu’il devait apprendre. « Il y a peu, tu as fini le passé. Commence ici le présent. Tu verras d’abord la vision dans le présent ». Raphaël écouta attentivement ses paroles. Il aurait pu se dire que cet apprentissage ci serait plus facile que les précédents, mais il n’était pas assez idiot pour se dire ça. Avec tout ce qu’il avait déjà subi, il avait compris depuis un moment qu’aucune des étapes ne seraient faciles.

« Comment fait-on ? ». Demanda-t-il. « Contrairement à ce que tu peux penser, le présent ait difficile à saisir, car chaque seconde qui s’écoule devient du passé. Il bouge sans cesse, ne se fixe jamais. Ce qui ait complètement différent du passé, plus facile à saisir ». Raphaël avait déjà pensé à ça avant qu’elle ne lui en parle. Il y pensait pendant son temps libre. « Pour le moment, trouve un endroit, une personne que tu veux visualiser, savoir ce qui s’y passe, ou ce qu’elle fait » « Une raison particulière à ça ? » « Evidemment. Le présent est difficile à saisir, alors si tu n’essaie pas de te concentrer sur quelque chose d’abord, tu n’y arriverai sûrement pas ». Hochant la tête, comprenant ce qu’elle lui expliquait. Oui, ça semblait logique. Tellement logique qu’il se demandait pourquoi il n’y avait pas pensé.  Trop inexpérimenté sûrement. Ou alors il devenait de moins en moins vif plus son esprit arrivait à sa limite.

L’Elémental réfléchit. Sur qui pouvait-il se concentrer ? Nathaniel peut-être. « Bon eh bien je vais voir ce que fait Nathaniel ». Il pencha la tête en arrière puis sur les côtés, faisant craquer son cou sans faire exprès. Il sentait une grande tension dans ses épaules, et son cou, formant des nœuds dans ses muscles. Il s’assit par terre, croisant les jambes, posant les mains sur ses genoux. Il se demandait s’il allait encore avoir une migraine carabinée lorsqu’il essayerait. Pour les autres, cela lui faisait de moins en moins cet effet à force d’entraînement. Il activa son pouvoir, se concentrant sur Nathaniel et sur ce qu’il faisait en ce moment. « Décris-moi ce que tu vois ». Entendit-il Ortance lui dire. Elle aussi utilisait ses pouvoirs pour voir ce que faisait le dragon, pour voir si Raphaël regardait dans le présent, ou alors confondait avec le passé. Cela arrivait à chaque fois chez les apprentis.

Raphaël chercha Nathaniel, essayant d’utiliser ses pouvoirs de la bonne façon. Il avait déjà fait ce genre d’exercices par le passé, et pour voir dans le passé, et pour cela il réussit assez facilement à visualiser le dragon. « Il est en train de chasser, il court après un cerf en faisant s’effondrer quelques arbres devant lui. Il ne va pas tarder à l’attraper » « C’est le passé ça Raphaël ». L’Elémental releva la tête, coupant ses pouvoirs, et la regardant dans les yeux. Il ne pouvait la contredire, ni même croire qu’elle avait tort. Les Maîtres le poussaient dans ses retranchements, lui dissimulaient des choses, mais jamais ils ne lui mentaient, il s’était donc trompé quelque part dans l’utilisation de son pouvoir. « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? ». Lui demanda-t-il. « Tu n’utilises pas ton pouvoir du présent. Tu es tellement habitué au passé que tu n’arrives pas à tant détacher. Oublie cette partie de ton apprentissage, et concentre-toi sur ce que tu fais maintenant. Et ce que fais ton dragon ». Hochant la tête, l’Elémental se concentra à nouveau.

En fait, ce qu’elle venait de lui dire ne l’aidait pas beaucoup. Et, même s’il savait qu’elle ne lui demandait pas réellement d’oublié, c’était troublant pour lui au bout d’un moment. Avant il oubliait toujours tout, et maintenant qu’il avait retrouvé sa mémoire, et gardé la future, lui demandait d’oublier était assez ironique en soit. Et le plus dur pour lui maintenant, est qu’il se souvenait de chaque chose, chaque parole, chaque impression, et chaque émotion, alors essayer de mettre une connaissance aussi importante que celle qu’il avait appris du passé, était quelque peu compliqué. Et son esprit était si trouble en ce moment, si fatigué… Il commençait à avoir sérieusement du mal à réfléchir, et toutes ses pensées se mêlaient. Il n’arrivait pas à les repousser correctement, et les mettre de côté pour pouvoir mieux réfléchir. Mais il essaya de faire ce que lui conseillait Ortance. Il resta assis pendant un certain temps, immobile, essayant d’appliquer ses pouvoirs. Mais à chaque fois, il ne réussissait jamais à voir le présent. Souvent à sa limite, mais jamais réellement. C’était extrêmement frustrant.

S[/i][/size]’ébouriffant activement les cheveux, et poussant un léger râle d’énervement, il se laissa tomber en arrière, se couchant. « J’y arrive pas » « Tu abandonnes donc ». Se redressant soudainement, Raphaël attrapa ses chevilles, et planta ses yeux dans ceux d’Ortance. « Bien sûr que non. J’ai pas l’intention de lâcher l’affaire ». Non, il avait simplement besoin… D’une pause. Une pause pour réfléchir. Il essayait d’activer son pouvoir depuis au moins une heure, et une certaine migraine commençait à lui prendre la tête. Elle n’était pas très forte, mais toujours présente, exerçant une pression supplémentaire sur son esprit, le brouillant encore plus. Qu’est-ce qu’il faisait de mal au juste ? Pour la voie du passé, il lui avait suffi de quelques essaies pour y arriver mais là… Il bloquait. Qu’est-ce qui l’empêchait d’agir ? Pourquoi n’arrivait-il pas à utiliser ses pouvoirs ? Il n’arrivait pas à comprendre ce qui clochait. La fatigue, autant physique que mentale, devait jouer un grand rôle, mais il devait forcément y avoir autre chose derrière. Quelque chose de psychologique peut-être, mais quoi ? Il avait presque envie de se frapper la tête à force de frustration. Ne pouvant plus tenir en place, il bondit sur ses pieds, et se mit à faire les cents pas, tournant en rond comme un animal en cage.

« Je n’arrive pas à comprendre. Pourquoi est-ce que je peux pas appliquer ? J’arrive à comprendre, plus ou moins, mais je n’arrive pas à appliquer… Pourquoi ? J’ai pourtant suivi lorsque tu m’as montré, mais rien… Les informations sont… Bloqués j’ai l’impression ». Exprimé à voix haute ses idées, et sa pensée l’aidait à s’éclaircir l’esprit. « Plus le temps passe, et plus j’ai l’impression que tout devient… Sombre, que mon monde s’effondre. Ma conscience arrive pas à faire le lien entre les différentes phases de mon passé complètement différentes c’est trop… Déroutant ». Il se doutait qu’Ortance se fichait de ce qu’il racontait, mais il lui aussi se fichait pas mal de si elle pouvait le considérer comme un dingue pour le moment. Il devait simplement avoir l’esprit clair. « J’ai l’impression d’être à moitié dingue ». Avoua-t-il, en passant une main dans ses cheveux. Mais peut-être qu’être fou dans son environnement n’était pas si mal. [/font]

Raphaël arrêta de bouger dans tous les sens, essayant de se poser un peu, ce qui était plutôt difficile pour quelqu’un comme lui. Il finit par ouvrir sa veste, et sortit de la viande séchée emballée. Il se mit rapidement à la manger, continuant de réfléchir à ce qui clochait chez lui. Il arrivait mieux à penser en ayant l’estomac plein. Bon, ces quelques petits bouts de viandes n’allaient pas lui suffire, surtout pour quelqu’un qui mangeait énormément, au moins comme trois personnes, mais ce serait mieux que rien. Ortance restait stoïque par rapport au comportement de son élève, mais commençait sérieusement à douter de sa santé mentale. Etait-ce réellement positif de vouloir le faire continuer sur la voie du temps ? Il avait réussi l’épreuve « caché » avec Aude, dont l’avis était particulièrement important pour eux, mais elle pouvait peut-être se tromper sur son compte. Non pas sur ses intentions, pour ça tous lui faisaient confiance pour les deviner, mais sur son éventuel futur. Peut-être allaient-ils devoir se concerter au sujet de Raphaël, et de la poursuite de son apprentissage. Une chose était sûre, la suite pour lui était incertaine, d’après son avis en tout cas. Mais dès le départ, ils avaient eu conscience que Raphaël était instable. Clovis et elle avaient été les premiers à émettre des doutes. Serah avait quelques espoirs en lui, et était plutôt confiante. Comme souvent, Aude n’avait pas exprimé son avis, préférant attendre de connaître le futur élève un peu mieux. Quant à Azael… Eh bien, lui aussi c’était gardé d’exprimer ce qu’il pensait, gardant le mystère sur ses pensées. Mais pour le moment, le mode de pensée de l’Elémental n’était pas contraire à les leurs, au contraire, il semblait plutôt concordé avec, malgré son comportement des plus étranges.

L’Elémental ne tarda pas à terminer de grignoter. Il s’étira, croisant les doigts, et levant les bras en l’air. Sa colonne craqua. Finissant de se détendre un peu, ainsi que sa pause casse-croûte, il se rassit au sol, croisant les jambes, posant ses mains sur ses genoux, et se concentra. Alors que faisait exactement Nathaniel en ce moment ? Activant son pouvoir, il essaya de mettre de côté ce qu’il avait déjà choisi, et essaya de visualiser le présent. « Il est en train de dormir dans une grotte. Le vent semble souffler dehors. J’entends des oiseaux chantés et… ». Sa vision se brouilla quelques instants. Il secoua la tête, essayant de reprendre où il en était, mais soudain, il fut en train de regarder Nathaniel manger le cerf qu’il avait attrapé. Il venait de repartir dans le passé. Arrêtant son pouvoir, il revint dans la salle blanche, ouvrant les yeux. « J’ai perdu le fil ». Lui dit-il. Il était épuisé, sa tête lui faisait un mal pas possible, et sa vision était trouble. Il commençait à ressentir les effets d’en apprendre aussi rapidement sur la voie du temps. De plus, ce que lui avait fait subir Ortance en affrontant une illusion et en le faisant mourir, était assez dur à encaisser. Il était peut-être malin, mais il manquait encore de force, et dans ce genre d’épreuve c’était un certain désavantage. Et même plutôt un gros.

Ses mains se mirent à trembler. Il serra son pantalon pour qu’elles arrêtent, mais les tremblements se transférèrent à l’ensemble de son corps. Encore une fois, il essaya de les dissimuler, mais rien ni faisait. A cause de la fatigue et la pression accumulées, son être ne tenait plus le coup. Il secoua la tête, puis leva les yeux vers Ortance, et ouvrit la bouche. « Repre… ». Commença-t-il à dire, mais il ne put terminer sa phrase. Son corps et son esprit atteignait leurs limites. L’esprit de Raphaël lâcha, et il s’évanouit. Ortance haussa un sourcil. Elle s’accroupit près de lui, prenant le visage du garçon entre ses mains, et le tournant vers elle. Elle plissa les yeux. « On dirait qu’il a atteint sa limite ». Elle ne pensait pas qu’il était aussi épuisé. Mais en y pensant, ses épreuves étaient particulièrement rapprochés à chaque fois, et le fait de retrouvé sa mémoire ne l’avait pas aidé beaucoup. Elle se releva, et disparut. Le réveillé ne servirait à rien, et de toute façon, elle doutait de pouvoir le réveiller. Elle décida donc de lui laisser ce temps de pause, et son épreuve reprendrait dans quelques heures. Il avait encore beaucoup à faire pour apprendre à maîtriser la vision du présent.

Quelques heures plus tard, Raphaël se réveilla enfin. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas dormi aussi longtemps. Ouvrant les yeux lentement, il fut perdu pensant un instant, se demandant où il se trouvait. Tout était blanc autour de lui, et il se demanda un instant s’il n’était pas encore en train de rêver. Puis il se souvint qu’il était dans la salle blanche des Maîtres du temps. Ayant dormi sur son épaule, elle lui faisait légèrement mal, de plus, il avait bloqué l’arrivé de sang dans son bras, et avait des fourmis. Se couchant sur le dos, il étendit ses membres, essayant de se rappeler ce qui s’était passé en dernier. Il se souvenait d’avoir perdu le fil lorsqu’il suivait Nathaniel puis d’avoir voulu reprendre avec Ortance. Et ensuite plus rien. Il posa la main sur son front en soupirant. « J’ai dû perdre connaissance… Ca faisait longtemps que ça mettait pas arrivé ». Sa tête lui faisait moins mal que tout à l’heure, mais il se sentait quand même assez mal. Se redressant, il s’assit, regardant autour de lui. Il finit par voir que la Maître se trouvait derrière lui, assise sur un fauteuil, et semblait perdu dans ses pensées. Ou dans le temps serait une meilleure supposition. L’Elémental ne fit pas l’erreur de se mettre debout tout de suite. Il n’avait pas l’intention de retomber dans les pommes tout de suite. Une fois dans cette journée était déjà bien assez.

« Ortance ? ». Appela-t-il. Les yeux de la femme restèrent dans le vague. Il répéta donc son prénom plusieurs fois jusqu’à obtenir une réaction. Elle battit des paupières, revenant dans le temps actuel. Elle riva ses yeux vers lui, l’air encore un peu absente. « Tu es réveillé. On va pouvoir reprendre ». Raphaël hocha la tête, ses sentiments hésitants entre le fait qu’il soit content de recommencer, pour en apprendre plus, ou le fait qu’il soit encore trop fatigué pour ça. Mais il ne se plaignit pas, et attendit qu’elle lui explique la suite des évènements. Mais ce ne fut pas sur le temps qu’elle lui parla lorsqu’elle reprit la parole, mais sur quelques secrets de ce monde. Lui assis par terre les jambes en tailleur, les mains appuyées sur ses chevilles, écoutant ce qu’elle disait attentivement. Et elle, assise sur un fauteuil, son coude appuyé sur l’accoudoir, son menton sur son poing, les jambes croisées. Il avait l’impression de voir une scène auquel il avait assisté auparavant. Sauf qu’à l’époque, il était un enfant, et un observateur extérieur, n’écoutant pas le moins du monde ce que racontait son professeur. Mais cette fois-ci, il écoutait ce qu’elle disait, faisant naître énormément de questions dans son esprit. Questions qu’il posa, mais il n’eut que peu de réponses. C’était particulièrement frustrant, mais il ne voulait pas refaire l’erreur de la vexée. Il n’insista donc pas.

Une fois finit ses confidences, Ortance se tut, ne bougeant toujours pas de son siège. La vision ne nécessitait pas de bouger. Et elle comptait à nouveau le pousser à bout. Ca n’allait pas être très difficile, vu son état. Il avait beau avoir dormit, l’Elémental avait encore des cernes sous les yeux, et avait l’impression que chacun de ses muscles étaient noueux, et son esprit était encore très épuisé. « Que dois-je faire maintenant ? ». Lui demanda-t-il. « Je vais te dire ce que tu dois voir, et tu me décriras ce que tu verras ». Retenant un soupir, Raphaël hocha la tête. De toute façon, il ne pouvait pas dire non. Enfin, si il pouvait, mais n’en voyait pas l’intérêt. Il devait donc se plier à la demande d’Ortance. Il se demandait toujours de quelle façon était régit les Maîtres du temps. Est-ce qu’il y avait une certaine hiérarchie ? Si oui, elle devait être bien différente de celle des races, car ils avaient tous le même titre. Alors quoi, ils votaient pour prendre une décision ? Ca semblait un peu farfelu comme moyen de choisir. Non, il n’avait pas assez de connaissance au sujet des Maîtres pour connaître leur mode de fonctionnement. Mais un jour, il en saurait plus.

« Bon, et maintenant, dit moi ce que fais Gawain ». A ce nom, l’Elémental serra les dents. « Pourquoi lui ? » « Parce que c’est plus facile de voir les gens que tu connais pour le moment, on verra après ». Serrant plus fortement la mâchoire, il s’exécuta pourtant. Il se concentra, et lui décrivit ce qu’il voyait.

Après avoir vu ce que faisait Gawain, Ortance lui demanda de visualiser d’autres personnes. Il dut passer par Mancinia, qu’il n’eut pas trop de mal à visualiser, peut-être parce qu’il voulait être proche d’elle, puis Zéphiel, et Zane. Il continua par Chica, un jeune Elémental inexpérimenté à qui il avait appris à contrôlé ses pouvoirs. « Passons à Shawn maintenant ». Tout le corps de Raphaël tremblait de fatigue. Depuis combien de temps pratiquait-il cet exercice ? Quelques heures, ou simplement une seule ? Sa petite sieste de toute à l’heure lui semblait extrêmement loin tout à coup. Et plus les exercices se suivaient, plus il avait du mal à utiliser ses pouvoirs. Pourtant, et paradoxalement, il arrivait de plus en plus à visualiser le présent. C’est vrai qu’au début, il avait dû se reprendre plusieurs fois pour essayer de visualiser la bonne époque, et les bonnes minutes. Pas trop en retard. Il était difficile de suivre le présent, car il était en constant mouvement, en constante évolution. Il avait l’impression que c’était plus compliqué que de visualiser le passé. Lui au moins était fixe, et immobile. Enfin, plus ou moins, car pour des voyageurs temporels, rien n’était réellement fixe.

« Qu’est-ce que je dois faire ensuite… ». Demanda-t-il, épuisé. Il arrivait à nouveau à sa limite, et n’allait pas tarder à céder à nouveau. Mais il se forçait à tenir, malgré ses réserves magiques presque épuisées. « Passons à des gens que tu ne connais pas ». Quelle idée. Lui faire faire une chose plus compliquée, alors qu’il était si fatigué. A croire qu’elle faisait exprès de le pousser à ses limites. Non, ce n’était pas qu’une impression, il était persuadé que c’est ce qu’elle voulait faire. Le pousser dans ses limites, mais à quoi cela lui servirait ? Voulait-elle voir ses capacités ? C’était illogique, il était en constante évolution, comme beaucoup d’entre eux. Alors quoi d’autre ? Voir s’il était capable d’aller jusqu’au bout ? Peut-être, mais cela  restait encore à voir. Mais pour le moment, il avait du mal à réfléchir, et il était trop fatigué pour pouvoir réfléchir à plusieurs choses en même temps. Il devait se concentrer sur le fait de visionner le présent, et non plus penser à  deux choses. C’était particulièrement dérangeant pour lui, car il avait pris l’habitude de pouvoir faire plusieurs choses à la fois. Et il se perdait à nouveau dans ses pensées, son esprit dérivant petit à petit, ne pouvant se concentrer correctement. Il secoua la tête, essayant de se reprendre, et de remettre ses priorités dans le bon sens.

L’Elémental se reconcentra sur les paroles d’Ortance. Cette dernière lui avait à nouveau donné un nom. Un nom dont il ignorait tout. Roulant sa tête sur les épaules, il activa son pouvoir, essayant de visualiser cette personne. Des éclairs de lumières passèrent devant ses yeux, et sa migraine fut de plus en plus forte. Serrant les dents, il ignora la douleur, et continua l’activation de son pouvoir. Il réussit à voir la bonne personne. Enfin, c’est ce qu’il pensait. Il la décrivit à Ortance, qui lui valida sa vision. « Bien, maintenant visualise le palais d’Avalon, et décrit-moi ce que font les serviteurs. Essaie de visiter autant d’endroit que tu peux, en tenant aussi longtemps ». Encore combien de temps est-ce que cet exercice allait continuer ? Mais il se plia quand même à la demande de la femme. Il ferma les yeux, et se concentra sur Avalon, et son palais. Il n’était jamais allé dans cette ville, mais il en avait un peu entendu parler. Il projeta son esprit dans le palais, et chercha à visiter chaque pièce. D’abord les cuisines royales, les salles de réceptions, salon, et autres pièces. C’était si grand et si luxueux… Même en simplement visualisant l’endroit, il ne se sentait pas du tout à l’aise. C’était trop… Juste trop en fait.

Les éclairs lumineux passant devant ses yeux se firent de plus en plus nombreux, de plus en plus fort. Des points noirs apparurent petit à petit devant ses yeux, sa vision devenant de plus en plus trouble. Il continua à pousser ses pouvoirs aussi loin que possible, aussi longtemps qui le pouvait, décrivant chaque chose qu’il voyait. Mais sa magie était presque épuisée, et elle se désactiva d’elle-même. Le souffle court, la sueur coulant sur son front et le long de son dos, il avait une migraine affreuse, et son nez se mettait à saigner. Il avait souvent les mêmes symptômes. « C’est bon, j’en ai fini avec toi, retourne dans le monde ». Dit simplement Ortance. Sans pouvoir réagir, Raphaël disparut de la salle, et réapparut dans la rue qu’il avait quittée. Encore assis, il ne se sentait pas de se lever, mais rester ici n’était sûrement pas une bonne idée. Il força son corps à répondre, et se mit debout.