Il y eut un petit bruit, doux, celui de la neige s'enfonçant sous le poids d'une personne qui venait d'atterrir. Les ailes d'un blanc immaculé de Lilith disparurent dans son dos pour ne laisser qu'une silhouette enveloppée de noir que la pleine lune révélait pourtant. L'Ange jeta un petit coup d’œil à l'astre du soir, lui souriant presque. Tant que sa jumelle noire n'apparaissait pas dans le ciel, tout irait bien. Elle sourit, se demandant s'il serait là. Elle avait eu du mal à semer les Démons qui la suivaient. Il faut dire qu'à cause de la Coupe des Nations, son nom était connu et, puisqu'elle avait servi un ancien Monarque Démoniaque, les êtres maléfiques de l'Enfer la connaissaient plutôt bien. La voir aujourd'hui dans le camp adverse ne leur plaisait pas et, d'un côté, elle comprenait. Doucement, elle se dirigea vers la porte de l'établissement, écoutant ce qu'il se passait à l'intérieur. Ce n'était pas encore le moment, mais ils y viendraient bientôt. Si elle aimait cet endroit, c'était avant tout pour un événement, un événement qui s'y déroulait tous les soirs, à une heure avancée, quand les hommes avaient bien bu et que les femmes étaient plus faciles. On parlait de danse, une danse qui n'avait rien à voir avec ce que l'on trouvait dans les soirées prestigieuses. Elle n'avait rien de sage et bien qu'elle ressemble à une plus connue, elle avait été légèrement déformée ici, paraissant plus charnelles, moins respectueuse. Cela dit, le fait que les deux partenaires soient obligés de mettre à mal les distances sociales permettait de discuter discrètement. Il n'était pas rare non plus que des bagarres éclates, pour les beaux yeux d'une femme ou pour nulle raison. Il en fallait peu quand l'alcool avait coulé à flot.

Quand elle entendit la musique commencer et les bruits de chaises et de tables, elle sourit d'autant plus. Ils étaient en train de préparer la salle et il ne faisait aucune doute qu'ils ne seraient plus très nombreux à pouvoir rester tranquillement assis. Les non habitués étaient toujours particulièrement étonnés par l'évolution des soirées mais c'était réellement délicieux. Il suffisait de tendre un peu l'oreille pour obtenir beaucoup d'informations, pour comprendre les liens qui existaient entre les individus. Oh oui, elle adorait venir ici. Ce soir, cependant, ce n'était pas tant pour l'endroit qu'elle était là mais plus pour retrouver Devaraj et pour l'entraîner avec elle dans une aventure qu'il n'était pas prêt d'oublier. Quand le rythme fut donné, endiablé, Lilith se décida à bouger. Elle plaça sur ses yeux un masque aussi noir que sa tenue et entra. Vêtue essentiellement de cuir, sa taille était serrée dans un corset qui s'arrêtait sous ses seins pour donner sur une chemise de tissu qui recouvrait ses bras. Les cheveux attachés, elle était méconnaissable par rapport à celle qu'elle était au quotidien. A Libertas, elle était toujours habillée de vêtements clairs, elle laissait souvent ses cheveux détachés et elle revêtait toujours un doux sourire. C'était comme si les deux n'étaient pas la même personne. Pourtant, c'était fait exprès. Elle ne souhaitait pas que le lieu qu'elle tenait, proche de la Rivière Éternité, pâtisse de ses actions de voleuse. Son identité devait être préservée. Elle n'était pas assez prudente à son goût et le fait qu'elle se soit attirée le regard du Dædalus suite à la robe qu'elle lui avait volé ne l'arrangeait pas. Cependant, l'homme ne semblait pas assoiffé de vengeance. Elle devrait faire plus attention car tout le monde n'avait pas la même indulgence.  

Les yeux de l'Ange commencèrent à parcourir la foule. L'avantage c'est que l'homme était un peu spécial en lui-même. La dernière fois qu'elle l'avait vu, sa peau était recouverte de peintures. Elle sourit quand elle l'aperçut, contournant les individus de façon à ne pas arriver directement face à lui. L'ambiance s'était réchauffée et certains ne se prêtaient pas vraiment à la danse mais à bien d'autres affaires. Elle croisa un couple dans un coin, la femme assise sur une table, l'homme presque collé à elle. Ils battaient le rythme mais les choses semblaient bien plus sérieuses qu'une simple danse. Arrivant près de sa cible, elle frôla son bras avec l'un de ses doigts. « J'espère que cet endroit ne vous choque pas. De toute façon, nous n'allons pas rester ici longtemps si vous décidez de me suivre après que je vous ai indiqué la suite des événements... ». Elle amena sa main au creux de la sienne. « Vous dansez ? ».

Lilith sourit. Elle n'en était pas encore tout à fait sûre mais il lui semblait qu'il s'était amusé en l'attendant. En tant qu'Ange, elle ne faisait jamais d'excès. Elle buvait, oui, mais un verre ou deux, pas plus. La jeune femme n'était pas très instruite sur les péchés. Elle les connaissait, savait qu'elle ne devait en aucun cas sombrer dans l'un d'eux sous peine d'être bannie de la communauté des Anges mais, à vrai dire, elle se fichait de toutes ces règles. Si un jour elle devait devenir Déchue, elle le deviendrait. En attendant, elle valsait dangereusement avec les limites. Cela dit, son comportement dans l'ensemble semblait ne point poser problème à la hiérarchie. Pas de nouvelle, bonne nouvelle, c'était connu. Elle regarda l'homme rire, se demandant ce qu'il lui prenait et commença à douter sérieusement de pouvoir l'emmener avec elle. Quoi que... il pourrait lui servir d'appât. L'idée germa un instant dans son esprit alors qu'elle se concentrait pour suivre le rythme que le Chaman imposait. Elle sourit devant l'originalité dont il faisait preuve, se promettant de le guider ensuite dans des pas plus adéquats. Les actes de l'homme étaient on ne peut plus étranges mais elle ne disait rien, le laissant aller. Elle verrait bien ce que ceci donnerait. Elle finit par écarquiller les yeux devant le baiser. Oh elle n'était pas rancunière et, après tout, il semblait ivre mort. Elle rit, prenant les mains de Devaraj, se faisant plus ferme pour lui montrer qu'il devait la suivre à présent. Se rapprochant un peu de son oreille en faisant fi des flux qui émanaient de lui, elle attendit que la musique connaisse un rythme un peu moins puissant pour lui murmurer : « Nous dirons que ce baiser était pour me faire pardonner de vous avoir attaché à moi la dernière fois... ». Elle le fit reculer, passant l'une de ses mains dans ses cheveux tout en le fixant, amusée.

« Ce soir, vous et moi, nous allons... ». Elle tourna, revenant se coller à lui au rythme de la musique. « … nous allons nous amuser. ». Avançant encore, elle le fit percuter un mur, juste à côté d'un couple qui s'embrassait à pleine bouche. Plaçant ses deux mains de chaque côté de la tête de l'homme, elle planta son regard dans le sien. « Enfin, si vous en êtes capable. Dans votre état, j'ai quelques doutes... ». Elle aimait bien cet endroit mais elle voulait rester discrète quant à ce qu'elle allait lui avouer. Elle se pencha un peu sur lui pour que personne d'autre ne l'entende. « Dans la montagne, il y a un petit village qui, comme ceci, ne paye pas de mine. Cependant, dans ce village, il y a une maison dans laquelle est en fait entreposé un trésor plutôt important. C'est une grande demeure. Un couple y vit, entouré de plusieurs domestiques. L'or qui est entreposé dans la cave est en réalité l'argent de la traite d'esclaves sur le Continent Dévasté, des enfants principalement. ». Elle sourit. Lilith trouvait la situation malheureuse mais quand elle s'apprêtait à voler, elle ne pensait plus à la souffrance et au désespoir, elle pensait à ce qu'elle pourrait faire avec l'argent de son butin : nourrir plus de démunis, améliorer les structures de Libertas et, finalement, quand elle en aurait accumulé beaucoup, démanteler plusieurs réseaux maléfiques. Il lui semblait parfois avoir deux personnalités distinctes : la femme sage et attentionnée qu'elle était à Libertas, la femme dangereuse et légère qu'elle était lorsqu'elle cambriolait. « Cet or, nous allons le dérober. » dit-elle simplement. « Si vous le souhaitez bien sûr. Sinon j'irai seule mais, à vrai dire, je me suis dit que cela vous plairait... ». Elle rit, passant l'un de ses doigts sur l'oreille de Devaraj pour en tracer le contour. Elle faisait souvent cela jadis avec les enfants du Sanctuaire pour les apaiser et, depuis, elle tendait à reproduire le geste sur quiconque était à proximité de son propre corps. « J'ai un plan. Puisque nous sommes tous les deux et que vous sentez l'alcool à plein nez, nous pourrions essayer de rentrer discrètement et de voler l'or. Si jamais nous faisons trop de bruit, nous pourrions feindre d'être un couple un peu... original, cherchant le frisson et l'excitation en pénétrant dans la maison d'autrui pour s'acoquiner. Qu'en dîtes vous ? ».

Lilith observait l'homme de temps en temps, lançant un petit coup d’œil en arrière pour s'assurer qu'il la suivait bien. Elle n'était pas certaine que la prise de ce soir serait bien glorieuse avec un ivrogne sur les talons mais, après tout, ça pouvait s'avérer amusant. Enfin... sauf s'ils finissaient enfermés dans un cachot quelconque, ce qui risquait tout de même d'arriver s'ils se faisaient prendre. Quand il la rattrapa, posant sa main sur son épaule, elle se demanda ce qu'il souhaitait. Peut-être reculer ? Ou faire une pause pour aller vomir dans un buisson ? Il en manquait un peu dans ce paysage enneigé. Elle se voyait déjà lui tenir les cheveux, ce qui n'était pas franchement séduisant comme situation. Cela dit, elle avait l'habitude. Les orphelins qu'elle accueillait parfois à Libertas avaient plusieurs maladies à cause de la malnutrition ou du manque de soin. Elle n'en ferait pas toute une histoire. Cela dit, il n'en était rien. La déclaration de l'homme la fit écarquiller les yeux. Elle se recula un peu sous l'effet de la surprise, son expression faciale un instant fixe, les lettres entrouvertes, avant qu'un petit sourire n'apparaisse, illuminant le tout. Le voyant s'écrouler, elle ne put s'empêcher de rire. Elle était certaine que le lendemain, il ne se rappellerait plus de rien. S'ils étaient encore ensembles à ce moment là, elle se ferait une joie de lui rafraîchir la mémoire. L'observant, elle attendit qu'il se relève. Décidément, ivre, il était vraiment amusant.

Elle acquiesça à ce qu'il dit et reprit la tête, entrant discrètement dans la demeure. Elle semblait calme, ce qui était une bonne chose. Elle aurait tout de même préféré un bruit de fond, comme de la musique qui aurait pu masquer d'éventuelles gaffes. Elle n'était pas encore experte dans le vol et manquait de souplesse. Heureusement, le fait d'avoir des ailes l'aidait considérablement, notamment pour s'enfuir. Cela dit, elle n'était pas sûre que Devaraj ait déjà pensé à quoi faire s'ils se faisaient prendre et que leur tour de passe passe charnel ne marchait pas. Peut-être devrait-elle aborder la question avec lui ? Elle n'eut pas le temps car quelques secondes après qu'il ait demandé si la cave était par là, un domestique arriva. Aussitôt venu, aussitôt reparti, dans le mondes des rêves sans doute. Lilith haussa les sourcils, ne sachant ni que dire ni que faire devant la mine confuse de son compagnon d'infortune. Après un moment d'égarement, elle s'avança vers lui, ni une ni deux, attrapant le corps pour le cacher comme elle pouvait derrière un meuble. Elle revint, s'assit sur le plan de travail et attira l'homme à elle, en posant ses bras sur ses épaules. Là, elle tendit l'oreille, prête à l'embrasser et le déshabiller un peu si quelqu'un venait. Elle attendit quelques secondes avant de le regarder dans les yeux. « Vous n'en manquez pas une c'est vrai mais personne n'est inutile. » fit-elle doucement. Visiblement, ils ne s'étaient faits repérer que du domestique. Sans doute le maître de maison avait-il pensé que ce dernier avait fait tomber quelque chose. Cela se pouvait après tout, les employés maladroits n'étaient pas si rares. Et puis, un faux mouvement était si vite arrivé... « Peut-être que j'accéderai à votre requête si nous sortons d'ici vivants et avec le butin. ». Elle lui fit un clin d’œil, se disant qu'il ne s'en souviendrait jamais. C'était amusant dans un sens, même si elle sentait tous les muscles de son corps tendus à cause de l'adrénaline. « Venez... » fit-elle avant de le lâcher et de sauter de son perchoir. « Il faudrait réussir à prendre notre dû avant qu'il se réveille. Et posez cette poêle. ». Il pouvait tuer quelqu'un avec ça après tout.

Lilith s'avança vers la porte qui menait à la cave. Quand elle l'ouvrit, elle comprit que ce ne serait pas une mince affaire. L'escalier qui descendait dans les entrailles de la terre était en colimaçon, long et les planches qui le formaient étaient assez pentues. « Vous allez passer devant et je vais vous tenir par derrière... ». C'était sans doute mieux que l'inverse. Elle n'avait pas beaucoup de force et si jamais il tombait, elle pouvait toujours contrebalancer en se penchant en arrière. Ça lui paraissait une meilleure idée que d'essayer de le retenir s'il lui tombait dessus.

Ha ha XD Ils sont tellement dans le caca XD

Lilith écouta Devaraj et finit par sourire. S'ils se revoyaient après ce vol, il était certain qu'elle le titillerait sur son état. Elle n'était pas méchante mais un comportement pareil valait son pesant d'or et, justement, c'était exactement ce qu'ils cherchaient ici. « Je pense que vous avez assez bu personnellement. » chuchota-t-elle en se retenant de rire. Elle l'observa commencer à descendre, pensant que ça irait, peut-être. Elle le suivit, lentement, et ceux jusqu'à ce qu'il décide de finir sur les fesses. Curieusement, ça lui rappelait la petite Violette. Elle faisait toujours ça dans les escaliers. Sauf que, dans le cas actuel, il s'agissait bel et bien d'un homme. L'on atteignait les sommets de la virilité. L'Ange trouvait les événements attendrissants, bien qu'elle garde au fond d'elle une certaine anxiété. Peut-être aurait-elle dû venir ici seule après tout ? Jetant un coup d’œil à son compagnon de temps à autre, elle faisait surtout attention à rester discrète et à ne pas se faire tromper par l'une des marches. L'état de l'escalier lui semblait bien inquiétant. Est-ce que le maître des lieux passait véritablement par ici pour cacher son or ? D'un autre côté, s'il pouvait léviter ou voler, la question ne se posait pas. Elle-même n'aurait pas conserver un escalier. D'ailleurs, si elle ne volait pas, c'était surtout parce qu'elle n'était pas sûre de pouvoir contrôler ses ailes dans un tel contexte. « Non ça va, pour l'instant. ». A vrai dire, elle ressentait une certaine tension dans tout son corps. L'endroit n'était en rien accueillant. Un frisson la parcourut et elle croisa les bras, frictionnant sa peau avec ses mains. Il ne faisait pas chaud et bien que ses yeux se soient habitués petit à petit à l'obscurité au fur et à mesure de la descente de l'escalier, elle n'y voyait pas grand chose. « Absolument rien... » fit-elle pour répondre à sa question. « Mais si vous pouvez voir dans le noir alors peut-être pourriez-vous me guider ? ». Elle n'attendit pas une quelconque réponse de sa part et posa sa main sur l'épaule de l'homme. Seulement, avoir comme guide une personne totalement ivre n'était pas la meilleure idée de l'ère. Aussi, Lilith fit une grimace quand Devaraj tomba, se disant qu'il avait dû se faire mal. Lui ne semblait pas dérangé par la chose mais elle pariait qu'il en serait autrement le lendemain. Les coffres étaient là. Malheureusement, elle n'avait pas la clef, ni aucun moyen de forcer la serrure.

« C'est embêtant... » fit-elle après avoir passé ses doigts sur ses yeux. Elle avait beau retourner le problème, il lui apparaissait qu'il n'y avait pas de solutions, sauf une. Les autres étaient réellement irréalistes. Dans un premier temps, elle s'était réellement interrogée sur les capacités de l'homme de monter toutes les caisses à l'étage. Mais même en admettant qu'il possède une telle force, ils en feraient quoi ensuite ? Rien de bien concluant. Ce serait bruyant. Peut-être pas autant que de casser les coffres, mais tout de même. Il fallait qu'ils prennent le temps de placer les choses. « D'accord donc... soit on sort d'ici bredouilles, soit on va chercher la clef... ou les clefs. ». Elle doutait qu'il y ait une clef différente pour chaque coffre mais, après tout, c'était possible aussi. Dans ce cas, ce serait un véritable trousseau qu'il faudrait dénicher. Quoi qu'il en soit, elle ne se voyait pas forcer Devaraj à faire quoi que ce soit. D'un côté, elle préférait rester prudente. Elle ne connaissait pas réellement la force de celui à qui appartenait cette demeure. De l'autre, vu tous les coffres présents, elle pourrait nourrir bien des individus si elle ramenait leur contenu à Libertas. « J'aimerai avoir votre opinion. Peut-être est-il plus sage de sortir d'ici et d'essayer de voler un objet de valeur dans la maison avant de partir ? Ça fera toujours ça de pris... ». Elle n'avait pas l'intention pour autant de laisser les actes de l'homme impunis. L'or qui était ici provenait de la traite d'êtres humains, d'enfants plus particulièrement. Si elle ne prenait rien ce soir, elle reviendrait plus tard, plus équipée, pour chercher l'argent. « J'ai peur que nous ne soyons dépassés par les événements si nous allons chercher les clefs... surtout dans votre état. Je ne veux pas vous forcer à quoi que ce soit... On ne se connaît pas tant que ça en plus... ». C'était la stricte vérité, ils n'avaient pas réellement discuté de leur vie et du reste. Elle parlait doucement, se demandant si communiquer avec lui alors qu'il était alcoolisé était une bonne idée. Dans d'autres circonstances, peut-être l'aurait-elle juste couché dans un coin.

Les yeux de la jeune femme fixèrent Devaraj et un petit sourire naquit sur son visage. « Vous me manquiez trop en réalité... » dit-elle dans un murmure étonnement chaud et sensuel. Se mordant la lèvre inférieure, elle ne bougea pas quelques secondes avant de passer son doigt sous le menton du Chaman afin de l'inciter à se relever. Sa force était assez importante pour se faire et l'effet de l'alcool devait aider au processus. « J'y ai beaucoup pensé et... je... ». Elle le regardait avec envie, se rapprochant inexorablement de son visage. « Vous êtes tellement séduisant... laissez-moi vous goûter... ». Sa bouche rejoint la sienne avec douceur, une douceur qui se mua en une ardeur plus sauvage. La personne qui dormait dans le lit n'avait pas l'air de se réveiller et c'était tant mieux. Descendant à la hâte dans son cou, elle embrassa sa mâchoire et son oreille au passage, arrivant enfin à la zone qu'elle souhaitait atteindre. « Je suis sûre que vous êtes délicieux... » fit-elle avec cette même intonation qui semblait venir du Monde des rêves. L'odeur qu'il dégageait... elle pouvait tout humer, sa sueur, l'odeur de l'alcool, quelques flagrances qui provenaient sans doute de la neige... et son sang. Son sang était ce qui l'avait attiré jusqu'ici. Il pulsait dans ses veines à la manière dont les vagues parcouraient l'Océan. Elle sentait ce rythme si particulier, ce nectar divin qu'elle avait envie de sentir couler dans sa gorge. Il serait à elle ce soir, comme l'avait été quelques jours plus tôt le propriétaire de cette maison. Plus une seule goûte de sang ne parcourait son corps. Mais cet homme là, celui qu'elle tenait entre ses griffes, ayant pris l'apparence de sa compagne, elle le transformerait peut-être. Il lui semblait particulier. Son odeur lui plaisait. Elle lécha la zone calmement avant de la mordiller comme pour évaluer la résistance de sa peau.

Lilith, elle, cherchait la clef. Elle observait dans un même temps l'étrange créature qui se tenait près d'elle. Il n'avait pas l'air de s'intéresser réellement à ce qu'elle faisait, tournant ici et là, disparaissant tantôt dans un mur, tantôt dans un meuble. Si seulement son esprit avait pu débloquer certaines informations qu'elle avait détenu avant sa mort... mais non, c'était beaucoup trop enfoui. Parfois, elle regrettait son statut d'Ange. Les émotions étaient plus fortes mais, en contrepartie, elle avait également des besoins qu'elle n'avait pas à assouvir auparavant. Tout en réfléchissant, elle finit par ouvrir une énième boîte qui contenait une clef. Elle se demandait si cette dernière n'ouvrait pas tous les coffres de la cave. Elle avait déjà vu cela dans d'autres maisons. Quelques domestiques faisaient leur ronde de temps à autre mais elle arrivait toujours à se cacher à temps pour qu'ils ne la voient pas. La maison semblait assez vivante malgré l'heure tardive. Lilith commençait même à ressentir un certain malaise. Elle se demandait si les histoires qu'elle avait entendu sur l'endroit étaient exactes ou non. Quoi qu'il en soit, maintenant qu'elle avait cette clef, elle se demandait si elle devait chercher Devaraj. Elle pouvait très bien prendre le trésor et partir après tout... Non, elle l'aimait bien. Elle ne pouvait pas lui faire deux fois le coup de l'abandonner subitement. Regardant quelques secondes l'Esprit Compagnon, elle lui sourit avant de partir à la recherche du Chaman. Ce fut assez long parce que la maison était grande mais quand elle rentra dans la pièce où il se trouvait, elle écarquilla les yeux de surprises, émettant un petit cri involontaire. Ce fut à ce moment là que la Vampire décida d'agir. D'un mouvement sec et rapide, une main dans les cheveux de Devaraj, l'autre dans son dos, elle lui enfonça ses canine dans le cou. Il serait son repas et bien plus encore, peut-être, et cette femme devrait regarder le spectacle. La créature de la nuit s'en délectait déjà, pensant qu'elle s'en sortirait aussi facilement qu'avec le propriétaire des lieux. L'odeur de Lilith l'attirait également inexorablement. Elle était vierge, elle le sentait. Une vierge bénéfique... de quoi en faire un dessert parfait.

Cet homme était totalement fou. Lilith eut à peine le temps d'ouvrir ses ailes qu'elle se retrouvait déjà dans la neige. Heureusement, les plumes amortirent le choc sur les derniers centimètres. Elle frissonna à cause de la température. Ils ne pouvaient pas retourner dans la demeure, pas maintenant. Elle soupira. Dire qu'elle avait la clef des coffres. Cela dit, elle n'était pas grisée par le fait de voler au point d'en oublier les priorités essentielles, comme de rester en vie par exemple. L'Ange n'avait pas bien eu le temps de comprendre ce qu'il se passait au juste. Elle s'était juste vue contre l'homme, le visage dans son cou. Bien entendu, ce n'était pas elle mais alors... quoi ? Un petit coup d’œil vers lui lui fit comprendre que c'était sans doute un Vampire car du sang s'écoulait de son cou. Le suivant en trottinant comme elle pouvait, la neige rendant difficile toute progression digne de ce nom, elle sentit avec horreur que la femme les rattrapait. Elle ne comprenait rien aux mots que son partenaire de cambriolage essayait de lui faire entendre. Affolée, elle le vit tomber, la silhouette de la créature de la nuit le dominant de toute sa hauteur avant de rouler avec lui. Poussant un cri qu'elle ne put retenir en plaçant ses mains sur sa bouche, Lilith regardait la scène sans savoir que faire. Jetant un coup d’œil aux alentours, elle vit de la lumière provenir de quelques mètres. Une bonne centaine, certes, mais l'habitation devait correspondre à la taverne qu'ils avaient quitté un peu plus tôt. Criant de plus belle plusieurs fois en appelant à l'aide entre des sons plus aiguës et plus forts, elle finit par se jeter à son tour sur la Vampire pour essayer de la maîtriser comme elle pouvait. Le problème restait qu'elle était loin d'être aussi forte qu'elle. Le trio se débattait dans tous les sens, si bien que, dans l'action, Lilith dut donner plusieurs coups à Devaraj sans s'en apercevoir. Au bout de quelques minutes, néanmoins, plusieurs bruits se firent entendre : des bruits de pas et de conversations. Des hommes, totalement éméchés mais tout de même prêts à défendre la veuve et l'orphelin arrivaient, fourches et haches en main. Lilith essaya de se dégager et pointa la Vampire du doigt. Cette dernière, consciente de ne plus contrôler la situation, se volatilisa. L'Ange souffla, retombant dans la neige. « Oï ! Vous allez bien ? » demanda l'un des hommes. L'Ange attendit quelques instants avant de répondre. « Je vais bien mais... lui, je ne suis pas sûre. Elle l'a mordu et il est ivre. Est-ce qu'il reste des chambres dans l'auberge du village ? ». « Pour sûr ma ptite dame ! Pour sûr ! Mais hé ! Faudra partager hein ! ». « Oui, cela ne  nous dérange pas. ». Elle parlait pour Devaraj parce que, vu les derniers mots qu'il avait souhaité lui dire, elle doutait qu'il soit encore en état de prendre part à une conversation normale. À moins que ce soit la peur qui l'ait tiraillé jusqu'ici ? Elle l'ignorait mais fut bien contente de voir que deux des hommes se portaient volontaires pour aider le Chaman à se relever et plus s'il le fallait.

Une fois à l'auberge, Lilith monta la première dans la chambre. Elle n'était pas très grande mais comportait quand même une salle de bain spatieuse. Un grand bac servait à se laver. Sous ce dernier, un feu presque éteint permettait à l'eau de rester tiède. Ne sachant pas si l'homme était monté entre temps, elle ferma la porte tout en précisant : « Je vais me laver. ». Elle se déshabilla puis entrer dans l'eau, les muscles de son corps se détendant d'un seul coup. En y regardant de plus près, elle avait pas mal de griffures et de bleus. Cette escapade n'avait pas réellement été une réussite. Après quelques longues minutes, elle sortit de l'eau, prenant une serviette pour se sécher. À y regarder de plus près, l'aubergiste était on ne peut plus attentionné envers ses pensionnaires. La chambre ne payait pas de mine mais, en fouillant dans les tiroirs de la commode de la salle de bain, elle découvrit un nécessaire à maquillage, de quoi se brosser les cheveux et tout un tas d'accessoires divers et variés.

Cette nuit là, elle ne retourna pas dans la chambre. La voleuse s'enfuit par la fenêtre, laissant un mot à son compagnon d'infortune sur le miroir, tracé au rouge à lèvre : « À bientôt j'espère. L. ».