L'Elfe Éternelle plissa les yeux, concentrée, regardant par la fenêtre de sa chambre. Posant ses mains sur ses coudes, elle se pencha légèrement en arrière, observant la cité d'Earudien qui se mouvait un peu plus chaque jour. Cette masse grouillante ne signifiait pas rien dans son esprit, et elle lisait en chacun des citoyens de manière méthodique, prenant soin de n'en oublier aucun sur son chemin. Passant une main dans sa chevelure dorée, elle se recula de quelques mètres, afin de se diriger vers la porte. Tout allait bien, il n'y avait aucun soucis à se faire, pas de mourons à alimenter, et pourtant.. Le coeur de la jeune femme manqua plusieurs battements à la seule vue de l'angle qui masquait la seule ouverture de cet endroit où Morphée l'accueillait, les bras grands ouverts. Les souvenirs ressurgissaient dans son esprit, l'assaillant nuit et jour, la torturant. Crispée, elle serra les poings avant de laisser un long soupir s'échapper de l'entre ouverture de ses lèvres. Il ne reviendrait pas, elle devrait s'y faire. Elle n'avait tout simplement pas le choix de faire autrement, il avait disparu dans un écran de fumée. Avançant sa main vers la poignée, elle y émit une légère pression pour la faire céder sous son poids et s'éclipsa dans les couloirs.

Mircella voulait retourner là où était sa place : sur le terrain. Il était hors de question que ses fonctions la bloquent indéfiniment entre quatre murs, et lorsqu'elle croisa un des Elfes de Cristal, elle se contenta de le saluer comme les conventions le voulaient avant d'accélérer le pas afin qu'aucune question ne lui soit posée. Ils n'oseraient pas, ils ne l'arrêteraient pas. Passant par la sortie cachée du Palais d'Earudien, elle se précipita dans la forêt d'Eywa, la traversant de part en part, quand tout à coup une voix la fit s'arrêter. « Alors, on se fait la malle ? ». Un petit rire fit vibrer ses cordes vocales alors qu'elle se retournait. « Je ne m'attendais pas à te voir dans le coin, Julia. Quelque chose d'important à faire, je présume ? ». La Dullahan balança ses anglaises dans le vent, tournant autour de sa compagne comme l'aurait fait un vautour autour de sa proie. « C'est toi que je cherchais. Tu sais pertinemment que je n'ai rien à faire dans une cité pareille. ». Elle n'ajouterait rien de plus. Pas même une excuse, rien. « Où est-ce que tu t'en vas comme ça ? ». La souveraine hésita quelques secondes avant de répondre. « L'Antre des Marais. ». La Morte se mit à rire à son tour, presque hilare. « Prise d'une soudaine nostalgie, peut-être ? ». Les traits de la blonde des bois s'adoucirent. « On dirait bien. ».

Et sans même lui demander l'autorisation, la petite lui emboîta le pas, déployant ses grandes ailes noires de chauve-souris dans son dos. « Que dirais-tu d'y aller par la voie des airs ? Ce serait bien plus rapide. Et plus agréable. ». S'élevant dans les cieux après une maigre concentration, l'être sylvestre acquiesça. Il ne leur faudrait plus que quelques minutes pour arriver sur les lieux. Posant ses pieds sur le sol humide de l'antre des marais, Mircella en oublia presque les dangers qui y rôdaient, s'avançant sans crainte, comme si elle connaissait le chemin par coeur. Julia l'attrapa par la main, l'empêchant de poursuivre sa route. « Le manoir n'existe plus. N'essaye pas de ressasser ce genre de choses, de les réveiller. Elles sont très bien où elles sont, et tu pourras le souhaiter autant que tu veux, tu ne pourras pas remonter le temps si facilement. ». L'Elfe baissa les yeux. « Je l'ai accepté. Je ne veux pas qu'il.. ». Elle s'arrêta. Pouvait-elle réellement dire qu'elle ne voulait pas qu'il revienne ? Elle se mentait à elle-même. Vacillant pendant quelques secondes, se laissant tomber le long d'un arbre, écoutant à peine ce qu'il avait à lui dire, elle rouvrit les yeux en entendant un bruit brusquer ses oreilles fuselées. Elles n'étaient pas seules.

Se faufilant entre les bosquets, elle plaça une main sur la bouche de sa compagne. « Tais-toi deux minutes, et fais toi petite. ». Il n'était pas dans la nature de la jeune femme d'avoir peur, étant donné qu'elle possédait une puissance considérable, mais elle n'agissait pas comme une parfaite inconsciente. L'on trouve toujours plus fort que soi et les Aetheris ne lui feraient pas plus de cadeaux qu'à quelqu'un d'autre. Elle devait se montrer prudente. Le bruissement des feuilles des arbres lui firent comprendre que la menace ne se trouvait pas loin, et c'est en saisissant la Faux Elfique se trouvant dans son dos sans pour autant la dégainer qu'elle surgit devant son interlocuteur, le toisant du regard. « Bonsoir. ». Elle le gratifia d'un léger sourire bienveillant, se voulant chaleureux dans ce décor apocalyptique. « Vous avez l'air bien mal en point. Besoin d'aide, peut-être ? ». Julia vint alors ajouter son grain de sel comme à son habitude. « Un jour ça va te tuer d'aider le premier venu, j'espère que tu le sais, Mimi. ». Haussant les épaules, la souveraine tendit sa main au jeune homme, alors qu'elle sentait sa jeune amie soupirer dans son dos. « Qu'est-ce qui vous amène en ces lieux sordides ? ». Elle le sondait. Elle savait. Si il tentait, alors elle se défendrait. Mais au plus profond de son âme, elle savait qu'il ne tenterait pas le diable..

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La souveraine toisait l'inconnu de haut en bas, l'observant sous toutes ses facettes, tous ses détails. Ses yeux couraient sur sa chevelure d'ébène qui s'en allait en quelques épis paraissant pourtant incroyablement ordonnés, et son corps fatigué s'appuyait avec force contre l'arbre qu'elle entendait souffrir sous son poids. Le pauvre était bien fragile d'ainsi crier de ne pouvoir soutenir un jeune homme d'une corpulence normale. La blonde des bois s'attarda sur les traits de son visage, presque un peu trop curieuse pour avoir l'air normale, avant qu'elle ne se reprenne et se redresse d'un seul coup. Elle était si obnubilée par sa présence qu'elle n'en avait pas même remarqué celui qui l'accompagnait, qui se tenait juste à ses côtés et sa voix venait de la sortir brutalement de sa rêverie. Passant une main distraite dans sa chevelure dorée, elle invita sa compagne à s'avancer à ses côtés, chose qu'elle refusa par un bref « Pff », faisant volte face pour tourner le dos aux deux hommes. Il était purement hors de question qu'elle s'enquiquine de leur présence, qu'elle prenne le temps et la peine de les saluer. Sans compter qu'ils ne lui inspiraient clairement pas confiance. L'antre des marais n'était pas un endroit où l'on pouvait se permettre de gambader, de se promener sans aucune crainte. Et la justification de leur présence ne lui suffisait pas. « Une plante pour un vieux type, non mais, t'as pas plus vague comme explication ? ». Haussant les épaules, elle sembla fulminer pendant quelques instants. Elles venaient à peine d'arriver que l'agacement la gagnait déjà.

Mircella quant à elle resta de marbre à cette déclaration, se contentant de rire légèrement à la remarque qui l'accompagnait. « Je doute que qui que ce soit puisse être à l'aise dans ce type d'endroits. ». Elle jeta un regard presque inquiet à celui qu'elle avait surpris, se demandant s'il allait bien réussir à se remettre de son malaise où si cela allait le reprendre dans quelques secondes. Mais en saisissant le regard de haine qu'il lançait à son jeune ami, elle ne put retenir un petit sourire venant arquer ses lèvres. Il venait visiblement de reprendre du poil de la bête. Et en le voyant prendre des allures de séducteur, elle n'eut aucune réaction, si ce n'est de continuer à sourire, comme amusée par la tournure que prenaient les événements. Julia, elle, ne put se retenir une seconde de plus, revenant sur le devant de la scène. « Et voilà maintenant qu'il essaye d'attirer quelqu'un comme toi dans ses filets, il est courageux le bonhomme ! ». L'Elfe Éternelle la stoppa d'un signe de main relativement simple mais ferme, comme pour lui signifier qu'elle n'avait pas son mot à dire dans cet échange. Elle avait refusé de se présenter, de se montrer courtoise, alors elle devrait rester dans cet état d'esprit pour le reste de la journée si elle ne faisait aucun effort.

Lorsqu'il s'approcha de ses cheveux, la reine ne sourcilla pas. Elle resta complètement immobile, le laissant s'amuser autant qu'il le désirait, gardant un air aimable qui lui siait à merveilles, cependant elle ne put retenir plus longtemps son envie de rire, et celui-ci, cristallin, finit par faire vibrer ses cordes vocales. « Je savais que t'allais craquer, on aurait pas du venir ici. ». Calmant ses petits sursauts dus au rire, la blonde des bois reprit. « Je vous remercie des compliments, mais je n'avais jamais encore vu quelqu'un m'approcher d'aussi près sans aucune gêne. ». Elle replaça elle-même une de ses mèches de cheveux derrière son oreille fuselée. Elle ne se prendrait pas au jeu, mais ne l'enverrait pas dans le décor. Mircella n'était pas prude, et encore moins une sainte-nitouche. Certes, elle n'approchait pas de trop près tout ce qui concernait les relations charnelles, pour ne pas dire pas du tout, mais ne s'offusquait pas d'un simple contact, ce dernier ne provoquant qu'un fou rire chez elle. Ce qui la faisait rire, c'était qu'en considérant son rang, personne ne se serait permis de se lancer dans une telle démarche de séduction, et elle n'aurait pas menti en disant que cela lui donnait un petit vent de fraîcheur qu'on la voit enfin comme une femme et non plus comme une reine. « Vous êtes.. ». Elle ferma les yeux, puis les rouvrit, brillants de curiosité. « Intéressants. ».

Prenant la petite Dullahan par le bras, elle la fit s'avancer. « Je n'ai pas l'intention de te présenter à ta place. ». Lui jetant un regard noir, elle se contenta d'articuler faiblement. « Comme si j'en avais envie, ne me fais pas rire.. ». « Pardon ? ». « Non, rien. ». Envoyant une de ses anglaises immaculées en arrière, Julia reprit. « Julia Zurel. ». Elle n'ajouta rien de plus, pas de formules de politesse qu'elle considérait comme parfaitement inutiles. Il n'était pas dans ses habitudes de se présenter, et si elle n'y avait pas été forcée, elle se serait tue. Caressant légèrement l'épaule de l'adolescente, la souveraine estima qu'il était à son tour de se présenter. « Mircella Rumblee, ravie de faire votre connaissance. ». Et, détournant son attention de Saito, elle se retourna vers celui qui n'avait pas eu l'opportunité de placer un seul mot dans la conversation. « Désolée de vous avoir importuné de la sorte. Je n'avais pas l'intention de vous effrayer. ». Elle l'avait vu reculer. « Est-ce que... ». Une pointe d'amertume se fit présente dans sa voix. « Vous vous sentez mieux ? ». La Morte tira sur le bras de sa compagne, l'air de lui dire qu'elles feraient mieux de s'en aller, de filer sans demander leur reste. Ces deux là, elle ne les sentait pas. Puis l'elfe redevint tout à coup beaucoup plus sérieuse, se concentrant sur ce qui amenait les deux jeunes hommes ici, avant qu'elle ne se rappelle que la question lui avait été renvoyée.

« Je suis venue afin de ressasser de vieux souvenirs, rien de bien croustillant à vous raconter, je m'en vois navrée. ». Elle n'estimait pas qu'il y ait besoin d'une quelconque précision, mais la Blanche s'en chargea. « Et moi je suis venue vérifier qu'elle ne faisait pas de bêtises et qu'elle n'adressait pas la parole aux inconnus. ». Lui donnant une petite tape affectueuse sur la tête, la jeune femme laissa un soupir s'échapper de l'entre ouverture de ses lèvres. Elle ne répondit pas à la petite pique de son amie, la laissant se complaire dans l'idée qu'elle n'était pas venue en ces lieux par pur ennui. « J'ai entendu du bruit, alors je suis venue voir ce qui se passait, tout simplement. ». Puis elle leva les yeux vers l'arbre sur lequel s'était appuyé son interlocuteur. « Ils m'ont appelés. ». Et, reconsidérant sa phrase, elle se reprit dans un léger rire maladroit. « Oubliez ce que je viens de dire. ». Plaçant ses mains sur ses coudes dans une pose gracieuse, elle ne put se retenir plus longtemps. « Excusez ma curiosité, mais j'aimerais savoir quelle est cette plante dont vous parliez plus tôt, et qui est ce « vieux type ». ». Elle plissa les yeux. « Plus précisément, si vous cherchez une plante, je pense être relativement apte à vous venir en aide. ». Un sourire vint arquer ses lèvres, presque intimidé. « Enfin, si vous me le permettez.. ». Elle n'allait pas s'incruster dans leur groupe. Et en voyant la jeune femme agir ainsi, la Dullahan ne put exprimer qu'un dégoût profond. Elle s'abaissait, se retrouverait bientôt plus bas que terre. Mais elle finit par lever les yeux au ciel. Fort était à parier que s'ils essayaient de lui retourner la tête, ce serait la leur qui roulerait sur le sol..

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La souveraine appréciait la compagnie des deux jeunes hommes, à n'en point douter. Croisant ses mains vers son bassin comme elle avait pris l'habitude de le faire, elle observait le duo, et l'espace d'un instant, osa se demander ce que ces deux là pouvaient bien faire ensemble. Puis, en voyant Julia lui passer sous le nez, elle ne put retenir un second rire. C'était l’hôpital qui se foutait de la charité si elle daignait leur parler de leurs différences. La reine des elfes en compagnie d'une Dullahan aux pouvoirs morbides et aux intentions plus que malhonnêtes, cela n'avait rien de commun, mais peut-être était-ce tout ce qui faisait la beauté de leur relation. La blonde des bois se souciait néanmoins énormément de l'état de l'inconnu qu'elle avait croisé dans de bien étranges circonstances et qui peinait presque encore à se tenir debout, la main sur son estomac. En le voyant reprendre du poil de la bête, un sourire vint arquer ses lèvres, étirant ses traits doux et chaleureux. Ainsi, il ne se portait pas si mal que ça, elle n'aurait donc point à user de sa magie pour lui permettre de se relever de ce qui venait de le plaquer au sol, même si elle en ignorait l'origine.

Elle toisa Saito du regard alors qu'il poursuivait dans l'idée de la courtiser, lui offrant milles et une fleurs sous forme de compliments. L'Elfe affichait une moue circonscrite, dans une certaine incompréhension qui ne lui siait que trop peu. Si elle possédait une intelligence hors norme, les êtres vivants auraient toujours de nombreux secrets pour elle, notamment cette manie de tenter de s'approprier ce qui manifestement n'est pas à soi. Mais au moment où elle s'apprêtait à rire encore une fois et calmer le jeu du jeune homme qui semblait s'emballer dans le vide, ce dernier recula après un coup de pied puissant de son compagnon, resté silencieux depuis lors. S'il se taisait la majeure partie du temps, il savait se faire respecter, et il ne fallut pas beaucoup de temps à la souveraine pour saisir la hiérarchie qui existait entre ceux qui n'étaient pas que des amis.

A sa présentation, Mircella s'inclina poliment comme elle avait pris l'habitude de le faire. Leur relationnel ne la concernait pas, et même si elle possédait un avis bien tranché sur les manières de remettre à sa place les plus récalcitrants, elle n'en fit rien. Le temps lui avait appris à attendre qu'on lui donne l'autorisation de s'immiscer dans la relation des autres. De son côté, la Dullahan pouffait de rire devant la bonne correction qui venait d'être infligée à celui qu'elle aurait bien caractérisé de grand lourd, et si elle ne savait pas sa compagne sur ses gardes, elle aurait bien balancé une belle remarque acide. Plissant les yeux, l'Elfe entreprit d'écouter ce qu'Akechi avait à dire, plus précisément le récit de leur aventure, ce qui les amenait en ces lieux sordides. L'Antre des Marais n'avait jamais été un endroit où il faisait bon vivre, et pour s'y rendre, un courage était à dénoter. Un endroit rempli de grenouilles.. Elle haussa vaguement les épaules. Cela semblait évident. Seulement, quelque chose clochait. Pourquoi ne s'était-il pas rendu sur les lieux lui-même ? La blonde peinait à comprendre que l'on puisse déléguer ainsi du travail alors que l'on dispose de tous les éléments en main.

« Avoir accepté sans posséder plus de renseignements sur ce qui vous est demandé est.. ». Elle sembla hésiter pendant une demi-seconde, avant de poursuivre. « Assez téméraire. ». Il était libre à lui de décider de prendre ceci comme un compliment où un reproche, la jeune femme ayant gardé un ton parfaitement neutre. Mais elle ne mentait pas sur ses pensées. Bien que ce soit risqué, son interlocuteur avait foncé dans le tas sans savoir à quoi s'attendre dans le seul but d'apporter son aide à un tiers. Et cela, elle ne pouvait le mettre de côté. Une plante médicinale.. cela restait vague. En tant qu'Elfe, la jeune femme en connaissait des milliers, des milliards. La nature était vaste, large, pleine de surprises. Aussi, si elle avait connu les maux précis qu'il fallait combattre, elle n'aurait eu aucun mal à la retrouver. Cependant, une brève angoisse la prit. Si le commanditaire n'avait pas daigné venir lui-même alors.. « Votre homme ne vous a rien dit concernant un danger qui pourrait rôder dans l'antre des Marais ? ». Elle croisa les bras, consciencieuse et interloquée par ce type d'agissements.

« Je n'aime pas juger les personnes que je ne connais pas, et j'ignore les motivations de votre homme, mais le manque d'informations qu'il vous eut donné en plus du fait qu'il n'ait pas voulu se rendre ici.. ». Son regard se fit plus sombre. « Ne témoigne de rien de bon. ». Et elle se rattrapa, presque maladroite, souriant presque seulement pour détendre l'atmosphère. « Enfin, nous ne sommes pas ici pour déblatérer et débattre des raisons qui l'ont poussé à demander votre aide, excusez-moi. ». « T'es bizarre en ce moment. ». Julia n'avait pas tort. Il était relativement rare que l'être sylvestre se méfie ainsi. Quelque chose ne tournait pas rond en ces lieux, et elle était perturbée par cet endroit qui avait vu naître des passions maintenant évanouies dans son coeur. Si elle ne s'en débarrassait pas vite, alors elle ne pourrait avancer. Elle laissa un soupir s'échapper de l'entre ouverture de ses lèvres rosées, avant de prendre une grande inspiration comme pour se redonner confiance. « J'espère pouvoir me rendre utile dans cette affaire. ». Puis elle reprit son ton plus enjoué. « J'ose espérer que votre compagnon va se remettre de votre coup de pied. Le pauvre a l'air bien mal en point désormais. ». Et, regardant l'horizon, elle fit volte face, tenant fermement sa faux entre ses mains.

Pour une raison où pour une autre, Mircella ne craignait pas qu'on l'attaque par derrière. Ce n'était pas de la vanité par rapport à sa puissance, loin de là. Mais elle avait lu. Elle avait sondé les pensées du jeune homme, et comprit qu'il n'avait aucune intention de la prendre par surprise. La Belle Blanche s'approcha de sa compagne, lui attrapant la manche. « T'as vraiment l'air de penser à des trucs louches ces derniers temps. T'es sûre que tu veux rester avec ces deux là ? Y'a peut-être encore trop de souvenirs pour toi dans le coin.. ». La souveraine se détacha d'elle avec douceur mais fermeté. « C'est bien la première fois que tu t'inquiéterais pour moi, Julia. ». Puis elle se tourna de nouveau vers les deux jeunes hommes, s'assurant au passage de l'état de santé de Saito, victime de sa mauvaise blague. Ne s'en approchant pas de trop près, elle finit par reporter son attention sur Akechi qui venait de se présenter à elle. « Je serais ravie de vous accompagner dans cette excursion. ». Le gratifiant d'un sourire léger et presque candide, l'Elfe s'avança dans l'Antre des Marais, confiante en ses pas. Elle cherchait du regard la présence d'une quelconque trace pouvant leur indiquer précisément où se trouvait la plante. Mais les plaines étaient vastes. Pliant les genoux, elle s'envola à quelques centimètres du sol afin de ne pas s'embourber les pieds, et poursuivit sa recherche. « Ça vous arrive souvent de vous lancer dans de telles aventures ? ». Discuter un peu ne ferait de mal à personne.

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L'Elfe lisait dans le regard de son interlocuteur une certaine indifférence qu'il tentait d'instaurer. Elle le toisait, de haut en bas, l'analysait sans cesse comme pour découvrir ce qu'il lui cachait encore. Mircella le savait, la curiosité était un bien vilain défaut. Mais jamais rien ne lui échappait, et le jeune homme serait loin de faire exception à la règle. Elle n'eut pas même à se concentrer pour laisser agir doucement sa magie, qui se faufila dans ses veines tel un poison puissant et indolore. Elle respirait doucement, plissant légèrement les yeux, de manière presque imperceptible. Elle ne tentait plus de s'immiscer dans son esprit, et de toutes les façons, elle n'avait jamais apprécié ces manières de faire. Elle n'en usait que dans les cas les plus extrêmes. S'incruster dans les pensées des autres était loin de lui plaire. Un petit sourire arqua ses lèvres. Elle préférait largement les laisser s'exprimer, formuler leurs phrases après mure réflexion. Les humains avaient des réflexes intéressants qu'elle ne cessait d'observer telle une scientifique devant ses sujets. Mais elle haïssait cette appellation, la jugeant trop brusque et trop peu représentative. Loin de ces fous sans âme, l'être sylvestre agissait avec ressentiment et compassion. Là se trouvait la différence, le mur qui séparait ces deux mondes.

Les deux jeunes hommes s'étaient jetés dans la gueule du loup, sans penser aux conséquences de leurs actes. Et si Mircella avait pris l'habitude de peser le pour et le contre, d'ajuster la balance et seulement d'ensuite se décider pour prendre des décisions mesurées, elle doutait que ce soit le cas de tout le monde. Et ce genre de choses ne lui prenait plus beaucoup de temps, à peine quelques secondes. Elle se rappelait avec nostalgie et douceur du début de son périple sur les terres du yin et du yang. Il y a un début à tout, et elle ne pouvait pas les blâmer de foncer dans le tas. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes. Elle aussi, avait agi ainsi. Aussi, elle n'avait pas son mot à dire sur leur comportement, si tout du moins elle se serait permise de le dire. L'avidité comptait tout autant que l'altruisme, et elle ne les jugerait pas sur leurs motivations. Aider les autres où gagner de l'argent, chacun choisit son carburant, ce qui le fait avancer. Et lorsqu'on pouvait lier les deux, alors ce n'en était que meilleur. Et tout le monde ne possédait pas les mêmes moyens, les mêmes envies et encore moins le même passé. Son sourire s'élargit doucement. Elle avait beau dire, il l'intriguait. Il lui rappelait le vampire de sa jeunesse, et bientôt, son coeur se serra et elle remua la tête. Elle ne devait pas s'y replonger. Pas tout de suite. Pas maintenant.

La marche put enfin commencer, et si Mircella avait pris le réflexe de se mettre en tête de file pour mener son armée, cette fois-ci, elle passa son tour, gardant cependant un œil sur Saito qui libérait le passage. N'importe qui et n'importe quoi pouvait arriver à la vitesse de la lumière sans qu'il ne le distingue. Et elle serait prête à agir en conséquence. Cependant, son attention vira bien vite sur la petite Blanche qui, les mains dans les poches, se tenait volontairement écartée du groupe. Elle n'appréciait pas la compagnie des inconnus, encore moins dans un endroit aussi sordide qui ne lui rappelait que de désagréables souvenirs. Grommelant, pestant contre le monde entier, elle donnait des coups de pieds dans les premiers cailloux se trouvant sur sa route, sans se préoccuper du bruit qu'elle pouvait bien faire. Le son des grenouilles la rendait dingue, et si elle parvenait à en attraper une, elle l'écraserait immédiatement sous ses pieds. Cela ne la soulagerait pas, bien sûr, mais cela aurait le mérite de la faire rire un minimum. Et c'est précisément pour cette raison que la blonde des bois ne lâchait pas la petite du regard. Violenter la nature lui serait fatal, elle le savait. Et ce n'est pas parce qu'elles se fréquentaient régulièrement qu'elle serait plus douce envers elle, loin de là.

Elle écouta alors d'une oreille attentive les paroles d'Akechi, les enregistrant dans sa mémoire instinctivement. Elle n'oubliait jamais rien, pas même les détails les plus insignifiants d'une conversation, et là se trouvait une de ses forces. Un léger rire fit vibrer ses cordes vocales, alors qu'elle se mit à tousser pour reprendre de la voix et poursuivre la discussion. « L'aventure est quelque chose de merveilleux ». Elle n'était pas naïve. « C'est un moyen de découvrir le monde sans connaître d'autres limites que celles que nous nous sommes nous-même imposées. ». Elle posa son regard sur le jeune homme, plongeant dans le sien l'espace de quelques secondes. S'ennuyer dans une tour d'ivoire.. Elle repensait à Héliana, mais également à sa condition. Depuis sa nomination en tant que Souveraine, elle ne cessait de bouger de gauche à droite, négocier ceci, régler cela. Pourtant, elle connaissait toujours l'excitation d'une demande incongrue, et se rendait le plus souvent sur des enquêtes trop simples pour que l'on vienne demander son avis. Ses yeux brillaient. « Tant que la vie ne vous quitte pas prématurément, il est bon de faire ce qu'il vous plaît. ». Elle se fit plus inquisitrice, reportant son attention sur l'horizon qui se dégageait. « Et si une deuxième vous est accordée, il est mieux d'avoir la présence d'esprit de ne pas la gâcher. ». Ses yeux s'étaient posées sur la Dullahan alors que cette phrase sortait de sa bouche, et elle ne s'en rendit compte qu'après.

« Excusez-moi. Je dois vous sonner un peu pessimiste. ». Pourtant, elle était tout ce qu'il y avait de plus courtoise et aimable dans ce monde d'ordinaire. D'ordinaire, oui, mais les gens changent. Et ce qu'elle visualisait dans Akechi venait de la trahir. Elle s'en mordrait les doigts, si elle ne s'arrêtait pas. « J'ai quelques souvenirs précieux en ces lieux. C'est un peu sordide, je vous l'accorde, mais c'est bel et bien la vérité ». Elle retint un sourire empli de nostalgie. « Cela fait longtemps que je voyage, très longtemps. ». Un siècle, presque, si elle s'en rappelait bien. Tout passait si vite. « Je ne sais si je pourrais me nommer passionnée d'aventure, mais je ne suis pas du genre à rester enfermée sans rien faire. ». Dés lors que les affaires ne la retenaient pas au Palais, du moins, ou encore sa fille. Mais elle n'en ferait rien. Son intimité n'appartenait qu'à elle, et se confier de la sorte à celui qu'elle considérait comme un parfait inconnu était improbable. « Une personne qui m'était chère possédait un Manoir dans les environs, et il a disparu du jour au lendemain sans laisser de traces. Cela fait des années maintenant, mais je me suis dit que me rendre sur les lieux me permettrait de mieux réaliser le fait qu'il ne ressurgira jamais. ». Elle rit, encore une fois. « Vous devez me trouver bête. ». Elle l'était. Inconditionnellement. Pourtant, au beau milieu de ses explications, un souffle de magie s'était échappé de ses doigts. Quelque chose approchait. Sortant discrètement de sa poche le Sablier d'Eau, elle l'observa. Son liquide commençait à s'assombrir. Elle poussa un léger soupir, serrant sa faux elfique entre ses doigts. Une petite balade de santé lui semblait bien lointaine à présent…

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