"Je n'arrive pas à croire que tu ai gâché toute ma marchandise d'une façon aussi inutile ! " Devaraj fulminait. Il n'accordait que peu d'attention à l'argent perdu, mais le simple fait de devoir expliquer aux autres Voyageurs qu'il avait "égaré" les herbes qui devaient être vendues, l'énervait au plus au point. Il regarda Jiang-Li, attendant des justifications, des explications, des raisons, un sourire désolé, ou même des excuses inutiles, bref... quelque chose d'autre que cet air désintéressé peint sur le visage du Bélua ! " Que veux-tu que je te réponde ? Si tu tenais tant à cette marchandise, il fallait la vendre toi-même au lieu de me la confier. Tu es si stupide, Devaraj." Jiang-Li haussa les épaules, il esquissa un sourire malicieux. Étant occupé ailleurs, le chaman l'avait envoyé en ville à sa place pour vendre les fameuses herbes avec pour projet de le rejoindre quelques jours après. Mais quelque chose de fâcheux était arrivé, Jiang-Li s'était fait accuser de meurtre et il avait du fuir. Pour se sortir du pétrin, il avait échangé la précieuse marchandise contre des vêtements pour se camoufler, et voilà. Oh, il était bien conscient que c'était entièrement sa faute... Mais c'était si amusant d'énerver le chaman en faisant l'indifférent, que finalement il était en quelque sorte très heureux de sa situation. D'ailleurs, sa remarque ne tarda pas à faire mouche, et il se fendit mentalement la poire en voyant la tête excédée de Devaraj, qui écarquilla les yeux, fronça les sourcils et ouvrit la bouche, ne sachant pas quoi répondre. "Allez... Ce n'est pas la peine de faire cette tête ! Tu t'en remettra pas vrai ?" Il lui tapota gentiment le dos, se fichant clairement de lui, puis passa nonchalamment son bras autour de son épaule. Devaraj abandonna. A quoi bon crier encore et lui donner exactement ce qu'il voulait ? De toute façon cela ne réparera pas le mal qui avait été fait. C'était donc inutile et il détestait les choses inutiles. De la patience et du calme, c'était ce qu'il lui fallait. Un long soupir s'échappa de ses lèvres. Puis il ferma les yeux. "Arrête de me coller."  Quand il les rouvrit, ses pupilles vertes observèrent rapidement la ville autour de lui.

A l’inverse de Jiang-Li, il n’aimait pas forcement les villes. Ce n’était pas son élément de prédilection, et il ne s'y sentait ni libre, ni à l’aise. Mais force était d’avouer que c’était souvent dans ce genre d’endroit que se trouvaient majoritairement les sources de connaissances les plus fiables et abondantes. Les deux compères se trouvaient actuellement devant un immense bâtiment en haut d'une colline, au milieu du parc de la cité. Une grande enseigne indiquait aux visiteurs qu'il s'agissait de l'Animalerie de la ville.  Ce n'était pas un endroit si désagréable que ça, car il était coupé de la frénésie urbaine et les alentours étaient verdoyants et frais. Devaraj se retrouva même à penser que c'était très inattendu de trouver un si bel havre de paix dans un endroit pareil. Puis il était un peu curieux de voir à quoi pouvait bien ressembler l'intérieur, quel genre d'animaux étaient élevés ici, comment les employés faisaient-il ? Retrouvant sa bonne humeur petit à petit, il décida de se concentrer sur cet étrange lieu et se dirigea vers l'entrée. Il n'en ressortira que quand il aura trouvé réponse à toutes ses questions. "Allons-y Jiang-Li. Ne t'intéresse-tu pas aux animaux toi aussi ? Pourtant ceux de ta race sont plus proches d'eux que n'importe-qui d'autre non ? " Devaraj sourit pensivement. Il savait que son compagnon était bélua mais il n'avait jamais réussi à le voir sous sa forme animale et c'était assez frustrant. Mais il était patient et ne désespérait pas de pouvoir observer ce phénomène un jour futur. "Boh... Moi je préfère m'amuser avec les humains. Toi par exemple, quand on te f*is ch*er tu deviens vachement drô- ..."  Le chaman fronça les sourcils, se retournant vers Jiang-Li "Vachement quoi ?" Mais le bélua ne finit jamais sa phrase et ne l'entendit pas. Il était planté en bas des escaliers, la bouche ouverte, les yeux ronds comme des billes et le regard rivé vers le haut, comme s'il avait vu un extraterrestre. "I..Itak ?!" De plus en plus consterné, le Chaman se retourna à nouveau pour regarder dans la même direction. Tout en haut des marches, il aperçut un hurluberlu blond qui n'avait pas l'air très intelligent, accompagné d'un énorme chat qui gesticulait dans tous les sens pour une raison inconnue.

Après avoir visité et revisité les différentes tavernes de la ville, Itak se dirigea donc vers sa seconde destination : l'Animalerie. Puisqu'il s'était retrouvé dans cette ville sans trop savoir comment, autant en profiter pour dépenser ses derniers sous et s'amuser un peu ! Il avait même acheté une petite caisse de bouteilles de bières, qu'il transportait fièrement sous son bras, sifflotant une chanson qu'il avait entendu la veille lors de sa dernière beuverie. Maintenant, il allait voir les animaux, puis demain il ira chercher des marchands d'armes et des sculpteurs. Ses projets n'allaient pas plus loin. A quoi bon réfléchir au futur et s'embêter à tout planifier ? Le blondinet n'en voyait pas l'utilité et de toute façon, il n'était rarement capable de réfléchir sérieusement. Vivre au jour le jour lui allait très bien.

Alors qu'il arrivait devant l'immense bâtiment, il afficha un grand sourire carnivore. "Allons-y Carnage ! J'ai bien envie de manger du lapin à midi ! Puis j'ai toujours voulu savoir à quoi ressemblait un dragon..." Seulement, à peine avait-il fait un pas vers l'avant qu'il entendit vaguement une voix familière. Instantanément, il s'arrêta comme paralysé. Son chat se mit à grogner. Tournant la tête pour regarder derrière eux, il aperçut alors deux hommes en bas des escaliers. "AH." prononça-t-il avec difficulté, avec la tête de quelqu'un qui aurait vu un revenant. Sous le coup de la surprise, il fit tomber toutes ses bouteilles par terre dans un énorme fracas. Carnage, effrayé, se mit à courir de partout, le poil hérissé. Prenant une grande inspiration et sortant brutalement de sa stupeur, Itak se mit à dévaler les marches quatre par quatre, manquant de se casser la tête une bonne dizaine de fois. Puis il bouscula le premier type sans aucun ménagement et fonça vers son frère pour l'attraper brusquement par les épaules. Là, il le secoua dans tous les sens et écarquilla les yeux. "Jiang-Li ? C'est bien toi ?! Oh bordel ! Bordel de m*rde !" Peinant à croire à cette impossible coïncidence, il continua de le secouer comme un prunier, avant de se rendre à l’évidence. Puis il le serra très fort dans ses bras, fou de joie. Il en avait perdu ses mots et resta con, à le regarder avec des yeux de poisson.

Même avec toute son imagination débordante, il n'aurait jamais pu penser revoir son frère dans un endroit pareil. Sur le coup, il se mit à remercier mentalement des Dieux dont il ne connaissait ni le nom ni  les pouvoirs. Il était un peu choqué. Il n'avait pas revu son frère depuis qu'il était parti du domaine familial, ce qui faisait tout de même un bon bout de temps. Il avait coupé les ponts avec leurs parents et involontairement avec Jiang-Li. Ce n'était que plusieurs jours après sa fuite qu'il s'était rendu compte qu'il n'avait aucun moyen de joindre son frère et que du coup c'était pas très malin. "Comment ça se passes... tu sais... à Dhitys ?" finit-il par murmurer, retrouvant soudainement sa capacité à parler. "Tu es parti toi aussi ? Qu'est-ce-tu fais ici ?" rajouta-t-il rapidement, des milliers de questions se formant dans son esprit. "Tu sais, il m'est arrivé pleins de trucs ! Je suis plus intelligent maintenant ! Fais attention à toi !" déclara-t-il alors très sérieusement.

Pendant ce temps, Carnage ayant subit la maladresse de son maître, se retrouva le corps baignant dans un bain de bière. Oh super. Il en aurait fait un meurtre. La sensation du liquide qui lui collait le pelage et les pattes était absolument dégoûtante, sans même parler de l'odeur. Là, tout ce dont il avait envie, c'était de décimer une colonie de souris juste pour se défouler et se venger de la malchance qui l'avait frappé. Mais il n'y avait pas de souris à vue de nez, alors il se dirigea vers le troisième humain que son maître avait bousculé. Souriant à pleine dents, le félin se roula dans la flaque de bière, avant de dévaler les marches pour se jeter sur le chaman, se frottant sur son visage et ses cheveux pour s'essuyer cordialement.

Devaraj haussa un sourcil. "Itak ? Tu connais cet homme ?" demanda-t-il, n'obtenant à regret aucune réponse. Le blond en question se retourna alors vers eux et fit tomber toute sa cargaison, avant de se mettre à foncer comme un bélier dans les escaliers. "Jiang-Li ? Tu m'entends ?" répéta alors le chaman qui n'appréciait pas qu'on ne lui explique rien. Et il fut encore plus consterné en se rendant-compte qu'il était quasiment devenu invisible ou inexistant, puisque le nouveau venu le bouscula sans s'excuser pour se jeter sur Jiang-Li, qui ne répondait toujours pas. Le monde semblait s'être arrêté autour d'eux. Il y aurait pu y avoir une explosion quelques mètres plus loin, ça ne leur aurait rien fait. Fortement agacé par cette situation, le chaman soupira. Il était tombé par terre sous la force du coup. Observant cette drôle de scène, il se dit qu'il n'avait pas trop sa place ici. Autant les laisser faire leur retrouvailles entre-eux. Jiang-Li lui devra des explications plus tard. Il allait se réfugier dans l'Animalerie et laisser ces deux débiles ensemble ! Enfin... plus facile à dire qu'à faire ! A peine s'était-il soulevé qu'un énorme chat l'agressa brutalement, se frottant contre lui avec son pelage sale et mouillé... mouillé ?! Devaraj écarquilla les yeux et dans un rictus de dégoût, attrapa la chose par la peau du cou. "Je peux savoir ce qui me vaut cette attaque ?!" murmura-t-il en grinçant des dents. C'était parfois pratique, de pouvoir parler avec des animaux ! Carnage sembla se dématérialiser sur place quand il entendit le Chaman. Il n'était pas au courant que les humains pouvaient parler le chat ! "Rien. J'aime pas ta gueule alors j'ai décidé de m'essuyer sur toi." répondit-il dans un miaulement cruel. "Et si j'aime pas tes crocs, j'ai le droit de m'en faire un collier d’apparat ? " répondit le chaman, finalement très amusé par cet animal. "Seulement si tu me laisse te crever les yeux pour que je puisse marquer mon territoire à l'intérieur..." Un fou rire s'échappa des lèvres du chaman. Il ne savait pas s'il devait être mort de rire ou fou de rage. "Ah ? Essayes pour voir." répliqua-t-il. Puis il leva le bras et balança le chat en l'air, l'envoyant valser plusieurs mètres plus loin pour s'en débarrasser. Et enfin, il se remit debout et franchit les portes de l'Animalerie.

"Itak... Tu m'écrases là..." grommela Jiang-Li, qui tantôt se faisait secouer dans tous les sens, tantôt se retrouvait serré brutalement par les bras du blond. Il essayais de contenir son frère sans grande conviction, sachant très bien que le seul moyen pour résonner le blond, c'était d'attendre que ce dernier se calme. Autrement dit, il n'y avait aucune solution possible quand Itak se laissait déborder par ses sentiments. A part lui écraser la tronche par terre, bien-sûr, mais ce n'était ni dans les capacités ni dans la volonté de Jiang-Li. Soufflant un peu quand ses pieds retouchèrent le sol et qu'il retrouva sa mobilité, il fronça les sourcils en entendant la première question. "Itak... Tu ne devrais pas te soucier de ça." Puis il sourit, posant une main amicale sur son épaule. "Je ne vais pas te cacher que père et mère ont été très en colère après ton départ. Au début ils ont cru à une fugue, mais il est vite devenu évident que tu ne reviendrai jamais. Mais je pense que c'est mieux comme ça. Tu n'as plus à souffrir à cause d'eux et eux n'ont plus à se soucier de toi." Il fit une pause avant de rajouter. "Je suis parti un an après toi, pour aller faire des études en médecine et découvrir le monde." Puis il explosa de rire en entendant le blond se vanter de ses nouvelles capacités cognitives. "Je n'en doute pas !" articula-t-il, passant sa main dans les cheveux de son frère. Finalement, il ne saurait trouver de mot pour exprimer à quel point il était heureux de le revoir en vie, en bonne santé et de bonne humeur. Il était certain que maintenant qu'il était libre, Itak pourra s'épanouir pleinement, même s'il avait ses limites et qu'il n'était pas très intelligent. "On rentre ? Je vois que Devaraj est déjà parti... Tu verras, c'est un chaman que j'accompagne souvent dans ses voyages. Il est très intéressant."

Incroyable. Ces humains étaient décidément une source infinie de consternation et de mépris. On avait osé le lancer en l'air, comme un vulgaire chiffon sale, une simple pierre ou un déchet pourri, lui, le grand Carnage ! Le chat s'envola dans un miaulement de rage, avant de retomber durement sur ses pattes plusieurs mètres plus loin, sa fourrure pleine de crasse colante s'accrochant à la poussière... Il ne perdit pas une seconde pour s'élancer à la suite du Chaman, avec pour magnifique projet de lui déchirer les yeux.

"Ne te moques pas de moi ! Je suis très sérieux !" bouda Itak, croisant ses bras et replaçant correctement son sac sur ses épaules. Enfin... quoiqu'il arrive, le grand sourire qui éclairait son visage n'était pas près de s'effacer. "Devaraj ? Ah ? Euh.. ok." Haussant les épaules, le héro débutant remonta les marches avec son frère, pour rejoindre les autres. Les deux compères se retrouvèrent alors dans un grand hall lumineux, en compagnie de divers animaux et visiteurs. Le lieu était très calme et reposant, tout était fait pour que les bébétes soient heureuses. En s'avançant plus à l'intérieur de l'Animalerie, ils eurent l'occasion d'admirer des oiseaux, des giffons, des cheveux et même des dragons ! Itak en devenait totalement gâteux et s'arrêtait devant presque chaque animal pour lui raconter des choses stupides et s'extasier devant pendant plusieurs minutes. Le mythe du guerrier barbare était bien loin derrière...

Alors qu'ils s'étaient égarés dans les étendues verdoyantes pour profiter le plus possible de la tranquilité du lieu et s'y immerger au maximum, ils aperçurent un grand cygne venir vers eux. N'ayant toujours pas retrouvé Devaraj ou Carnage, ils étaient les seuls visiteurs dans le coin, ce qui avait du attirer l'attention de l'oiseau. Mais ce qui était le plus intriguant sur le nouvel arrivant n'était pas tant sa grace naturelle et sa blancheur, mais plutôt le magnifique collier qui ornait son long cou courbé. "Ca brille !" Itak se précipita vers le cygne. "Coucou toi ! Mais c'est que t'es tout chou comme ça ! Tu l'as eu où ce collier ? Mooooh ~ "  S'il sembla légèrement consterné par la stupidité de son interlocuteur, le cygne sembla quand même amusé et les invita par quelques mouvements à le suivre. Un nouveau jeu auquel le blond participa avec joie, gambadant joyeusement à la suite de l'oiseau blanc.

Ce dernier les mena à travers toute l'Animalerie, courant à droite et à gauche. En chemin, il sembla à Itak qu'ils avaient retrouvé le monsieur bizarre avec les traits sur le visage et Carnage. Mais il n'y fit pas attention, trop concentré sur le cygne. Au bout d'un moment ils arrivèrent dans un souterrain, près d'une grande tour. Tout y était silencieux et froid, comme s'ils étaient brusquement passé d'uhne prairie toute verte à une grotte gelée, assez fascinant comme changement ! Mais le cygne n'avait toujours pas l'air de vouloir s'arrêter. Il continua et disparut dans la pénombre des entrailles terrestres. Fronçant les sourcils avec un sourire joueur, itak s'élança lui aussi. Sauf que bon, lui, il était un peu trop balourd et loin d'être aussi agile qu'un cygne. Son pied dérapa sur la glace et il glissa, se retrouvant sur le cul quelques mètres plus loin. Alors qu'il se remettait lentement de sa chute, un rire grand cristallin retentit, son écho rebondissant contre les murs glacés autour d'eux.

"Faites attention, le sol est traître ici et la glace glissante." Une petite fée se présenta alors devant eux, le regard espiègle. Son corps était recouvert de bijoux en tout genre brillants avec des reflets d'argent. Penaud, Itak fit la moue et se gratta la tête. "Où est le cygne ?" marmonna-t-il pour lui même en fouillant la pièce du regard. "Ealùss ? Il vous a amené ici ? Vous m'avez l'air bien amusants dans tous les cas." La fée sourit, les dévisageant de la tête aux pieds. "Oubliez mon cygne, j'ai un autre jeu à vous proposer ! Les visiteurs qui arrivent jusqu'ici sont rares ses derniers temps, alors je ne compte pas laisser passer une aussi belle occasion pour me divertir !" Elle rit, posant un doigt délicat sur le nez d'Itak. "Que diriez vous d'un défi ? Si vous réussissez, je vous montrerai comment je manipule la glace." Le bélua ouvrit la bouche, ne sachant pas quoi répondre. A vrai, il n'eut pas le temps de dire quoique ce soit que la fée reprit. "Premièrement, sculptez-moi ce bloc en quelque chose de votre choix. Il faut que ce soit joli bien sûr... Ensuite, trouvez où sont dissimulées dans l'Animalerie mes trois plus belles statues. Il s'agit d'un dragon, d'un cygne et d'un arbre grandeur nature. Et enfin, attrapez-moi une bonne fois pour toute Ealùss et ramenez-le moi ! Au travail messieurs !" s'exclama-t-elle d'une voix chantante, les yeux rieurs et pétillants.

L'animalerie était un bon endroit pour se détendre, loin de la frénésie urbaine. Le chaman nota cette nouvelle information dans un coin de sa tête. Néanmoins, il ne trouva ici que peu d'esprits, ce qui était bien dommage à ses yeux. Alors qu'il continuait consciencieusement sa visite, il fut interrompu dans sa tranquillité par Jiang-Li et l'homme blond qui courraient comme des dératés après... un cygne. Haussant un sourcil, le chaman les regarda passer d'un air consterné. Il finit par hausser les épaules et par courir les rattraper, curieux de savoir ce qu'il se passait. La course ne fut pas si fatigante pour lui. Il se trouvait être le plus agile et le moins maladroit de la troupe, qualité acquise après ses innombrables tentatives d'aller se briser le cou pour atteindre une caverne perchée ou découvrir des endroits cachés. Et justement, ils finirent par se retrouver dans une sorte de grotte glacée, au fin fond de l'Animalerie. Préférant observer minutieusement les lieux, le chaman se désintéressa bien vite de la fée qui était apparue, sauf au moment où elle évoqua un défi. Fronçant les sourcils, il écouta attentivement et finit par rire et se retourna pour se jeter sur le cygne sans prévenir. Ce dernier lui échappa de justesse, ce qui eut le don de l'énerver. Mais il n'était pas près d'abandonner, ça, non. "Je me charge de la bête... Occupez -vous du reste." Sans un mot de plus, il sortit de la grotte avec un grand sourire, courant après Ealùss, ne se doutant pas qu'une autre bête, bien plus dangereuse, rodait dans l'ombre. Et oui... Carnage était là, caché dans un coin, ruminant méthodiquement sa vengeance.

Le chaman ressortit de la grotte, prenant soin de ne pas tomber. Le cygne était rapide. Il n'avait que une seconde ou deux à chaque tournant pour ne pas le perdre de vue... Mais cela amusa Devaraj, qui voyait là un moyen de s'endurcir un peu plus. Il fusionna avec Khaal pour agrandir sa vitesse. Leur course les mena à nouveau dans les grandes prairies, où il devenait parfois compliqué de retrouver le cygne dans les herbes hautes. De plus, son souffle commençait à être un peu trop saccadé pour garder la cadence. Devaraj s'arrêta près d'un arbre quelques secondes. Il y avait une forêt non loin et le cygne était sur le point d'y disparaître. Mais le chaman eut une idée entre-temps. Il se cacha derrière le tronc large du végétal, profitant de l'occasion pour reprendre son souffle. Si Ealùss ne le voyait plus, le cygne reviendra sur son chemin et arrêtera de courir, ou du moins, c'était son hypothèse. Le chaman s'immobilisa totalement, silencieux, concentré sur sa proie. Grave erreur. Du haut de son perchoir, c'est à dire, l'arbre contre le chaman était justement en train de se cacher, Carnage hérissa son poil. Et le gros félin s'élança de tout son poids sur une énorme branche à moitié cassée. CRAC. "Meurs, humain !" Alerté par ce bruit étrange, Devaraj eut la présence d'esprit de rouler sur le côté pour ne pas se faire fracasser le crâne. Mais il fut trop lent. Si sa tête fut épargnée, ce n'était pas le cas de son bras droit, qui se retrouva coincé sous la branche. Carnage feula puis tomba avec la branche, atterrissant quelques mètres plus loin, sur ses pattes, se retournant pour admirer le chaman grimacer de douleur. "Alors ? Qu'est ce que tu vas faire maintenant ? Me manger ? J'ai peuuuur..." Le chat rigola, puis alla allègrement marquer son territoire sur les jambes du chaman impuissant. C'était le prix pour avoir osé le lancer en l'air comme un vulgaire chiffon. Ealùss qui avait effectivement mordu à l'ameçon, se rapprocha. Carnage le regarda l'air rieur. Puis il se jeta brusquement sur le pauvre cygne et le provoqua de toutes les façons possibles. Une fois que sa cible fut assez énervée, il s'enfuit vers la grotte, le cygne caquetant à sa poursuite.

Pendant ce temps, Jiang-Li s'était chargé de trouver les trois statues dans l'Animalerie. Il trouva sans trop de difficultés celle du dragon dans la tour Mistral, car elle était assez visible vu sa taille. Par contre, l'arbre fut une autre affaire, sans parler du cygne. C'était, soyons clairs, très très ennuyeux pour lui de devoir chercher partout des trucs inutiles, tout ça pour une petite fée de rien du tout ! M'enfin, si ça pouvait plaire à son frère c'était tant mieux. Il dut parcourir les lieux de droite à gauche et même demander aux différents travailleurs. Après deux heures de recherches, il trouva enfin le cygne dans le bassin cristallin et l'arbre dans la forêt Zen. Se sentant victorieux, il reprit le chemin de la grotte. Seulement, à la sortie des bois, quelle ne fut pas sa surprise de trouver Devaraj, en train d'agoniser sous un arbre. Enfin, le chaman n'était pas mourant à clairement parler... Mais il avait une sale tête, il sentait le pipi de chat et surtout, son bras avait doublé de volume. "Qu'est-ce-que..." Le chaman lui lança un regard noir. "Jiang-Li... Tu aimes les écharpes en fourrure de chat ?" murmura le blond en serrant les dents, ruminant sur place.

Un défi ? A l'écoute des paroles de la fée, Itak fronça les sourcils avant de faire un grand sourire. Il se retourna pour voir partir l'inconnu qui accompagnait Jiang-Li et lui fit un signe d'encouragement. "Ne vous inquiétez pas ! Moi, le grand Itak, j'ai la situation en main ! Ahahaha ! " s'écria-t-il en claquant des mains. Mais dans son élan et sa tirade héroïque, son pied dérappa à nouveau sur la glace. "Le héro à l'oeu- Ah ! je... Aïe !" Il glissa pour la deuxième fois et retomba par terre, faisant rire leur commanditaire aux éclats. Le blond grimaça et abandonna l'idée de se relever. "Jiang-Li... Je prend la sculpture, je ferais un joli truc tu verras ! Si ce Dera...Deraj ou je sais plus son nom s'occupe du cygne, toi tu peux te charger des statues ?" grogna-t-il en se massant la jambe, là où il avait tapé le sol. Pour une fois qu'il pouvait pleinement se rendre utile, ce n'était pas le moment de se casser la gueule. Il se frappa les joues et reprit un air sérieux. "Où sont les outils et le bloc de glace ?" demanda-t-il alors en regardant la fée. "Oh ? Et bien, vous êtes justement assis dessus." Un sourire malicieux se forma sur les lèvres de la petite créature. "Assis ...euh ? Ah." Penaud, Itak bougea son popotin. Mais il ne trouva que le sol glacé, pas de bloc ni quelque chose qui y ressemble. "J'comprend pas ! C'est quoi que je dois faire ?!" Il fronça les sourcils. "Vous êtes simplet dites-moi... Votre bloc, il est là, c'est le sol, les murs, toute la grotte ! Hihi !" Avec de gros yeux, Itak répliqua "Quoi ?! Mais comment-voulez vous que je me-" Un doigt fluet vint se poser sur ses lèvres. "Chhhht. Pas de rouspetage ou le défi est perdu." La fée s'éloigna à nouveau, virevoltant dans dans l'air. "C'était pas dans les règles ! Tricheuse !" Consterné, Itak pointa une main accusatrice vers son interlocutrice. "Oh ! Vous n'allez quand même pas me fâcher !" Le blond soupira violemment et tapa du poing par terre. "Et les outils ? Où sont les outils alors ?!" Il fronça les sourcils. "Partout autour de vous... Il faut simplement savoir chercher. Tout ce qui se trouve dans cette grotte est utilisable pour votre statue." La fée rigola, avant de se rapprocher soudainement du visage du blond. Elle caressa sa joue. "Allons Itak... c'est bien comme cela que l'on vous appelle ? je suis sûre que vous êtes plein de ressources. Cette épreuve n'est qu'un petit pas à franchir pour vous !" Le bélua se mit à rougir. C'était bien la première fois qu'on lui faisait ce genre de compliment ! "Je... D'accord."

Il baissa la tête, regardant le sol. Alors comme ça, c'était ça sa base de sculpture ? Très bien ! Ce ne serait effectivement pas digne d'un héro d'abandonner aussi tôt ! Il eut honte de son premier comportement. S'emparant de Coupine, il tenta alors de la planter dans le sol pour en découper un bloc. Cela dit, une hache, ce n'est pas pareil qu'une pioche et beaucoup moins pratique. Même s'il était brute, il n'était aucunement puissant et pire, il était très maladroit. Extirper son bloc lui prit une bonne heure et demie à suer et à agiter Coupine de tous les côtés. Après cela, son bloc était tout petit, il avait mal aux bras et aux mains, il était fatigué et ce n'était pourtant que le début ! Ne désespérant pas, il fouilla alors la grotte et y trouva deux cailloux pointus. Dans son sac il avait aussi le petit maillet qu'il avait trouvé avec les goujes sur la Plage de Sable Fin. Cela devrait faire l'affaire... S'asseyant au sol avec une délicatesse inexistante, il prit le bloc entre ses mains. Il voulait y dessiner l'emblême de la Coterie pour pouvoir la montrer à son frère. Mais dans l'immédiat, sa plus grande peur n'était pas de savoir si le résultat sera ressemblant ou non, mais plutôt de s'assurer que le bloc n'allait pas se briser entre ses doigts. Anxieux, il commença à sculpter en se concentrant. Utiliser ses mains pour fabriquer quelque chose était un des seuls moyens pour le faire réfléchir.

Trente minutes plus tard, un drôle de miaulement brisa le bruit régulier de la pierre contre la glace. Fier comme un paon, Carnage débarqua dans la grotte, suivi de près par un Ealùss vert de rage. "Oh ! Je vois que votre chat s'est montré plus efficace que votre ami ! Hihi ! Vous avez presque fini de votre côté, non ? Je vous observe depuis le début, vous aimez la sculpture n'est-ce-pas ? Je suis heureuse d'être tombée sur vous ! Néanmoins... Il manque encore votre deuxième ami partis chercher les statues, pour que le défi soit rempli et que je vous dévoile quelques uns de mes secrets... Allons Elaùss calme-toi !" Itak posa le plus doucement possible ses outils et son oeuvre par terre pour venir récupérer son chat et lui frotter vigoureusement la tête. "Bravo toi ! Je suis fier de t'avoir ! Smaack !" Puis il regarda la fée et rigola. "Jiang-Li ? C'est le seul à être bien plus fort que moi ! Vous n'avez pas à vous inquiétez il va arriver sous peu j'en suis sûr ! " déclara-t-il fièrement.

Il avait au moins du boire les trois quarts de sa bouteille d'alcool pour pouvoir supporter la douleur. C'était, au minimum, un bras cassé. Cassé par une stupide branche d'arbre, à cause d'un p*tain de chat. Un chat ! Il avait failli se faire tuer par un petit-être insignifiant, moche, puant, bourré de microbes et de puces ! Qu'avait-il fait aux Aetheri pour mériter un tel sort ?! Devaraj s'aida de Jiang-Li pour se relever, le regard rempli de frustration. Le bélua ne dit rien. Il était partagé entre pitié et fascination pour le masque de douleur qui couvrait le visage du chaman. Il força ce dernier à rester où il était et lui fabriqua une rapide atèle avec du tissu. "C'est la deuxième fois que je te fais ça. Soit tu es pas-doué, soit tu le cherches vraiment..." se moqua-t-il un peu, ne résistant pas à la tentation. Non, vraiment, voir le chaman souffrir était une source de divertissement infinie. A moitié bourré à cause de ce qu'il venait d'avaler, le concerné ne répondit pas. "Je te raccompagne à la sortie. Tu sauras te débrouiller pour retourner à l'auberge ?" Devaraj écarquilla les yeux et fixa Jiang-Li, à travers la brume alcoolisé. Retourner dans leur chambre ? N'avait-il pas quelque chose de bien plus important à faire avant ? Bien sûr que si ! "Quoi ? Mais je vais d'abord rôtir ce foutu chat tu veux dire oui !" Le bélua soupira. "S'il s'agit bien de Carnage, je te conseillerais d'abord de récupérer tes forces. Ce n'est pas vraiment un chat normal..." Le chaman fronça les sourcils, grimaçant. "JE..." Jiang-Li posa une main sur son épaule et le poussa en direction de la sortie. "Allez... tu ressembles à rien là, va te faire soigner plutôt." Le bélua fixa un drôle de point mouvant plusieurs mètres plus loin et se rendit compte que c'était Cendres qui arrivait en courant, le félin ayant sûrement ressentit le désarroi de son maître. Tant mieux, le lion arrivait à point nommé. Il allait pouvoir lui confier le chaman et retourner la grotte. La fée n'allait pas attendre jusqu'à la fin des temps et il n'avait pas envie d'avoir passé l'animalerie au peigne fin pour rien. "Je te laisses entre ses pattes, je dois retourner à la caverne ! On se retrouve plus tard." Devaraj grommela une réponse incompréhensible et étouffa un soupir. Quelle journée détestable ! Elle avait pourtant, si bien commencé...  Il se jura d'afficher la tête empaillée de ce chat dans sa future demeure, si jamais il en avait une, et ensuite d'aller retrouver son esprit pour se venger encore une fois.
Le chaman retourna plutôt difficilement à l'auberge, là où il demanda qu'on lui cherche un médecin. Encore une chose qui lui coûta cher en argent alors que justement, il ne croulait pas sous les pièces d'or. On lui fit boire des calmants pour la douleur, on s'occupa de son bras et ensuite, il put aller dessoûler et se reposer dans son lit. Regardant le plafond, il se rendit compte que Jiang-Li ne lui avait toujours pas expliqué qui était ce blond et son chat maudit. Et en plus il avait osé l'abandonner comme une vieille chaussette alors qu'une aide de plus pour sortir de l'animalerie n'aurait pas été de trop. Il y a des claques qui se perdaient, vraiment...

"Le dragon se trouve dans la tour Mistral, le cygne dans le bassin cristallin et l'arbre dans la forêt Zen." Essoufflé, Jiang-Li s'assit contre le mur glacé. "Oh... Parfait ! Vous avez pleinement réussi mes trois défis, bien que je constate une petite perte d'effectif... Je vais donc révéler à ceux qui le veulent quelqu'un de mes petits secrets. " La voix cristalline de la fée résonna dans la grotte. Le bélua tourna la tête, se fichant bien de ce qu'elle pourrait raconter. La récompense était pour Itak, pas pour lui. Les pouvoirs liés à la glace n'étaient pas quelque chose qui l'intéressait beaucoup ou qui rentrait dans son domaine de prédilection, contrairement à son frère. Il détourna son attention des autres personnes présentes et repensa à la tête du chaman. Un sourire cruel illumina son visage.

Ecoutant les explications de la fée, Itak fut un peu déçu. Déjà, il ne comprenait pas grand chose à tout son blabla, et puis ça ne correspondait pas vraiment à ce qu'il attendait. Il s'imaginait qu'elle allait lui révéler des techniques secrètes pour terrasser ses ennemis par la glace, ou qu'il allait apprendre à sculpter des dragons géants dans la banquise, bref, pleins de choses supers et impressionnantes quoi ! Mais non... Elle ne parlait que de bijoux, de beauté et de délicatesse. Comme si elle avait lu dans ses pensées, elle se mit à le regarder, toute souriante. "Ne soit pas si naïf jeune bélua. Ta passion est grande, mais on ne réalise pas des prouesses en claquant des doigts... Cela compte pour tout le monde, même pour les grands héros." Elle fleura sa joue du  bout des doigts et rigola légèrement avant de virevolter dans les airs. "Tu aimes la sculpture, ce serait dommage de gâcher ton talent en voulant aller trop vite. Apprend la patience Itak, apprend à te connaître toi-même, à te maîtriser, et alors seulement tu pourras maîtriser les autres. La glace est comme toi tu sais, elle peut être très dure tout en étant très fragile..." Elle rigola encore. Pour elle c'était presque une moquerie. Son regard espiègle se posa sur le félin aux côtés d'Itak. "Ton compagnon a accomplit de belles prouesses lui-aussi." Carnage se mit à ronronner fièrement, comprenant très bien qu'on parlait de lui. "Je vais le récompenser." La petite fée enleva un de ses nombreux colliers brillants pour le faire passer autour de la tête du chat, qui jubilait à l'idée d'obtenir un cadeau à la place du maudit chaman. Il fit plusieurs fois le tour de la caverne, exhibant aux yeux de tous son nouvel accessoire.

"Je vous remercie d'être venus ici chers visiteurs... Il est temps pour moi de vous laisser, mais sachez que vous êtes toujours bienvenus ici. J'aurais sûrement d'autres défis à vous proposer." Dans un éternel rire cristallin, elle disparut au fin fond de la grotte, suivie de près par son cygne blanc. Itak se frotta les cheveux, dubitatif. Il ne comprenait pas pourquoi la fée lui avait parlé de patience. Il savait très bien qu'il avait besoin de beaucoup d'entrainement avant de devenir un héro digne de ce nom, ce n'était pas la peine de lui rappeler ! Soupirant, il se relevant et se retourna vers Jiang-Li. Un large sourire éclaira son visage. "Tiens regarde, ce sont les insignes de la Coterie ! Ils y a plein de guerriers impressionnants là-bas ! Tu devrais venir voir un jour..." dit-il en lui tendant le résultat de sa sculpture. C'était vrai. Il aimerait beaucoup prouver pour de bon à son frère qu'il avait trouvé un groupe de personnes avec qui vivre, se battre pour une cause commune et œuvrer pour le bien de la nature, lui montrer que c'était des gens qui ne le rejetaient pas et qui avait besoin de lui. Il voulait que Jiang-Li se sente fier d'avoir un frère comme lui et qu'il cesse enfin de s'inquiéter. Il voulait qu'il sache que lui aussi pouvait être une personne utile et intégrée à la société. "Tu sais bien que ce n'est pas trop mon truc les champs de bataille." Jiang-Li posa une main sur l'épaule d'Itak. "Mais je ne doute pas que tu te débrouilles très bien là-bas, ça me fait plaisir."

Quelques minutes plus tard, ils étaient sortis de la grotte et vagabondaient au hasard dans l'Animalerie. Itak raconta en détail tout ce qu'il lui était arrivé depuis sa "fugue". A part sa rencontre avec Aube et son entrée à la Coterie, il n'y avait rien de bien exceptionnel, mais il avait besoin de le raconter à Jiang-Li, pour être certain que ce dernier comprenne qu'il pouvait très bien se débrouiller tout seul. Quelque part c'était aussi pour se convaincre lui-même que tout allait bien. C'était inconscient mais il manquait bien trop de confiance en lui. Les deux frères se baladèrent pendant plusieurs heures, rattrapant tout le temps qu'ils avaient ratés depuis leurs départs respectifs. Puis il quittèrent l'Animalerie pour rejoindre l'Auberge et fêter leurs retrouvailles.

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