Elle avait renoncé à rabattre correctement sa cape. Le vent sec et glacé finissait toujours par s’infiltrer dans un pli, pour le gonfler et la découvrir partiellement. C’était maintenant son élément qui régulait sa température corporelle. Mais elle ressentait parfois de la difficulté. L’air s’était raréfié. Et elle montait en altitude. Elle marchait. Dans la neige. Qui avait commencé à tomber le jour-même. Le soir tombait, le ciel avait pris une teinte rose irréelle. Il ne lui restait plus grand-chose à parcourir, du moins si son évaluation des distances n’était pas faussée. Allez… Elle n’était pas venue ici pour rien. C’était sa mission, et elle ne se permettrait pas d’y faillir. Comme toujours, c’était une question d’honneur.

  Elle s’installa au comptoir de l’auberge, laissa tomber sa capuche et sous sa cape, passa une main au niveau de sa clavicule. Sous ses doigts, elle sentit le manche de son poignard. Elle les fit descendre jusqu’au bas de la petite poche qui cachait la lame. Un homme vînt, s’excusa pour l’attente et lui demanda ce qu’elle désirait manger. Elle leva les yeux et lui sourit.

  -C’est gentil, mais j’ai déjà mangé. Juste un verre suffira. De n’importe quoi, mais pas d’alcool s’il vous plait. Oh, et… Vous auriez une chambre ?

  Elle ne mangeait jamais avant « le service ». Elle sortit une part de l’argent qu’elle avait emmené pour le voyage. Le serveur repartit avec sa commande. Djinshee s’installa un peu mieux, déjà fatiguée. Le bras tendu, elle jouait avec la petite flamme que dégageait la bougie blanche, posée devant elle. Dante Taiji Sparrow. La voix de son employeur résonnait dans sa tête à chaque fois qu’elle se remémorait ce nom. Dante. Taiji. Sparrow. Il l’avait dit fermement, avec la conviction que celui-ci devait mourir, à tout prix. Il en demandait une grosse somme, d’ailleurs. C’était sûrement pour ça qu’elle avait accepté de faire cette excursion en montagne. Elle ne connaissait pas le fond de l’histoire. Un règlement de compte, ou une vengeance quelconque, comme les trois quarts de ceux qui embauchaient un assassin. Rien de très original, si bien qu’elle s’en fichait. Elle se fichait de ce que ce Vampire avait pu faire. Elle n’était pas un exemple à suivre, après tout : elle allait le tuer. Elle examinait son visage, le visage qu’on lui avait mentalement fourni. Ce n’était pas souvent qu’elle rencontrait des clients ayant ce don. Elle devait avouer qu’il était pratique. On déposa une tasse fumante devant elle ainsi qu’une clef numérotée. Djinshee eut presque un mouvement de recul devant la boisson, mais fit mine de mettre ça sur la faute de la surprise. Elle remercia l’homme d’un nouveau sourire et d’une main entoura avec précaution la boisson. Elle se pencha avec une certaine méfiance pour l’examiner. Elle aurait été au bord d’un ravin, son geste aurait été similaire. Elle ne cacha pas spécialement sa joie. Super. Du… thé… Youpi. Par tous les Dieux, qu’est-ce qui lui avait pris de prendre une boisson ? C’était toujours ce qu’elle se disait après avoir commandé. Bon sang… Au moins, c’était chaud, ça compensait plus ou moins l’idée de savoir qu’entre l’eau et sa main, il n’y avait qu’un pas… Elle compta jusqu’à trois avant d’enfin oser porter le récipient à ses lèvres. Il était brûlant… Ce qui était plutôt cool, non… ? Elle but une gorgée, et une flopée de mots défila dans son esprit. Bordel de… Aaaaah… Tu peux le faire, allez, BOIS c’est pas compliqué ! C’est vraiment… Gaaaaaaahhinsupportable… Stupide… Frissonne pas… ****** de *****, c’est horrible, c’est horrible… T’es qu’une *****, même pas foutue de BOIRE… débile… allez ******, *****, *******…

  Elle fut incapable de tout finir.

  Elle abandonna la table, la pauvre petite tasse à moitié pleine avec, et se dirigea vers sa chambre, à l’étage. Djinshee s’assit sur son lit. L’endroit était très confortable, chaleureux. Elle l’examinait dans ses moindres recoins. Toutes les chambres devaient être conçues à l’identique, à moins qu’elle ne fût tombée dans le mauvais village. Enfin bon. Elle ouvrit la petite pochette qui pendait à sa ceinture et rouvrit la main devant elle. Le petit chevalier se redressa, brandit son épée, fin prêt à recevoir ses ordres.

  -Files repérer la chambre de ce Dante. Lui souffla-t-elle.

  Sur ce, elle le posa par terre et comme convenu, il fila.

  Djinshee était allongée sur le lit, les yeux grands ouverts. Elle avait sans s’en rendre compte posé la main sur son épée double, qu’elle avait baissé à sa ceinture. Elle n’avait pas retiré sa cape. Elle ne comptait pas le faire. Elle soupira doucement. Si ce n’était pas là, il avait intérêt à être dans le coin, sinon… sinon elle ne le tuerait pas. Elle sentit une pression sur son épaule. Elle tourna la tête vers le petit chevalier puis se redressa. Il gesticulait. Il n’avait peut-être pas le don de parole, mais avait un certain talent pour la langue des signes.

La montagne de l'edelweiss enneigée, un lieu qui finalement commençait à être relativement habituel et régulier pour Dante. L'homme avait de nombreuses fois fait voyage jusque-là et avait de plus, de nombreuses fois élu domicile dans sa nature ou même comme en cette soirée, dans une de ses auberges au cours des quelques villages qui bordait la montagne. Avec du temps, le vampire avait appris à apprécier ce genre d'endroits, les frileux n'étaient pas les bienvenue et pour lui, c'était un endroit qui était devenu de prédilection. Il avait bien entendu parler de quelques événements malheureux arrivant de temps en temps et il avait appris à ignorer les rumeurs sur la montagne. Il n'était pratiquement pas vu ni rencontré par personne qu'il ne souhaitait pas voir, ce qui faisait de lui un homme dont on ne parlait qu'en rumeurs. C'était tant mieux, car cela inspirerait probablement un peu de crainte des habitants du coin et le laisserait tranquille pour ses entraînements et voyages au sein de celle-ci. Du moins, c'était ce qu'il comptait depuis des années. Jusqu'à ce que récemment, des attaques vinrent à atteindre la montagne. Les villages étaient ainsi en proie à une confusion totale et cherchait péniblement un coupable à cette histoire.

Sans faire un plus un égal deux, le vampire devina rapidement que de par sa réputation et ceux qui pouvait le connaître, il risquait d'être vu comme un suspect potentiel. Mais comme à son habitude, il n'était pas du tout du genre à venir se confier et confirmer ou infirmer les dires de gens qui possédaient de tels fantasmes. Dans sa tête et sa logique, s'il avait voulu attaquer qui que ce soit, il n'aurait laissé aucun témoin et ne serait probablement pas incriminé aujourd'hui. Il aurait plutôt porté la faute sur quelqu'un d'autre que lui, c'était là l'art d'un vampire, de manipuler la façon de penser des gens. Même pour un bouc émissaire.

Rapidement, il passa de suspect à bouc émissaire évident. Il était vrai qu'à force de traîner dans le coin depuis très longtemps, les rumeurs filaient bon train sur un vampire dans les environs. Il était difficile de réfuter ses origines: un regard rubis qui s'offrait depuis ses yeux, ou du moins son œil droit, puisque le gauche était défectueux depuis la guerre. Il fut quelque peu insulté par cette soudaine attitude d'ailleurs, être traité en paria l'ennuyait, mais d'habitude, le personnage taciturne et peu social qu'il était gardait cette impression sauvage et indomptable. En effet, il ignorait totalement les accusations, qui étaient fausses bien entendu, sur de prétendues attaques qu'il aurait orchestré. Un loup solitaire comme lui n'avait nul besoin de quiconque pour attaquer des villages de montagne. Mais il n'était pas stupide, les jours passant, il comprit que les attaques deviendraient plus que verbales à son encontre. Ils risqueraient peut-être même de mettre un prix sur sa tête. Cela ne saurait tarder.

C'était au courant d'une de ces nuits, qu'il s'était glissé au sein d'une auberge, sans discrétion aucune. Quoi de mieux pour attirer ceux qui le chassait, que de les amener à un point qu'il pouvait préparer ? Il préférait cela que fuir. Non, lui, n'était pas de ce genre là. S'il feignait de s'être vite réfugié dans sa chambre pour se reposer, en vérité, c'était totalement faux. Il avait déjà adonné quelques pièges. Ayant précédemment acheté quelques fléchettes aux pointes renforcées, il l'avait enduit d'un petit poison paralysant acheté dans une boutique d'Avalon. Malheureusement, il n'allait plus en avoir suffisamment pour autre chose que ces fléchettes. Positionnant ainsi des dispositifs visant avec des longs fils, l'entrée d'un individu dans la pièce. Si quiconque passait par les fenêtres ou la porte, des fléchettes seraient propulsées vers la personne qui pénétrait ces lieux. Pour ne pas manquer le clou du spectacle, le vampire resta ainsi dans la chambre, laissant ainsi à ceux disposait de pouvoirs sensoriels ou capable de détecter la chaleur présente dans la pièce: la sienne. S'il capturait un de ces individus qui le traquait, il pourrait aisément remonter jusqu'à celui qui avait lancé cette traque sur lui. Ce qui voulait dire, qui l'avait accusé d'être l'auteur de ces crimes. C'était une piste potable et ainsi, lui permettrait de traquer cet individu et l'éliminer: c'était lui l'auteur de cette sottise.

770 mots.

Bonne nouvelle : il était là. Djinshee sourit un peu. Parfait. A vrai dire, elle n’avait pas imaginé le trouver si rapidement. La première partie de sa mission était donc un franc succès. Elle espérait que la suite ne serait que meilleure. Elle demanda des précisions sur la chambre – si elle était similaire, on ne savait jamais, et surtout, où elle se trouvait – ou sur ce qu’il faisait. Le petit chevalier semblait avoir beaucoup à dire, voire trop puisque tout cela finissait par ne plus être mimable. La jeune femme chercha dans ses affaires. Elle lui tendit un crayon et un morceau de parchemin. C’était au moins deux fois trop grand pour lui mais c’était tout ce qu’elle avait. Ne sachant pas écrire, il dessinait. Ses traits étaient irréguliers et maladroits, mais elle gardait son calme et prenait le temps d’analyser. Elle ne comprenait pas bien ce qu’il tentait de lui dire. Disons qu’il dessinait des triangles, reliés à des carrés par des traits. Ca n’avait aucun sens. Elle le laissa tout de même finir. Lui semblait plutôt fier de sa représentation. Elle pointa chaque élément du doigt, commençant par les carrés. Il fit un tour sur lui-même puis désigna la porte et la fenêtre. Pour les triangles, il tenta d’abord un mime, puis brandit sa petite épée. Il la planta dans le papier et la montra. Djinshee inspira. Elle n’était pas sûre de tout comprendre…

Best piège ever:

  Elle réfléchissait, tout en fixant l’obscurité à travers la fenêtre. Elle avait encore du temps, mais il ne fallait pas qu’elle tarde trop non-plus. Alors, il aurait installé des pièges ? Quel genre de piège ? Elle ne savait que ce qu’elle avait compris. Il y avait des sortes de pics, des objets blessants du moins, reliés à la porte, et éventuellement à la fenêtre. De toute façon, elle n’avait pas compté passer par là. Il lui fallait juste trouver un moyen soit pour déclencher le tout sans se faire toucher, soit pour le neutraliser. Elle ne le laisserait pas filer. Elle baissa les yeux vers le chevalier, qui était aussi immobile qu’une statue. C’était risqué, mais pour ce soir, elle ne voyait que ça…


  Le couloir était sombre. Tout le monde dormait ou presque. Djinshee semblait être la seule personne vivante dans les parages. Elle était enveloppée de sa cape, et l’avait nouée de façon à ce qu’elle ne la gêne pas dans ses mouvements. Elle marchait doucement, concentrée sur la tâche difficile qu’était celle de ne pas trop faire grincer le bois. Ses yeux s’étaient suffisamment habitués à l’obscurité pour qu’elle puisse discerner les masses noires de la matière. Elle frôlait le mur du bout du doigt pour repérer la porte de sa victime. Elle n’était pas très loin… Elle sentait de l’excitation, mais surtout du stress monter en elle. Ses lèvres formèrent le chiffre quatre lorsqu’elle rencontra l’un des gongs métalliques de La porte. Elle se baissa, s’assit, la main en appui pour se préparer à bondir. Elle ouvrit l’autre, dans laquelle elle serrait depuis qu’elle était sorti de sa chambre le soldat miniature. Il était l’heure… Elle souffla en silence. Ca allait bien se passer. Elle l’avait déjà fait quelques fois – et pire, il n’y avait pas de raisons que ça foire. La statuette bougea dans sa main et elle la laissa descendre. Elle savait ce qu’elle avait à faire. Elle s’était en moins de deux glissée sous la porte.

  Djinshee attendit une éternité. Elle commençait à douter, vraiment, quand elle entendit un premier bruit sec. Elle souffla une nouvelle fois pour se détendre. C’était parti… Le chevalier coupa le fil de la seconde fléchette dans la minute, puis la troisième, et ainsi de suite dans des intervalles de temps toujours différents. Le bruit n’était pas fort, c’était juste un petit « tac » ressemblant vaguement aux craquements du bois lorsqu’il travaillait. Normalement, pas de quoi réveiller grand monde, à moins d’avoir un sommeil très léger, ou d’être complètement stressé… ce qui devait être le cas de la victime, pour se protéger ainsi. La jeune femme se massa brièvement une tempe. Il ne fallait pas qu’elle pense comme ça. Elle remarqua que cela faisait un moment qu’elle n’avait plus rien entendu. Il devait avoir fini. Elle se leva, tandis que sa télékinésie se chargeait d’ouvrir la porte avec plus de souplesse qu’elle ne l’aurait sûrement fait à la main. Elle se glissa dans l’entrebâillement. Sa magie était au rapport, prête à la seconder. Son cerveau avait une main sur l’ombre pour pouvoir la déployer à tous moments. Elle mordit soudain son poing. M*rde m*rde m*rde ! Un truc dans le bras, elle avait l’une de ces p*tains de c*nn*ries dans le bras. Qu’est-ce que le chevalier avait foutu ? Qu’est-ce qu’il y avait dans ces fléchettes ? Elle espérait qu’elle ne venait pas de se faire empoisonner à mort. T’en n’as pris qu’une sur au moins cinq, c’est rien, dépêches-toi ! Elle mourrait d’envie de s’enflammer, au moins pour faire disparaître la sensation désagréable de la piqûre. D’autant plus que le projectile restait bien planté dans son bras, même avec sa couche de vêtements et sa cape, et qu’elle dirigeait maintenant sa main vers son poignard… En silence, elle s’avança vers le lit. Elle discernait la silhouette immobile, allongée dessus. Elle y était. Son cœur battait à toute allure. Elle retenait sa respiration. Vite ! Avant que le potentiel poison ne prenne le contrôle de son corps. Vite ! Elle dégaina son poignard et le brandit, juste au-dessus de sa gorge…

Précisions <3: