Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

Partagez
 

 Le bouc émissaire | Quête Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Lun 04 Jan 2016, 23:09

Du bout des doigts, je jouais avec un morceau de pierre, légèrement fendu à son centre, le regard soudain vide d’émotions. La poussière s’étant accumulée sur la surface du caillou, ma peau se salissait, prenant une couleur grisâtre avant que, d’un mouvement qui semblait agressif, je jette la pierre au loin, la déposant une nouvelle fois parmi les débris qui jonchaient le sol – là où s’était tenu mon logement –, s’étendant jusqu’à la rue qui leurs faisait face. Lentement, je me redressai en époussetant mes habits couvert de saletés, jetant à peine un autre coup d’œil aux ruines qui trônaient devant moi, faisant rapidement demi-tour, l’indifférence collée à mes traits. Je ne ressentais pas la colère, je ne ressentais pas infime pointe de tristesse : même à ce moment, quand j’avais découvert que cet endroit s’était effondré lorsque j’étais revenu en Aeden, n’ayant pas eu la chance de résister aux tremblements de terre qui avaient secoué la Cité, aucun sentiment n’avait réussi à se démarquer dans ma tête. Rien, à part le vide. «… Scott? » Je pouvais entendre les pas de course de la jeune Ange claquer derrière moi, mais je ne m’arrêtai pas, poursuivant ma marche dans la ruelle comme si de rien n’était – ou presque. Car, en dépit du fait que je semblais vouloir, ni plus ni moins, l’ignorer, je pris toutefois la peine de ralentir un peu le rythme, lui offrant ainsi une possibilité de me rattraper si elle le souhaitait vraiment. Ce fut ce qu’elle fit d’ailleurs, enjambant à vive allure et à perte de souffle les mètres qui nous séparaient l’un de l’autre, venant aussitôt me barrer la route pour que je sois forcé de rester immobile. Au fond de ses yeux, l’incompréhension luisait : comme si mes actes avaient, pour elle du moins, perdu tous leurs sens.

L’Ange voulut déposer une main réconfortante sur mon épaule mais, je ne lui en laissai pas l’occasion, me soustrayant de sa paume d’un geste vif. Peu après, la jeune femme poussa un long soupir, paraissant exaspérée et vieillie de quelques années en plus. « Est-ce que ça va? » Me demanda-t-elle en écartant une mèche rebelle qui lui était tombé sur les yeux au moment de sa course. Je la fixai longuement. « Oui. » Finis-je par répondre en haussant des épaules, brisant le silence qui s’était immiscé. Brethil croisa les bras. « Je ne le crois pas, non. » Ce fut à mon tour de soupirer. « Tu es troublé et ça se voit. Je n’ose pas imaginer à quel point ça a été douloureux pour toi de revenir et t’apercevoir que ton toit s’est effondré. » - « Je le sais très bien, merci. » Répliquai-je avec sarcasme en roulant des yeux mais, Brethil ne le nota pas. Adoptant aussitôt un ton plus doux, l’Ange se pencha vers moi pour obtenir toute mon attention, ses iris reflétant à présent l’inquiétude qui sévissait en elle. « Je suis désolée. » Je tentai de la contourner, mais elle ne me laissa pas faire. « S’il te plaît, écoute-moi. » Sa voix se faisait de plus en plus insistante : la jeune femme ne me lâchait plus des yeux. « Allons chercher de l’aide! Je suis certaine que quelqu’un acceptera de nous donner un coup de main. Nous pourrions demander à un Élémental de Terre de…  » - « Il en ait pas question. » La coupai-je, énervé. « Laisse-moi  un peu tranquille. » - « Mais j’essaie de t’aider! Pourquoi refuses-tu toujours mon aide? » Je croisai les bras, détachant mon regard du sien. « Parce que je suis capable de me débrouiller seul. » Sans attendre de nouvelles protestations de sa part, je repris ma route à grandes jambées, ne voulant plus que mettre le plus de distance possible entre elle et moi. Cependant, aussi surprenant que cela puisse paraître, Brethil me suivit en s’adaptant à l’allure de ma cadence alors que, visiblement, c’était beaucoup trop rapide pour elle. Son souffle devint rauque et saccadé, les muscles de ses jambes semblaient épuiser toute son énergie, mais l’Ange ne s’en démordait pas encore, souhaitant à tout prix me rejoindre.

« Où te rends-tu comme ça? » Posa-t-elle entre deux respirations irrégulières. Je me retournai pour lui faire face à nouveau. « Ailleurs. » Lui dis-je en toute simplicité. Brethil se redressa légèrement, un éclat mystérieux flamboyant au sein de ses iris azurs. « Ce n’est pas une réponse. » J’haussai des épaules, indifférent face à ses mots. « Pour moi si, ça l’est. » Elle s’avança vers moi à grands pas, la main tendue : cette fois-ci, je ne bronchai pas, la laissant placer agripper ses doigts autour de mon bras. « Pourquoi n’irais-tu pas revoir tes parents dans ce cas-là? Je suis sûre que… » - « Jamais. » Elle ne pouvait pas savoir : elle ne l’aurait pas pu puisque je ne lui en avais jamais parlé. Mais cette idée à elle seule… me donnait envie de vomir. J’eus aussitôt fait de cacher la grimace de dégoût qui se dessina sur mes traits, ne voulant pas qu’elle s’aperçoive de quelque chose et commence à se poser des questions. C’était la dernière chose que je souhaitais qui arrive. « Alors où veux-tu te rendre si tu ne veux pas rester à Aeden? » S’impatienta l’Ange qui avait de plus en plus de misère à contrôler l’inquiétude qui grimpait dans son esprit. « Je n’en sais rien. » Finis-je par lui avouer. « …Mais je veux pas rester ici. » - « Pourquoi? » Je baissai les yeux, serrant les dents et les poings. « Je n’aime pas cette ville. » Je marquai une légère pause durant laquelle je relevai la tête, ancrant de nouveau mon regard dans pupilles. « Pour être honnête, je ne l’ai jamais aimé. » Brethil n’y comprenait absolument rien. Les questions demeuraient en suspens dans sa tête, cherchant les réponses sans jamais les trouver. « Si je suis venu habiter ici… c’est parce qu’on ne m’a pas laissé le choix. » Et parce que je ne savais pas où aller pour me refugier. Cependant, je m’abstins bien de lui formuler cette pensée. Ce que l’Ange ne savait pas à propos de moi, c’était que, en dépit du temps qui s’était écoulé… je n’avais pas encore accepté ma condition. Je ne me sentais rattaché à rien ici! Que ce soit au niveau de la culture, de la langue, des traditions… je ne me considérais même pas comme un véritable Élémental. J’avais une envie irrépressible de prendre un peu d’air, de me détendre l’esprit. Et si Brethil ne le comprenait pas encore du même point de vue que le mien, et bien tant pis. « Allons-nous-en. Si tu veux rester, je t’en empêcherais pas. » Il eut un long silence qui s’étendit sur une minute entière avant que l’Ange finisse par reprendre la parole. « …Ça ne t’ai jamais venu à l’esprit qu’en essayant, tu pourrais finir par l’apprécier? » Dit-elle en resserrant son emprise sur mon bras. Je voulus me débattre pour me défaire de sa poigne, mais la jeune femme ne m’en laissa pas la chance, m’entraînant jusqu’à un banc situé à proximité où elle me contraignit à m’assoir, sans toutefois manquer de douceur à travers ses gestes – à moins que ce soit moi qui ne lui ait opposé aucune résistance à ce moment-là.

Debout, faisant face à mes iris qui ne reflétaient qu’une frustration grandissante, la jeune femme posa les mains sur ses hanches, me regardant avec une certaine sorte d’empathie, balayant une mèche de ses cheveux dorées derrière son oreille. « Alors? » Dit la jeune Ange. Elle attendait avec calme et patience que je lui fournisse une quelconque réponse. Je ne baissai pas les yeux, gardant le contact comme si je tentais de la provoquer. « Non. » Elle ouvrit ses bras en grand. « Pourquoi ne pas tenter le coup dans ce cas? » Un soupir franchit mes lèvres. La situation commençait sérieusement à m’agacer. « Parce que j’en ai pas envie. » L’expression de l’Ange se décomposa, désolé. Pourquoi s’obstine-t-il autant? Songea Brethil en se mordillant la lèvre inférieure. Me voir ainsi devait lui paraître insupportable. « J’ai l’impression que tu n’as jamais envie de faire quoi que ce soit. » Ses mots ne m’atteignaient plus. « Mais un jour, il te faudra bien trouver quelque chose qui te plaît, quelque chose qui te tienne à cœur pour te permettre d’avancer. » Je levai les yeux au ciel, exaspéré. N’y avait-il pas un moyen dont je pouvais me servir pour mettre fin à cette conversation? Ça m’énervait tant… « Et je veux pouvoir être celle qui puisse t’y aider. » Brethil serra les poings. « Je ne suis pas ton ennemie. » L’idée sonnait trop stupide à mes oreilles pour que je ne puisse pas réagir. « Je sais bien. » - « Alors pourquoi tu sembles agir comme si je le suis? » Je ne lui répondis pas. « Je m’excuse si mes mots semblent durs, mais enfaite je… je n’arrive pas à te comprendre! Il y a des moments où tu sembles manifester un intérêt… mais à la seconde suivante, c’est comme si tout est oublié! » Brethil marqua une pause pour reprendre son souffle. « On dirait que tu essaies constamment de fuir, mais que tu hésites encore sur la méthode à prendre pour le faire. » L’Ange n’était pas supposé savoir la moindre chose sur ça et pourtant… Elle parvenait à se rapprocher de la vérité avec une telle aisance que, pendant quelques secondes, j’eus vraiment peur qu’elle réussisse à toucher au but. Ces problèmes ne regardaient que moi – et seulement moi. S’il y avait un événement que je ne voulais pas qui se produise, c’était qu’elle finisse par le deviner et commence à s’y mêler.

« Je ne fuie pas. » Protestai-je aussitôt cependant, ma voix manquait énormément de conviction. Mes faiblesses commençaient à s’exposer, mes défenses semblaient s’effondrer. Je détournai les yeux pour échapper à ce regard saphir qui ne voulait plus me lâcher. Ça m’énervait qu’elle ait pu si facilement lire en moi comme dans un livre grand ouvert, m’exposant avec adresse. Je commençais à me demander si c’était également ce que tous pensaient, ressentaient lorsqu’ils me regardaient. Manquais-je à ce point de force pour ne pas être capable de protéger adéquatement mon esprit? Je ne le savais pas. Je ne le saurais probablement jamais. « Arrête de te voiler la face. » Une soudaine vague de colère déferla en moi, manquant d’enflammer l’ensemble de mon corps tant elle fut violente. « Qu’est-ce que t’en sais hein? » Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent, hébétés. « Pardon? » - « Sais-tu seulement ce que ça peut bien faire d’être devenu… quelque chose que je déteste et qu’on m’a appris à détester? » Le silence s’immisça, lourd. « Non. » Avoua-t-elle en rivant les yeux au sol, sous le choc. Alors que la conversation se prolongeait, Brethil se rendait à présent compte du peu de choses qu’elle connaissait sur moi : sur ma vie, sur mon histoire. Mais une certitude demeurait dans sa tête. « Mais ça ne reste qu’une question de choix au final. » - « Mais quels choix? » Demandai-je d’un ton exaspéré. « Il n’y en a jamais eu. » - « C’est faux et tu le sais. » Renchérit la jeune femme. « C’est toi – et toi seul – qui a choisi d’haïr ce que tu es. Tu n’es plus Magicien mais tu continues à  rejeter l’Élémental. Que crois-tu qu’il restera de toi? » - « Aucune idée. » L’air de la ville m’étranglait. « Je veux t’aider à le découvrir. Je veux que tu te trouves une identité, un pilier sur lequel tu pourras te raccrocher. » Le vent gagna en intensité, soufflant férocement dans sa chevelure d’or. « Je veux que tu saches enfin qui tu es. » J’haussai mollement des épaules, voulant paraître indifférent. « Si tu veux… » Mais Brethil ne se laissa pas prendre au jeu, secouant la tête avant de prendre un air sérieux. « Ce n’est pas pour moi que tu dois le faire Scott. » - « Mais pour moi-même, je sais. »

C’était l’une des rares choses dont je pouvais, d’ores et d’avance, démêler de mes doutes et hésitations.

1 975 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 06 Jan 2016, 02:20

Me levant lentement du lit, l’esprit à demi-éveillé,  je plissai aussitôt les yeux pour me protéger de la lumière aveuglante du soleil, plaçant la main en visière sur mon front pour me donner un peu d’ombre. Je poussai un long bâillement en étirant mes muscles endoloris, avant de jeter un coup d’œil au paysage qui se dessinait derrière la fenêtre. La neige tombait en gros flocons sur les toits des maisons de ce minuscule village et, malgré le ciel saturé de nuages gris et menaçants, les rayons matinaux parvenaient à se faufiler entre les brèches, dont plusieurs me frappaient au visage en ce moment même, devenant légèrement agaçants au fur et à mesure que mon corps s’activait à se réveiller. La nuit avait été particulièrement longue, et surtout éprouvante, après que nous – Brethil et moi – avions traversé les montagnes de l’Edelweiss Enneigée, peu après avoir quitté l’atmosphère suffocante d’Aeden en traversant le portail de la Cité qui nous avait mené jusqu’à un second, ici, aux pieds de ces gigantesques montagnes froides et hostiles. Ne souhaitant pas rester là à geler sur place, nous avions emprunté – au hasard, sans vraiment savoir où nous diriger exactement – l’un des nombreux sentiers qui zigzaguaient vers les sommets de ces monticules de roches glacés. Nous avions marché jusqu’en fin d’après-midi, à la cherche d’un endroit  dans lequel nous pourrions se reposer, avant de tomber sur ce petit village pris entre deux montagnes où nous nous étions immédiatement endormis dès que nous avions touché les draps de leur modeste auberge – sans même avoir pris la peine de se mettre quelque chose sous la dent préalablement. D’ailleurs, mon estomac ne se privait pas de me le rappeler, poussant un grondement sourd alors que je posais les pieds sur le plancher en bois, froid, en essayant de me débarrasser mes vêtements de ces faux-plis qui les recouvraient, n’ayant pas enlevé mes habits pour dormir.

Du revers de la main, je tassai les mèches rebelles qui me tombaient au visage, insipirant profondément, avant de me décider à aller ouvrir la porte, manquant de frapper la jeune Ange avec, qui m’attendait de pieds fermes de l’autre côté, les bras croisés. « Tu es enfin réveillé! » S’exclama-t-elle en guise de bonjour. « Bon matin à toi aussi hein. » Rétorquai-je, sarcastique, en me frottant les yeux. Brethil baissa la tête, paraissant soudainement honteuse. « Excuse-moi, j’ignore où sont passés mes bonnes manières. » Sa tête se redressa tandis qu’un petit sourire enjoué s’arquait sur ses lèvres. « As-tu bien dormi? » Je refreinai un bâillement. « …Ouais. » La Blonde commença à jouer, nerveusement, avec l’une de ses mèches de cheveux, embarrassée, comme si elle hésitait à ouvrir de nouveau la bouche, mais son regard ne me lâchait pas. À vrai dire, je savais déjà d’avance de quoi elle voulait discuter, me souvenant que trop bien de la conversation que nous avions eue à Aeden avant de venir ici. C’était la première fois d’ailleurs que je lui adressais la parole depuis notre départ précipité de la ville élémentale, ayant conservé une sorte de rancœur à son encontre pour m’avoir ainsi dévoilé, même en sachant si peu de choses sur moi. Je n’appréciais pas qu’on m’expose de cette manière – si facilement qui plus est – en levant le voile sur toutes les faiblesses que je m’efforçais de cacher aux yeux de tous… Cependant, depuis que Brethil l’avait fait, depuis qu’elle avait tout deviné, je me sentais étrangement plus vulnérable, comme si sa simple présence pouvait réussir à me faire basculer et perdre tous mes moyens. Ainsi, je l’avais délibérément ignoré, accentuant – contre mon gré – le fait qu’elle avait entièrement raison lorsqu’elle m’avait accusé de vouloir chercher désespérément un moyen de fuir, sans savoir lequel je devais réellement adopté. Mes traits s’assombrirent, énervé d’y avoir repensé.

Me reposer un peu m’avait, certes, aidé à calmer mon esprit à bloc et le bouillonnement de mon sang, mais, à vrai dire, le ressentiment que j’avais ressenti ne s’était pas encore tout à fait envolé : c’était entre autre pour cela que je n’encourageais pas l’Ange à reprendre la discussion là où nous l’avions laissé, me contentant simplement de lui renvoyer son regard sans piper le moindre mot. Le poids de mes yeux semblait la mettre de plus en plus mal à l’aise et pourtant, ça ne l’empêcha pas de poursuivre le cours de ses mots, s’obstinant à garder la tête haute, ancrant plus intensément ses pupilles azurs dans les miennes. « Je tiens d’abord à m’excuser si certains de mes propos t’ont blessé. » Brethil semblait sincèrement désolée mais, en vérité, elle avait simplement mal interprété les causes qui expliquaient cette attitude que j’avais adoptée à son égard – et ce n’était pas plus mal non plus pour moi. J’esquissai un léger sourire, toujours sans dire un seul mot, attendant avec calme la suite des choses. « Mais… Il y a quand même quelque chose qui me chiffonne. » Je levai les yeux au plafond. Évidemment. « J’aurais simplement une seule question à te poser et… s’il te plaît, ne me répond pas « je ne sais pas. » ou quelque chose du même genre. » Il y avait tant de pensées qui s’embrouillaient dans ma tête, tant d’événements qui se produisaient que je ne comprenais pas moi-même, que je n’arrivais pas à lier ensemble sur quelque chose de concret que… que je ne pouvais pas lui donner la certitude que j’y parviendrais. « Je peux pas te le promettre. » Lui dis-je finalement en croisant les bras, m’appuyant sur le cadre de la porte. L’Ange poussa un soupir, semblant lassée par toutes ces histoires. « Je voudrais que tu essaies quand même. » Elle prit une courte pause. « C’est pour toi que je le fais après tout. » Brethil sourit, tentant de son mieux de me mettre en confiance. Pourtant, je commençais à en avoir marre de tous ces trucs, de tous ces actes que je devais accomplir pour moi-même, encore et encore.  Je ne savais jamais à quoi il fallait que je m’attendre à recevoir dans ces cas-là et… ça me frustrait énormément de ne pas pouvoir être en mesure de le deviner. J’avais cette désagréable sensation que tout me glissait entre les doigts, que toute la situation m’échappait : je ne contrôlais absolument plus rien et je détestais ça. Serrant les poings, grinçants des dents, j’en avais même oublié la faim qui me tordait l’estomac, ne ressentant qu’une crainte mêlée à une vague de colère parcourir mes veines comme du poison mortel, guettant impatiemment les mots qui sortiraient de sa bouche.

« Pourquoi as-tu choisi de te rendre dans ces montagnes? » La jeune femme se reprit presque aussitôt, se raclant la gorge avant de venir développer sa pensée. « Je me demandais juste… qu’espères-tu découvrir ici qui puisse t’apprendre ou t’aider à comprendre pour pouvoir… trouver ton identité? » Elle eut une légère hésitation. « Qu’est-ce que cet endroit représente pour toi? En quoi t’inspire-t-il? » Je ricanai. « Ça fait plus d’une question. » Le visage de la Blonde se colora de rouge. « Je le sais bien! Mais j’insiste à obtenir ces réponses. …N’oublie pas que je fais tout cela rien que pour t’aider. » Je me craquai les doigts, me dégageant de son regard curieux, portant abruptement attention aux odeurs qui se faufilaient hors des cuisines, faisant gronder une seconde fois mon ventre affamé. « Ça te dérangerait si on en parle en même temps de manger? Je crève de faim. » Brethil haussa un sourcil, comme si elle essayait de séparer le piège de la vérité, mais les plaintes de son estomac vide eurent aussitôt fait de la convaincre rapidement d’accepter mon offre alléchante. « D’accord. Mais tu m’en parleras, OK? » S’enquit-elle en me toisant avec sérieux. Je hochai de la tête. « Je t’le promets. » J’avais la ferme intention de lui prouver que je ne fuyais pas – que je ne fuirais plus. À pas rapides, nous dévalâmes le petit escalier qui menait à la salle à manger de l’auberge, avant de s’assoir à une table vide à côté d’une fenêtre qui nous donnait une belle vue sur le paysage blanc, commandant chacun à notre tour un plat. Puis, nos regards se recroisèrent à nouveau, semblant s’affronter au cœur d’une lutte silencieuse. La jeune Ange se pencha, une étincelle paraissant presque agressive luisant au fond de ses prunelles bleues. « Je t’écoute. » Lança-t-elle en brisant le mutisme. Appuyant mes coudes sur la table, un nouveau sourire s’esquissa sur mes lèvres, alors que je resongeais aux questions qu’elle m’avait posé, y répondant une par une. « Si j’ai choisi de me rendre ici, c’est avant tout pour avoir la paix. J’ai pris la décision sur un coup de tête : n’importe quel autre endroit m’aurait convenu enfaite. » Brethil ne broncha pas. « Et comme j’ai fait ce choix sur un coup de tête, je n’ai rien de spécifique à y découvrir, à y apprendre ou je-ne-sais-quoi d’autre. » Nos plats finirent par arriver – beaucoup plus vite que je l’aurais cru. Le regard que le serveur nous jeta au passage me parut particulièrement méfiant, presque… colérique? Je ne saurais pas le dire avec une grande conviction, car aussitôt qu’il fut parti, je n’y portai plus d’intérêt, revenant ancrer mon regard au cœur de ceux de l’Ange qui n’avait même pas bougé, aussi immobile qu’une statue de pierre.

Il ne me restait qu’une seule réponse à lui fournir désormais, réponse que je m’empressai de formuler, ne voulant plus que cette conversation dure éternellement. « Et il est encore trop tôt pour dire si l’endroit m’inspire, mais j’avoue qu’on y est plus au calme qu’à Aeden. » Sans compter que son atmosphère ne m’étouffait plus – comme ça aurait sans doute été le cas si j’étais resté dans la grande Cité. « As-tu tenté de prendre un peu de recul et réfléchir à la situation? » Me demanda-t-elle après avoir gardé aussi longtemps le silence. Je haussai des épaules en prenant un air blasé. « Je pensais qu’à dormir, rien de plus. » Lui dis-je d’un ton désinvolte en faisant voyager mon regard vers les tables voisines. Mis à part un groupe de trois individus, le serveur et le propriétaire, il n’y avait personne. Cependant, tous paraissaient nous toiser d’un air froid et menaçant, chuchotant entre eux des murmures incompréhensibles à mon oreille – principalement à cause de la distance qui nous séparait – pointant à plusieurs reprises la table que je partageais avec l’Ange du menton. Ils semblaient être à cran, électrisant l’ambiance d’une tension si forte et si grande que je me surpris à demeurer inconsciemment sur le qui-vive, comme une proie se sentant menacée par le regard de prédateurs invisibles. « Qu’est-ce qui ne va pas? » Posa Brethil dont l’atmosphère pesante échappait complètement et pourtant… elle ne manquait pas une seule miette de la méfiance qui avait soudainement bondi dans mes veines, grimpant jusqu’à mon esprit tendu. Je ne répondis pas immédiatement à son questionnement, inspirant profondément pour tenter de calmer la fureur du Feu qui répondait à mon mauvais pressentiment, chatouillant ma peau, prête à se déchaîner si le besoin le demandait. « On s’en va. » Finis-je par lui lancer en me levant de la chaise. L’Ange écarquilla les yeux. « Quoi? Déjà?! Mais pourquoi? » Je l’entraînai dans mon mouvement sans plus attendre, ne prenant pas la peine de m’expliquer. « Qu’est-ce qui se passe à la fin? Qu’est-ce qui ne va pas? » Serrant son bras entre mes doigts, après avoir déposé quelques pièces d’argent – volées bien entendu –  aux côtés de nos assiettes à peine entamées, j’essayai de mener Brethil jusqu’à la porte. Cependant, la jeune femme, qui refusait de se laisser faire ainsi, décida de ne pas bouger. Ses yeux céruléens ne reflétaient que son incompréhension face à mon attitude changeante. « Je t’expliquerai plus tard. » - « Pourquoi ne pas le faire maintenant? » Je roulai des yeux, exaspéré par toutes ces questions. « Tu sens pas qu’il y a une tension dans l’air? Je crois pas qu’on est encore les bienvenus ici. » Le regard de la jeune Ange se porta vers la table où les cinq personnes se trouvaient avant de revenir vers moi. « Ne raconte pas n’importe quoi. S’il y a effectivement un problème, pourquoi ne pas aller leur demander directement ce qui se passe? »

Et, ni plus ni moins, elle alla les rejoindre, ignorant, une fois de plus, mes avertissements. Génial. Songeai-je, sarcastiquement, avant de suivre ses pas.

2 075 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 06 Jan 2016, 02:29

Dès qu’ils aperçurent l’Ange s’approcher de leur tablée, le silence tomba. Lourd et menaçant, l’hostilité de ces villageois en devenait presque palpable au toucher, venant me donner des frissons désagréables qui descendirent sur mon dos. Une étincelle grésilla sur ma peau, sentant un danger imminent, que j’eus aussitôt fait d’étouffer, essayant encore vainement d’apaiser mon esprit en pleine ébullition. Ces gens – particulièrement la femme et les deux hommes assis sur les chaises – paraissaient enragés, comme s’ils guettaient le moment opportun de nous bondir dessus, griffes et crocs dehors. « Brethil! » La jeune Ange m’ignora, continuant d’avancer vers le groupe comme si elle n’avait rien entendu. Je la rattrapai donc à grandes jambées, serrant mes doigts autour de son poignet pour l’empêcher d’aller plus loin. Elle tenta de se dégager, sans succès, avant de me toiser d’un air indéchiffrable. Je soutins son regard sans peine, resserrant – inconsciemment – toujours plus fort mon emprise sur elle. « C’est pas le moment de faire n’importe quoi. » Maugréai-je avec impatience, tendu. La jeune femme cessa soudainement de se débattre avant de murmurer : « Tu me fais mal. » Je la relâchai légèrement et, la seconde suivante, l’Ange se frottait le poignet après s’être sortie de ma poigne en avançant à grands pas vers ces personnes, semblant inconsciente de leur hostilité qu’ils nourrissaient à notre égard. Les yeux céruléens de Brethil voyagèrent alors du propriétaire de l’établissement, au serveur, jusqu’aux trois clients assis avant de revenir se river vers les miens. Une nouvelle étincelle s’était allumée dans ses pupilles, comme si elle se réveillait tout à coup d’un rêve, ressentant désormais l’ambiance sombre qui régnait dans l’auberge. Réagissant au quart de tour, la jeune femme essaya aussitôt d’apaiser la situation qui semblait sur le point de dégénérer, ne sachant plus vraiment trop comment agir : ça se passait beaucoup trop vite à son goût mais, portée par son désir de vouloir mettre fin à un conflit avant qu’il ait commencé, elle se lança, inspirant profondément. « E-Est-ce qu’il y a un p-problème? » Parvint-elle à balbutier. Le regard du serveur se fit plus dur. «  Effectivement, il y a un problème. » Lui cracha-t-il froidement au visage. « C’est bien, vous êtes venus par vous-même. Nous allons pouvoir en parler face à face. » L’homme aux cheveux bruns esquissa un pas vers l’avant alors que l’Ange en fit un vers l’arrière. Sans pouvoir me contrôler, ma main s’enflamma : elle aurait été rapidement suivie par le reste de mon corps si la Blonde ne m’avait pas jeté un regard suppliant pour m’interdire de faire quoi que ce soit.

« Je ne sais pas ce qui se passe, mais c’est un malentendu – ça doit l’être en tout cas. » - « Un malentendu? » La femme qui était assise se redressa d’un bloc, piquée à vif. « Figurez-vous que, la nuit dernière, des vols ont été commis. » Intervint le propriétaire de l’auberge en masquant à peine les traces de sa colère au fond de sa voix grave. Il marqua une courte pause, ses yeux verts plissés en deux fentes menaçantes. « Ça s’est passé quelques heures après votre arrivée. » Les iris de l’Ange devinrent littéralement aussi gros que des assiettes. « Quoi? Mais… » Elle s’interrompit, incapable de poursuivre, son choc étant si féroce qu’elle en avait perdu la voix. Je me permis donc de continuer à sa place, lâchant d’un ton aussi froid que le leur : « Et vous croyez vraiment que nous sommes les voleurs. » Ce n’était pas une question, mais une affirmation des faits. Le propriétaire croisa les bras, mais ce fut l’un des hommes assis qui répondit. « Non, nous en sommes persuadés. » - « C’est du délire! Pourquoi aurions-nous fait une chose pareille après que vous nous ayez si gentiment hébergés! » - « Voleurs un jour, voleurs toujours. » Lui rétorqua la Brune en arquant un sourire inquiétant. L’Ange paniquait complètement, s’arrachant presque les cheveux. Quelques larmes lui coulaient aussi sur les joues tandis qu’elle s’obstinait à vouloir prouver notre innocence, sa voix ayant rapidement pris des airs de supplications. « S’il vous plaît, croyez-moi! Je… Nous ne sommes pas des menteurs! » Je suppose que ce n’est pas à tous les jours qu’on peut accuser un Ange d’avoir commis un crime. Pensai-je, manquant presque de sourire face à l’ironie de la situation – mais ça ne dura pas très longtemps. Mon expression s’assombrit, alors que je sentais le dégoût grimper en moi, frustré qu’ils osent nous imposer une telle étiquette sans même avoir de preuves supplémentaires pour venir appuyer leur accusation. Mes nerfs étaient particulièrement plus à vif, sachant également que le vol était mon activité de subsistance principale et, de ce fait, me sentait principalement visé par leurs allégations. Je serrai les poings, écartant du mieux que je pouvais les flammes qui crépitaient sur ma main, ne voulant pas me laisser dominer par ma colère grandissante, prête à exploser comme un volcan. « C’est faux… » Chuchotai-je après avoir soufflé légèrement. Le serveur eut un sourire sarcastique. « C’est ça. » - « Je vis ici depuis plus de dix ans : je connais ce village comme le fond de ma poche! Je sais que personne n’aurait osé faire une chose pareille! » Renchérit le propriétaire suite aux paroles de son employé. « … À part des étrangers bien entendu. » Compléta la jeune femme en nous lançant un regard rempli de sous-entendu.

Voilà, j’avais atteint mes limites. Je n’en pouvais plus de les entendre nous dire des trucs pareils. Pressentant mes prochains actes, Brethil s’interposa aussitôt en hurlant : « Arrêtez! » Son cri, qui résonna si soudainement, suffit à m’immobiliser, surpris. « S’il vous plaît, ne vous battez pas. » Elle se retourna vers le propriétaire, le toisant de cet air indéchiffrable qu’elle m’avait offert un peu plus tôt. « Pouvez-vous seulement nous expliquer la situation? Je suis sûre que nous parviendrons à trouver un compromis pour régler ce problème. » - « Mais… » Allai-je protester, mais Brethil m’empêcha d’en dire plus, attendant avec calme et patience leur réponse. L’homme sembla d’un seul coup hésitant, jetant un coup d’œil aux quatre autres pour avoir leur approbation. Ce fut assez long cependant, ils finirent tous par hocher de la tête, malgré la réticence ou la méfiance qui luisait encore dans certaines paires d’yeux.  « La nuit de votre arrivée, Commença-t-il lentement. Il y a eu trois vols : l’un s’est passé dans mon auberge où on m’a pris de la nourriture, le second s’est déroulé dans la maison de Zachary où des objets de valeur ont été volés et le troisième, dans celle de Lucy et Jacob, où, en plus d’avoir dérobé des bijoux, on a également saccagé leur domicile. » - « Comment expliquez-vous que tous ces événements arrivent dès votre venue, hein? » S’époumona la dénommée Lucy en esquissant de grands gestes. Je la fixai froidement, énervé. « Mais on en sait rien, bordel! » S’apercevant que le ton montait de nouveau, l’Ange se sentit forcer d’intervenir une nouvelle fois. « Nous sommes vraiment désolés de tout ce qui vous arrive. » La Brune sembla sur le point de protester, aussi enragée qu’un animal en cage, mais son mari – Jacob – l’en dissuada d’un regard sous-entendu. « Mais s’il vous plaît, donnez-nous une chance de prouver que nous sommes innocents! » Le propriétaire parut hésitant, jetant un coup d’œil à chacun de ses amis pour avoir leur avis. Un long silence s’en suivit alors, pesant, avant que le nommé Zachary ne le brise en murmurant : « Qu’est-ce que vous en pensez? » - « Ils mentent, ça ne fait aucun doute pour moi. » Répondit spontanément Lucy en jetant un coup d’œil incendiaire à Brethil. « Pour moi, c’est clair aussi que se sont eux les voleurs! » Appuya le serveur en croisant les bras. « Je serais même prête à parier qu’ils sont aussi responsables des vols commis il y a trois jours! » ...Des vols? Commis il y a… trois jours? C’était quoi ce bordel?  « Tu parles des mêmes types qui ont volé le pain à Lisbeth? » - « Oui, exactement! » Brusquement, je fracassai mon poing sur la table, les faisant tous sursauter et, de ce fait, imposa un silence parmi eux. « Mais de quoi parlez-vous à la fin? » - « De vos précédents méfaits. » Répliqua Lucy comme une évidence.  Sans pouvoir le retenir plus longtemps, le feu explosa sur mon corps, dansant sur mes bras et au fond de mes yeux, menaçant. La jeune femme recula, étonnée par cette soudaine apparition alors que son mari se levait d’un bond, esquissant déjà un geste pour dégainer son arme. « Hé, arrêtez! On se calme! » Cria Brethil qui, malgré toutes ses reprises, tentait encore d’apaiser les étincelles de colère qui subsistaient, souhaitant régler ce conflit sans user de violence quelconque. Mais je n’en étais plus capable : j’avais besoin de satisfaire cette envie féroce de les frapper, tous, sans exception tant ils me mettaient les nerfs à vif. La jeune Ange le comprit rapidement d’ailleurs, se postant devant moi en chuchotant : « Vas prendre un peu d’air, d’accord? » J’inspirai profondément : les flammes ne disparurent pas, mais perdirent une grande partie de leur intensité, luisant faiblement sur les murs de l’auberge. « Ça va, je vais bien. » Finis-je par grommeler, ravalant avec difficulté la rage qui s’était accumulée dans mon esprit. Je regardai Jacob rengainer son arme, mais pas une fois, il ne me quitta des yeux.  Lucy, dont cette situation lui restait prise en travers de la gorge, gardait la bouche fermée, n’osant plus piper un mot, sous le choc. Le serveur, quant à lui, était sur le bord d’exploser alors que le propriétaire et Zachary se contentait de rester les bras croisés, attendant certainement la suite des choses. Profitant ainsi du calme qui régnait à présent dans les lieux, Brethil se permit de prendre la parole en leur posant une question toute simple : « Vous avez bien dit qu’il y a déjà eu un autre voleur ici? » Qui sembla les plonger dans un certain embarras. « …Oui, effectivement. Finit par marmonner le propriétaire. Il y a trois jours… » - « Mais depuis, il a cessé tous ses agissements! Le coupa son employé. Enfin, il avait cessé, jusqu’à ce que vous arriviez... » Les sous-entendus ne pouvaient pas être plus clairs, mais, pour moi, il était hors de question de les laisser continuer comme ça plus longtemps.

Et, justement, j’avais déjà ma petite idée en tête pour forcer ces gens à nous foutre enfin la paix avec leurs histoires. « Et n’avez-vous jamais pensé que ce voleur qui s’est " volatilisé " aurait pu profiter de notre venue pour reprendre de l’activité? » Leurs yeux s’écarquillèrent tous comme des soucoupes : comme je le pensais, l’idée ne leur avait jamais traversé l’esprit. C’était l’occasion idéale d’en profiter pour retourner la situation de notre côté. « Alors, supposons que ce voleur ne soit jamais parti de votre village et s’y soit caché... » - « C’est impossible! Ici, les étrangers se remarquent tout de suite! » M’interrompit le serveur.  Je roulai des yeux, agacé. « Laissez-le continuez sans l’interrompre s’il vous plaît. S’enquit timidement Brethil. Il pourrait bien tenir quelque chose de solide. » Je remerciai silencieusement la jeune Ange, poursuivant là où je m’étais arrêté. « …Vous avez bien dit qu’il avait volé du pain? » Ils hochèrent de la tête. « Quelle quantité? » - « Une seule miche. » Répondit Zachary. Je pris une pose pensive. « C’est très peu comme quantité. Surtout pour trois jours. » J’avais l’impression de me rapprocher de quelque chose de concret. « Peut-être que votre voleur a commencé à avoir faim et aurait profité de notre passage pour volé de la nourriture, en sachant que vous le croyiez parti alors que c’était pas le cas. » - « E-Et donc, aurait su que les premières personnes que vous accuseriez de ses crimes le lendemain seraient… nous? » Termina Brethil, choquée.  Le doute commençait à pointer dans le regard des villageois, mon hypothèse ne leur semblant plus si folle que ça maintenant qu’elle était mentionnée. Seuls quelques points restaient encore à éclaircir mais je sentais que je me rapprochais du but.

Ce n’était, désormais, plus qu’une question de temps.

1 977 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 06 Jan 2016, 19:08

« Mais il y a une chose que je ne comprends toujours pas. » Intervint Lucy qui n’avait pas ouvert la bouche depuis un certain temps. Je haussai un sourcil, curieux de connaître le fond de sa pensée, mais l’Ange, beaucoup plus rapide, s’exprima en premier.  « Et qu’est-ce que c’est? » La femme aux cheveux bruns plissa des paupières, pensive, avant de lever les yeux vers elle, ne semblant plus aussi confiante quant à notre théorie que ces autres compagnons. « Pourquoi vouloir cambrioler nos maisons s’il cherchait que de la nourriture? Ça n’a aucun sens! » - « Si, au contraire. » Lucy parut surprise. « C-Comment ça? » Encore une fois, je n’avais que des hypothèses à porter de main : à vrai dire, je n’étais sûr de rien, ne faisant que chercher avidement des liens pour pouvoir être capable d’imposer le doute dans les esprits assemblés ici. Après tout, je ne disposais que de ce moyen pour échapper à la situation problématique dans laquelle l’Ange nous avait embarqués en voulant bien faire, ne pouvant, désormais, plus reculer. « Quel aurait été son intérêt à vouloir rester ici? Il a sans doute volé ces bijoux dans l’intention de les revendre et pouvoir partir d’ici avec quelques sous en poche. » Cette fois, ce fut au tour de son mari de froncer les sourcils, sceptique. « D’accord, je l’admet, ça a du sens. Sauf que ça n’explique pas pourquoi il a saccagé notre maison mais pas celle de Zachary. » Même moi j’avais de la misère à comprendre le raisonnement de ce mystérieux voleur. Pratiquant moi-même cette activité pour subvenir à mes besoins, je ne parvenais pas à cerner les pensées qui auraient pu traverser la tête de ce gars pour en venir à ainsi perdre les pédales alors qu’il avait si bien réussi son coup dans le domicile de sa première victime. « Peut-être s’est-il passé quelque chose qu’il n’avait pas prévu une fois rendu dans votre maison? Tenta la jeune Ange en leur jetant un coup d’œil. Est-ce que vous l’auriez surpris entrain de commettre ses vols et répliquez contre lui? » D’un seul et même mouvement, le couple secoua négativement la tête après qu’ils se soient fixés durant quelques secondes. « Nous avons entendu du bruit. »Expliqua Jacob. « Mais lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait personne. Notre maison avait déjà été saccagée. » C’était assez étrange mais, pour le moment, j’ignorais encore qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir signifier. « Le vol a peut-être mal tourné? » - « Ou notre voleur est simplement débile. »

Le serveur, dont l’étincelle de méfiance et de colère n’avait jamais quitté ses deux pupilles, croisa les bras, arquant un petit sourire suffisant. « C’est bien beau tout ça, mais si vous voulez VRAIMENT prouver notre innocence, savez-vous au moins où trouver ce type? » Il insistait beaucoup à croire que nous étions les vrais criminels dans cette histoire et pour être honnête, ça commençait sérieusement à me mettre les nerfs en boule. À vrai dire, je ne savais même pas ce qui me retenait de le frapper, rien qu’une fois, histoire de défouler un peu la rage que j’avais accumulé en moi depuis le début de cette conversation hostile. « Non. » Avoua l’Ange dans un murmure. L’homme ouvrit alors en grand les bras, haussant exprès la voix pour que personne ne manque une seule miette de ses mots. « Vous voyez? Ils ne font que parler, mais ils n’ont pas de preuves de ce qu’ils avancent! Pour moi, c’est toujours clair : ils essaient seulement de nous embobiner. » - « Mais regardez qui parle là! J’vous signale que vous nous accusez aussi sans avoir de preuves! » Rétorquai-je en roulant des yeux, plus qu’exaspéré par son attitude d’hypocrite. Inconsciemment, les flammes que j’avais réussi à faire disparaître revinrent au galop, grésillant dangereusement au fond de mes yeux, symbole de la colère que j’essayais à grand peine de maîtriser. À chaque fois que les tensions semblaient s’abaisser d’un cran, c’était toujours pour reprendre de plus belle, comme si la situation était condamnée d’aller de pire en pire, se dégradant inlassablement au comble de la jeune Ange qui ne savait plus où donner la tête pour étouffer les dernières traces d’amertumes qui flottaient encore dans l’air de l’auberge. « J’ai une proposition à vous offrir pour régler définitivement ce malentendu. » Après avoir forcé son employé à reculer, le propriétaire afficha une expression curieuse à l’égard de la femme. « Qui est? » Brethil laissa une courte pause s’immiscer avant de reprendre, doucement, la parole. « Certaines choses ont été établies et qui serait profondément dommage d’ignorer juste comme cela. Voici ce que je vous propose : Nous allons essayer de trouver le véritable voleur et vous le ramenez ici. - « Je suppose que ça sera une preuve suffisante pour vous prouver notre innocence non? »

Ils s’échangèrent des regards incertains tandis que l’Ange sautillait d’un pied à l’autre, nerveuse : Allaient-ils accepter ou refuser leur offre? La jeune femme priait pour qu’ils puissent leur donner une chance de prouver la véracité de mon hypothèse. Il s’écoula plusieurs minutes durant lequel le silence se trouva une place, lourd, avant que le propriétaire de l’auberge reporte son attention sur nous, lançant avec lenteur : « Et si vous n’y parvenez pas? » - « On y parviendra. » Je voulais paraître confiant même si les doutes demeuraient bien présent dans mon esprit. « Nous sommes prêts à subir les conséquences le cas échéant. »Ne put s’empêcher de préciser l’Ange en les toisant de son regard rempli de détermination : elle ne reculerait devant rien, même en face de l’échec lui-même. Pourtant, pour ma part, je n’avais aucune intention de subir une quelconque conséquence. Si nous ne parvenions pas à attraper ce gars et bien… tant pis. Je n’avais aucun désir de m’attarder plus longtemps que nécessaire dans un endroit devenu si abruptement hostile à notre égard. Il n’y avait simplement pas un seul intérêt à agir de la sorte et peu importait ce que pourrait en penser Brethil, elle viendrait avec moi. « Alors pourquoi pas les subir maintenant? Nous ne faisons que perdre notre temps! » Se plaignit le serveur. « Shen, arrête. Ça suffit maintenant. » Puis, le propriétaire se retourna, nous toisant de son regard d’acier. « Je serais prêt à vous laisser une chance. » - « Moi également. » Approuva Zachary en se levant de sa chaise. Le mari de Lucy ne pipa pas un mot, mais son hochement de tête fut suffisant. Après quelques réticences, sa femme en fit de même sans toutefois oublier d’ajouter ses petites précisions au passage. « Je vous donne le bénéfice du doute, mais ne croyez pas avoir gagné ma confiance pour autant. » - « C’est bien noté. » Lui répondis-je avec une touche de sarcasme au fond de la voix. Elle était peut-être parvenue à se calmer légèrement depuis le commencement de la discussion, mais je me souvenais encore parfaitement de son attitude d’enragée qu’elle ne s’était pas gênée d’exposer. Qu’ils fassent confiance ou non m’importait peu – d’ailleurs, le contraire s’appliquait tout aussi bien même si je ne pouvais pas vraiment parler pour Brethil – car la seule chose qui m’intéressait, c’était de foutre mon camp le plus rapidement possible. Et si ces gens doutaient déjà de mes intentions, et bien… ça m’éviterait au moins de mentir sur mes véritables sentiments.

« Deux jours. »Commença l’homme baraqué en levant son index et son majeur en l’air. Hébétée, l’Ange écarquilla les yeux. « Je vous demande pardon? » S’enquit-elle d’une voix timide. L’aubergiste poussa un soupir, reprenant là où il s’était fait interrompre. « Nous nous sommes entendu à vous donner deux jours pour retrouver ce voleur. Ni plus, ni moins. » - « Si vous y parvenez, nous saurons enclin à croire en votre innocence. Poursuivit Lucy. Mais si vous échouez… je vais vous dire simplement de vous tenir prêts. Est-ce que c’est clair pour vous deux? » - « Oui, parfaitement. » Acquiesça Brethil en hochant vigoureusement de la tête.  « Alors allez-y maintenant. Le temps tourne… » Termina Shen d’un ton narquois. Son patron l’ignora, poursuivant comme s’il n’avait rien dit. « Je suis également prêt à me mettre à votre disposition si jamais vous avez besoin d’aide. »Mon regard et celui de l’Ange se croisèrent. « Par où vous nous conseillez de commencer? »Posa Brethil après quelques instants de silence. « Vous devriez aller faire un tour dans notre maison. Répondit Jacob en affichant des traits mystérieux et indéchiffrables. Il y a plusieurs choses intéressantes à y voir. » Lucy sursauta, paraissant soudainement perturbée par les propos de son mari. « Tu ne parles quand même pas de… ça? » Tous ces petits secrets jouaient dangereusement avec ma impatience que je sentais déjà me quitter. De quoi parlaient-ils maintenant? J’étais exaspéré par tous ces petits jeux auquel ils s’abonnaient depuis tout à l’heure. « Et qu’est-ce que c’est " ça " exactement? »Demanda la jeune femme blonde en haussant un sourcil, la curiosité piquée par le ton étrange qu’ils avaient tous les deux décidé d’adopter. Jacob la regarda, longuement, avant de lui fournir une réponse aussi évasive et distraite que ses traits de visage. « Je ne sais pas encore qu’est-ce que ça peut signifier, mais il serait préférable que vous y jetiez un coup d’œil par vous-même. » J’étais sur le point de protester, mais l’aubergiste fut plus rapide que moi. « Alors nous allons y aller de ce pas. » L’homme disparut pendant un court moment avant de revenir avec un large manteau de fourrure coincé sous le bras.

« J’aurais besoin de vos clés pour entrer dans la maison. » S’enquit-il en tendant la main vers Jacob, les réclamants silencieusement. Lucy balaya l’air de la main, esquissant un sourire triste qui se propagea sur l’ensemble de son visage, la faisant soudainement vieillir de plus de dix ans. « Ça ne serait pas nécessaire. » - « …Vous en êtes sûre? » Elle semblait presque vouloir se mettre à verser des larmes, reniflant bruyamment comme pour empêcher l’eau de s’écouler de ses yeux noisette légèrement rougi. Son corps se mit à trembler, parcouru de soudaines secousses qui, pouvant s’apparenter à des frissons de froids, n’en étaient pourtant absolument pas, la température de l’auberge n’enviant sans doute rien à celle de l’extérieur.  Cette histoire perturbait beaucoup plus la jeune Brune qu’elle en avait laissé paraître depuis le début et même si je ne ressentais pas grand-chose face à sa brusque manifestation de vulnérabilité, Brethil parut réellement toucher par détresse – malgré toutes les méchancetés et les accusations que cette personne lui avait balancées. Discrètement, je lâchai un soupir d’exaspération, ne comprenant en rien l’empathie de la Blonde pour des gens comme eux. C’était sûrement en raison de sa nature angélique, je supposai, portant inconsciemment mon regard vers l’horizon qui s’étendait derrière la fenêtre située à proximité.  Ce ne fut que lorsque la première goutte tomba que Lucy se décida enfin à reprendre la parole, serrant fortement la main de son mari sans toutefois lâcher des yeux l’aubergiste qui n’avait pas encore baissé la main qu’il tendait devant lui. « Oh, croyez-moi, ce voleur n’y a pas été de main morte.  » Il eut un silence. « Nous n’avons plus de porte à vrai dire. » Expliqua-t-elle en pleurnichant. Fronçant les sourcils, je pris une pose pensive. Je ne savais pas ce qui s’était passé là-bas la nuit dernière mais, à présent, j’avais comme un mauvais pressentiment. Connaissions-nous vraiment tous les éléments de cette histoire? Plus j’y pensais, plus je commençais à me persuader qu’un détail nous échappait – encore.

1 885 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 06 Jan 2016, 22:35

La journée, déjà bien amorcée, avait perdu ses rayons de soleil, chassés derrières les nuages gris qui, étouffant la moindre trace de lumière, plongeait les ruelles du village dans une légère obscurité. Les flocons  n’avaient pas cessé de tomber, se déposant au sol pour former une mince couche de neige qui couvrait presque tous les pavés de la route et pourtant, malgré le vent furieux qui soufflait, la température parvenait à demeurer agréable. Balayant la neige qui s’accumulait sur mes vêtements, j’attendais, en compagnie de l’aubergiste, la venue de Brethil, réfléchissant à cette théorie que j’avais élaboré pour gagner – même si ce n’était plus qu’une simple image qu’autre chose – leur confiance et ainsi nous offrir une chance de se sortir de cette impasse dans laquelle ils nous avaient si habilement coincés – si je pouvais l’exprimer comme ça. Lâchant un soupir énervé, je croisai les bras, faisant voyager mon regard sur les maisons qui se dressaient en face, perdu dans les pensées qui envahissaient ma tête après avoir jeté un bref coup d’œil au villageois debout à mes côtés. Je ne savais pas s’il comptait vraiment suivre notre avancement durant ces deux jours de délais qu’il nous avait offert mais, à un certain moment, il me faudrait bien songer à un moyen de le semer avant qu’il ne devienne un obstacle dans mon plan de fuite. Sans compter que Brethil ne viendrait certainement pas m’appuyer dans mes manœuvres… Je roulai des yeux. Ma stratégie se compliquait beaucoup plus que prévu finalement. « Je suis là! »  La voix de l’Ange résonna dans mes oreilles ainsi que le son de ses bottes qui claquaient contre le sol. « Excusez-moi, j’ai pris un peu de temps. » - « On a pas de temps à perdre justement. » Rétorquai-je aussitôt. La jeune femme baissa la tête, resserrant nerveusement son écharpe. « Vous aurez suffisamment de deux jours pour retrouver le voleur.   Intervint l’aubergiste en me toisant de son air dur. Enfin, si vous dîtes la vérité bien entendu. » Je ne répondis pas mais, au fond de moi, je fulminais. Mon hypothèse pouvait leur paraître logique comme ils le souhaitaient bien. Cependant… les faits étaient clairs pour moi : ce type quand même réussi à rester cacher durant trois jours ici, sans que personne ne remarque quoi que ce soit au point où ils crurent même qu’il avait juste disparu de la circulation, prouvant que, malgré les quelques actes étranges qu’il avait commis, je devais admettre qu’il possédait pourtant un certain… talent que nous ne pouvions pas sous-estimer.

Qui sait? Peut-être n’était-il même plus dans les parages. Il aurait très bien pu profiter de cette discussion enflammée dans l’auberge pour foutre le camp alors que ces types nous avaient toujours en ligne de mire. Si c’était effectivement le cas, ça serait bien notre veine. À vrai dire, il y avait beaucoup trop d’incertitudes, de « si » et de variables inconnus à mon goût pour me permettre de me détendre véritablement en dépit de ce que je voulais montrer. Peut-être n’avions-nous même pas fait de progrès, peut-être étions-nous même juste entrain de courir après du vent? Je me mordillai la lèvre inférieure pour m’empêcher de hurler. Serrant les poings et grinçants des dents, je pouvais ressentir cette vague de frustration qui me prenait à chaque fois que je m’apercevais que les événements me glissaient entre les mains, comme des filets d’eau, inspirant profondément pour ne rien laisser paraître sur mon visage. Et pourtant, l’Ange mystérieusement à le remarquer, s’empressant d’essayer de me rendre plus optimiste en face de la situation. « Nous allons le retrouver, ne t’en fais pas pour cela. » Puis, elle leva les yeux vers l’aubergiste. « Nous pouvons y aller. » Il hocha de la tête avant de venir me dépasser à pas de géants, nous faisant signe de le suivre. Je le rattrapai assez rapidement, marchant aux côtés de l’Ange qui jouait, inconsciemment, avec l’une de ses mèches de cheveux. À force d’avoir été en sa compagnie depuis un bout de temps, je savais que ce petit geste était en réalité un tic qui la prenait à chaque fois qu’elle était nerveuse ou angoissée. Elle semblait perdue, s’avançant au même rythme que le mien, la tête légèrement baissée. Esquissant un sourire narquois sur mes lèvres, je me penchai près de son oreille avant de lui chuchoter : « Tu devrais suivre tes propres conseils et arrêter de t’inquiéter toi-même non? Détend-toi un peu. » Elle ne répondit pas, mais la mèche qu’elle avait emprisonnée entre ses doigts fut soudainement relâchée, comme pour que j’avais tort sur toute la ligne. Je finis par lâcher un petit ricanement, avant de venir accélérer le pas, la laissant un peu en retrait.

Nous parcourûmes encore plusieurs mètres, zigzaguant entre les minuscules ruelles du village, avant que notre guide s’arrête enfin, s’approchant lentement d’une modeste demeure où, malgré le froid et la neige qui s’accumulaient tout autour, faisait pousser de magnifiques fleurs et diverses plantes qui décoraient le bâtiment de couleurs vives et chaleureuses. Ce n’était pas vraiment l’image que je m’attendais d’une maison qui avait été – selon les propos de ses résidents – violemment saccager mais, je devais l’avouer, c’était plutôt joli à regarder de l’extérieur. De son côté, Brethil laissa même un sifflement admiratif franchir ses lèvres, les yeux luisant d’émerveillement devant ces merveilles de la Nature. « C’est beau! Ne put s’empêcher de lancer l’Ange en caressant un pétale. J’ai vraiment de la misère à croire que cet endroit a vraiment été cambriolé. »  L’aubergiste acquiesça, posant sa main sur le cadre de la porte inexistante. « Lucy est une Orine vous savez, malgré sa personnalité agressive. » Pour une chose à laquelle je ne m'y attendais pas... « La Nature lui tient beaucoup à cœur et, en dépit de la température hostile de ces montagnes, elle a énormément insisté pour faire ce jardin. Sa magie l’y a grandement aidé d’ailleurs, mais ça n’a pas été facile pour elle à tous les jours. » Ajouta-t-il en souriant. Mais, lorsque le villageois baissa les yeux et découvrit la porte qui s’était faite arracher joncher à ses pieds, ses traits s’assombrirent aussitôt, faisant disparaître son sourire. « Je ne peux pas croire qu’on a pu lui faire une chose pareille! » Marmonna-t-il en serrant des dents pour enfouir les traces de sa colère. Brethil posa une main réconfortante sur son épaule, le regardant directement dans les yeux. « Ne vous en faîtes pas pour ça, nous le retrouverons.  » Le regard que l’aubergiste lui renvoya fut pourtant froid et inquiétant. « Avez-vous déjà oublié que nous vous soupçonnons? Ça pourrait très bien avoir été vous qui lui ait fait une chose pareille! » L’Ange ne trouva rien à lui redire. « C’est pas suffisant qu’on soit là pour vous essayer de vous prouver le contraire? » Sans attendre de réponse, je l’écartai brusquement de l’entrée d’un mouvement de coude, pénétrant le premier à l’intérieur. Ce ne fut pas très long avant que je finisse par tomber dans le chaos qui régnait en maître, me cognant – après quelques secondes à peine suivant mon arrivée – sur la patte d’un meuble retourné. Le salon faisait vraiment pitié à voir, avec tous ces décombres qui recouvraient le plancher fendu, noirci par des flammes qui semblaient les avoir sauvagement ravagées, dégageant une odeur familière, mais à la fois désagréable qui agressait mon nez. Des marques de griffures s’étaient dessinées sur les murs de la pièce, souvent accompagnées de filets de fumées qui s’élevaient encore dans les airs, créant une sorte de brume grise qui me piquait les yeux.

« Quelle horreur… » Chuchota l’Ange qui, m’ayant rejoint, faisait à présent voyager son regard sur l’ensemble du salon. Je ne lui répondis pas mais, intérieurement – même si je ne décrirais pas la scène en employant ses termes – avouait qu’elle avait, malgré tout, raison. Nous ignorions ce qui avait pu se passer ici mais, peu importe, ça avait été beaucoup plus violent et féroce que ce que j’imaginais. Écartant un vulgaire morceau de bois cassé du bout du pied, je parvins à dégager quelque chose qui était resté coincé en-dessous, fronçant les sourcils, étonné, lorsque je le vis enfin. C’était... « Des plumes. Lança l’aubergiste en s’avançant dans notre direction. J’en ai trouvé plusieurs qui traînent dans le coin. » Il ouvrit la paume de sa main pour nous permettre de fixer intensément la grande plume beige-grise aux extrémités d’un roux flamboyant qu’il avait ramassé un peu plus loin. Les yeux de Brethil s’agrandirent. Elle aurait voulu parler pour exprimer sa surprise, mais les mots restaient coincés en travers de sa gorge tant le choc qu’elle ressentait était énorme. J’arrivais, de mon côté, à cacher plus ou moins efficacement les émotions qui défilaient dans ma tête, affichant un regard neutre sans pour autant lâcher cette plume des yeux. J’essayais de comprendre ce que ça pouvait bien impliquer, signifier, mais mes pensées semblaient toutes se heurter contre un mur, s’entremêlant les unes dans les autres.  « … Je comprends désormais ce que Lucy et Jacob ont voulu dire. » L’homme se frottait le menton, perdu dans une incompréhension qui était à peu près semblable à la nôtre. Retournant la situation dans tous les sens, j’essayais d’y trouver une quelconque logique, un quelconque indice, qui pouvait nous éclairer, retombant inlassablement au même point de départ.  

« Que font ces plumes de faucons ici? Nous ne retrouvons pourtant pas ces oiseaux dans la région. » Brethil sursauta, piquée au vif, comme si on venait de lui asséner un choc électrique.  « C-C’est  pas possible! Je ne croyais pas les faucons aussi gros pour avoir de telles plumes! » Son raisonnement ne manquait pas de sens : la taille de ces plumes me paraissaient aussi trop grandes et ce n’était pas comme si nous voulions accuser un oiseau géant d’avoir commis ces vols, non? « Tu as raison sur ce coup-ci. Admit-il. Mais si on exclue leur taille, ça y ressemble assez fidèlement. » L’Ange en demeura bouche bée. « …Comment ça peut se faire? » Marmonna la Blonde en se mordillant la lèvre.  Je pris une grande inspiration, les idées se formant déjà dans mon esprit. J’ignorais encore où ça pouvait vraiment nous mener, mais je n’avais pas grand-chose à y perdre en tentant le coup. « Vous croyez que notre voleur est un Bélua? » Pas que je m’y connaissais vraiment sur ce peuple pour en être sûr à cent pour cent, mais deux paires d’yeux pivotèrent pourtant dans ma direction. « Vous tenez peut-être quelque chose, en effet. » Murmura le villageois, pensif. L’Ange, quant à elle, tentait de démêler les incohérences qu’il y avait avec cette théorie. « D’après ce que j’en sais, si notre voleur est effectivement un Bélua du Totem du Faucon, il se serait simplement transformé en l’oiseau et ses plumes n’auraient donc eu aucune raisons valables d’être aussi démesurées. » Brethil se rongeait à présent les ongles, nerveuse. L’aubergiste profita de son silence pour intervenir une seconde fois. « Sauf que c’est là où vous vous trompez. Il marqua une légère pause. Il existe certains Bélua qui naissent moitié-homme et moitié-animal – je le sais bien, puisque je suis moi-même un Bélua. Si notre voleur est l’un de ceux-ci, peut-être qu’il possède des ailes sous sa forme " humaine "…» - « ...Dont la grosseur des plumes dépendrait à cette taille, mais pas à celle de son Totem? » Termina avec hésitation la jeune femme. L’aubergiste hocha de la tête. « Vous avez tout compris. » - « Et ces marques quant à elles? » Demanda Brethil avec des étincelles dansant au fond de ses iris. « Je ne sais pas trop : ça pourrait aussi bien être des traces d’une quelconque arme qui a été utiliser. » Cependant, un détail semblait encore le chiffonner. Il plissa les yeux. « Sauf qu’il y a une chose qui me préoccupe… Malgré leur grande taille, ces plumes me paraissent trop petites pour convenir à des ailes d’un adulte de grandeur moyenne. » Il n’y avait que deux conclusions qui pouvaient en être tirer. « Soit notre voleur est extrêmement petit, soit ça pourrait être... un jeune enfant. » Le silence s’imposa rapidement, durant lequel l’Ange me fixa d’un air inquiet. « Tu ne crois quand même pas que le voleur que nous poursuivons est un enfant? » J’haussai des épaules tandis que le villageois prenait une expression désintéressée. « C’est une probabilité comme une autre. » Cette « probabilité » comme il le disait si bien, ne plaisait visiblement pas énormément  à la jeune femme qui, les bras croisés, revêtait à présent une expression moins déterminée qu’auparavant. Pour ma part, je n’étais pas plus surpris que ça en toute honnêteté, songeant simplement à tout ce que j’avais vécu pour comprendre d’avance que les raisons qui pouvaient pousser un enfant au vol étaient nombreuses, plus nombreuses que ce qu’elle croyait. Et enfin, gamin ou non, je doutais très fortement que ça aille une grande influence sur ce qui allait se passer après. Je n’avais qu’à regarder l’indifférence collée au visage de l’aubergiste pour savoir assez rapidement que ces gens désiraient tout bonnement que quelqu’un finisse par payer, qui qu’il soit et peu importe son âge – ils n’avaient même pas hésité à se servir de nous comme boucs émissaires non? Et la pareille allait aussi à ce gamin lorsque j’y pensais. Il n’y avait aucun moyen pour que je laisse nous échapper.

Aucun.

2 216 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Sam 09 Jan 2016, 21:53

À force de pousser parmi les décombres qui s’empilaient, nous y trouvions de plus en plus de plumes qui s’étaient faites enterrés lors de l’affrontement qu’il y avait eu, d’abord très peu nombreuses, avant que nous commencions à en découvrir des tas au sein d’explosions de couleurs beige et roux qui se situaient dans, à peu près, une grande partie de la maison. Puis, au fur et à mesure que les plumes se délogeaient des pattes de meubles et des fissures sur le bois, nous finîmes par y apercevoir une nouvelle qui, s’immisçant au travers des couleurs pâles, contrastait avec la surface de la plume, à l’horreur de Brethil qui, lâchant un cri strident, se mit à trembler, violemment, lorsque ses doigts s’agrippèrent sur la base de la plume. Elle avait considérablement pâli, ressemblant désormais à un fantôme. « Du sang. » Elle avait murmuré ce mot sans pouvoir détacher ses prunelles de ce qu’elle tenait dans la main, partagée entre le choc et l’angoisse qui se livrait bataille sur son visage de porcelaine. « Et pour en avoir, il n’y en a pas qu’un peu. » Renchérit le Bélua en pointant du bout du menton d’autres plumes qui se trouvaient dans cet état. « C'est fou à quel point votre village en attire des criminels. » Car je doutais fortement que cet enfant ait pu s'infliger ça tout seul: quelqu'un l'avait forcément attaqué et si ce n'était pas les résidents de la maison, je pariais avec une forte conviction qu'il s'agissait de l'oeuvre d'un second voleur. Ce n'était qu'une hypothèse dans tous les cas, mais si ma théorie était juste, il avait dû se barrer depuis un bon bout de temps. Les villageois n'avaient qu'à également l'accuser des dégâts: c'était certain que ça serait se qui se produirait de toute façon.

Contrairement à toutes les plumes que nous avions vues, celles-ci faisaient vraiment pitié à voir, comme si elles avaient été arrachées pour ensuite brûler à moitié. Je grimaçai, n’ajoutant pourtant rien aux mots de l’homme. S’il y avait quelques instants, nous étions encore réticents à s’appuyer sur l’hypothèse d’un combat, désormais, il n’y avait plus aucune place pour le doute. Peut-être que le voleur avait décidé d’amener des copains, peut-être qu’il était tombé sur quelque chose qu’il n’aurait pas dû : je n’en savais strictement rien. Mais, peu importait ce qu’il s’était passé dans cet endroit la nuit dernière, ce jeune Bélua ne s’en était pas sorti indemne – loin de là. D’ailleurs, l’odeur de brûlé était plutôt forte ici et le nombre de plumes ensanglantées plus important, suggérant que nous nous situions dans le point central de la bataille qui avait eu lieu.

Aussi tremblotante qu’une feuille, l’Ange s’accrochait à mon épaule comme si le sol risquait de céder sous ses pieds. Rongée par la nervosité, la peur, qui la gagnait de plus en plus à chaque fois qu’elle posait les yeux dans les environs, la femme refusait de croire à ce qu’elle apercevait devant elle, détestant toutes ces conclusions qu’elle tirait lorsqu’elle commençait à analyser la situation. C’était cruel, beaucoup trop cruel pour un enfant d’avoir eu à subir une expérience aussi sauvage et agressive que celle-ci – voleur ou non. Elle secoua la tête, dévastée par sa vision devenue soudainement pessimiste, se soutenant à la possibilité qu’il était toujours en vie – il le devait. Après tout, le sang qui avait été coulé dans cette maison ne lui paraissait pas suffisant pour avoir causé la mort mais le doute persistait, inlassablement, dans son esprit perturbé. « Il a bien été massacré. » L’aubergiste se craqua le cou, se redressant lentement de la poussière.  « Vous croyez qu’il y a une chance qu’il ait survécu? » Demanda la Blonde en employant un ton de supplication, priant tous les Aetheri pour que cette chance se révèle être vraie. Le Bélua parut hésitant, mais il finit par hausser des épaules. « Il n’y a pas de quoi s’alarmer. S’il a été assez malin pour ne pas s’aventurer trop loin d’ici, il n’y a aucune raison pour qu’il ait succombé de ses blessures. » Je croisai les bras, arquant un sourire qui ne cessait pas de s’élargir. « Donc, vous insinuez qu’il est encore là, quelque part dans le village.» Les yeux perçants de l’aubergiste croisèrent les miens. « Ce n’est pas une possibilité à écarter. Selon moi, c’est même très probable. » - « Il reste plus qu’à le trouver dans ce cas.» Nous nous rapprochions enfin de quelque chose, sentant le piège se refermer sur ce voleur. Il s’était peut-être caché, habilement dissimulé, mais ça ne saurait tarder avant que nous le retrouvions. J’en avais déjà enduré plus nécessaire de cette histoire pénible dans laquelle l’Ange m’avait embarqué, souhaitant en conclure rapidement pour partir d’ici le plus tôt possible. Cependant, la concernée ne semblait plus si emballée à aller poursuivre ce voleur, gardant la tête basse et les yeux écarquillés comme si elle tentait vainement de se sortir d’un mauvais cauchemar duquel elle ne pouvait même pas se réveiller, l’image des plumes en sang gravée au plus profond de sa tête et de ce pauvre enfant livré à lui-même dans une place aussi hostile pour lui.

« Il doit bien avoir un endroit où il aurait pu aller se cacher non? » Finis-je par demander au Bélua après avoir jeté un bref coup d’œil à l’être angélique – j’ignorais le genre de tourments envahissaient à présent ses pensées, mais j’étais si empressé d’en finir que je ne m’en préoccupai pas davantage, portant mon attention sur le villageois. Celui-ci se frottait le menton, geste qu’il faisait à chaque fois qu’il s’immergeait au cœur de ses réflexions, laissant un silence de quelques secondes s’imposer avant de reprendre la parole. « Il y a… la maison de Quentin.» Je roulai des yeux, ressentant l’impatience me gagner: qu'il aille droit au but. « Elle a été abandonné après son décès. Personne n’y a plus jamais remis les pieds par respect à son esprit dans l’au-delà. Expliqua-t-il dans de brefs détails. Elle est un peu à l’écart du reste des habitations, mais demeure facile d’accès, même pour un enfant blessé. » - « Ça nous fait un bon endroit où aller fouiller un peu. » Paraissant d’abord réticent, l’aubergiste finit par hocher lentement de la tête, approuvant finalement cette décision. « S’il y a bel et bien un voleur caché là-bas, je lui ferai regretter de s’y être aventurer par respect à un défunt… et à un ancien ami. » Son choix était désormais fait. Me retournant à nouveau vers Brethil, j’attendais sa réponse. « Alors, tu viens? » Je n’eus aucune réaction pendant un certain nombre de seconds avant qu’elle finesse par hocher de la tête, me rejoignant en trainant les pieds par terre. « J-j’arrive. » Bégaya-t-elle sans conviction. « Je vais vous y emmener dans ce cas. » Je le laissai prendre la tête de la marche dès que nous eûmes franchis le cadre de la porte, calquant mon rythme de marche à celui de l’Ange qui traînait en arrière, voulant voir si elle se lançait la première dans le vif du sujet ou si j’étais obligé de le faire à sa place.  Le bruit de nos pas qui foulaient la neige furent, pendant un bout de temps, la seule chose qui réussissait à atteindre mes oreilles, avant que son murmure, que je faillis manquer à cause du vent, s’élève enfin.

« Ça ne te fais rien que le voleur puisse être un enfant? » C’était donc ça qui la dérangeait. J’haussai des épaules, prenant un air légèrement frustré. « Et toi, ça te fais rien que ce gamin ait tenté de nous faire porter le chapeau pour ces c*nn*ries? » Brethil était aux bords des larmes. «Je m’inquiète beaucoup du sort que les villageois lui réservent quand nous l’aurons retrouvé. » - « Qu’importe, il le mérite. » Une goutte d’eau s’écoula de ses yeux bleus. Elle l’essuya d’un geste rapide, peut-être même furieux. « Et si quelqu’un lui avait forcé la main? Et s’il l’a fait parce qu’on ne lui a pas laissé le choix? » C’était assez probable que ça soit effectivement le cas, qu’il ait commis ses crimes par nécessité et que, en se rendant à la maison de Lucy, il soit tombé sur… des gens ou je ne sais quoi d’autre qui lui en avaient fait baver de toutes les couleurs, mais la colère et la lassitude que je ressentais face à notre situation m’aveuglait, m’empêchait de le voir de la même façon qu’elle. Le fait était qu’il avait voulu se servir de nous comme appât et c’était ça, ça qui m’énervait le plus dans ses actes. « Ça l’a empêché de vouloir faire de nous des boucs émissaires! Oublie-le, c’est qu’un voleur après tout.» Je n’arrivais pas vraiment à croire que je prononçais vraiment ce genre de choses, sachant que je m’abonnais également à ces pratiques pour des raisons qui ne différaient peut-être même pas des miennes, mais j’étais écœuré qu’elle puisse en parler comme s’il était la seule victime dans cette histoire. Le rendre dans les mains des villageois servirait beaucoup plus d’intérêts qu’elle y pensait, sauf que l’Ange refusait de lâcher le morceau, croyant dur comme fer que son raisonnement était bon.

« Je crois que tu le juges trop durement. » Elle me regarda avec un air s’apparentant à du défi. « Si tu crois qu’il peut mériter une seconde chance, le protégeras-tu? » Sa question me prit totalement par surprise, affichant un air hébété qui ne me ressemblait pas. Le protéger? Lui, ce sale voleur? Alors que je croyais que je laisserais un rire jaune sortir de mes lèvres, il n’en fut pourtant rien. Je plantai mon regard dans celui de l’Ange, y découvrant une étincelle farouche qui ne lui était en aucun cas familière. C’était presque… fascinant de la voir aussi déterminer à prouver que ces valeurs représentaient l’idéal, que cet enfant méritait sûrement qu’on vienne lui tendre la main pour l’aider. « Peut-être. Chuchotai-je finalement. Mais considère pas ça comme une promesse. » La jeune Ange continua à me toiser longuement. Elle ne paraissait pas particulièrement surprise, comme si elle attendait que je vienne confirmer ses exactitudes. « Ne t’en fais pas pour ça Scott. Ça finira par le devenir bientôt. » Puis elle se tut, n’ajoutant rien de plus sur le reste du trajet.

Je n’insistai même pas pour la forcer à parler, frustré par l’entêtement dont elle faisait preuve. Je ne pouvais pas être certain de ce qu’elle comptait faire réellement mais… j’avais quand même ma petite idée sur le sujet. « Nous y sommes. » Le Bélua s’était arrêté devant une grande maison sobrement décoré, aux allures d’habitation hantée par un quelconque fantôme. L’homme était visiblement mal à l’aise de se trouver en ces lieux, s’approchant en tremblant de la poignée de porte. Il déglutit avant de la tourner dans sa large paume : elle ne lui offrit aucune résistance. « Le bois est complètement pourri. Marmonna-t-il dans sa barbe. Dans ces conditions, ça m’étonne pas qu’un gamin ait pu forcer la porte. » Sur ces mots, nous pénétrâmes à sa suite dans la demeure abandonnée – qui ressemblait plus à une épave sur le bord de l’effondrement  – d’abord frappé par la noirceur qui semblait maître de l’endroit. « Regardez, il y a un peu de lumière là-bas. » La voix de Brethil me parvint, beaucoup plus proche que je l’aurais cru. Je tentai de suivre son regard, avant d’apercevoir la lueur rougeâtre-orangée briller un peu plus loin, chassant les ténèbres autour d’elle. « C’est du feu. »

Ni plus, ni moins, l’Ange piqua une course folle dans cette direction, faisant gémir le plancher sous son poids, rapidement rattraper par le villageois et moi-même qui, ne comprenant pas les raisons de son agissement, tardâmes un peu avant de partir sur ses talons. Le feu provenait du salon où le foyer, qui n’avait pas été utilisé depuis longtemps, brûlait doucement. À côté de lui, une petite forme revêtue de fourrures et d’une cape à large capuchon était recroquevillé en boule devant Brethil qui tentait de rassurer le voleur. « ...S-s'il vous plait, n-ne m'attaquer pas! J-je ne s-savais pas q-que vous é-étiez là... » - « Je ne te veux aucun mal, personne ne te fera de mal. Je m’appelle Brethil. Elle lui esquissa un sourire rassurant. « Et toi, quel est ton nom? » - « Ça suffit. » L’aubergiste s’avança vers elle à grande jambées, la poussant sans ménagement sur le côté avant de plaquer l’enfant au sol, lui retirant violement sa capuchon. Il cria – ou plutôt elle cria – avant de se débattre comme un diable en essayant de cacher son visage et d’échapper à la poigne du Bélua. L’Ange s’en offusqua aussitôt. « Arrêtez, ne lui faites pas de mal! » La petite fille pleurait à s’en déchirer l’âme, mais le villageois était insensible à ses cris. « On t’a enfin trouvé sale voleuse! » Il esquissa un rictus qui fit redoubler les pleurs de cette gamine, écartant ses petites mains du visage qu’elle tenait tant à cacher. L’homme grimaça. « Quelle face horrible que tu as là. J’ai de la chance de ne pas te ressembler. » - « Arrêtez ça, maintenant! »

La Blonde se releva à quatrième vitesse, serrant l’enfant dans ses bras dans un geste protecteur. « Chut, ne pleure pas. Nous n’allons pas le laisser te faire du mal. » Je m’avançai vers eux, jetant un coup d’œil à cette fameuse voleuse qui avait tant posé de problème et j’en fus légèrement perturbé. Cette gamine ne devait pas avoir plus de dix ans. Ses yeux, écarquillés par la terreur, ne lâchait plus ceux de l’Ange, s’y accrochant désespérément comme une bouée. Mais ce qui me surprit le plus fut ce bec qui faisait lui faisait office de nez, jaune éclatant sur son visage de porcelaine : j’ignorais encore si je devais en être choqué ou non et pourtant, l’Ange – qui était la plus sentimentale de nous deux – ne paraissait même pas s’en soucier, trop préoccupée à garder ce villageois déchaîné hors de portée de l’enfant. Je me repris immédiatement. « Brethil, lâche-la. » - « Il n’en ait pas question. » Le Bélua perdait plus rapidement patience que moi. « Vous vouliez prouver votre innocence non? Donnez-la-moi et ça serait fait. » L’emprise de la jeune femme se resserra. « Non. » Elle était beaucoup plus déterminée. Dans un geste rageur, l’aubergiste se pencha dangereusement vers elles. « Je vous ai dit de me la livrer. Maintenant. » - « Que comptez-vous lui faire, hein? »

L’homme plissa les yeux, menaçant. Je n’aimais plus du tout la tournure que prenaient les événements. « Ça ne vous regarde pas. » - « Alors je ne vous la livrerai pas. » - « Brethil, bon sang! Livre-la qu’on puisse en finir! » - « Tu ne penses pas qu’elle peut avoir une deuxième chance? Regarde-la, la pauvre! Tu m’as promis que nous l’aiderions! » Je n’en croyais pas mes oreilles. « Je ne t’ai… » - « Je le savais! Vous êtes ses complices depuis le début!  » Enragé, l’aubergiste fonça sur l’Ange, sortant un couteau de sa poche. Je réagis au quart de tour, lançant l’un de mes couteaux dans sa jambe pour le freiner et créant un cercle de feu autour de nous pour le forcer à reculer. « Là j’en ai marre de vos c*nn*ries. » J’avais les nerfs à cran, beaucoup plus que je l’aurais pensé. L’aubergiste se releva en délogeant le couteau, le repoussant au loin avant de nous lancer un regard menaçant. « Vous êtes de sales traîtres. » Je lui renvoyai un sourire suffisant. « On a jamais été vos alliés. »

Je ne m’étais jamais embarqué dans cette histoire parce que je le voulais vraiment et puisque Brethil refusait de laisser partir cette petite fille, alors tant pis, elle viendrait avec nous. Je n’avais pas envie de rester ici plus longtemps de toute façon.  « On va sortir par la fenêtre. » Murmurai-je à l’Ange sans parvenir à cacher mon exaspération et pourtant, le regard de la jeune femme brillait de gratitude. « Merci. » Je roulai des yeux, mais ne répondit pas, reculant sans briser le cercle de flammes jusqu’à ce que le dos de Brethil se cogne sur le rebord. Elle l’ouvrit, soulevant la petite gamine pour la faire passer en premier avant de la suivre. Après lui avoir fait un petit signe, l’Ange reprit la fillette dans ses bras et se mit à courir, s’éloignant rapidement. Je reportai alors mes yeux sur le Bélua qui ne bougeait toujours pas, énervé. « Vous allez le regretter. Rugit-il en se tenant la cheville, là où je l’avais blessé. Vous ne vous en sortirez pas comme ça.» Je souris.« C’est ce qu’on va voir. » Répliquai-je sur un ton de défi avant de me téléporter, abandonnant sur place un nuage de poussière nacrée.


2 706 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

Le bouc émissaire | Quête Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Quête] Bouc émissaire - Ft Mirra
» [Quête] Le bouc émissaire - feat Dante
» ~ Le bouc émissaire ~ [ Pv Vik' <3 ]
» Le bouc émissaire [PV Yami]
» Le bouc émissaire (pv Zélephant)
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Est :: Edelweiss enneigée-