Düst fixa Erza un moment, n'étant pas bien sûr de comprendre où est ce que la jeune femme voulait en venir. « Écoute, dans ma vie, il y a eu deux hommes qui ont compté pour moi : Lucain et Eerah, si on passe sur les figures paternelles qui ont tenté de m'éduquer quand mon vrai père faisait je ne sais quoi. ». Parler de Lucain était un sujet épineux. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il lui était arrivé et elle prenait son silence pour un point final très clair à leur relation. « Lucain a disparu dans les limbes. Finalement, Eerah avait raison : les Anges sont incapables de se comporter comme des hommes. Je pensais que les vertus en aurait fait des êtres droits et de principes, mais ils semblent qu'ils valent largement les Démons. ». « Et c'est pour cette raison que tu souhaites... ». « Me coupe pas ! J'y viens ! » affirma-t-elle en puisant dans sa chope de la bière. Les deux individus étaient assis l'un en face de l'autre, plongés dans une discussion étrange alors qu'Azaël dormait non loin. « Bon. Eerah compte mais lui c'est pareil. Tu fais un pas, il recule, tu recules, il avance. Si je l'assiège il va fuir à l'autre bout de Tælora s'il le faut pour éviter de se lier. Ce qui l'intéresse, c'est ce qu'il ne peut pas avoir. ». Düst sourit, amusé. « Moi qui pensait que tu étais bête comme tes pieds, voilà que je me rend compte que tu es plutôt futée. ». Erza planta le couteau qu'elle tenait entre les doigts dans la table, signifiant au Seigneur des Deux Rives qu'il pouvait commencer à couper du saucisson. Ce geste fit rire l'homme, visiblement habituée à la façon de se comporter de la jeune femme. « Bon mais t'façon, tu me l'as déjà proposé et tout le monde ici croit qu'Azaël est notre mioche. Ça ne fera que les conforter dans leur idée. En plus de ça, vu les événements actuels, un mariage serait une bonne chose non ? ». « C'est drôle, on dirait les Archimages. ». « Je ne vois pas ce qu'ils viennent faire là dedans. ». « Hé bien, tu parles comme une vieille croûtonne qui croit que le peuple sera satisfait d'un mariage royal. Excuse-moi mais le peuple s'en fout. ». « Tant mieux parce que je ne compte pas vraiment t'épouser. ». Le Roi sourit. C'était à ce moment là qu'il avait tiqué un peu plus tôt. Elle le voulait, ou non ? « Explique. ». « Je n'ai pas l'intention d'épouser qui que ce soit. Je veux simplement m'assurer qu'Eerah restera à mes côtés à jamais. Hors d'atteinte... » « … tu deviendras un trésor inestimable aux yeux de l'envieux qu'il est. Mais, ne penses-tu pas blesser Lucain en choisissant cette voie ? ». Düst savait que l'Ange était mort mais il n'avait pas du tout l'intention de l'avouer à la blonde. Cette situation l'arrangeait. Même si elle ne l'aimait pas, l'union, même fausse, serait profitable à tout le monde, lui le premier. « Bof ! S'il est si en colère que ça, il viendra se faire entendre. Sinon, qu'il continue à s'admirer dans la glace, vu à quoi servent ses parties... ». Düst ricana. Les femmes Réprouvée n'y allaient pas par quatre chemins. Un homme qui ne donnait pas un peu de son corps ne les intéressait pas. Mais dans le peuple, personne ne se « préservait » pour la femme de sa vie. L'expérience était un avantage non négligeable et beaucoup de fêtes se terminaient par des embrassades, et plus, dans les buissons. Le corps n'était pas tabou, pas plus que le sexe. L'envie seule comptait. « Tu es en colère contre lui. ». « Ouais. » avoua-t-elle. Elle avait beau lui écrire, il ne répondait pas. Elle avait donc finis par abandonner, préférant le maudire plutôt que souffrir. Il n'y avait que lorsqu'elle était ivre qu'elle se laissait, parfois, aller à du sentimentalisme. « Tant mieux pour moi dans ce cas. » finit par avouer le Roi avec un sourire mystérieux. Puis, comme si de rien n'était, il commença à trancher du saucisson. Il en aurait bien fait un tas mais à chaque fois qu'une nouvelle rondelle voyait le jour, les doigts d'Erza venait la chiper. Elle finit par mettre ses pieds sur la table, visiblement pas dérangée par le fait que ses bottes boueuses égrainaient de la terre partout sur le bois. « Bon, et si tu m'expliquais la suite ? ». « C'est simple... On se réunit comme mes parents, avec le moins de monde possible, on soudoie le maître de cérémonie et on se marie pour de faux. Il faudra se tatouer la main par contre. Et puis, bien sûr, jouer la comédie. Sorties publiques, tout ça... ». « Maison commune, lit commun... Si je te suis bien, même mes filles ne devront pas être au courant du complot. ». « Voilà. ». « Hum. Et j'y gagne quoi moi ? ». « Ah euh... ». Elle n'avait pas pensé à ça. En réalité, depuis qu'elle était revenue d'Avalon, elle avait compris comment Eerah fonctionnait. Lucain l'avait déjà totalement abandonné et elle avait peur de se retrouver seule de nouveau. C'était la seule possibilité pour elle, la seule qu'elle avait trouvé pour maintenir le Déchu à ses côtés. « Ben je ne sais pas, mais on peut discuter. ». Düst soupira. Et dire qu'il avait confié Bouton d'Or à cette femme et qu'elle deviendrait reine d'ici quelques temps, quand il aurait pris sa décision. Tapant la main d'Erza qui venait pour piquer le saucisson, il prit la tranche et la porta à sa bouche. « Je n'entend pas prendre femme si c'est pour la regarder crapahuter avec un autre... si tant est que ce soit bien ce que tu veux... crapahuter avec ce roi aux ailes noires. ». « Ben... ». Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait, en réalité. Garder Eerah lui semblait englober tout un tas de choses. Après... ce qu'elle souhaitait en particulier, ça restait à creuser. « D'accord. Donc ce n'est même pas dit que ce soit pour des raisons charnelles. De toute façon, en bon roi des Déchus qu'il est, il doit avoir beaucoup d'occupations disponibles. ». Il sourit. « Donc je suppose qu'il y a un fondement émotif. ». Il se coupa une nouvelle tranche. « Avec le mariage Réprouvé, tu aurais l'occasion pourtant de me mettre la corde au cou. Ce serait réciproque, bien sûr, mais ce que tu cherches à obtenir, l'attention, la garantie que l'autre jamais ne partira, tout ceci serait à toi. ». Son regard vint rencontrer le sien. « Je pense être un bon parti et je détesterai mentir à mon peuple. J'ai donc un marché à te proposer. ». Il rit brièvement. Il était certain qu'elle accepterait, tout simplement parce qu'un défi ne pouvait être refusé par elle. Il la connaissait, il l'avait suffisamment observé. « J'accepte de faire un faux mariage. On fera la publicité de celui-ci de façon à ce que toutes les Terres le sachent si c'est nécessaire, jusqu'aux oreilles de ton roi, jusqu'aux oreilles de Lucain même. Cependant, tu devras te comporter comme une femme mariée, mariée et amoureuse. Je ne plaisante pas. Tu ignores les effets de cette cérémonie. Je viendrais m'installer ici aussi souvent que je le pourrai et tu devras également venir à Stenfek et à Sceptelinôst pour me voir. Toutes les festivités, nous devrons nous y rendre ensembles également. ». « Jusque là ça va. » fit-elle. « Par contre, je n'aimerai pas que l'on me pense faible... au point que ma femme aille batifoler à droite à gauche. Un seul écart de ta part et tu devras m'épouser pour de bon. Je ne mettrais pas mon honneur en jeu pour satisfaire tes lubies de femme en manque d'affection. ». Pour qui la prenait-il ? Une débile qui ne savait pas faire dans la discrétion ? « Ouais ça va. ». Düst la fixa. Elle n'avait pas l'air de bien saisir la situation. « Aucune coucherie, avec aucun Réprouvé et aucun homme de passage sur nos terres. Et si tu décides d'aller voir ailleurs, je le redis mais... je ne veux pas être au courant. ». Il avait un réseau d'espionnage efficace. « A partir du moment où je le suis, tu perds. ». « Je ne perds jamais. » souffla-t-elle. Elle s'était bien retenue depuis tout ce temps pour ce crétin de Lucain, alors elle pourrait se retenir pour ne pas perdre contre Düst. Pour qui se prenait-il à la fin ? En tout cas, sa réplique eut le don de faire sourire l'homme qui semblait tout à coup inexplicablement heureux. « Bien sûr, avec moi ça ne compte pas. ». « Ouais ben je préfère mourir plutôt que de coucher avec toi. ». Il leva les yeux au ciel, sachant très bien qu'il était loin d'être déplaisant à regarder. Elle préférerait plutôt mourir que d'avouer qu'elle aurait volontiers accepté si les choses s'y étaient prêtées. « Ça tombe bien, moi aussi. » fit-il en finissant le saucisson.

Düst se leva. Il était grand, musclé, mais ce n'était pas la caractéristique qui le décrivait le mieux. Non. Il était intelligent, de ce genre d'homme de stratégie qui, pourtant, n'avait pas grand chose à envier aux guerriers. Il n'aimait pas spécialement se battre mais il n'avait rien contre une joute entre hommes... ou avec une femme. Mais il n'avait pas l'intention de se battre contre Erza sur ce terrain là car sa force était destructrice. Contre elle, il utilisait la magie, simple et efficace. Elle lui permettait de la toucher avant même qu'elle n'approche. « Je vais préparer ça. » dit-il en parlant de la cérémonie. « Cependant, avant de la célébrer, j'aimerai que tu montes sur le trône à mes côtés. Cet ordre là me convient davantage. ». La Réprouvée le fixa un moment. Cela faisait longtemps qu'il lui laissait miroiter la possibilité de devenir reine sans qu'il ne lui en parle plus en détails. « Que dois-je faire ? ». « Pour l'instant rien. Tu continues de gérer Bouton d'Or comme je te l'ai demandé. Les hommes de l'armée semblent plus ouvert au fait d'y inclure des femmes... si elles prouvent leur valeur. Mais je ne sais pas si tu as gagné le cœur des agriculteurs. ». « Tu voudrais que j'aille travailler dans les champs ? ». « Oui. Un Roi n'est un Roi que s'il connaît ses sujets. De toute façon, quand je te jugerai prête, je viendrais te chercher. Tu as encore des efforts à faire ici. ». Il lui tourna le dos, remettant sa chemise d'un geste nonchalant. « Des fois que les femmes te sautent dessus dès que tu seras sorti... » fit-elle, moqueuse. « Tu serais étonnée. » renchérit-il. « Tu devrais en profiter, mon cœur, quand nous serons mariés, ce sera finis tout ça. ». Elle ricana, finissant sa choppe de bière. Düst sortit. Si elle pensait qu'il avait encore l'âge de séduire n'importe qui...

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