Conrad ne tenait presque plus sur ses jambes. Avançant avec difficulté, sa puissance l'avait quitté au moment où il avait défait l'Archimage Sirigon, ce traître qui n'était autre qu'un Sorcier caché dans le gouvernement Magicien. L'homme s'arrêta, attrapant le médaillon qu'il avait autour du cou. Il ressemblait à un clochard mais le bijoux semblait avoir une grande valeur. Une clef y était accrochée, la tête représentant une sorte d'oiseau. Ce n'était pas n'importe quel oiseau, c'était un Okae, symbole de la Justice. Pourtant, il ne pouvait plus se présenter devant sa Déesse ainsi. Sa faiblesse faisait peur. Il avait tout perdu, d'un seul coup, toute sa force, toute sa prestance. Il ne pouvait pas non plus faire face à sa Reine, pas dans cet état. Il avait juré de la soutenir, de lui prêter assistance et n'avait pas l'intention d'être un poids pour elle. Il devait retrouver des forces avant de croiser son regard de nouveau. Conrad maudissait Drejtësi intérieurement. Cela faisait des siècles qu'elle l'avait préparé à ce jour, celui où il tuerait Sirigon pour l'honneur de sa Reine, mais elle avait omis de lui signaler qu'il perdrait sa magie et que son corps deviendrait si fragile. Il avait gardé une certaine carrure mais ses muscles n'étaient plus que formes vides. Il avait également tenu son nom secret durant des siècles, pour elle, parce que, un jour, lorsqu'il était petit, elle lui était apparue et avait exigé cela de lui. Il soupira. Ils étaient pourtant de la même famille, lui Conrad Caïn Taiji, père d'Adam Taiji, lui-même père de la maudite Déesse. Mais tout ceci, il ne devrait jamais l'avouer. Il devait être juste Cocain, un ancien Archimage qui avait préféré l'ermitage en voyant la corruption du conseil. Juste Cocain, un vagabond sans histoire qui se présentait à présent devant ce bâtiment, école des Corvus Aeris. L'homme était très vieux, il avait eu le temps d'étudier toutes les possibilités qui s'offraient à lui pour acquérir puissance et pouvoir. Mais plus que tout, il avait besoin d'être entouré, il avait besoin de se défouler, il avait besoin d'autres choses, quelque chose que les Corbeaux pourraient lui donner. Rangeant le pendentif, il s'avança, boitant légèrement. Il faisait peine à voir mais dans ses yeux brillaient une flamme étrange, celle de la persévérance. Il n'abandonnerait pas. « Hola l'ami. » claironna une voix au son sympathique non loin des oreilles de Cocain. L'homme tourna son regard vers l'individu qui l'avait hélé, découvrant un homme étrange. Le Magicien ne jugeait guère sur les apparences mais il ne put s'empêcher un petit mouvement de recul face au physique atypique de son interlocuteur. Était-ce un Bélua difforme comme il en avait déjà vu par le passé, de ceux qui étaient qualifiés de monstres ? C'était étrange car malgré quelques particularité, il semblait avoir sauvegardé une bonne partie d'anatomie humaine. « C'est drôle, on a souvent cette réaction devant moi. » s'amusa-t-il. « Mais que fais-tu là ? ». Le Magicien prit appui sur son bâton, essayant de garder contenance. « Je veux faire partie de la guilde. ». « Pourquoi ? » répondit l'autre du tac au tac. « C'est assez... » « … compliqué ? Beaucoup disent ça aussi. Mais j'ai tout mon temps. ». Cocain soupira avant de sourire. « Il y a deux femmes. ». « Aaah les femmes ! ». « Non pas de ce genre là. L'une est une Déesse, l'autre une Reine. J'étais puissant il y a peu. J'ai mis des siècles à travailler mon corps, à instruire mon esprit, à perfectionner ma magie et mon agilité. Mais j'ai tout perdu. ». Il marqua une pause. « Je ne vais pas mentir. Je suis ici avant tout pour moi, pour retrouver ce que j'ai perdu. Mais je pense pouvoir vous être utile. J'adhère à l'esprit des Corvus Aeris. Je me suis renseigné maintes fois à votre sujet. Je suis fidèle et travailler en équipe ne m'effraie pas. ». Après tout, il avait été Archimage et travailler de concert avec une bande de papys séniles ou manipulateurs selon le cas n'était pas facile tous les jours. « J'ai assez de place dans mon cœur pour y loger ma Reine, ma Déesse et mes Compagnons. ». Sohee sourit avant de ricaner et de répéter : « Ah les femmes ! Je crois bien qu'elles nous perdront, qu'elles soient Déesses, Reines ou roturières. ». Il lui fit un geste de la main pour lui indiquer de le suivre. « J'entends bien. Mais pour prouver ta valeur, tu vas devoir réussir un test, une sorte de rituel d'entrée si tu préfère. ». « J'y suis habitué. ». « Tu vois ce mur là ? ». Cocain acquiesça, voyant un énorme mur monter si haut qu'il n'était même pas sûr d'en voir le bout. C'était une construction magique, cela ne faisait aucun doute. « Atteins le sommet. » lâcha-t-il comme une plaisanterie. Pourtant, il était sérieux. Le Magicien ne tenait déjà pas vraiment sur ses pieds... Mais Cocain se dirigea vers la construction, posant son bâton contre la paroi. Il y avait des prises. Elles étaient rares mais il y en avait. Il commença et, pendant des heures, une sorte de va et vient maudit s'enchaîna. A chaque fois qu'il réussissait à se hisser de quelques mètres, l'homme retombait toujours plus bas. Il n'arrivait pas à garder une prie, ses forces le quittant de plus en plus. Pourtant, il essayait, encore et encore. Il pensait à Edwina, à ses yeux, à ce qu'elle devait ressentir après la chute de la plupart de ses Archimages. La Reine devait reformer un conseil et lui ne pouvait être là pour l'y aider. Il pensait à Drejtësi, à l'énigme qu'elle lui avait imposé. Pourquoi le rendre faible ? L'avait-elle voulu ? Il n'avait jamais passé les épreuves de son temple, c'était la vérité, mais elle l'avait appelé et il avait répondu à cet appel. Alors, l'avait-elle laissé tomber ? Avait-il commis une faute ? Cocain serrait les dents, continuant encore et encore jusqu'à s'arracher la peau des mains. « Bien, ça suffit. J'ai vu ce que je voulais voir. Tu veux être chasseur n'est ce pas ? J'ai postulé ce fait mais tu ne m'as rien dit, même pas ton prénom. ». « C'est ça. » fit le Magicien à bout de souffle. « Pour mon prénom... c'est un peu compliqué. On m'appellera Cocain. ». « Encore une histoire de femmes je présume... ».

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