Consigne : Les Faes en passe de devenir Selkie sont plus malicieuses que jamais, aussi commencent-elles à deviner les secrets des êtres qui les entourent. Bien souvent, c'est à ce moment précis qu'elles prennent possession d'un endroit afin de tester les individus qui s'y rendent. Perdue dans le froid de la montagne, Thalie prendra possession d'un souterrain menant à un monument religieux en l'honneur d'une déesse oubliée. Là, son côté malicieux s'éveillera. Cependant, puisque son jardin a été détruit, ce côté sera bien plus maléfique qu'il n'aurait dû l'être en temps normal. La Fae se fera un plaisir de torturer les individus passant dans les souterrains, surtout ceux ne semblant pas apprécier la nature. Elle en viendra même à tuer un homme, un Démon sans aucun respect ni pour la nature, ni pour le lieu. Étrangement, une fois ce meurtre accompli, un poids s'enlèvera des épaules de la Fae. Est-ce le hasard qui a mis l'homme responsable du carnage de son jardin sur sa route, ou est-ce un remerciement divin ? Elle n'en saura rien mais une chose est sûre : même après que sa vengeance ait été accomplie, Thalie gardera le même état d'esprit.

Thalie marchait dans la neige. Ce paysage glacé était devenu son quotidien. D'un côté, elle l'aimait plus que tout, de l'autre elle ne pouvait s'empêcher de la détester un peu. Ses sentiments étaient mitigés, tout comme son cœur l'était. L'on avait détruit son jardin il y avait de cela un temps qu'elle jugeait être une éternité et, depuis, elle errait sans le moindre objectif. Elle n'avait pas vu l'homme ou la femme qui avait saccagé sa vie, Edgar non plus. Le simple fait de ne pas pouvoir l'identifier rendait sa vengeance délicate. La Fae souffrait, dans sa chair, dans son esprit. Avait-elle été une mauvaise personne pour mériter un tel châtiment ?

Depuis, sa vision des choses avait changé. Elle n'était plus la jeune Fae pétillante des débuts. Naïve, comment pouvait-elle continuer à l'être après ce qu'elle avait enduré ? Elle savait à présent ce qu'était le monde : un territoire peuplé d'êtres sans aucun respect pour la nature. Ils étaient tous maléfiques, ceux qu'elle avait considéré jadis comme étant des grandes personnes. Grande par la silhouette, petite par le cœur. Thalie s'était donc jurée d'exterminer ceux qui abuseraient de la nature devant ses yeux. Elle ne pouvait pas les laisser faire. Fae, elle était née pour protéger la création de Phoebe et c'est ce qu'elle s'emploierait à faire. Son jardin avait pâti de la cruauté de ces terres mais combien étaient-elles de Faes à avoir subi le même sort ? Être privée des fleurs desquelles les Faes devait prendre soin était un crime monstrueux. Les autres créatures ne devaient pas comprendre et sans doute ne faisaient-elles aucun effort dans ce sens.

Thalie vivait mal depuis qu'elle avait trouvé refuge dans la montagne. Parfois elle s'arrêtait dans une auberge où elle mangeait gratuitement, acceptant de faire du ménage ou le repas des autres clients. Elle le faisait à contre cœur mais, malheureusement, dans une zone aussi peu fertile que celle-ci, elle ne pouvait pas se nourrir de baies et des fruits et légumes du potager. Elle était obligée de faire autrement, même si ça lui déplaisait. L'absence de nature, ou plutôt, l'absence de nature non endormie, la rendait triste et c'était là l'un des désavantages de l'endroit. Mais, d'un autre côté, le calme apaisait ses tourments et le peu d'individus qui passaient dans le coin avaient moins de chance de la croiser qu'ailleurs. La solitude la rongeait mais peut-être évitait-elle la population pour ne pas avoir à l'éliminer ?

La période chaotique ne l'avait pas dérangé. Elle n'était rien face au gel qui semblait avoir pris possession de son esprit. Le mal la tentait petit à petit, pas le mal destructeur et aveugle, mais celui qui était le bras armé de la vengeance. Finalement, que le monde souffre ne lui importait pas. Ce n'était que le reflet de son propre état et, curieusement, puisqu'elle souffrait, personne ne l'avait dérangé, pas même les Masques d'Or. Les tremblements avaient secoué sa silhouette mais elle n'avait cessé d'avancer, comme piégée dans son propre dédale émotionnel, trop triste pour s'apercevoir de l'état du monde et des risques qu'elle encourait. Après tout, elle était coupable. Parce qu'elle n'avait pas mieux surveiller son jardin, un individu l'avait massacré.

Sortant de ses pensées, la Fae aperçut une sorte de porte, creusée à même le flanc de la montagne. La chose était discrète, du moins, suffisamment pour qu'elle ne la remarque pas plus tôt. Le passage semblait assez étroit mais la jeune femme s'aperçut bien vite qu'il n'en était rien. Entrant à l'intérieur, elle contempla les murs sur lesquels des lierres couraient. De la végétation ici lui paraissait chose étrange. Hormis les sapins, elle n'avait rien vu de bien fantastique. Peut-être que si elle continuait, elle trouverait un véritable trésor de verdure ?

La Fae longea les parois qui commençaient à devenir de plus en plus sombre. Pourtant, même une fois bien insérée dans les couloirs, il y demeurait une faible lueur. L'endroit semblait imprégné d'une étrange magie et des petites fleurs se mêlaient aux lierres. Thalie pouvait entendre leurs voix, mais elle les ignorait parce qu'elle avait peur qu'elle lui reproche la destruction de son jardin. Les fleurs, peinées, n'insistaient pas, laissant pourtant planer un silence apaisant. Un peu plus loin, Thalie découvrit des paniers remplis de victuailles. Elle ignorait si cela était des offrandes ou bien si cette nourriture était pour elle. L'endroit lui semblait bien mystique pour que des choses normales s'y produisent. Elle n'aurait su l'expliquer véritablement. Cette nourriture, sortie de nulle part dans un moment où elle en avait besoin... Peut-être pourrait-elle rester ici après tout ?

C'est ce que Thalie fit. La Fae n'avait pas besoin d'un grand espace, ni de beaucoup de nourriture. Il lui suffisait de changer de taille pour ne rien gâcher. Puis, pour dormir, elle grimpait au lierre et se plaçait dans une fleur, à l'abri des pétales. Cependant, il apparut bien vite que la jeune femme ne resterait pas seule bien longtemps. Le souterrain recevait de temps en temps des visites. Thalie observait donc les individus passer, n'ayant au début aucune idée bien précise en tête. Néanmoins, bien vite, elle souhaita leur faire des farces. Elle commença donc par de petites choses sans importances afin d'embêter les passants, prenant un plaisir étrange à les voir avancer dans des toiles d'araignées ou se faire chatouiller pour les feuilles de lierre. Cela dit, bien vite, elle s'aperçut que ceux qui venaient faisaient partie de deux catégories : les respectueux et les irrespectueux.

Les respectueux rentraient dans le souterrain en silence, apportant des offrandes en nourriture et en argent. Thalie ignorait quelle déesse était celle de cet endroit mais il lui semblait qu'elle n'était pas totalement oubliée, malgré l'ancienneté du lieu. Ces gens ne connaissaient pas beaucoup de tourment de la part de la Fae. Elle les observait plutôt avec curiosité. Parfois ils amenaient des fleurs qui restaient belles des jours durant. Elle aimait les individus proches de la nature et qui en prenaient soin.

Les irrespectueux, au contraire, semblaient trouver l'endroit par hasard. Certains cherchaient des inscriptions au milieu du lierre, quitte à le détruire en partie. Ceux là ne recevaient aucune pitié de la part de Thalie qui les chassait en utilisant ses pouvoirs. D'autres mangeaient les offrandes et en prenaient avec eux avant de partir. Ils suivaient le même traitement. Dès que ces gens touchaient au lieu, la Fae faisait en sorte de les convaincre de le quitter. Peut-être se sentait-elle puissante en infligeant ce genre de traitements aux individus mais, finalement, c'était dans l'ordre des choses : la malice des Faes n'était plus à démontrer. Il fallait se méfier, qu'elles soient bénéfiques ou maléfiques. Cette malice, Thalie y prenait goût. Elle avait remarqué quelque chose aussi : les secrets des individus semblaient se révéler à elle lorsqu'elle se concentrait.

Les agissements de la Fae lui faisaient légèrement oublier son mal être. Cela ne durait pas longtemps, quelques minutes par jour en moyenne, mais cela suffisait, l'espace d'un instant, à lui faire ressentir autre chose que de la tristesse et de la haine. Quand les irrespectueux entraient, alors elle déchargeait son désir de tuer dans sa magie. Parfois, elle les blessait véritablement, les faisant chuter sur le sol grâce au lierre par exemple. Cela ne la gênait pas. Elle pensait qu'elle était dans son droit. Ils le méritaient pour avoir osé s'en prendre à la nature ou aux offrandes qui reposaient dans ce lieu. Pourtant, jamais elle ne les assassinait. Certains cherchaient d'où venait leur mauvais sort mais elle était si petite qu'il était impossible de la trouver. Dans le doute, ils préféraient fuir, se disant que l'entité du lieu en avait après eux.

Seulement, un jour, un homme entra. Il empestait le mal et réveilla Thalie de son rire bref et caverneux. Il était seul et, pourtant, semblait ravi d'avoir trouvé ce qu'il cherchait. La Fae l'observa. Il avait une démarche lourde et bien que non armé, avait une prestance qui le rendait totalement terrifiant. La jeune femme ne le sentait pas. Ses sens étaient en alerte et, pour la première fois, elle fut sensible à l'appel des fleurs qu'elle ignorait depuis qu'elle avait perdu son jardin. Ces dernières avaient peur, comme si un voile sombre s'était abattus sur elles tout à coup. Thalie ne bougeait pas, observant l'homme qui entrait de plus en plus.

Une fois arrivé devant l'autel, il envoya les offrandes s'écraser contre le mur à coups de pied. Il semblait là pour tout saccager, bien plus que ceux qui s'étaient présentés avant lui. Thalie ne pouvait le laisser faire.

« Ton secret sera mien ! »

L'homme venait de parler à haute voix, sans doute à l'intention de l'endroit. Y avait-il un secret ici ? Sans doute, sinon la Fae n'aurait pas cherché à protéger le souterrain. Le secret devait résider dans la divinité à qui il était dédié. Rien ici ne le laissait deviner et pourtant, chaque jour des hommes venaient porter des offrandes à un dieu hypothétique. Peut-être était-ce un sanctuaire, celui de tous les divins ?

Le temps que Thalie se questionne, l'homme avait fait apparaître une boule de feu, maintenue dans la paume de sa main. La jeune femme revit l'espace d'un instant son jardin calciné, en cendres. Elle ne fit pas le lien mais cela la rendit totalement furieuse. D'un geste, elle prit possession du lierre environnant, le forçant à se tordre pour qu'il ait l'air plus vivant que jamais. Elle savait quoi faire et sans réfléchir elle le passa autour du coup de l'invité indésirable. Elle leva les doigts, ordonnant au lierre de monter au plafond avec l'être maléfique. Il se débattit, lança sa boule de feu mais rien n'y fit. Les branchages étaient trop solides et, bientôt, il mourut étranglé.

Thalie sauta de sa branche, arrivant par terre en reprenant une forme humaine. Là, elle s'avança, fixant son adversaire déchu d'un regard étrange. Elle relâcha son contrôle sur le lierre qui s'abattit par terre avec le cadavre. La Fae s'accroupit, libérant les branchages du cou de l'individu avant de le repositionner contre le mur. Il était mort, même s'il conservait les yeux ouverts. Cette mort fut un véritable soulagement pour la jeune femme. Elle n'aurait su l'expliquer mais c'était comme si le poids qu'elle portait sur ses épaules venaient de disparaître à jamais. Elle ne pouvait savoir qu'il s'agissait en réalité du démon qui avait calciné son jardin quelques temps plus tôt. Comment aurait-elle pu deviner, elle qui n'avait plus d'ailes ? Le hasard faisait bien les choses... ou était-ce plutôt le destin ? Elle n'en saurait rien.

La Fae resta dans le souterrain quelques temps jusqu'à ce que le cadavre empeste le lieu. Les individus qui y venaient habituellement n'osaient pas le toucher. Aussi, elle décida de partir, l'esprit plus léger. Pourtant, son avis n'avait pas changé : ceux qui s'en prenaient à la nature méritaient de périr et elle veillerait à appliquer son idéologie.