Asgeïr se réveilla en sursaut, trempé de sueur. Par reflexe, il jeta un œil directement sur ses mains. Celles-ci étaient tout ce qu’il y a de plus normal. Pas de fourrure à l’horizon.  
Il laissa doucement sa tête retomber sur le lit, soulagé. Il se tourna vers sa sœur qui semblait s’éveiller doucement. La luminosité semblait encore assez faible dehors, la matinée devait être à peine entamée. Il attendit patiemment qu’Erïna se réveille en réfléchissant à ce qu’elle lui avait dit la veille. Il était sans doute plus sage de la laisser parler tout à l’heure, il en était convaincu. Cependant, il allait être bien plus difficile de se tenir à carreau une fois devant lui.
Tandis que la cadette se préparait et prévenait Hilde qu’ils allaient faire un tour au marché, le jeune homme passait lentement ses doigts sur son visage pour y réaliser les quatre marques rouges qu’il portait la plupart du temps. Lorsqu’ils fermèrent la porte de la maison derrière eux, Helda n’était toujours pas levé. Elle ne les avait toujours pas revus depuis leur retour la veille.

Alors que Baïka lui faisait la fête, Asgeïr s’empressa de jouer quelques instants avec elle. Hélas, il préférait la laisser ici le temps qu’ils règlent leurs comptes. Erïna, qui marchait devant lui, semblait déterminée.

« Tu es vraiment sur que je n’ai pas le droit de lui parler ? »

Pour toute réponse, cette dernière lui lança un regard sévère, ce qui eut pour effet d’arracher un long soupire à l’ainé. Lui aussi voulait s’amuser sur le pauvre bougre qui avait osé leur tendre un tel piège.

« Pense au moins à lui demander pourquoi il a fait ça, j’aimerais bien savoir pourquoi il nous a foutu dans cette galère »

Même réponse, décidément. Soit elle était vraiment de mauvais poil, soit elle prenait un malin plaisir à le taquiner de bon matin.

II essayait de tourner autour d’elle pour tenter d’apercevoir un sourire en coin lorsqu’ils arrivèrent prêt des premières échoppes. A cette heure, les clients étaient moins nombreux que la dernière fois, et chacun des vendeurs présents étaient à l’affut de la première cible à harponner. Ceux-ci tentaient d’appâter les deux Fjordson vers leurs étalages, mais Asgeïr ne daignait même pas leurs jeter un regard. Lorsqu’il aperçut enfin leur homme, il tapota doucement la tête de sa sœur en lui montrant du doigt l’échoppe qui les intéressait. Elle accéléra brutalement le pas dans la bonne direction. A quelques mètres de l’étale, le visage du marchand blêmit un instant, avant de se reprendre en affichant un grand sourire.

« Vous revoilà mes amis ! Vous n’avez pas été long, de vrai professionnel ! »

Il était vraiment bon comédien, ça, impossible de le nier. Seulement ce détail agaçait encore plus le jeune loup. Erïna aussi d’ailleurs ne semblait pas réellement apprécier. Elle commença sur le champ une joute verbale avec l’intéressé dans laquelle elle ne semblait pas vouloir l’épargner. A chaque fois qu’il se défilait doucement, celle-ci haussait le ton, attirant l’attention de tous les marchands aux alentours. La situation provoquait chez son ainé un rire nerveux. Il n’aimait pas vraiment que l’attention soit portée sur eux, et les réponses stupides que bafouillait leur interlocuteur ne cessaient de l’agacer. Plus il ouvrait la bouche, plus Asgeïr se sentait hargneux contre lui. La seule envie qui l’occupait maintenant était de pousser sa sœur sur le coté et de sauter sur lui. La haine qu’il ressentait pour ce vaurien grimpa encore tandis qu’il voyait la sueur perler le long de son front et de ses tempes. Cet homme était tout ce qu’il y a de plus pitoyable.

Lorsque sa sœur laissa bruyamment tomber la tête du monstre sur l’échoppe, le jeune loup laissa échapper un petit rire railleur, dévoilant ses canines qui avaient doublé de longueur maintenant, dû au dégout que lui inspirait le marchand. Il passa la suite des négociations à tenter de rester calme, malgré la furieuse envie qu’il avait de laisser son totem prendre le dessus.

Au final, l’homme céda une récompense plus importante après négociations, ce qui ravi la cadette. Celle-ci lui tendit la main pour conclure et le saluer, elle affichait un sourire narquois, savourant sa victoire. Puis elle tourna fièrement les talons en faisant signe à son frère de la suivre. Cependant ce dernier s’empressa de tendre la main à son tour pour saluer le marchand. Celui-ci lui tendit d’un air timide.

« Au plaisir de faire affaires avec vous »

Sans prévenir, Asgeïr profita de leur poignée de main pour écraser durement son autre poing sur le visage du marchand, qui tomba en arrière, l’air hagard. Profitant de ce moment de faiblesse de sa part, le jeune homme lui lança un regard noir avant de tourner les talons à son tour pour rejoindre sa sœur. En arrivant à ses cotés, il ne pût s’empêcher de lâcher un profond soupire de soulagement

« Tu vois, je t’ai écouté. Je ne lui ai pas adressé un seul mot, comme prévue. »

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