Finissant par être fatiguée de supporter le poids du sac, j’écoutais le conseil de l’ondine et  je me décidais à mon tour à le lâcher dans le gouffre abyssal dans lequel nous nous trouvions. Je l’observais lentement s’écouler, éparpillant lentement les biens qu’il contenait. « Ca fait du bien » pensais-je en portant ma main sur mon épaule et en exerçant de petits mouvements circulaires.
L’obscurité à un tel niveau de profondeur nous empêchait de voir devant nous, si bien que je me sentais à l’aise uniquement lorsque mes mains entraient en contact avec la paroi du gouffre. Je décidais donc de maintenir un contact physique permanent avec ce dernier.
Depuis l’assaut des humains, tous les évènements s’étaient déroulés avec une rapidité déconcertante, je n’avais pas réalisé que Crapule n’était plus avec moi, mais je demeurais certaine qu’elle m’avait quitté avant l’attaque. J’espérais secrètement qu’elle m’attendait sur la plage à l’endroit où nous avions laissé nos affaires le matin même. L’inquiétude me gagnait progressivement lorsque je sentis une main s’accaparer mon bras et m’inciter à remonter du gouffre. Je suivais silencieusement le mouvement, me doutant que cela ne pouvait être que Nalvyna. A mesure que nous regagnions la surface, la luminosité nous dérangeait. Arrivée à quelques mètres de la naissance des vagues, je me défaisais de l’emprise de la sirène afin de me frotter énergiquement les yeux : « Bon sang, quel changement ! » grommelais-je intérieurement en renouvelant mes frottements. Clignant des yeux de façon hésitante, je tentais de m’accommoder à la lumière. J’observais Nalvyna en premier, qui ne semblait pas souffrir autant de la lumière, ou alors elle cachait bien son jeu. J’optais silencieusement pour la seconde hypothèse, toutes ses attitudes de la journée me portaient à confirmer l’idée qu’elle ne désirait pas montrer la moindre faiblesse que ce soit à ses amis qu’à ses ennemis. Elle scrutait l’horizon d’un air mélancolique, je faisais de même, essayant de partager cet instant de contemplation. Puis la demoiselle subissait à nouveau une montée de rage qu’elle tentait de me communiquer le plus calmement possible. S’exprimant à propos des « bipèdes » comme elle disait, elle me répéta encore à tel point elle aimerait assainir les océans de toutes ces « vermines ». Je ne cautionnais pas ses propos, mais je ne dis rien, après tout chaque individu a le droit de penser ce qu’il veut. Par ailleurs, cela était trop facile d’émettre un jugement sur ses dires alors que nous étions loin d’avoir vécu la même chose, ce sont nos expériences qui nous forgent, alors il était légitime qu’elle en veuille aux « autres » pour ce qu’elle avait subit.

« Files, je ne voudrais pas que ta plaie te fasse souffir plus longtemps », je lui décrochais un sourire franc avant d’ajouter : « Je viendrai te voir, mais pas pour chasser des bipèdes, tu te doutes bien ! ».

J’avais envie de rire, mais je me contenais, jugeant que la situation était tout sauf amusante. Je lui fis signe de la main, puis elle s’éloigna de moi. A mon tour, je me dirigeais vers la plage afin de récupérer mes affaires et rentrer chez moi.
J’appréciais le contact du sable chaud sous mes pieds refroidis par notre escapade dans la crevasse.

« Ce n'est pas trop tôt ! » grommelait Crapule en virevoltant vers moi. « Je me suis inquiétée ! Tu étais à côté de moi, je farfouillais quelque chose dans mon coin, puis tu n’étais plus là ». La Rugia me regardait d’un air réprobateur .

« Désolée, je n’ai pas fais attention je l'admet » déclarais-je, décidant d’ignorer son ton agacé. « Allez, pour me faire pardonner je porte ton petit sac jusqu’à la maison ».

Je saisi l’ensemble de nos biens et les balança sur mon dos en chantonnant.

« Ce fût une journée éprouvante, mais pas si mal que cela » confiais-je à mon amie en chemin.

Le soleil commençait doucement à tomber, nous allions rentrer pile à l’heure pour le souper. J’accélérais le pas, désireuse de mettre la main à la patte avant que mon père ait tout préparé.

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